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Archives par auteur : JF

JÉSUS

Posté le 15 juin 2023 Par JF Publié dans Religion Laisser un commentaire
Robert Joly

Deuxième partie

Le fils de Marie et de Joseph

La première partie de ce texte a été publiée sous le titre : « Jésus a bel et bien existé » dans notre newsletter précédente ; on y trouve également l’introduction à l’ensemble du texte de la conférence Robert Joly et une courte présentation de Robert Joly par Patrice Dartevelle. La troisième partie sera publiée dans le prochain numéro sous le titre : « L’annonceur annoncé ».

Jésus est un homme

Maintenant, je veux insister tout de même sur ce fait : pourquoi est-on sûr que Jésus a existé ? Je ne vous donne pas toutes les raisons, loin de là, mais je vous en donne quelques-unes. Deux au moins qui sont frappantes.

Si Jésus n’a pas existé, il a bien fallu l’inventer, ce serait donc un mythe, mais c’est un mythe alors qui n’a pu être inventé qu’au début, au plus tôt, au début du deuxième siècle, certains ont même dit vers 150 et alors, ce serait le contraire de ce que je vous dis. Moi, je vous dis que Jésus, c’est un homme dont on a fait un Dieu.

Mais ceux qui croient que Jésus est purement un mythe, ils croient que c’est un Dieu mythique dont on a fait un homme à qui on a donné une biographie. Oui, mais alors se pose la question : Pourquoi est-ce qu’on aurait imaginé que cet homme était juif et encore, même pas de Jérusalem, mais de Galilée, c’est-à-dire le pays le plus reculé chez les juifs ? Eh bien, on ne trouve pas de réponse à ça parce que, au deuxième siècle, le divorce entre juifs et chrétiens est total. C’est la guerre ouverte. Des chrétiens qui ont inventé une biographie de Jésus ne l’auraient sûrement pas fait juif ; si Jésus est juif, c’est parce que c’est authentique. Voilà la première des raisons, la première chose à laquelle on n’a jamais répondu, mais le principal n’est pas là.

« Il a perdu la tête »

Le faisceau d’arguments essentiel, c’est celui-ci. Il y a dans les Évangiles des affirmations sur Jésus qu’on n’aurait jamais inventées au deuxième siècle. Pourquoi ? Mais parce qu’elles choquent, parce qu’elles ne sont pas à la hauteur du personnage qu’on se figure au deuxième siècle ; mais elles ont tout de même été véhiculées, elles sont là et on les respecte parce que ce qui est traditionnel est respecté et puis, à la façon dont on lit — il faut bien vous imaginer que les premières générations chrétiennes ne sont pas faites d’universitaires et encore moins de gens qui ont un métier d’historien — ce n’est pas ça qui les intéresse. Donc, une tradition qui gêne, qui gêne au deuxième siècle, eh bien, elle est conservée tout de même. Ah, je ne dis pas qu’elles sont toutes conservées, on a pu en laisser tomber tout de même, mais nous en avons assez pour voir que ça n’a pas pu s’inventer.

Voici quelques exemples. Dans Marc, surtout dans Marc, mais aussi un peu dans Matthieu et Luc, qui atténuent — ils sentent bien que c’est gênant et ils atténuent un petit peu — mais dans Marc, on voit très bien que la famille de Jésus n’est pas du tout enthousiasmée de sa prédication. Le texte exact : les parents de Jésus disent à un moment donné dans Marc, au style direct donc, ils disent : « Il a perdu la tête. » Vous voyez, on le prend, la famille l’a pris pour un illuminé. C’est très clair et nous avons ça dans le texte de Marc. « Il a perdu la tête », la famille est gênée de ce…, elle le prend…, elle est confuse, elle, des bruits qu’on fait autour de lui, on lui attribue déjà des guérisons, on se questionne, on questionne la famille. La famille marche devant, elle est gênée et à un moment donné, en réponse à des gens hostiles à Jésus, la famille dit : « Il a sans doute perdu la tête. » Est-ce qu’on aurait inventé ça au deuxième siècle ? Ce n’est pas pensable.

Au deuxième siècle, Jésus, ressuscité, est fils de Dieu, Seigneur. On n’irait pas faire dire à la famille qu’il a perdu la tête. La famille s’est tenue prudemment à l’écart de la mission de Jésus et c’est sans ça qui fait que Marie n’était pas au calvaire. Mais Jean l’y met, c’est devenu indispensable que la mère de Jésus soit au calvaire, mais l’authentique fait que la famille était très réservée. Dans Matthieu, Jésus dit à ses apôtres — il y a des trucs singuliers avec ses apôtres — À un moment donné, il les envoie deux par deux enseigner Israël et au chapitre suivant, ils sont encore tous là et on ne parle plus de sa mission. Vous voyez les raccords sont bizarres. Mais Jésus dit à ses apôtres : « Ne quittez pas Israël. Vous n’aurez pas fini de faire les villes d’Israël que le monde sera terminé, que ce sera la fin du monde. » Donc, il leur donne l’ordre de ne pas quitter Israël et Saint-Paul fait tout le contraire.

« Allez enseigner les nations »

Le même évangile, la fin de Matthieu, c’est un texte très connu, Jésus ressuscité dit à ses disciples : « Allez enseigner les nations ». Toutes les nations, c’est devenu universel. Le même évangile se contredit, ça n’est pas étonnant ; encore une fois, ce sont des traditions diverses qu’on reprend pieusement sans se poser trop de questions. Quel est l’authentique là-dedans ? Mais évidemment, c’est la limitation à Israël. Jésus était juif et il restait juif et il tient à dire : « Ne quittez pas Israël ! », et après ça, le christianisme va sortir d’Israël, il va convertir les païens et on fera dire à Jésus : « Enseignez les nations ! »

Mais qu’est-ce qui est l’authentique là-dedans ? De toute façon, au deuxième siècle, on n’aurait pas imaginé de faire dire à Jésus qu’il fallait se limiter à Israël, c’était impensable.

Donc, ça, c’est ancien, c’est authentique, sinon on ne l’aurait pas inventé, ça contredisait la réalité même du christianisme à l’époque et depuis longtemps, depuis Paul au moins. On dit dans Marc, à tel endroit où il est un peu chahuté, Jésus — ça arrive — est là et il n’a pas pu faire de miracle. Est-ce qu’on dirait ça au deuxième siècle ? Est-ce qu’on inventerait une chose pareille ? Allons donc ! Il n’a pas pu faire de miracle, mais un personnage qu’on a déjà mis très haut maintenant, rien ne l’empêche de faire des miracles. Marc dit ça : « Et à cet endroit, il n’a pas pu faire de miracle », il ne dit pas pourquoi. Mais enfin, on voit bien que l’opposition est assez forte et il n’a pas pu faire de miracle. Ce n’est pas une chose qu’on invente.

Il y a aussi les propos, quelqu’un lui dit : « Bon maître », il veut lui poser une question et Jésus l’interrompt et lui dit : « Ne m’appelle pas bon. Seul Dieu est bon. » Jésus ne se prenait pas pour Dieu et il y a une distance infinie entre Dieu et lui. « Ne m’appelle pas bon ! » : vous comprenez bien si Jésus, seconde personne de la Trinité qui est Dieu à part entière, n’aurait pas pu dire ça, mais lui le peut très bien. Toujours est-il qu’au deuxième siècle, ça devait déjà choquer un peu. Cette tradition est noyée dans le reste et elle est parvenue à nous, mais on n’aurait pas inventé ça au deuxième siècle.

La Passion

On n’aurait pas sans doute inventé non plus certains propos de la Passion. J’ai dit que la Passion est rédigée assez tôt, et c’est un événement dramatique, bien entendu, qui a pu laisser des souvenirs exacts, mais les souvenirs qui ont le plus de chance d’être exacts, c’est évidemment ceux qui montrent un Jésus complètement homme et tout à fait abandonné. « Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Oui ça, ça doit être authentique et peut-être qu’on ne l’aurait pas inventé plus tard. Et « Écarte cette coupe de moi… », mais un des grands arguments aussi, qui est sûrement authentique, c’est la croix, c’est la crucifixion. On n’aurait jamais inventé un Jésus juif au deuxième siècle et on n’aurait jamais inventé un personnage crucifié. Pourquoi ? Parce qu’aussi bien chez les juifs que chez les Grecs, la croix, c’est la pire des choses. La croix ? Il y a un texte de la Bible juive qui dit : « Maudit soit celui qui est pendu au bois ». Ça veut dire crucifié. Maudit ! Et chez les païens, c’est pareil. La croix, c’est le supplice de l’esclave. Et par exemple, Cicéron, qui est presque un contemporain, il meurt quarante ans avant Jésus-Christ, Cicéron qui plaide pour quelqu’un qui est accusé d’avoir fait crucifier des citoyens romains, il proteste, il dit : « Ce n’est pas vrai, mais la croix, c’est une abomination. Un citoyen romain non seulement ne peut pas la voir, mais il ne peut même pas en parler ». Vous voyez à quel point les païens avaient horreur de la croix, mais les juifs aussi, si bien que si Jésus a été crucifié, il faut bien que ce soit authentique. En réalité, Jésus a été pris par des Romains, il a été crucifié, condamné par des Romains, il a été pris pour un agitateur politique, un perturbateur de l’ordre, vous savez, on ne regarde pas tellement, on l’a crucifié. La raison était sûrement fausse. Ce n’est pas un agitateur politique, Jésus, ce n’est pas un révolutionnaire, pas du tout. Beaucoup de gens aimeraient le croire aujourd’hui. Les croyants qui sont révolutionnaires veulent croire que Jésus l’était et on nous écrit des livres là-dessus, mais on ne sait pas du tout que Jésus ait eu une once de révolutionnaire. Mais les Romains l’ont condamné, on n’y regardait pas. Est-ce qu’on y regarde de près en Afrique du Sud aujourd’hui ? Non. Les Romains ne regardaient pas de si près non plus. Il a été condamné par les Romains. La croix est un supplice romain. Les juifs ne crucifiaient pas, ils lapidaient, mais dans les Évangiles, on peut suivre les récits du procès de Jésus et avec le temps, les juifs ont de plus en plus d’importance. Ça, c’est ce que je vous disais, entre juifs et chrétiens, ça va de mal en pis avec le temps et on va faire retomber la faute de la mort de Jésus sur les juifs beaucoup plus que sur les Romains. Parce que les chrétiens vivent dans l’Empire et que par contre, ils sont très hostiles aux juifs. Il y a un changement de ton. À l’origine, c’est les Romains et peut-être un petit peu les juifs, qui ont pu avoir une incitation. Jésus ne plaisait pas non plus aux autorités juives, mais le procès est romain et peu à peu, l’accent change et on va mettre à peu près tout le poids sur les juifs et c’est ça qui fera les ghettos, d’ailleurs, à travers toute l’histoire et le renom du peuple déicide et ça a joué un rôle évidemment dans l’antisémitisme.

La croix est authentique

Mais tout ça fait que la croix est authentique ; il n’y a aucun moyen de penser le contraire.

Donc, la principale raison pour affirmer, pour être sûr que Jésus a existé, c’est que la tradition a conservé un certain nombre d’affirmations qui n’auraient pas pu être inventées plus tard, qu’on a recueillies parce qu’elles étaient anciennes et selon les historiens, authentiques, mais qu’on n’aurait pas inventées parce que la foi alors n’aurait pas toléré d’inventer des choses pareilles.

Quand on a fait ce travail dont je ne vous donne qu’un échantillon ou l’autre, qu’est-ce qui reste, qu’est-ce qu’on peut dire de Jésus ?

Jésus a été un homme juif de Galilée.

Il a été un prophète, un prophète.

Est-ce qu’il s’est cru prophète ?

Il s’est cru prophète, ça, c’est sûr. Il avait un message.

Est-ce qu’il s’est cru messie, déjà ? On peut en discuter, mais moi, je ne le pense pas. Il n’y a tout de même qu’un texte un peu fort qui permettrait de le croire. C’est peu tout de même.

Donc, le Messie, ce serait déjà tout autre chose, mais, attention, pour un juif, le Messie, c’est tout de même un homme, mais rien qu’un homme, un homme investi d’un pouvoir divin plus grand que le prophète. C’est l’homme qui va inaugurer la fin du monde, mais c’est un homme. Ce n’est pas Dieu, ce n’est pas un Fils de Dieu.

Fils de Dieu ?

D’ailleurs, il faut vous méfier aussi. Fils de Dieu ? N’allez pas croire que quelqu’un qui s’appelle Fils de Dieu ait un caractère divin. — Les rois, les rois juifs s’appelaient Fils de Dieu ; la Bible juive donne le titre de Fils de Dieu à pas mal de gens. — Ça ne veut pas dire que son essence, si vous voulez, serait divine. Non, mais par rapport à prophète, messie et puis, Fils de Dieu, ça représente des majorations.

Seigneur aussi, parce que Seigneur — ce n’est d’ailleurs pas les juifs, c’est plutôt les païens convertis qui appellent le Christ Jésus notre Seigneur. Seigneur, c’est le titre de l’Empereur romain et l’Empereur est tout de même considéré comme divin, d’une certaine manière. Il y a là des majorations successives.

Jésus, fils de Marie, bien sûr, mais fils de Joseph aussi, mais on a voulu croire très tôt, très tôt, à la naissance miraculeuse de Jésus. En milieu grec, en milieu païen converti, la mythologie grecque, l’attitude religieuse des Grecs exigeait qu’un homme important ait une naissance miraculeuse et la naissance virginale de Jésus, évidemment, fait partie des majorations.

Il a des frères et des sœurs dans les Évangiles. Ça a posé de gros problèmes aux croyants. On a eu plusieurs explications quand on n’a plus voulu admettre qu’il ait eu des frères et des sœurs. D’abord, on a admis qu’il avait des frères et des sœurs, mais c’était lui l’aîné, mais ça ne suffisait pas. On n’a pas supporté longtemps que Marie ait d’autres enfants. Vous voyez, Jésus accapare tout, il monte et on ne veut plus que Marie ait eu d’autres enfants, peut-être même par des voies naturelles. C’est indigne de Marie qui est la Vierge pour les catholiques depuis longtemps. On n’a plus toléré ça. Alors, on a fait des frères et des sœurs, parce que les Évangiles, ils parlent de frères et de sœurs, les enfants de Joseph d’un premier lit. Ainsi, Marie était indemne. Puis, on ne s’est pas contenté de ça non plus. On a trouvé encore cette promiscuité un peu trop compromettante, on a préféré se faire même de Joseph une idée un peu majorée d’un vieillard apaisé et on n’a même plus voulu qu’il ait eu des enfants avant. On l’a fait apaisé toute sa vie pratiquement. Oui, on a plaidé la virginité de Joseph aussi. Mais ça n’a jamais eu l’importance de la virginité de la Vierge dont on a discuté à perte de vue.

La Vierge, majoration de Marie

Vous n’imaginez pas les propos précis des Pères de l’Église, se demandant si la Vierge était vierge avant la conception, mais aussi pendant l’accouchement, et après. La réponse a été oui aux trois, pour finir. Mais certains Pères hésitent et admettent, par exemple, qu’entre avant et après, mais, mon Dieu, pour l’accouchement, ça a dû tout de même s’ouvrir un petit peu et puis, se refermer. Oui, on a des situations très graves dans les Pères de l’Église, mais la Virginité intégrale, totale et donc, et une naissance purement miraculeuse l’emportera.

Et vous voyez, la majoration dont je parle, la boule de neige, une fois que Jésus est arrivé au sommet, est Dieu à part entière, on ne peut tout de même pas continuer et le même processus va prendre Marie et va faire boule de neige pour Marie aussi. Joseph restera tout de même sagement à l’écart de tout ça. Mais Marie…, regardez dans le monde catholique, l’importance de la Vierge Marie. Eh bien, dans les Évangiles, c’est trois fois rien, c’est même une certaine hostilité et Jésus a des propos acides, a des propos parfois un peu agressifs à l’égard de sa mère. Aux noces de Canna, notamment. Même chez Jean. Et alors, Marie… naissance virginale, naissance miraculeuse.

Les enfances de Jésus — je dis « les enfances » : c’est complètement mythique tout ça —, elles ne sont pas dans Marc, Marc commence à la vie publique de Jésus quand Jésus a trente ans environ et il ne dit rien de l’enfance. Matthieu et Marc, eux, sont très abondants. Les premiers chapitres concernent l’enfance et la préhistoire de la famille et l’annonce de la naissance et c’est divergent ; chez Matthieu et Luc, ce n’est pas la même chose. Mais il y a là des apports déjà légendaires ; on ne connaissait rien de l’enfance, mais on a voulu en avoir, c’est ça la foi, si vous voulez et on a deux traditions qui ne se sont pas connues, mais qui ont répondu au même besoin de connaître l’enfance de Jésus. Et il y a parfois des divergences ; Luc étant le plus étoffé, le plus légendaire des deux, mais Marie bénéficie de tout ça : elle sera au calvaire chez Jean et après ça, non seulement elle aura eu Jésus en restant vierge, mais on parlera de l’Immaculée Conception. Il ne faut pas confondre naissance virginale et Immaculée Conception. (N.B. : Il s’agit là de la naissance (Conception) de Marie sans tache (Immaculée), sans être frappée du péché originel, en vue de la naissance future de Jésus, naissance virginale, celle-là.) Il n’y a que trois semaines que je bavardais avec une vieille institutrice catholique qui enseignait la religion pendant cinquante ans et qui ne voyait pas la différence. Pauvres enfants !

L’Immaculée Conception n’est devenue un dogme qu’en 1850 et des, mais c’est une tradition populaire chrétienne depuis très longtemps. Je ne sais plus la date exacte, c’est au milieu du siècle dernier qu’on a proclamé le dogme. (N.B. : 1854 — Pie IX) Et remarquez, trois ans après à Lourdes, la Vierge dit : « Je suis l’Immaculée Conception », un peu comme quelqu’un fraîchement décoré arborerait sa décoration. C’est curieux. Trois ans après, elle dit : « Je suis l’Immaculée Conception », et en cinquante, en 1950 (N.B. : 1950 — Pie XII), le dernier dogme proclamé concerne encore Marie. C’est l’Assomption de la Vierge. Elle serait montée au ciel, comme la croyance était que Jésus en corps était monté au ciel à l’Ascension, Marie a son Assomption. C’est aussi une très vieille légende, qui n’est attestée qu’au sixième siècle pour la première fois, mais les foules méditerranéennes — le catholicisme est très méditerranéen et sud-américain — tenaient beaucoup à cette croyance-là depuis des siècles et l’ont imposée à Rome, parce que — Rome, vous savez, peut-être plus raisonnable que vous croyez, Rome freine parfois la volonté des fidèles d’aller plus loin et Rome a tenu bon très longtemps. Rome sait bien que l’Assomption de la Vierge n’est pas du tout dans les Écritures. Je vous dis, le premier témoignage est du sixième siècle dans un texte manifestement populaire et légendaire (N.B. : De la Gloire des Martyrs — Grégoire de Tours).

L’université de Louvain consultée avant la proclamation — les universités catholiques sont consultées avant la proclamation d’un dogme — avait dit non, mais Salamanque avait dit oui et le Sud l’a emporté. Aujourd’hui, ils s’en mordent les doigts parce que l’œcuménisme n’a rien gagné à l’Assomption de la Vierge, puisque les protestants sont très hostiles, eux, à toute inflation du culte de Marie de sorte que ça a jeté un froid et ça continue.

Le culte de Marie

Vous voyez le culte de Marie, l’importance qu’elle a eue et si on proclame encore un jour un dogme, ce sera encore Marie. Dieu est épuisé et on n’a plus rien à dire de nouveau sur Dieu et la Trinité, mais dans certains milieux depuis trente ou quarante ans, on pense à proclamer le dogme de Marie Médiatrice, c’est-à-dire intercesseur presque obligé entre le pécheur et le Christ. Marie Médiatrice, ça reste dans les cartons pour le moment, parce que l’œcuménisme, l’entente si difficile de toute façon avec les protestants en prendrait encore un coup.

Mais, mais, on ne sait jamais.

Un refroidissement de l’œcuménisme et une poussée sud-américaine feraient assez pour avoir le dogme de Marie Médiatrice, un jour. Ça ne m’étonnerait pas trop, mais ce n’est pas non plus à moyen terme. Dans la situation actuelle, malgré sans doute le désir de Jean-Paul II, parce que, s’il y a bien quelqu’un qui pousse au culte de la Vierge, vous savez bien que c’est lui et même quand il a paru la première fois au balcon, après son élection, dans les quelques minutes qu’il a parlé, il a parlé trois fois de la Vierge Marie. Les protestants faisaient grise mine. Ce n’est pas un pape polonais bien sûr qui va vouloir freiner le culte de Marie, ce n’est pas possible non plus.

Eh bien, les frères et les sœurs, on ne s’est pas contenté d’en faire les enfants d’un premier lit de Joseph, on en a finalement fait des cousins. Au nom d’une argutie incroyable, qui ne tient que dans l’hébreu et encore. En grec, ce n’est pas pensable, mais il faut ce qu’il faut, alors on s’est débarrassé des frères et des sœurs en en faisant des cousins et les croyants ont dormi, les catholiques en particulier — les protestants, ça ne les gêne pas du tout, vous savez, mais les catholiques ont dormi sur leurs deux oreilles en songeant que les frères sont des cousins et les sœurs sont des cousines. Aucun philologue sérieux ne prend ça au sérieux.

Paul le fondateur

Alors, Jésus reste juif dans le cadre juif et Paul est bien plus, pour nous, le fondateur du christianisme universel s’adressant à des païens et en difficulté avec Jérusalem de toute façon ; c’est raconté dans les actes et par Paul lui-même dans l’épître aux Galates. Paul est sans doute bien plus de l’authentique, c’est le premier que nous connaissons et il y en a peut-être eu d’autres avant lui. Ce sont des gens qui ont forcé la barrière du judaïsme, si vous voulez, qui ont bien plus réellement fondé le christianisme comme religion séparée du judaïsme, que Jésus lui-même qui n’y pensait sûrement pas.

Tout a changé quand on a cru à sa résurrection et c’est à partir de là que ça démarre. Ça aurait quand pu rester une secte juive, mais là, il y a des contingences, il y a toutes sortes de choses qui font que des juifs, des chrétiens de la secte des premiers disciples persécutés, mal vus, se sont enfuis ailleurs, sont allés probablement à Antioche et là, ont pu convertir des gens, pas seulement des juifs, mais des païens et faire un christianisme avec des gens qui étaient païens, c’est-à-dire très loin des observances juives. Si les chrétiens étaient restés judéo-chrétiens, ils n’avaient aucune chance de l’emporter parce que les païens détestent les observances juives, surtout la circoncision. Ils ne veulent pas en entendre parler.

C’est Saint Paul qui a dit : « On n’est pas obligé d’être juif pour être chrétien », mais il a eu à monter à Jérusalem et aller s’expliquer, mais on a admis qu’il convertisse des païens. Sans cette levée des observances, la secte n’aurait pas pu devenir une religion dans l’Empire romain. L’hostilité à la circoncision était trop forte.

Je ne sais pas si vous voyez bien ce que c’est la circoncision, enfin, — je veux dire dans son sens — je ne parle pas de l’opération. Ce n’est pas une spécialité juive du tout — le monde islamique la connaît largement et ça vient d’une humanité archaïque. En réalité, la circoncision se pratiquait très largement ; c’est un rite de fécondité. C’est un rite de fécondité, mais les juifs en avaient fait un sceau typique de leur nationalisme et l’interprétaient évidemment tout autrement. Ce n’était pas reçu du tout chez les Grecs et les Romains et s’il n’y avait pas eu un Paul et d’autres du même genre, le christianisme n’aurait sûrement pas pu l’emporter dans le monde d’alors.

Tags : Fils de Dieu Immaculée Conception Jean Joseph la Croix majoration Marc Marie Matthieu Nicée Paul prophète

L’Église Universelle du Royaume de Dieu colonise l’Afrique[1]

Posté le 15 juin 2023 Par JF Publié dans Religion Laisser un commentaire
Yves Ramaekers

Il ne s’agit pas ici de faire l’histoire, ni la chronique d’une religion : l’objectif est de dégager une image de la façon dont un mouvement religieux tend à s’étendre jusqu’à s’approprier des parties du monde et dans l’idéal, la planète entière. C’est un discours sur la méthode dont s’opère pareil kidnapping terrestre et là s’arrête notre ambition. On veut attirer l’attention sur la continuelle résurgence de pareilles tentatives ; en quoi l’aventure de l’Église Universelle du Royaume de Dieu[2] est éclairante.

Petit glossaire préalable ou ce dont on parle 

L’Église Universelle du Royaume de Dieu est originaire du Brésil ; son nom originel en portugais est Igreja Universal do Reino de Deus, en abrégé : EURD[3] ou UNIVERSAL ; elle est aussi appelée Centre d’Accueil Universel ou Centre d’aide spirituelle[4]. C’est une Église pentecôtiste brésilienne qui se dit chrétienne évangélique charismatique. Elle a son siège à São Paulo, au Brésil ; son fondateur et dirigeant est Edir Macedo Bezerra[5]. Conçue dans les années septante du siècle dernier, elle se structure en Église en 1977. À partir de là, elle se développe rapidement et vers 1990, elle essaime en Amérique, y compris aux États-Unis, en Europe[6] et en Afrique où elle a trouvé un terrain pour ses ambitions impériales. Elle ne cache d’ailleurs pas sa volonté de s’étendre au monde entier.

L’Empire colonial africain

En Afrique, l’EURD est présente dans une quarantaine de pays, principalement dans le sud du continent, en Afrique du Sud, en Angola et au Mozambique. Ces deux derniers États sont d’anciennes colonies portugaises, assez proches du Brésil par la langue et le corpus religieux catholique, qui y avaient été importés et imposés par le colonisateur lusitanien. Cette implantation de l’EURD a trouvé un terrain favorable dans ces pays en voie de solidification où l’instabilité et les tensions internes poussent les populations à chercher une « rassurance ». C’est sans doute pour cette raison que l’EURD inscrit son approche dans cette logique d’offre de « rassurance » par l’incorporation dans son rituel de croyances locales avec de nouvelles significations, la proximité vis-à-vis des dirigeants politiques locaux et nationaux, l’utilisation de moyens de communication et la réalisation d’initiatives sociales attrayantes.

Tout comme déjà par le passé, quand l’EURD avait été expulsée de certains pays africains, cet essor évangélique a été contrarié par des accusations de corruption et des allégations de blanchiment d’argent, de trafic et d’exportation de capitaux et d’association criminelle. Ce fut le cas notamment en Angola où un certain nombre de ses églises ont été fermées. Tout cela a conduit à l’affaiblissement de l’EURD dans la région sans pour autant tarir ses ambitions.

Les Églises pentecôtistes au Brésil

En Amérique latine et en Afrique, la croissance des Églises pentecôtistes s’est déroulée sur quelques décennies. Au Brésil, le boom des années 1950 fut un accélérateur pour le pentecôtisme et dans les années 1970, le courant évangélique a prolongé cette expansion rapide. Par rapport à l’Église catholique, les Églises pentecôtistes ont l’avantage de leur souplesse lorsqu’il s’agit de s’établir dans de nouveaux endroits ou de séduire rapidement des foules peu cultivées. Dominante en Amérique latine, l’Église catholique a une forte structure territoriale et cléricale ; de ce fait, elle est plus statique et plus lente à s’adapter aux évolutions. De surcroît, en raison des exigences de la hiérarchie, il faut beaucoup plus longtemps pour former un prêtre qu’il n’en faut pour désigner un pasteur évangélique. Ainsi, en période de changement rapide, l’Église catholique s’adapte lentement et perd du terrain face aux religions moins exigeantes. De son côté, la mouvance évangélique n’est pas une entité cohérente et se fragmente en Églises concurrentes, qui ont des attitudes différentes vis-à-vis du monde « profane ». Alors que le pentecôtisme était présent au Brésil depuis 1910[7] au travers des Assemblées de Dieu, la première grande Église brésilienne fut l’Igreja Pentecostal Brasil para Cristo — l’Église Pentecôtiste Brésil pour le Christ — fondée en 1956 à São Paulo par Manoel de Mello, un ouvrier immigrant venu du Nordeste du Brésil. L’Église Pentecôtiste Brésil pour le Christ apportait un message optimiste et nationaliste. Surnommé le « Missionnaire », Mello avait lancé un programme radio « La Voix du Brésil pour le Christ » et en bon organisateur, rassemblait ses fidèles dans les parcs publics et les stades ; il se fixa dans les quartiers ouvriers pauvres de São Paulo où se retrouvaient les immigrés du Nordeste brésilien, venus chercher du travail dans cette banlieue où l’industrialisation se développait dans la foulée du boom économique mondial.

Naissance et prospérité de l’EURD

C’est dans ce contexte que s’installe l’EURD ; elle se trouve en position de concurrente et tend à brûler les étapes, à s’affranchir d’une doctrine trop stricte pour favoriser la voie de la séduction par un discours de prospérité où la richesse est un signe de la grâce divine : c’est la Théologie de la Prospérité[8]. En clair, plus on est riche, plus on prouve qu’on est aimé de Dieu. Ces exigences doctrinales réduites, couplées avec un discours optimiste au-delà du réel, ont conquis les fidèles à la périphérie des grandes villes et dans les zones limitrophes agricoles. Ce sont les zones où les gens pauvres, et pour certains carrément dans la misère, éblouis par la promesse divine de richesse, adhèrent à ce nouveau discours. Cette expansion y est facilitée du fait que ses églises sont souvent fondées par des membres de la communauté locale elle-même.

Edir Macedo, 
fondateur et dirigeant de l’EURD 
(Église Universelle du Royaume de Dieu)

L’EURD est née à Rio de Janeiro en 1977. En un demi-siècle, elle s’est étendue à tout le pays, où elle compte des millions d’adhérents. Puis, elle a essaimé en Amérique et dans le reste du monde, elle y a révélé une ambition dévorante et des visées globales. Son fondateur Edir Macedo a créé et développé un véritable empire économique, politique et médiatique. Et que dire de la fortune de cette EURD, qui professe la théologie de la Prospérité, du Bonheur et de l’Espoir avec ses slogans : « Arrêtez de souffrir ! » et « Jésus est la solution », qui perçoit la dîme et affirme le principe : « Donnez d’abord, Dieu vous le rendra cent fois » ? Cette stratégie d’expansion d’une religion ressemble étonnamment aux stratégies commerciales ou politiques dérivées de la « blitzkrieg », pratique éminemment militaire : déstabiliser, conquérir et puis, s’installer à demeure et se renforcer en exploitant les ressources du terrain conquis. Ce schéma est commun à divers pans de la société humaine : c’est le même combat visant l’emprise sur l’humaine nation, même si les fins invoquées sont différentes.

Le débarquement et la conquête évangélique de l’Afrique

L’arrivée sur le continent africain de l’EURD dans les années 1990 a été facilitée par la longue présence des Églises chrétiennes, fers de lance cultuel de la colonisation. Ces Églises traditionnelles (catholique, anglicane, presbytérienne, méthodiste, baptiste), dirigées par les missionnaires blancs et liées aux élites coloniales, assuraient à leurs fidèles l’accès aux soins et à l’éducation. La plupart des dirigeants des mouvements d’indépendance formés dans les écoles des missions ont par la suite souvent dénoncé, renié et rejeté cet héritage. Lors de la décolonisation entre 1950 et 1970, certaines Églises évangéliques tiraient profit de ce que le christianisme installé était considéré comme un produit de l’ère coloniale. Plus tard, un désenchantement se fit jour dans les populations déçues des promesses non tenues de l’indépendance. Elles se sont alors retournées vers les Églises porteuses d’un nouveau message d’espoir. Dans les années 1980 ont commencé à se développer des Églises pentecôtistes indépendantes, fondées par des Africains. Plus en phase avec les traditions religieuses locales en raison de la proximité du pentecôtisme avec la perception traditionnelle africaine, qui révère les forces spirituelles à l’œuvre dans le monde, et n’étant plus marquées par le « péché originel du colonialisme », ces nouvelles Églises avec leurs racines locales ont commencé à prendre auprès des populations la place de l’État. Les Églises arrivées récemment de l’étranger, telles l’EURD, ont été bien accueillies pour les mêmes raisons et l’EURD a su profiter de cet effet d’aubaine pour phagocyter les croyants chrétiens. Par la suite, face à cette évolution, les Églises chrétiennes traditionnelles se sont réinventées.

La colonisation religieuse

Depuis des siècles, l’Afrique faisait l’objet d’une colonisation religieuse. Deux grandes religions s’affrontaient en se partageant le continent : le Nord et l’Est furent islamisés ; l’Ouest et le Sud, christianisés, selon le schéma des routes de colonisation. Si on excepte les régions à majorité musulmane, le reste du continent est christianisé et la concurrence entre les diverses sortes de christianisme a rendu difficile la pénétration de l’EURD. Si l’EURD est présente dans la plupart des pays d’Afrique, ce n’est qu’en Afrique du Sud, en Angola et au Mozambique qu’elle sévit de manière significative.

Les pays lusophones : Angola et Mozambique

L’Angola et le Mozambique, pays lusophones qui étaient le premier choix pour une Église venant du Brésil, furent difficiles d’accès en raison des guerres de libération et ensuite, des guerres civiles où s’affrontaient les deux camps : un de tendance communiste, l’autre plus nationaliste. Ces conflits avaient débuté vers 1975 et se sont atténués à la fin du siècle. L’EURD se présenta comme une institution qui unifierait les peuples de ces pays, divisés après l’épisode colonial et une décolonisation foireuse. Elle se proposa en interlocuteur aux dirigeants dans le but d’aider à construire une identité nationale. Tant au Mozambique qu’en Angola, elle trouva un accord avec le parti au pouvoir ; elle s’est insinuée dans les structures de pouvoir et a renforcé ses réseaux de communication afin de pénétrer la société. Au Mozambique, TV Miramar est propriété de TV Record International, elle-même propriété d’Edir Macedo, le fondateur et dirigeant de l’EURD. Sa société est également présente en Angola et au Cap-Vert. En Angola, l’EURD a acquis un espace sur les chaînes locales de télévision, dans la presse écrite et sur les stations de radio. On retrouve ici la démarche brésilienne de propagande évangélique par les médias de masse, fort prisée des pentecôtistes et pas seulement de l’EURD. C’est un moyen efficace pour peser sur les populations et disposer d’une force vis-à-vis des autres sphères de pouvoir. En la matière, on ne peut que se référer à l’incontournable ouvrage de Tchakhotine au titre plus qu’évocateur : « Le viol des foules par la propagande politique »[9] et en étendre les réflexions au domaine religieux, ce qui donnerait : « Le viol des foules par la propagande religieuse ».

En Afrique du Sud

L’Afrique du Sud présente des similitudes avec le Brésil : c’est une démocratie formelle, avec de grandes inégalités et une population urbanisée, métissée et cosmopolite. Pour cette région anglophone où le portugais est une langue reconnue[10], il a fallu attendre la fin du régime d’apartheid, un apaisement et la « dévaluation » des Églises chrétiennes évangéliques anciennes, accusées de tolérance avec le régime de ségrégation raciale, pour permettre à partir de 1993 à l’EURD de développer son évangélisation. En promouvant l’idée de la prospérité, de la réussite, de la richesse et du bonheur comme preuves de la grâce divine (c’est-à-dire : la Théologie de la Prospérité), elle a attiré des Sud-Africains avides de mobilité sociale et d’intégration raciale. C’est là qu’elle a réussi à installer le plus grand nombre de ses églises en dehors du Brésil. Au dernier recensement, on en dénombrait plusieurs centaines.

L’EURD, ambassadeur officieux du Brésil

L’EURD s’inscrit dans l’axe d’un Brésil, premier pays lusophone en taille et fort de ces deux cents millions d’habitants pour la grande majorité christianisés, qui entend s’imposer comme puissance de son rang dans le monde. Lors des premiers mandats de Lula, le Brésil menait une politique étrangère en accord avec cet objectif. Ces pays africains lusophones ont reçu alors beaucoup de fonds brésiliens et le Brésil encourageait les échanges d’étudiants et d’enseignants et facilitait les mouvements des entreprises et des Églises vers ces pays. Après une diminution sensible de la présence brésilienne en Afrique sous Bolsonaro, avec le retour de Lula, on peut s’attendre à une reprise de la politique de  Sud-Sud et à un renouveau d’intérêt pour l’Afrique ; dans cette perspective, l’EURD et Edir Macedo, personnage central de cette organisation ou de cette entreprise religieuse[11], sont à considérer comme des relais de l’expansionnisme brésilien en Afrique.

Incorporer les croyances locales

En plus de la propagande par les médias et les actions des pasteurs, l’EURD incorpore les croyances locales en leur donnant une autre signification dans un cadre théologique étendu et intègre des pratiques religieuses ancestrales africaines, y compris celles à caractère magique ou messianique, sans souci des incohérences. Elle fait sien ce discours religieux syncrétique en précisant que ces symboles n’acquièrent leur pouvoir que reliés à une croyance biblique. L’EURD, contrairement à l’Église catholique, ne nie pas la croyance aux esprits et l’insère dans son univers. Pour elle, les esprits existent, mais ce sont des démons qu’il faut exorciser pour « aller mieux », comme le préconise sa Théologie de la Prospérité et du Bonheur. Cette récupération est une sorte de colonialisme religieux. On trouverait là l’idée religieuse que les Brésiliens sont spirituellement supérieurs aux populations africaines superstitieuses, craignant la magie et se livrant au péché. Mise ainsi en cause, l’EURD affirme que sur les cinq continents, elle respecte strictement les lois et traditions locales et met en avant son projet social en disant que, partout où elle se trouve dans le monde, elle accueille les personnes qui souffrent.

La stratégie sur le terrain : les actions sociales

Sur le terrain, ce qui favorise l’entrée de l’EURD, ce sont les actions sociales. L’action se déroule selon le schéma suivant : un groupe de l’EURD se rapproche d’une communauté, y pénètre, gagne la confiance et s’impose en fournissant de la nourriture, des soins médicaux ou un soutien émotionnel aux gens délaissés. Ensuite, le groupe parle de son répertoire religieux. On retrouve là le mode d’action, le b.a.-ba de l’action de certains partis politiques. L’action bénévole insidieuse précède le discours ; c’est une stratégie patiente et efficace, quand la réalisation des promesses suit. Cette stratégie s’approfondit par des aides sanitaires ou des formations professionnelles, des cours de langues, des projets pour les jeunes, des sports. Dans chaque lieu, l’EURD s’adapte à la demande. Au Mozambique et en Angola, l’EURD mène des projets de distribution de nourriture et de vêtements, d’aide aux victimes de catastrophes naturelles, de cours d’alphabétisation et d’activités professionnelles, telles que des cours de couture, d’informatique, de coiffure, de boulangerie, de pâtisserie et de décoration.

Comment conquérir le monde

Ce tour d’horizon de l’action de l’EURD visait à découvrir comment cette Église voulait rallier les populations ou conquérir le monde. Quant à savoir ce qui pourrait expliquer que depuis des décennies dans le monde entier, dans des cultures, des races et des langues différentes, tant de chrétiens rallient l’EURD, celle-ci répond que selon la Bible, le salut de l’âme vient à ceux qui acceptent et pratiquent cette foi. Cette politique de générosité évangélique a connu des revers importants et a vu les gens se retourner contre elle, notamment en Angola[12].

Au final, l’EURD a bien un projet impérial — comme la plupart des religions — et a recours aux techniques de propagande, aux structures et aux méthodes du marketing commercial ou politique ; dans le fond, il n’y a que la marchandise qui change. Son expansion est stupéfiante ; elle a réussi à se développer en quelques décennies quand l’Église catholique a mis des centaines d’années pour arriver à se rallier autant de monde en autant de pays. Entre ces deux courants, la lutte est engagée et on ne peut présager du résultat. Les voix de Dieu sont inaudibles et le chemin des religions est aventureux.

Mais s’il existe, Dieu reconnaîtra les siens.


[1]. L’ÉGLISE UNIVERSELLE DU ROYAUME DE DIEU COLONISE L’AFRIQUE : l’essentiel de ce texte est tiré d’un article de Juliana Gragnani, « Évangélisation : l’Église qui a créé un empire en Afrique », BBC News, 22 septembre 2021 et d’autres sources complémentaires, notamment Que sait-on de ? L’Église Universelle du Royaume de Dieu, une secte brésilienne à visée planétaire, UNAFDI., 26 mars 2021.

[2]. Notice Wikipedia : L’Église universelle du Royaume de Dieu

[3]. EURD est l’acronyme du nom brésilien : Igreja Universal do Reino de Deus. UNIVERSAL est la version brésilienne de UNIVERSEL, ce qui est le sens du mot « catholique ». Dans ce texte, on utilise préférentiellement l’abrégé EURD.

[4]. Pour plus de détails sur les aventures de l’EURD — UNIVERSAL, voir notamment  Que sait-on de L’Église Universelle du Royaume de Dieu, une secte brésilienne à visée planétaire ? (op.cit.)

[5]. Notice Wikipedia : Edir Macedo Bezerra

[6]. En Europe, l’EURD est arrivée plus tard qu’en Afrique ; sa pénétration a commencé par le Portugal pour se disséminer jusque dans les pays de l’Est. En Belgique, sa présence est réduite en raison d’une forte concurrence. On lira avec intérêt la petite note de Elisabeth Mareels : Une Église noire qui tourne le dos aux Brésiliens ? L’EURD de Bruxelles.

[7]. Jean-Pierre Bastian, « Pluralité religieuse et scène politique au Brésil », in L’Esprit du temps, « Outre-Terre »,15/1, N° 42, pp 255 à 264.

[8]. Notice Wikipedia : La Théologie de la prospérité

[9]. Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande politique, Tel, Gallimard, Paris, 1952, 605 p.

[10]. La Constitution de 1996 accorde néanmoins « protection et respect » aux langues « communément pratiquées par certaines communautés sud-africaines : l’allemand, le grec, le gujarati, le hindi, le portugais, le tamoul, le telegou, et l’ourdou » (Constitution de 1996, chap. 1, art. 6-5-b.-i).

[11]. Organisation ou entreprise religieuse : l’EURD est quasiment un cas d’école où on voit comment les Églises tendent à s’adapter à l’évolution des sociétés et à en prendre opportunément les formes les plus adéquates à leur propre développement ; en l’occurrence : celles de l’entreprise ou de l’organisation, qui transcendent la structure étatique.

[12]. Voir à ce sujet, Fermeture d’églises EURD en Angola, où on apprend aussi l’abandon de l’EURD par plusieurs centaines de ses pasteurs.


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Onfray-Houellebecq :  « Seule une religion est capable de fédérer une civilisation »

Posté le 15 juin 2023 Par JF Publié dans Religion Laisser un commentaire
Patrice Dartevelle

Le long débat entre Michel Houellebecq et Michel Onfray publié en décembre 2022 dans la revue Front populaire, animée par Michel Onfray[1] a suscité pas mal de commentaires dans Le Figaro comme dans Le Monde [2], sinon des remous.

Pour sa part, la correspondante du Soir à Paris, Joëlle Meskens, s’indigne et trouve « sidérant de voir l’écho donné […] à l’entretien croisé entre Michel Houellebecq et Michel Onfray.  Quarante-cinq pages de collapsologie délirante assumée »[3].

Le recenseur du Monde voit dans les propos de Houellebecq une étape supplémentaire de sa radicalisation, alors que sa consœur du Figaro voit dans le débat un « dialogue extra-lucide » et donne raison à Houellebecq.

Les deux compères sont indiscutablement provocateurs, surtout Houellebecq, qu’Onfray tente à plusieurs reprises de modérer.

Pour ma part, je juge le débat intéressant, significatif, mais inquiétant du point de vue qui m’importe le plus ici, les propos sur la religion. Il comprend aussi, quand on se rapproche de la politique concrète, d’authentiques formules relevant du café du commerce ou carrément franchouillardes.

Pour le côté franchouillard, Houellebecq pérore que « La France ne décline pas davantage que les autres pays européens, mais elle a une conscience exceptionnellement élevée de son déclin » (il ne supporte pas de Gaulle et ce ne pourrait être que quelques « particules élémentaires » survivant à son influence), et de plaider pour un « Frexit » dont les avantages garantis me semblent tout sauf évidents.

Pour la provocation, Houellebecq, né en Algérie, de loin le plus fort des deux sur ce plan, assure que « Pour son comportement envers les harkis, de Gaulle méritait d’être fusillé ».

La France n’a certes pas pris ses responsabilités vis-à-vis des harkis réfugiés chez elle, mais la formule est caractéristique de la nostalgie de la droite pied-noir, qui nous renvoie à un passé qu’on ne peut que remâcher.

Avant de me concentrer sur les propos qui concernent les religions, abordons la question du déclinisme vue par les deux débatteurs.  Leur position en matière de croyances et de religion fait corps avec la question du déclinisme.

Le déclinisme

Leur approche de base est d’ordre démographique. Curieusement, alors que le thème central est le déclin de l’Occident et de la pression musulmane en Europe, Houellebecq est surtout effrayé par la situation de plusieurs pays d’Asie. Alors que la France a un indice synthétique de fécondité de 1,8 (1,6 pour la Belgique, 1,3 pour l’Espagne et l’Italie), le Japon est lui à 1,3, la Chine à 1 et la Corée du Sud à 0,9). Le chiffre nécessaire au maintien de la population étant d’au moins 2, dans moins d’un siècle il n’y aura plus guère de Coréens du Sud.

Houellebecq se sert du cas asiatique pour établir que la chute du christianisme n’est pas la cause du problème. Onfray le complète en disant que la contraception joue un rôle, mais c’est surtout au sens que « la procréation est devenue dans les pays riches une affaire de volonté… » et de déplorer l’individualisme, l’hédonisme et le narcissisme, c’est-à-dire que « Quand on a de l’argent, on veut le dépenser pour soi. On veut mener une vie personnelle épanouie et on se dit qu’ « un enfant ça suffit ».

Et de là vient la conséquence en matière de religion » … les grandes familles sont aujourd’hui l’apanage des catholiques, des musulmans et des juifs pratiquants ».

La formule est correcte en elle-même et, à coup sûr, une population en déclin annonce des lendemains qui seront difficilement enchanteurs.

On reste néanmoins surpris de voir quelqu’un qui se réclame des Lumières, faire l’apologie des grossesses subies et des grandes familles d’autrefois et de ne pas penser à la vie contrainte, limitée, voire pauvre des temps anciens. À ce compte, il ne reste décidément plus grand-chose de l’idéal de progrès, d’autant qu’il ne faut pas compter sur la « gauche médiatique » comme l’appelle E. Bastié pour « plaider pour les Lumières ».

Pour Onfray, la Californie est la quintessence de ce qu’il ne faut pas faire, c’est-à-dire « ne plus apprendre aux écoliers à lire, écrire, compter et penser. Il faut les préparer à être malléables pour devenir des consommateurs planétaires ».

Le décervellement des esprits 

Onfray n’a pas inventé l’idée, mais pour moi, elle reste superficielle quant à ce qui me semble un problème-clef. J’avoue, dans le cas du déclinisme comme dans d’autres, que j ‘éprouve toujours des difficultés à laisser mes idéaux prendre le dessus sur des faits avérés. Quitte à ce qu’on puisse me juger décliniste.

La presse a peu répercuté à ma connaissance les résultats d’un très récent sondage réalisé en France par l’Ifop, sur commande de la Fondation Reboot et de la Fondation Jean Jaurès, sur les jeunes Français de 11 à 24 ans[4] à propos de leur attitude face à la science et au paranormal. Contentons-nous des pires chiffres : 16 % des jeunes de 11 à 24 ans sont « platistes », 19 % adhèrent à la théorie selon laquelle les pyramides égyptiennes ont été créées par des extraterrestres (5 % chez les seniors), 20 % ( 5% chez le plus de 65 ans), pensent que les Américains ne sont jamais allés sur la lune.

Bien entendu, 27 % de ces jeunes nient l’évolutionnisme et, pour les jeunes musulmans, le chiffre monte à 71 %.

Ne nous contentons pas de lever yeux et bras au ciel. La première conclusion est : à quoi sert l’enseignement des dernières décennies ? Faut-il en garder quelque chose ? Certes, aucune école — sauf coranique — n’enseigne le platisme. Mais l’enseignement s’est laissé déborder par les réseaux sociaux et ne répond pas à la réalité. La seconde c’est que, dans leur très grande majorité, les musulmans ne s’intègrent pas et surtout que le pire reste à venir, différents sondages ayant montré que la religiosité des enfants musulmans en Europe dépasse nettement celle de leurs parents.

Houellebecq voit juste quand il dit que l’État a en réalité le « désir de nous maintenir en enfance toute notre vie » même si l’État n’est pas tout seul dans cette affaire, comme l’avouait en 2004[5] le président-directeur général de TF1 Patrick Le Lay lorsqu’il disait : « ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible ».

Malgré les déclarations des responsables qui proclament hautement leur souci de développer l’esprit critique des élèves, c’est bien le résultat de l’enseignement actuel. Je dirais la même chose de la presse « mainstream ».  Il y a déclin et là se trouvent les instruments — les causes sont un autre problème — dont Houellebecq et Onfray me semblent loin.

Hors domaines techniques et scientifiques, le nivellement des connaissances par le bas est flagrant. En outre, comme le dit Olivier Babeau, les classes populaires consacrent de plus en plus leur temps de loisirs à l’abrutissement[6].

Onfray comme Houellebecq voient dans la présence musulmane ou islamiste un péril majeur pour notre système social. Houellebecq prédit l’apocalypse violente. 

Quand des territoires entiers seront sous contrôle des islamistes, … des actes de résistance auront lieu. Il y aura des attentats et des fusillades dans des mosquées, dans des cafés fréquentés par les musulmans …  Et les musulmans ne se contenteront pas de mettre des bougies et des bouquets de fleurs.

J’avais cru comprendre de Soumission, paru en 2015, certes œuvre de fiction, qu’Houellebecq pensait que les Français se soumettraient mais l’écrivain n’est pas constant et admet que « comme prophète [il a] toujours trouvé qu’[il] était surréaliste ».

Onfray lui rétorque que, pour sa part, il pense que [la guerre civile] 

est déjà là, à bas bruit. Tous les jours, des gens se font tabasser, rouler dessus par des scooters. Avec des bandes de six ou sept gamins qui agressent à coup de marteau…  Nous allons vers la horde primitive, avec des mâles dominants qui […] font régner la loi de la jungle dans les banlieues, asservissent les femmes, les enfants et les anciens.

Il fait référence au livre de Jean-François Revel, Comment finissent les démocraties (1983), qui estimait que la démocratie se mettait en danger de mort dès lors qu’elle estimait qu’il faut garder le sourire quand on se fait insulter, piétiner, massacrer…

Généraliser la problématique est exagéré, mais elle existe (Molenbeek…) et ne diminue pas.

Ceci dit, même Houellebecq ne sombre pas dans la paranoïa. Sur la théorie du grand remplacement qu’on lui reproche, il maintient certes le fait. Mais comment contester qu’en moins d’une décennie, on a doublé le nombre de migrants et qu’actuellement, dans la plupart des pays européens, on approche les 10 % de migrants récents, massivement musulmans, assez souvent évangéliques (ce qui n’est pas sans risque non plus, il suffit de voir les États-Unis). Cependant, il se sépare explicitement du complotisme de Renaud Camus : « … il est évident qu’il n’y a aucun complot. En matière d’immigration, personne ne contrôle rien…  Il y a juste une réalité démographique écrasante ». Il cite Le Nigeria qui aura 400 millions d’habitants en 2050 sans aller plus loin, c’est-à-dire poser la question de ce que les Africains ont fait, généralement en 60 ans de leur indépendance, celle de la responsabilité de dirigeants hautement corrompus.

Pour Houellebecq, c’est vraiment la religion des migrants qui fait problème. Onfray est partagé. Il sait que sa femme, morte d’un cancer, a eu besoin de médecins étrangers, mais quand son frère, grand diabétique, doit assumer le tiers payant, il voit bien qu’on ne peut financer la médecine des migrants qu’en limitant les dépenses de tout le monde.

Venons, pour nous rapprocher de la religion, à l’étonnant discours sur le péché originel. Houellebecq — qui n’a pas reçu d’éducation chrétienne mais est définitivement agnostique — pense que l’être humain est coupable d’être un être de pur désir, égoïste et égocentrique. Onfray, athée mais élevé dans la religion, proteste et dit heureusement qu’ils ont peut-être trouvé là un vrai désaccord entre eux. Il proteste en se référant à l’explication ethnologique de notre situation. Pour lui, nous sommes des êtres de tribu. Cette situation lui semble possible à condition d’être soumis à une éducation suffisamment répressive et qu’à cette condition, on n’a pas besoin de Dieu ni du péché originel. On naît simplement informe.

La phrase-choc d’Onfray

Ce qui a donné au débat son retentissement, c’est la phrase prononcée par l’athée Onfray — qui reste tout à fait sur ses positions athées —. Se référant à Auguste Comte — créateur d’une religion et d’un culte positivistes — il déclare : « […] je souscris assez à l’idée que seule la religion est capable de fédérer une civilisation, en proposant une transcendance ultime » (pp.15-16).

De la part d’un athée matérialiste, la formule est surprenante, spécialement ses derniers mots.

En appeler à la religion comme avenir de l’humanité au lieu de rappeler son histoire, qu’Onfray connaît très bien et ne nierait pas, est à mon avis accessoire. Le premier point est la transcendance. Comment Onfray peut-il oublier que c’est une pure construction humaine ? Elle n’est pas nécessaire depuis Darwin et comme l’explique par exemple Dawkins, l’évoquer est rétrograde et consternant. Mais beaucoup de ceux qui (se) réclament (d’)une spiritualité laïque ou athée tombent dans le panneau.

Le vrai fond me semble encore ailleurs, comme on le voit dans la référence d’Auguste Comte et son positivisme religieux. Il y a même une Église positiviste au Brésil. Onfray nous donne un signe exceptionnel du retour d’un archaïsme par pur besoin de religion, par son refus d’admettre la relativité et la contingence de l’homme. Même des chrétiens y ont pratiquement renoncé, comme les théologiens de la mort de Dieu.

C’est probablement la clé de la persistance en France de la référence catholique, comme on le voit dans le long combat pour l’euthanasie, difficile à repousser au-delà de l’abandon de la messe, persistance qui est loin d’avoir la même force en Belgique.

Il y a encore là la source ou le regret d’une « religion » avec ses cérémonies, ses fastes et surtout le rassemblement d’une communauté qui se présente comme unanime.

Cela rappelle telle tentative de la Révolution française, comme le culte de la Raison. Mais est-on sûr que les cérémonies laïques — où bien sûr il n’y a pas de recherche de transcendance — ne traduisent pas plusieurs des nostalgies des deux compères ?

Onfray ne manque pas de relever que dans le dernier roman d’Houellebecq, celui-ci fait intervenir une nouvelle religion de type New Age, la wicca.  C’est diriger ses recherches vers le néopaganisme.

Houellebecq se prétend agnostique. Michel Onfray le questionne sur son refus de l’athéisme et lui oppose le résultat actuel de la physique quantique. Houellebecq ne veut pas trancher entre l’athéisme et le déisme (je suppose) tant qu’on ne saura pas « si l’univers va continuer de s’étendre à l’infini ou bien s’il va revenir en arrière, au point initial, et repartir ». Il reste donc agnostique. Le report perpétuel à de nouvelles certitudes, plus certaines que celles dont on dispose, est comme souvent, le signe d’une ultime pusillanimité.

Le Concile de Vatican II et le déclin du christianisme

Que veulent vraiment Onfray et Houellebecq ? Houellebecq ne manque pas de relever qu’Auguste Comte a échoué avec sa religion positiviste. Onfray, lui, paraît toujours croire à une religion de la science, ce qui est proche de Comte.

Onfray et Houellebecq communient dans la dénonciation de l’évolution du christianisme depuis plus d’un siècle ou, plus exactement, depuis les décisions de Vatican II. Onfray, plus philosophe, constate que les positions de Kant, devenues dominantes, ont marginalisé la religion, en en faisant d’abord une question philosophique. L’impératif catégorique n’a pas besoin de Dieu.

Houellebecq, reprenant des propos de Geoffroy Lejeune, le directeur de Valeurs actuelles, reproche à l’Église d’avoir transformé la messe en une sorte de fête un peu scout. Autrefois, Houellebecq allait à la messe et en appréciait l’émotion collective, mais à la sortie, c’est « une descente un peu comme avec l’héroïne ».

Si Vatican II est le signe d’une Église intellectualisée (dire qu’il est la cause de la fin du christianisme, c’est confondre fièvre et thermomètre), le passage du latin aux langues vernaculaires a dévoilé crûment l’inconsistance des mots. Lors de funérailles, j’ai assisté une fois à une messe complète avec à la fin le baiser de paix. Cela m’a semblé d’une rare niaiserie.

Aucun des acteurs du débat, tous deux pressés d’encenser la religion, ne voit que la situation de l’Église catholique montre l’impossibilité de faire revivre le concept. Onfray enregistre bien que le christianisme, « c’est foutu », mais on dirait qu’il veut le faire revivre.

Pour Houellebecq, dès lors, l’Occident est foutu.

La question de la laïcité est évidemment évoquée, logiquement dans le cadre des problèmes posés par la présence forte de musulmans et de la coexistence avec eux.

La laïcité inutile 

Houellebecq est particulièrement incisif à l’encontre de la laïcité.  Pour lui, « on ne peut combattre une croyance forte qu’avec une autre croyance forte, c’est-à-dire une religion » et avec résignation, il ajoute : « Sinon la seule solution est de vivre côte à côte, d’essayer d’atteindre une relation indifférente mutuelle, qui peut permettre une coexistence sans conflit ».

La fin est dérisoire et en contradiction avec d’autres de ses propos : certes, en fait, on vit côte à côte en s’ignorant autant que possible, mais cela se passe mal parce que l’intégration entre croyances religieuses — mais pas uniquement — ne marche pas.

Je ne vois pas trop ce qu’il appelle croyance forte ou faible, mais il est vrai que le côté purement incantatoire de l’appel au vivre ensemble montre à mon sens que le respect des croyances est une fausse piste.

Si nul n’ose plus dire que le Coran est une œuvre humaine et souvent peu recommandable, nous laissons la place à la bêtise, mère de l’intolérance, du recul intellectuel et social.

La chroniqueuse du Figaro, Eugénie Bastié, qualifie le dialogue de brillant, profond et extralucide.

Je n’exclus pas quelques éclairs des plus lucides mais l’ensemble est de faible apport, avec des réflexions souvent à l’emporte-pièce, sans véritable construction.

L’ennui, c’est qu’il est représentatif des temps actuels. On voit crûment que subsistent bien des anciennes structures idéologiques, politiques ou philosophiques.

Houellebecq et Onfray ne sont pas toute l’intelligentsia française, mais ils en font partie et sont parmi les plus écoutés.

Le dilemme est clair : faut-il lutter pied à pied pour reconstruire un cadre ancien ou faut-il reconsidérer celui-ci ?

Revenir au passé ne sert généralement à rien, mais les propos d’Houellebecq et d’Onfray doivent nous alarmer, car ils sont loin de nous offrir de nouvelles pistes solides.


[1]. « Dieu vous entende, Michel », Entretien entre Michel Houellebecq et Michel Onfray, in Front populaire,  Hors-série N° 3, Editions du Plenitre, 2022, pp 2-45.

[2]. Comptes rendus par Eugénie Bastié, « Houellebecq-Onfray : dialogues au sommet » », in Le Figaro du 1er décembre 2022 et Marc-Olivier Bhérer, « Michel Houellebecq, la radicalisation d’un écrivain à succès », in Le Monde du 26 décembre 2022.          

[3]. Joëlle Meskens, « Au secours, le déclinisme est de retour », in Le Soir du 31 janvier 2023.

[4]. Sondage publié le 12/01/2023 sur www.ifop.Com/publication/génération-tiktok-génération … à la science et au paranormal à l’heure des réseaux sociaux.

.[5] Interview dans L’Expansion-L’Express du 9 juillet 2004.

[6]. Olivier Babeau, La tyrannie du divertissement, Paris, Buchet-Chastel, 2023, que cite Eugénie Bastié, « La Frande Crétinisation », in Le Figaro du 9 février 2023, qui cite à ce propos l’anti-moderne Nicolas Gomez Davila (1913-1994).

Tags : agnostique Auguste Comte christianisme civilisation déclinisme démographie grand remplacement Houellebecq laïcité Onfray positivisme religion Vatican II

L’HISTOIRE VRAIE DE mohamED

Posté le 15 juin 2023 Par JF Publié dans Religion Laisser un commentaire
Jean-François Jacobs

Avertissement

Ce récit est un « road trip » » sur le parcours tumultueux d’Ed, un Tunisien qui, pour ne pas perdre la vie, a dû fuir son pays. En voici la seconde partie. Le personnage est réel. J’ai choisi de le faire parler à la première personne.

Un premier extrait a déjà été publié (Newsletter N° 38, postée sur athees.net le 23 octobre 2022), vous pouvez le lire en suivant ce lien : https://www.athees.net/lhistoire-vraie-de-mohamed/

Chapitre 3 : Maintenant, t’es grand !

À douze ans, maman est venue vers moi et m’a dit : « Maintenant tu es grand, tu vas faire le ramadan ». On était le matin et sur la table de la cuisine, aucun petit-déjeuner à se mettre sous la dent. Sept heures trente du mat, direction l’école, le ventre creux. À dix heures, j’étais de retour chez moi. J’ai faim. J’ai très faim. J’ai trop faim. Alors, je mange. Ma mère n’a pas bronché. Bref, j’ai fait le ramadan. Environ deux heures. Et tant que cela restait dans le giron de la famille nucléaire, personne n’y trouvait à redire. Ce n’était pas quelque chose qui semblait relever d’une importance capitale. Dans les années quatre-vingt-dix, il n’y avait pas vraiment de pression religieuse. Enfin, il faut relativiser : il n’y en avait pas dans mon quartier huppé. Là, je me dois de vous éclairer sur une analyse toute personnelle, mais que je pense fondée. L’immixtion de la religion dans les affaires quotidiennes relève fondamentalement de la classe sociale. Dans le périmètre bourgeois où mes parents s’étaient installés, il y avait, pendant la période du ramadan, des snacks ouverts toute la journée. Ce n’était pas le cas dans le ghetto d’à côté. Là-bas, personne n’aurait osé s’afficher, en pleine rue, le sandwich à la main, destination imminente en bouche. J’y vois une logique. Il est plus difficile de se priver quand on a tout, plutôt que quand on n’a rien. Si on manque de tout, si on n’a plus rien à espérer de notre vivant, n’est-il pas cohérent de miser le peu qu’il nous reste sur l’après-vie ? N’est-il pas salutaire de croire dur comme fer au paradis ? De s’attacher corps et âme à l’idée que cette vile existence n’est qu’une épreuve à surmonter.

Chapitre 4 : La dégringolade

Mon père a fait de mauvaises affaires. On a déménagé dans un faubourg populaire. Un voile s’est installé sur la tête de ma mère. À la fin des années quatre-vingt-dix, début des années deux mille, il y a eu une émergence des télévisions provenant du Golfe — Qatar, Arabie saoudite, Émirats arabes unis —, on a vu débarquer une profusion de chaînes coraniques. Donc, à cause d’une arnaque à l’héritage dans la famille du paternel — je ne vais pas entrer dans les détails — ce dernier ne pouvait plus rembourser ses prêts. On devait se la jouer un ton plus bas. C’est alors que j’ai découvert, dans le même pays, un autre monde. La première découverte fut lexicale, j’ai appris un nouveau mot : « haram », qui comme chacun sait veut dire « interdit pour les musulmans ». Plusieurs fois par jour, cette ritournelle à l’oreille : « c’est haram ». Ado, je portais des baggy, des pantalons larges, ainsi que des T-shirts à l’effigie des clubs de basket de la NBA. Autour du cou, le bandana en mode cow-boy. Haram, encore haram, toujours haram. Ces gens-là, que je ne connaissais pas, venaient m’apostropher. Ils me disaient de ne pas m’habiller comme ça, de respecter nos traditions, de faire partie intégrante de notre civilisation. Ne pas être différent, rester dans le moule communautaire. Ces mêmes habits, ces mêmes vêtements, je les portais pourtant déjà avant, chez les riches, qui eux s’en fichaient. Au lycée, j’ai vécu le martyre. La professeure d’éducation religieuse m’a pris en grippe et elle a fini par me conduire à l’échafaud dans une valse en trois temps.

À cet âge-là, j’étais un footeux, je jouais dans un club à Ariana, près de Tunis. J’avais acheté, avec la bénédiction de mon père pas trop concerné par autre chose que sa tranquillité, la vareuse du club de Metz… OK, c’est une drôle d’idée, mais elle me plaisait beaucoup, cette chasuble. Ma spécialiste en endoctrinement me fit remarquer, ô blasphème suprême, qu’à côté du dragon sur le blason du club, il y avait une croix aux relents catholiques ! Je crois que je suis passé à deux doigts de la crucifixion. Ma résurrection a duré sept jours. La direction de l’école s’est montrée magnanime, je n’ai pas dû les passer dans un obscur tombeau, mais juste chez moi, à la maison. En Belgique, il n’y a pas de place pour les signes religieux dans les établissements scolaires de l’État. En Tunisie, ils sont partout, mais pour une seule religion. Comparaison n’est pas raison et je vous dois un mea-culpa. Je n’étais pas un ange, l’école m’ennuyait prodigieusement, je n’y avais pas vraiment d’amis et il est bien possible que mon passe-temps favori était de provoquer les profs que, par la force des choses, je devais côtoyer. Pour le second temps de la valse, je ne me souviens plus de l’élément déclencheur, mais à l’invitation de ma prof en fake news, le directeur de l’école est entré dans la danse. Il ne me marcha pas sur les pieds mais se contenta de me frapper aux bras ce qui fit tomber le livre que je tenais, par pur conformisme, pour suivre les élucubrations de ma professeure. Bardaf, c’est l’embardée et patrata, le livre se plia aux lois de la gravité.

Le directeur d’école : Ramasse tout de suite ce cahier.

Votre serviteur : Ce n’est pas un cahier, c’est le livre d’éducation religieuse.

Le directeur d’école (interloqué) : …

Votre serviteur (qui ferait mieux de se taire) : Et ce n’est pas moi qui ai jeté la parole du prophète par terre.

Il se saisit promptement du livre et me renvoya vingt-et-un jours à la casa. En fin d’année, le conseil de classe me fit doubler. Fin de la valse. Je pense que mon père a attribué tous ces problèmes avec l’autorité à notre changement de statut social. Il n’avait plus de quoi nous offrir une grosse baraque, mais il n’était pas ruiné au point de ne pas pouvoir m’offrir de suivre un cursus dans une école privée. Un établissement situé à plus de deux heures de bus de mon logement. Qu’allais-je pouvoir faire dans cette galère pendant ces quatre heures journalières ?

Chapitre 5 : Temps de cerveau

J’ai utilisé ce temps pour effectuer des recherches… sur l’islam. Je voulais tout comprendre. À cause, ou à la grâce de ces longs trajets, je rentrais chez moi que vers neuf heures du soir, trop tard pour manger en famille. J’étais seul. Personne à qui parler, de quoi me noyer dans une schizophrénie de bavardage : je discutais avec moi-même et personne n’appelait l’ambulance. Je me posais des questions et j’y répondais. C’est alors que j’ai découvert l’hypocrisie religieuse, la religion à la carte. Fais ce que je dis, pas ce que je fais. Il y avait autant de religions musulmanes que d’individus musulmans. Exactement comme pour le foot : chaque supporter était, pour lui, le meilleur des entraîneurs. Plus important encore, chacun voulait que les autres pratiquent la religion, le sport le plus collectif, comme eux se l’imaginaient. Alors, comme si c’était une formule magique, je me suis léché l’index et je l’ai frotté contre mon pouce. Après la première page du Coran, j’ai lu la deuxième et ensuite, toutes les autres. Plusieurs fois. Sans relâche. Sans préjugé. En arabe ancien, c’était loin d’être facile à décoder.

À la trois (digression) :

Oui, la Tunisie se dit un pays arabe, mais on ne parle pas « arabe ». On parle un dialecte. Aucun pays que je connaisse ne parle l’arabe académique. Oui, dans mon pays, on a bien eu des cours d’arabe littéraire, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Dans la vie quotidienne ? On palabre dans un jargon qui n’utilise pas la même conjugaison, pas la même grammaire ; même l’origine des mots est parfois différente. On recourt par exemple à des mots berbères, français, espagnols, italiens, en les arabisant. Ça ressemble à l’arabe littéraire, mais ça n’en n’est pas. On dit pour la cuisine : cucina. C’est de l’italien. En arabe, c’est matbakh. Quand un Tunisien parle à un Marocain, ils croient tous les deux qu’ils s’expriment en arabe et que l’autre, cet imbécile, n’y comprend rien. Aucun des deux ne peut se la péter « je parle mieux l’arabe que toi ». Le seul dialecte qui est à peu près compris partout, c’est celui qui nous vient d’Égypte et il y a une raison à ça : c’est eux qui ont la plus grosse industrie cinématographique.

Chapitre 5 bis : Du temps de cerveau et des livres

Il y a des dictionnaires académiques comme le Larousse, le Petit Robert et il y en a d’autres comme le Licen el Arab, plus pointu et dédié à l’arabe ancien. Lors de ma première lecture du Coran, je l’ai énormément utilisé afin, comme un bon élève, d’essayer de comprendre littéralement le sens des différentes sourates.

Panneau de signalisation : faut savoir que bien souvent quand quelqu’un cite un extrait du Coran, il ne le déclame pas, il le chante. Cela s’appelle la cantillation coranique et si c’est un outil précieux pour avoir un accès mélodieux au récit et que c’est fort utile comme moyen mnémotechnique, je trouve, de ma tour d’ivoire personnelle, que cela nous empêche de bien examiner le fond du texte, le sens des mots. J’ai entendu de nombreux hâfiz, c’est-à-dire « celui qui garde et récite la parole divine », durant mon enfance sans que je me demande une seule fois ce qu’il disait vraiment ! Lors de mes deux premières années de recherches — elles en ont duré une bonne dizaine — j’ai été littéralement choqué par la violence des propos, par la dureté des mots, par les invitations aux crimes légalisés. Je n’avais même pas imaginé un instant que l’islam se focaliserait sur le fait de tuer les mécréants.

C’est le royaume de la peur, une torture morale, la menace incessante des affres de l’enfer. La partie la plus souvent évoquée par les progressistes, les réformistes — c’est une religion de paix et d’amour —, est largement minoritaire. Ceci n’explique pas cela et loin de moi d’en tirer la conclusion que cette affirmation n’est rien d’autre que de la manipulation. Je reste persuadé que la majorité des musulmans souhaitent juste vivre librement, dignement, avec tous les avantages surnaturels et si possible, sans les inconvénients du jugement dernier. Faut rester lucide, il y a sans doute moins d’adeptes de la Taqîya, que d’amateurs de tequila.

Il y a une différence énorme entre la partie où Mohamed vit seul à la Mecque et celle beaucoup plus prégnante à Médine, où il est devenu un chef de guerre. Le discours est passé de la tolérance et du vivre ensemble à l’injonction « croyez à cette religion ou vous allez périr ». Cette période de prospection fut l’une des plus dures que j’aie eu à vivre. En avançant dans la compréhension de cette religion, je m’en éloignais. Je ne le savais pas encore, mais j’étais déjà sur le chemin de celui qui un jour, va refuser ce que l’on pourrait appeler un héritage idéologique. Je n’en parlais avec personne, c’était de la masturbation, une démarche solitaire. D’abord, je n’éprouvais pas particulièrement le besoin de m’exprimer à ce sujet et puis surtout, je ne voulais pas subir d’influence. Pour arriver à mes conclusions, je voulais utiliser uniquement mon cerveau et exercer mon libre arbitre. À chacun sa vision, à chacun son interprétation. Je voulais que la mienne m’appartienne. Je ne pense pas que mon approche était biaisée dès le début car j’espérais pouvoir être convaincu. Je souhaitais, quelque part, laisser une chance à l’instruction divine. Quoi de plus normal, à la sortie de l’adolescence, que de se chercher une personnalité. Tout le monde autour de moi était musulman, j’ai essayé de m’intégrer. Chaque fois que je lisais une heure, j’y réfléchissais au moins pendant le double. Mes longs déplacements en autobus m’ont offert du temps de cerveau, j’ai eu de la chance, c’était un précieux cadeau.

Petit à petit, cette réflexion s’est transformée en crainte pour ensuite prendre sa forme définitive : j’ai eu peur. Si je bannissais définitivement cette religion de ma vie, qu’allait-il m’arriver ? J’étais différent. Moi et les autres. Pour eux, il y avait une réponse à tout, quelqu’un leur prenait la main pour les conduire vers le bonheur absolu et je les sentais bien décidés à me tordre le poignet si je refusais de les accompagner. En recherchant Dieu, j’ai découvert la barbarie et je suis devenu insomniaque. La nuit, quand j’étais en quête de sommeil, je partais dans des élucubrations sur ma mort. Je voyais déjà ma vie comme un enfer : allait-il durer aussi toute l’éternité une fois mort ? Ma mère, mon père, ma grand-mère, mes oncles, tous me disaient : « Fais gaffe, tu seras jugé pour tout ce que tu fais ». Je me sentais surveillé à temps plein. On voulait me faire croire qu’une fois que ma chair serait brûlée par le feu de la Géhenne, Dieu, dans son immense bonté, allait me remettre de la peau afin de pouvoir la carboniser à nouveau. J’avais beau avoir des doutes, je ne pouvais balayer cette image de mon esprit d’un revers de la main. Surtout que ce ne serait même pas de ma faute, mais de celle du malin ! Le diable aurait pris possession de moi et mes mauvaises pensées ne seraient que la preuve de son existence, dixit les hautes instances familiales. Le démon me pousse dans le dos et c’est contre lui qu’il faut se battre, contre sa mainmise qu’il faut lutter. Entre mes seize et mes vingt ans, je l’ai combattu seul et en silence.

Tags : coran Ed haram islam Tunisie

VERS UNE BIBLIOTHÈQUE ATHÉE !

Posté le 30 mai 2023 Par JF Publié dans Arts, Culture, Athéisme, Littérature Laisser un commentaire

Un nouveau projet de l’Association Belge des Athées et de

l’Institut d’Histoire ouvrière, économique et sociale (IHOES) de Seraing

L’Association Belge des athées asbl a entamé, fin 2022, un projet de « Bibliothèque athée ». Il consiste à rassembler des publications anciennes et récentes, des documents d’archives relevant de l’athéisme, principalement belges ou de langue française.

Partir de rien risquerait de rester longtemps peu attractif et peu efficace. Nous avons par conséquent pris un accord avec une institution spécialisée disposant déjà d’un ensemble de publications pertinentes pour notre projet. Il s’agit de l’Institut d’Histoire ouvrière, économique et sociale (IHOES), installé à Seraing. C’est un des Centres d’archives privées reconnus et subventionnés par la Fédération Wallonie-Bruxelles.  Avec lui, nous avons conclu une Déclaration d’intention commune pour créer en son sein un ensemble physiquement identifiable. Il dispose actuellement pour l’athéisme et la Libre Pensée d’environ 800 références. Début 2025, il s’installera à Seraing dans de nouveaux et vastes locaux. 

Le projet inclut un inventaire informatisé de l’ensemble des publications.

Notre but commun est d’accroître ce qui existe grâce à l’action des athées, ceux qui sont organisés par notre association mais aussi tous les autres athées. 

Nous avons certes deux ans devant nous mais l’IHOES et nous, considérons qu’il est indispensable d’entamer dès maintenant les travaux en commençant par recenser ce qui pourrait être fourni. C’est une condition essentielle pour une mise en place efficace. 

Vous trouverez en annexe un formulaire où vous pourrez indiquer quantitativement et plus précisément, mais sans fournir pour l’instant de liste exhaustive, les livres, revues et documents que vous êtes prêts à mettre à la disposition du projet ainsi que la forme (prêt à long terme, don, legs) et le moment que vous souhaitez fixer pour la fourniture de ces publications. En aucun cas vous ne pourrez encourir de frais. Ce document ne constitue pas un engagement irréversible, c’est la convention de don ou de legs qu’il faudra signer ultérieurement qui vous engagera.

Cette démarche vous intéresse ou vous séduit ? Nous serions très heureux si vous pouviez nous renvoyer, le plus tôt possible, ce document aux adresses indiquées sur le formulaire. 

Toute contribution de votre part sera la bienvenue. Elle participera à une meilleure défense et illustration de l’athéisme !

Merci de télécharger le fichier ci-dessous et de l’envoyer à l’adresse mail de l’association : atheesdebelgique@gmail.com

Formulaire à compléterTélécharger
Tags : bibliothèque athée IHOES

Le bouddhisme est une religion

Posté le 19 avril 2023 Par JF Publié dans Communiqué de presse, Religion Laisser un commentaire

Communiqué de l’Association Belge des Athées

Le 17 mars 2023, le gouvernement belge a adopté un avant-projet de loi qui accorde au bouddhisme une reconnaissance officielle comme philosophie non confessionnelle. Autant la reconnaissance du bouddhisme va de soi à nos yeux, autant sa qualification comme philosophie non confessionnelle est un contre-sens.

Aux Etats-Unis, le bouddhisme fait partie de la sphère religieuse, et en France, le Bureau Central des Cultes l’a reconnu en 1988 comme congrégation religieuse. Le site de l’Union bouddhiste de France s’est félicité de cette décision qui a fait du bouddhisme « une des grandes religions présentes en France ».

Le bouddhisme présente de nombreux traits qui démontrent sa nature confessionnelle : cérémonies rituelles relevant de la superstition et pratiques cultuelles, prosélytisme allant jusqu’à la violence contre les non-bouddhistes (les Tamouls au Sri Lanka, les Rohingya musulmans au Myanmar), obsession de l’enfer et des châtiments post mortem, récompenses promises après la mort contre espèces sonnantes et trébuchantes (les indulgences au goût du jour).

Le bouddhisme est certes aussi une philosophie, une sagesse qui aide à vivre, mais cette dimension philosophique et éthique est tout aussi incontestablement présente dans le judaïsme, le christianisme et l’islam. L’inexistence dans les traditions bouddhiques d’un Dieu créateur ou d’un Être suprême n’autorise pas à exclure le bouddhisme de la sphère religieuse.

Bruxelles, le 19 avril 2023

Contacts
Association Belge des Athées asbl – atheesdebelgique @ gmail.com 
Pierre Gillis – pierre.gillis @ umons.ac.be
Patrice Dartevelle – patrice.dartevelle @ gmail.com 


Tags : communiqué de presse ABA Le bouddhisme est une religion religion

Euthanasie en France : la spiritualité au secours de la religion

Posté le 8 mars 2023 Par JF Publié dans Religion Laisser un commentaire
Patrice Dartevelle
(photo d’illustration : Paul Ricoeur)

Selon toute apparence, un débat structuré par le Président de la République lui-même va constituer une étape importante vers la légalisation ou non de l’euthanasie (ou du suicide assisté) en France.

Une usine à gaz

Différents organes doivent délibérer en vue de fournir un document comprenant d’éventuelles recommandations aux autorités pour le 19 mars 2023. Vu les oppositions tranchées sur le sujet, le moindre accord relèverait du miracle.

En théorie, on peut difficilement comprendre pourquoi le travail parlementaire ne peut suffire. Des précédents de telles législations existent dans différents pays occidentaux. Elles ont parfois plus de vingt ans d’existence. On peut y puiser la documentation nécessaire.

On sait qu’Emmanuel Macron est réservé sur le fonctionnement de l’Assemblée nationale française, qu’il y soit majoritaire ou non. Il faut dire que depuis la loi de dépénalisation de l’IVG portée par Simone Veil en 1974-1975, le bilan de l’Assemblée est mince en législation concernant des problèmes éthiques, notamment en bioéthique. Il a fallu 2013 pour autoriser le mariage homosexuel. Au vu des manifestations contre cette loi, on peut comprendre les réticences des derniers présidents à l’élargissement des droits éthiques.

Le projet, en tout cas, rencontre une forte opposition politique et religieuse en France. Cependant si l’on rapporte le nombre des manifestants au nombre d’électeurs, le chiffre n’était pas si élevé, d’autant que le mouvement apparaissait comme une manifestation du « Hollande bashing ».

L’idée de base de la procédure en cours est de réunir 170 citoyens « lambda », sous forme d’un groupe de travail. Ils ont été sélectionnés par tirage au sort sur la base de plus de 100.000 appels téléphoniques (il fallait leur accord, ce qui n’est pas neutre, les opposants étant souvent particulièrement motivés et certaines associations comme ATD Quart Monde ont réussi à y infiltrer des sympathisants) de manière à constituer globalement une image en réduction de la population majeure en France. Le choix confié au hasard d’une sélection de Français était justifié par certains par la non-technicité de la question.

Ensemble ils vont former la « Convention citoyenne sur la fin de vie », qui se réunira au cours de neuf week-ends de trois jours. Ses membres recevront une indemnité quotidienne de 94,60 € (ce qui posera des problèmes aux titulaires de profession libérale)[1].

Prudent non sans raison face à ce genre de groupe, le président Macron a demandé à l’écrivain Éric Orsenna de « concevoir un lexique des mots de la fin de vie », qui doit être livré avant la fin de la Convention citoyenne. Livraison que j’aurais plutôt imaginée avant la première réunion… Eric Orsenna a accepté la mission, pour autant qu’on lui adjoigne neuf personnalités pour l’accompagner dans le travail. Ces personnalités sont déjà connues. On y trouve des sociologues, un psychologue, et même un ancien chef de service d’un centre de soins palliatifs. Tant qu’à faire un travail sur la langue, j’aurais mis un ou deux linguistes ou philologues. Il paraît qu’ils vont même s’occuper de l’étymologie des mots, comme si celle-ci pouvait nous éclairer sur le champ sémantique actuel[2].

Deux des membres sont connus comme partisans de l’euthanasie[3]. En fait, dans cette étonnante préoccupation, il y a anguille sous roche. Lors de sa rencontre avec le pape, le Président Macron lui a déclaré qu’il « n’aimait pas le mot euthanasie » et que « la mort était un moment de vie, pas un acte technique ». L’ancien ministre de la Santé – aujourd’hui ministre du Renouveau démocratique –, Olivier Véran estime que le mot euthanasie « n’est pas un joli mot » et que c’était un mot qui était « connoté dans la langue française ». Il sous-entend que cela renvoie à l’euthanasie des handicapés, des incurables par les nazis.

C’est là une parfaite utilisation de la reductio ad Hitlerum. On se souvient que quand la régionalisation a été décidée en Belgique et qu’on a mis à Namur la capitale de la Wallonie, certains opposants ont utilisé l’argument que l’occupant allemand avait déjà utilisé Namur comme « capitale » de la Wallonie. Lamentable…

Irait-on vers une euthanasie avec un autre mot ? Ce n’est pas si simple. Un membre du groupe Orsenna, ancien directeur des Hôpitaux de Paris et conseiller d’État, a répliqué correctement que « le Parlement saurait écrire un texte avec des termes précis » et qu’il ne croyait pas qu’il soit possible de légaliser l’euthanasie en France en utilisant « une espèce de périphrase. La loi doit être claire, c’est même un objectif constitutionnel ».

Spiritualité et transcendance chez Emmanuel Macron

Le « meilleur » reste à venir.

Le journal Le Monde a entrepris de sonder le Président Macron sur sa pensée à propos de l’euthanasie. À la manière dont fonctionne aujourd’hui la presse française, l’article, au titre évocateur (« La pensée insondable de Macron »), qui s’étale sur près de deux pages[4] reprend des déclarations publiques mais aussi des propos de très proches, identifiés ou non, des propos privés de l’intéressé et de sa femme, en off masqué. Il donne une analyse des hésitations et du flou de la pensée d’Emmanuel Macron.

Au retour de Rome, le président français expose son indécision en montrant combien il comprend difficilement la position de ceux qui réclament la libéralisation de l’euthanasie : « Ma mort m’appartient-elle ? C’est une question intimidante. Je ne suis pas sûr d’avoir la réponse ».

Une écrivaine, autrice d’un livre sur les Macron, Gaël Tchakaloff, voit la clé non pas dans des raisons religieuses mais « spirituelles ». On le sait, Emmanuel Macron a été un proche, un familier même du philosophe Paul Ricœur. Ce dernier a écrit sur le sujet et sans argument, en dehors d’interrogations de mauvaise foi, il tranche : « Pour qui la prolongation est-elle insupportable ? » On n’en croit pas ses yeux alors que la réponse est simplissime : pour l’intéressé lui-même ! Et il conclut : « Le choix n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le mal et le pire, même alors le législateur ne saurait donner sa caution ».

L’argumentation est reprise par l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzin. Un député du parti de Macron et ami de celui-ci depuis leurs études déclare pour sa part : « Je pense que sur le sujet de la fin de vie, le rapport d’Emmanuel Macron à la transcendance ne viendra pas déterminer ou surdéterminer les décisions qu’il prendra et qui sont de nature politique ». Le député est optimiste et il aura peut-être raison mais lui aussi désigne la source du problème : le rapport à la transcendance.

Le 12 septembre 2022, Emmanuel Macron s’exprime devant la presse sur les deux modèles qui peuvent servir de référence : le belge et le suisse, avec le suicide assisté. Il trouve des faiblesses aux deux modèles, pourtant aisément compatibles, et revient sur ce qui le chipote : « Est-ce que chacun peut disposer de sa vie ? Il y a une immense difficulté quand l’expression du consentement peut être altérée par des circonstances de souffrance et des troubles psychologiques ». Ne devrait-on pas plutôt dire que l’intéressé pèse le mieux les éléments de sa cause voire que sa situation lui donne une lucidité particulière ? Comment peut-on balayer la question de la souffrance en quelques mots ? Probablement parce que Macron reste dans le dolorisme chrétien.

Ce ne sont là que des excuses pour légitimer des procédures dilatoires que l’état de l’opinion publique ne dicte pas : selon les sondages 94 % des Français sont favorables à l’euthanasie.

On le voit, spiritualité et transcendance aboutissent à la même attitude que les convictions proprement religieuses : ma spiritualité m’amène à faire ceci et donc je l’impose à tout le monde, d’autant qu’elle se fonde sur une transcendance.

Quitte à ne pas me renouveler, je ne puis que rappeler que lors de ma première intervention publique pour l’Association Belge des Athées en 2013, je disais que ce qui pose aujourd’hui le principal problème aux athées européens, c’est, avec l’islam, l’incitation à la spiritualité. C’est la position du second groupe le plus significatif dans les sondages, celui dit des « sans religion » – athées non compris – qui représente 32,6 % des opinions. Lors de différentes conférences, j’ai plus d’une fois expliqué qu’il s’agissait d’un groupe « en recherche », le plus irrationaliste de tous, dont on ne peut savoir ce qu’il va trouver[5].

On voit bien par l’exemple de Macron les dangers que recèle la spiritualité, simplement pour l’acceptation de la diversité éthique dans la population. Chassez le naturel…

La convention citoyenne ne se laisse pas faire

Tout ceci laisse mal augurer de la décision finale. Mais on connaît dès maintenant les résultats des premiers votes intervenus à la convention citoyenne[6]. 84 % de ses membres ont estimé que la législation en vigueur n’était pas « adaptée aux différentes situations rencontrées » et qu’il fallait changer la loi » et 75 % ont voté pour une « aide active à mourir ». Autre point qui semble positif, le Président Macron devait recevoir à diner les représentants des différents cultes – tous hostiles à l’euthanasie, bouddhisme compris – et quelques personnes favorables à l’euthanasie. Le diner a été prestement annulé.

Sur l’intime conviction du Président, j’ai dit ce qu’il fallait dire mais peut-être de là à affronter pareilles majorités… Espérons…


[1] Béatrice Jérôme, « Fin de vie : l’enjeu de la convention citoyenne » in Le Monde du 10 décembre 2022.

[2] Avec une parfaite clarté, la linguiste Véronica Thiéry-Riboulot, interrogée sur son livre Laïcité, histoire d’un mot, répond à la question : « L’histoire du mot “laïcité” aide-t-elle à lui donner un sens aujourd’hui ? » par un très net « Non. Ce que montre l’histoire des mots, c’est que chaque période historique et sociale est marquée par leur utilisation en fonction du contexte particulier qui est le leur » in Le Monde du 28 décembre 2022.

[3] Béatrice Jérôme, « Un groupe d’experts pour mettre des mots sur la fin de vie » in Le Monde des 24-25 et 26 décembre 2022.

[4] Claire Gatinois et Béatrice Jérôme, « Fin de vie : la pensée insondable de Macron » in Le Monde du 9 décembre 2022.

[5] Une fois encore je renvoie au texte de mon intervention « Le retour de la spiritualité, nouveau masque de la religion ? » in La Pensée et les Hommes, N°99, Franc-Parler 2015, pp.59-70 et reproduit dans L’Athée n°9 (2022), pp. 63-79. Il a été mis en ligne le 29 novembre 2021 sur athees.net.

[6] Béatrice Jérôme, « La convention citoyenne favorable à une « aide active à mourir », Le Monde du 21 février 2023.

Tags : Éric Orsenna euthanasie France Macron Paul Ricoeur spiritualité

La méditation en pleine conscience : une religion qui ne dit pas son nom

Posté le 8 mars 2023 Par JF Publié dans Religion Laisser un commentaire
 Anne Morelli

Les magazines et revues ne cessent de vous le marteler : il faut « prendre du temps pour soi », « se recentrer sur soi » et méditer.

Mais la méditation à la mode n’est plus la ruminatio à partir de L’Imitation de Jésus-Christ ou d’un autre texte de la piété chrétienne.

Pour méditer « actuel », il faut, comme le coureur cycliste Remco Evenepoel, comme les vedettes du show business ou les malades de l’Hôpital Sainte Thérèse de Charleroi, pratiquer la mindfulness ou méditation de pleine conscience (Le Soir du 6 octobre 2022).

Une religieuse de la paroisse Sainte Suzanne à Schaerbeek assure[1] que cette pratique méditative s’inspire de la prière chrétienne. De son côté, une « coach » conseille d’utiliser la pleine conscience pour éduquer les enfants de 7 à 12 ans[2]. Cette technique, diffusée aussi dans les milieux financiers, serait une réponse aux douleurs chroniques telles que la fibromyalgie et éviterait les rechutes dépressives[3].

Les pratiques de pleine conscience connaissent un tel succès que l’ULB elle-même accueille l’association « Emergences » qui les diffuse[4] après avoir touché les autres niveaux d’enseignement et les entreprises. Son Hôpital Erasme a cédé à la mode en mettant en place un programme de mindfullness.

De nombreuses multinationales organisent des sessions régulières dans leurs bureaux, qui déboucheraient le plus souvent sur une implication plus grande des employés et contribueraient à prévenir leur stress.

A l’image de ce qui se passe chez Google, où plus d’un millier de travailleurs sont passés par ces sessions d’entraînement, de nombreuses sociétés auraient vu l’enthousiasme de leurs employés et leur rythme de travail s’améliorer suite à ces méditations qu’il est possible de suivre en présence ou sur une application, toujours contre paiement évidemment.

Bref, cette panacée universelle est maintenant connue – et admise – du public le plus large et se prétend « totalement laïque et dénuée de toute considération religieuse ou philosophique »[5].

Avant de laisser cette pratique méditative envahir les écoles, les hôpitaux et les milieux professionnels, il est bon de s’informer sur les origines et le développement de cette « pleine conscience ».

Le livre d’Elisabeth Martens[6] nous en donne l’occasion.

L’auteure est une biologiste issue de l’ULB, passionnée de bouddhisme.  Elle a passé trois ans en Chine pour y étudier la médecine traditionnelle et elle pratique quotidiennement la méditation.

Ce qu’elle remet en question dans son ouvrage n’est pas le bénéfice que la méditation peut apporter à des souffrances psychosomatiques mais le mouvement de la pleine conscience dans ses aspects notamment politiques, religieux et de business, soutenus par ses leaders.

La Mindfulness a été introduite aux États-Unis par Jon Kabat-Zinn, beau-fils du célèbre Howard Zinn auteur de l’Histoire populaire des États-Unis (que j’ai fait lire à des générations d’étudiants !).

Jon est biologiste et hippie. C’est à cette époque qu’il se tourne vers un maître bouddhiste, venu en Occident enseigner la méditation.

Pour l’auteure, le bouddhisme a trouvé avec la mindfulness une occasion magnifique de pénétrer les instances économiques mais aussi politiques (plusieurs parlements) des pays industrialisés.

Car, malgré l’auto-proclamation de laïcité, c’est bien du bouddhisme qu’il s’agit.

Le bouddhisme est bien une religion 

Les pratiques de pleine conscience sont en effet des pratiques méditatives Vipassana issues des traditions bouddhistes, enseignées par toutes les écoles bouddhistes, quelles que soient leurs divergences.

De nombreux adeptes de la pleine conscience ne sont pas informés de l’origine bouddhiste de leur pratique, que ne mentionnent d’ailleurs pas de nombreux livres ou sites.

Qui a voyagé en Orient a pu constater le caractère absolument religieux du bouddhisme avec ses prêtres, ses temples, ses offrandes, ses dogmes (le nirvana, le karma, la « réalité ultime » …), ses prétentions de salut, ses Bouddhas déifiés et ses fanatiques déchaînés (comme en Birmanie) contre les tenants d’autres religions.

Mais, dans la version occidentalisée, le bouddhisme séduit des intellectuels auxquels il se présente comme une « spiritualité athée ». L’au-delà y est pourtant présenté comme une délivrance par rapport à la vie sur terre et le fidèle se dissout dans la « conscience universelle ». Il s’agit d’échapper à la Roue des existences sans fin…

Le bouddhisme, pas plus qu’une autre religion, ne repose sur des observations vérifiables et il implique donc la foi.

Le « Mind and Life Institute » de Jon Kabat-Zinn a pour président d’honneur le dalaï-lama et vise le monde scientifique et médical occidental pour propager en Europe (avec le financement notamment de la Commission européenne), la pleine conscience.

Le mouvement de la pleine conscience, concrètement impliqué dans le bouddhisme, est devenu le soft power du néo-bouddhisme occidental qui progresse à vive allure, sans grandes résistances.

Il a su s’adapter à la demande et « oublier » ses gourous, ses démons, ses miracles, la naissance miraculeuse de Bouddha, ses pouvoirs surnaturels …

La plasticité du bouddhisme a permis son implantation progressive en Occident depuis le siècle des Lumières.  Au XIXe siècle, les intellectuels anticléricaux en retiennent le mythe tibétain diffusé par la « Société théosophique » d’Helena Blavatsky, un mythe repris dans le cadre de la guerre froide.

Le dalaï-lama joue dans le cadre de la guerre contre la Chine un rôle essentiel, qui lui permet en outre d’assurer son expansion à l’Ouest et de multiplier ses fans.

L’auteure rappelle la proximité de ce mythe tibétain avec les théories du national-socialisme et les méthodes du « Tibetan Youth Congress », béni par le dalaï-lama préconisant la violence, le sexisme et le racialisme. Chez les lamas, comme dans bien d’autres clergés, les scandales financiers et sexuels sont nombreux, sans entraîner de réaction du dalaï-lama.

La pleine conscience promet certes d’apporter bien-être, empathie, amour, paix et bonheur. 

Mais une chose est certaine cette industrie enregistre des chiffres d’affaires considérables. Ses revenus se comptent en millions de dollars. Sans burn-out et maladies psychosomatiques, ce commerce – fait d’instituts, centres de relaxation ou écoles de méditation – s’effondrerait.

Libre à chacun de ne prendre que la part «philosophique» du bouddhisme et de pratiquer la méditation Vipassana. Mais il faut savoir que le bouddha athée est une interprétation très particulière du bouddhisme.

Comme le conclut Elisabeth Martens : « Ignorer ses aspects cultuels et ses dérives historiques, c’est rester sciemment aveugle aux conséquences possibles de la mainmise du bouddhisme sur notre vie et notre société. Le bouddhisme est autant à interroger que n’importe quelle autre religion, il n’a échappé à aucune des dérives propres aux institutions religieuses, ni en Asie ni chez nous »[7].


[1] RTBF, 23 décembre 2022.

[2] Femmes d’Aujourd’hui, 22 décembre 2022. Présentation de son livre-carnet pour enfants.

[3] Le Soir, 8 octobre 2022, article de Pauline Martial « La mindfulness, bénéfique pour le corps et l’esprit ».

[4] Le centre de formation continue « Santé et sciences de la vie » de l’ULB propose une formation à la pleine conscience, certifiée par l’Université.

[5] Le Soir, idem.

[6] La méditation de pleine conscience – L’envers du décor, Investig’Action, 2021, 279 p.

[7] Op. cit. p. 86.

Tags : bouddhisme dalaï-lama Élisabeth Martens Helena Blavatsky méditation en pleine conscience Mindfullness spiritualité

Jésus

Posté le 8 mars 2023 Par JF Publié dans Religion Laisser un commentaire
Robert Joly

Le texte ci-dessous est la retranscription d’une conférence donnée par Robert Joly le 22 février 1985 au Roeulx. La retranscription est l’œuvre d’Yves Ramaekers et Marianne De Greef. On leur doit les sous-titres. Les passages entre crochets droits sont de la rédaction. La publication se fait avec l’aimable autorisation de la veuve et de la fille de R.Joly. On peut consulter la captation en vidéo de la conférence réalisée par Jean-Pierre Pourtois ci-dessous : 

Pour des raisons d’édition, le texte retranscrit de la conférence a été scindé en trois parties, qui seront publiées successivement dans les prochaines livraisons de notre Newsletter. Ces parties sont centrées chacune sur un élément pertinent qui leur donne leur titre.

– Partie 1 : Jésus a bel et bien existé

– Partie 2 : Le fils de Marie et de Joseph

– Partie 3 : L’annonceur annoncé

Robert Joly (1922-2011) est un philologue spécialisé dans l’Antiquité gréco-romaine. Comme professeur, il a donné divers cours de philosophie et un cours d’histoire des sciences à l’Université de Mons et a enseigné la littérature des Pères grecs de l’Église et le Nouveau Testament à l’ULB, à l’Institut d’histoire du christianisme, dont il sera le directeur quelques années.

Il s’est attaché à l’histoire des origines du christianisme en montrant que très rapidement, il a contracté une forte dette à l’égard de la philosophie païenne. R. Joly s’est consacré spécialement aux auteurs chrétiens du IIᵉ siècle pour conclure à la forte influence du moyen platonisme. Dans plusieurs textes, il a montré que la spécificité de la morale chrétienne (comme la charité universelle) était sans fondement. Tout se retrouve dans le paganisme antérieur ou n’est que pure illusion.

Il n’a jamais rassemblé de manière systématique ses vues sur Jésus mais a participé à un débat à Paris que l’on peut retrouver dans Robert Joly, Jean Hadot, Georges Ory et Guy Faux, « Le problème de Jésus I » dans Raison Présente, n°11 (juillet-août-septembre 1969), pp. 55-73 et « Le problème de Jésus II » dans Raison Présente, n°12 (Octobre-novembre-décembre 1969), pp.47-69.

Son ouvrage « Dieu vous interpelle ? Moi il m’évite… Les raisons de l’incroyance » publié en 2000 est le classique de l’athéisme en langue française. Par ses nombreux livres, ses cours et les conférences pour le grand public qu’il aimait tant donner, il a exercé une profonde influence sur les milieux laïques.

Voir Patrice Dartevelle, « Robert Joly (1922-2011), philologue rationaliste et athée », in Patrice Dartevelle et Christophe De Spiegeleer (dir.), Histoire de l’athéisme en Belgique, ABA Éditions, collection Études athées, 2021, pp. 127-137.

Patrice Dartevelle

Première partie

Jésus a bel et bien existé

L’historien croyant et l’historien mécréant

Le sujet est épineux, difficile, mais je crois qu’on peut l’aborder. Je veux commencer par vous dire que je vais parler de Jésus en historien, en historien des religions – bien entendu – et du christianisme et de ses origines. Il faut bien voir ce qu’implique l’Histoire. C’est un métier que l’Histoire, c’est une science. Il n’y a d’ailleurs aujourd’hui plus de discussion à ce sujet. Un historien ne peut avancer que des choses qu’il peut prouver, et s’il ne peut pas les prouver, il peut tout de même avancer des choses, mais en disant quel est, à son avis, le degré de probabilité, rien de plus. Ceci veut dire que, même si un historien est croyant, est catholique, il ne peut pas faire intervenir sa foi, s’il veut être historien. Comme croyant, il admet un certain nombre de choses, mais s’il est historien, il ne peut dire que ce qui est prouvé, que ce qui est prouvable.

Les croyants ont mis du temps pour s’apercevoir de cela et c’est bien naturel. Ils ont la foi et ils ne peuvent pas si facilement admettre que la foi et la science soient si différentes. Ils ne peuvent pas admettre qu’elles soient incompatibles. Mais aujourd’hui, entre un historien catholique et un historien incroyant, il y a beaucoup moins de différences qu’on ne pourrait croire, parce que l’historien, même s’il est catholique, sait ce qu’est le métier d’historien. Par exemple, il y a un très beau livre qui est paru, il y a six ou sept ans, d’un professeur spécialiste du Nouveau Testament à l’Institut catholique de Paris, un éminent spécialiste, ecclésiastique [Charles Perrot, Jésus et l’Histoire , Desclée, De Brouwer, 1979] et son propos est de ne dire que ce que l’historien peut dire de Jésus. L’accord entre un mécréant comme moi et Charles Perrot est bien plus substantiel que ce qu’on aurait pu croire, il y a encore vingt ou trente ans.

Même si un historien est croyant, il ne peut pas dire en tant qu’historien que Jésus est ressuscité. Il le croit, c’est sa foi, mais il n’y a pas de preuve historique que Jésus est ressuscité. Il y a seulement des preuves historiques qu’on a cru à sa résurrection. C’est tout de même très différent. Un petit groupe de disciples a cru à sa résurrection, mais affirmer qu’il est ressuscité est une proposition de foi et pas d’historien. Il ne faut pas imaginer que le tombeau vide soit une preuve de la résurrection de Jésus. Un tombeau peut être vide pour trente-six raisons et la résurrection serait peut-être la dernière hypothèse à formuler, comme historien. Il est clair, par l’analyse du texte, que le tombeau vide est une invention a posteriori. Quelque chose auquel on a cru très sincèrement à un moment donné, mais qui est postérieur. C’est une légende, et bien des historiens, même catholiques, disent aujourd’hui – j’ai vu un article, il n’y a pas trois semaines, dans ce sens-là, d’un historien catholique, un théologien qui disait qu’il ne faut pas prendre le tombeau vide pour une preuve de la résurrection du Christ – que c’est seulement une manifestation de la foi en la résurrection. C’est dire ce que les mécréants disaient depuis longtemps, que c’est une légende de la foi mais pas du tout un fait prouvé, loin de là. L’historien n’a pas réponse à tout, il ne peut parler que d’après les documents qu’il a et le progrès de l’Histoire vient souvent de nouveaux documents qui apparaissent, qu’on découvre ou bien, comme c’est le cas ici, de l’analyse des documents par laquelle on peut faire des progrès, parce qu’on ne découvre pas très souvent de nouveaux documents sur les origines du christianisme et sur Jésus. C’est ça qui change tout de même beaucoup la représentation qu’on peut se faire de Jésus.

Biographie lacunaire de Jésus

Il y a longtemps qu’on a renoncé à faire une vie de Jésus. On sait bien qu’on ne dispose pas des éléments pour faire une biographie continue de Jésus. On sait finalement peu de choses de lui, mais ce n’est pas un argument pour dire qu’il n’a pas existé. Jésus a existé, j’en mettrais ma main au feu. Qu’il a existé comme homme. Croire qu’il est le fils de Dieu, c’est de la foi, ce n’est pas de l’Histoire. Mais Jésus a bel et bien existé. On l’a parfois nié, mais manifestement, cette thèse, qui n’a jamais été réellement celle des spécialistes, n’est pas soutenable du tout.

Pour parler de Jésus, on a essentiellement les Évangiles. Il y a quelques petits témoignages païens, mais ils n’ont pas tellement d’importance. Il ne faut pas croire non plus qu’il faudrait des témoignages païens pour être sûr que Jésus a existé. Pas du tout. L’analyse des Évangiles le prouve à cent pour cent. Il y a trois Évangiles qui vont ensemble, qu’on appelle synoptiques, parce qu’on peut les mettre sur trois colonnes, qui sont parallèles, avec, heureusement, beaucoup de divergences. Ce sont les plus anciens. Jean est déjà très différent, mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas parfois chez lui des traditions qui seraient plus sûres, mais en général, Jean représente un stade de la croyance postérieur aux trois synoptiques.

Donc, il faut se baser essentiellement sur trois Évangiles et bien voir ce que sont les Évangiles. Les Évangiles ne sont pas des livres d’historiens. L’accord est fait là-dessus, il est unanime aujourd’hui. Ce sont des livres de propagande chrétienne qui veulent évangéliser. Ces Évangiles-là datent de 65, 70, 80 de notre ère, c’est-à-dire quarante ans après la mort du Christ, de Jésus. Ceux qui les écrivent traduisent l’état de la croyance dans leur communauté et ils veulent promouvoir la nouvelle religion. Ce ne sont pas des historiens, du tout. Ils s’inspirent de traditions antérieures qui ont d’abord été orales et qui ont fini par être mises par écrit.

Selon Marc

Marc, qui est notre premier évangéliste – dans le Nouveau Testament, il est le deuxième, mais chronologiquement, c’est lui le premier – avait peut-être déjà à sa disposition des textes, mais il est probable qu’un Évangile comme nous le lisons dans Marc n’a pas existé avant le sien ; c’est très probablement le premier. Qu’est-ce qui permet, à partir de textes de propagande chrétienne – je ne dis pas propagande au sens péjoratif –, de prosélytisme chrétien, de remonter à Jésus ? Le problème est délicat parce qu’il faut bien comprendre qu’une fois qu’on a cru à la résurrection de Jésus, le fait qu’il était ressuscité et qu’on croyait à sa résurrection nous fait voir le signe d’une dignité tout à fait particulière du personnage. Avant cela, pendant sa vie, il n’a intéressé que très peu de monde et on n’était sûrement pas intéressé à noter ce qu’il faisait. C’est quand on a cru à sa résurrection qu’il est devenu intéressant et important. Croire qu’il est ressuscité, c’est lui accorder un format déjà presque divin. C’est de là qu’est parti l’intérêt pour sa vie, pour ce qu’il avait dit, et on a essayé de regrouper, de formuler. Mais tout cela est reformulé d’après la croyance qu’on a à ce moment-là, et cette croyance majore déjà considérablement le personnage.

Le problème, c’est de passer à travers la croyance des différents milieux chrétiens et voir en grattant, en jouant un peu à la spéléologie, de retrouver Jésus, le Jésus historique. À travers quoi ? À travers les majorations de la foi, puisqu’on part d’un homme et qu’on en fait un Dieu, et même un Dieu à part entière dans la Trinité mais il faudra attendre le quatrième siècle tout de même pour ça. Il est vite devenu un personnage divin. Une fois qu’on croit à sa résurrection, sa promotion divine est très rapide. La foi est majorante : la foi majore le personnage, elle fait de l’homme un Dieu, très vite, mais Jésus ne s’est sûrement pas cru divin. Pour ma part, je pense que Jésus se croyait prophète, ça sûrement, mais des prophètes, ça ne manquait pas de ce temps-là en Judée, en Palestine. Tout ce qu’on peut admettre d’authentique pour Jésus consiste à dire que « La fin du monde est proche » et « Le règne de Dieu arrive ». Par conséquent, repentez-vous. Voilà les deux idées essentielles de Jésus, relativement banales dans le milieu de l’époque.

Selon Jean-Baptiste

Jean-Baptiste, qui était aussi un prophète, ne devait pas dire grand-chose d’autre. Jean-Baptiste a baptisé Jésus ; Jésus a été disciple de Jean-Baptiste. Mais Jésus, grâce à la croyance à sa résurrection, a eu une promotion que Jean-Baptiste n’a pas eue. On voit les Évangiles récupérer Jean-Baptiste et lui faire dire : « Celui qui vient après moi est bien plus grand que moi ». Ce n’est pas une parole authentique : c’est une parole de croyants qui ont déjà majoré Jésus. On voit la lutte entre les disciples de Jean-Baptiste et les disciples de Jésus ; la concurrence a été relativement chaude pendant tout un temps. C’est Jean, c’est le quatrième Évangile, qui nous le montre le mieux. Finalement, dans la tradition chrétienne, Jean-Baptiste est devenu le précurseur. Si je pouvais interviewer Jean-Baptiste, j’ai l’impression que c’est un grade qu’il n’admettrait pas du tout. Mais la tradition chrétienne en a fait seulement un précurseur.

Les trois Évangiles qui sont parallèles ont été formés dans des communautés différentes. On ne sait pas trop lesquelles, ce sont des conjectures. Marc est probablement romain, on peut hésiter et les spécialistes se disputent là-dessus. Luc n’a pas connu Matthieu ; ils ne se connaissent pas mutuellement, mais ils connaissent Marc tous les deux. Ils s’inspirent très fort de Marc, mais ils ont parfois des traditions divergentes et des traditions parallèles ; ils amplifient de toute façon l’Évangile de Marc et il y a des disparates dans des récits parallèles. Il y a des disparates, ce qui est fort intéressant, parce que c’est ce qui nous permet, en analysant les divergences, de retrouver un propos authentique et un autre qui ne l’est pas. C’est parce que les trois Évangiles ne sont pas strictement identiques que nous pouvons remonter, ou plutôt descendre les couches successives de la tradition. Donnons quelques exemples de divergences pour faire comprendre concrètement ce que ça veut dire.

Mon travail serait grandement facilité si le lecteur sortait de sa lecture quotidienne des Évangiles, mais mon expérience me prouve que je ne peux pas compter là-dessus. On dit toujours que la Bible est le livre le plus lu du monde ; c’est tout à fait faux. C’est le livre sûrement le plus édité du monde, c’est le livre le plus traduit du monde, c’est le livre le plus possédé du monde, mais le livre le plus lu, sûrement pas.

Lire la Bible

Il n’y a que trente ans d’ailleurs, un catholique devait avoir l’autorisation de son directeur de conscience pour lire la Bible dans son texte intégral. Le texte intégral pose tellement de questions que l’Église catholique a toujours préféré donner des anthologies un peu arrangées qui ne posent pas de problèmes. Mais le texte intégral, lui, en posait. L’Église n’y tenait pas du tout. Cette interdiction est maintenant levée.

Les protestants lisent la Bible. Les protestants pieux continuent à lire la Bible tous les jours, c’est-à-dire quelques versets tous les jours. Ils lisent ça un peu comme le curé lit son bréviaire, ou lisait son bréviaire. C’est-à-dire qu’il y a des façons de lire qui sont pieuses, des récitations édifiantes qui n’amènent pas une lecture critique. On peut lire toutes sortes de contradictions sans s’en rendre compte, même pendant quarante ans. La Bible n’est pas lue, elle n’est pas lue comme elle devrait l’être, en tout cas. Les incroyants ne lisent pas la Bible non plus ; ils ont tort. Tout le monde a tort, c’est prodigieusement intéressant, mais je sais bien qu’ils ne la lisent pas.

Les disparates

Voici le genre de disparates que l’on trouve dans les Évangiles. Je ne vous en donne que quelques exemples parmi ceux qui demandent le moins d’explications possible, parce que certains sont complexes. On trouve, par exemple dans Marc, un ensemble de versets qui énumèrent quelques faits différents, mais ils sont continus dans le texte. Luc les reprend tels quels, mais Matthieu, lui, disperse ces versets et il les met dans des contextes très différents. C’est très fréquent. Un même épisode, un petit épisode, une parole de Jésus, est mis par les Évangiles, au moins par deux d’entre eux une fois sur trois, dans des contextes différents. Qu’est-ce que ça veut dire ? Cela signifie que ce qui est le plus ancien, c’est le petit texte, mais que son contexte est artificiel. Il a été restructuré dans bien de cas. Prenons par exemple une parabole. On en retrouve dans les trois ; il y en a qu’on retrouve dans les trois, il y en a qui sont dans deux, il y en a qui sont dans quatre. Tout ça varie, mais la plupart du temps, l’occasion pour Jésus de dire la parole est différente et la preuve est faite depuis longtemps que ce qui est le plus ancien, c’est la parabole elle-même, à condition de la dégraisser d’un certain nombre d’additions, d’enjolivements, d’amplifications. Il y a souvent quelque chose d’authentique dans les paraboles, mais le contexte dans lequel elles ont été mises a été rédigé, réarrangé de façons différentes dans les trois synoptiques. En termes un peu « jargonnants », ces contextes sont rédactionnels. Cela veut dire qu’il ne faut pas compter dessus pour faire l’histoire. Ils correspondent à la croyance du milieu ou à la persuasion personnelle de l’évangéliste, mais ça n’a pas de chance de remonter très haut.

Ce qui peut remonter très haut, ce sont de petits textes. Des paroles de Jésus circulaient certainement. Nous en avons la preuve, mais elles n’étaient pas regroupées, ou regroupées diversement. Ensuite, on les a tout de même regroupées, on en a fait des ensembles et nous pouvons, en analysant les Évangiles, retrouver ces ensembles. Mais l’ensemble est rédactionnel, est postérieur. Ce qui est le plus ancien, ce sont les propos de Jésus, pris séparément. Le premier texte, le premier récit un peu structuré, c’est évidemment celui de la mort, de la Passion de Jésus. L’intérêt se fixait sur la mort puisqu’elle conditionnait la résurrection. C’est ça le premier intérêt. Si vous lisez Marc, il n’a pas de souci de chronologie, il enchaîne les paroles et les actes de Jésus d’une façon très vague. « Et puis », « et un jour », « et après », il enfile des perles. Le fil, il ne faut pas s’y fier, mais on voit que le récit de la Passion est structuré et qu’il était déjà rédigé : c’est naturel, le premier intérêt des chrétiens, c’est la mort et la résurrection.

Mort et résurrection

Nous ne savons plus ce que veut dire « résurrection » parce qu’aujourd’hui, c’est extérieur à nos mentalités. Il faut donc l’expliquer. Que Jésus soit ressuscité, ça veut dire aussi que c’est la fin du monde. Dans la croyance des Juifs, la fin du monde, c’est la résurrection de l’homme, et pour cela, il faudra le Jugement dernier. Le Jugement de Dieu exige la résurrection des morts et que Jésus soit ressuscité veut dire au fond que c’est le premier à ressusciter. Les autres vont suivre et la fin du monde est imminente. Les premiers chrétiens ont attendu la fin du monde pour très bientôt, pour tout de suite et un siècle après, certains attendaient encore. Par la suite, ça s’est atténué, mais ça ne venait pas. Les premières générations ont attendu la fin du monde dans l’immédiat. Saint Paul est très clair là-dessus et Saint Paul, ce sont les plus anciens textes chrétiens que nous ayons. Les lettres de Paul datent de 50 environ, et puis 60, elles sont antérieures aux Évangiles, tout en représentant un christianisme beaucoup plus évolué. Paul a déjà une théologie du Christ très élaborée tandis qu’un peu plus tard, on rédige les Évangiles avec des traditions beaucoup plus anciennes et qui nous attestent dans bien des cas que Jésus ne se donnait pas pour fils de Dieu, pour un personnage divin. Il est paradoxal que les premiers textes chrétiens représentent déjà un christianisme beaucoup plus majoré que Marc, notamment, mais même que Matthieu et Luc. Jean est postérieur encore et c’est chez eux que le Christ est le plus majoré dans le Nouveau Testament.

Nazareth ou Bethléem ?

Voici des contradictions, des divergences très concrètes, et qui sont faciles à percevoir dans le texte et à expliquer très facilement. Notamment, dans Matthieu, les parents de Jésus habitent à Bethléem ; mais dans Luc, c’est Nazareth. Voilà une divergence et les historiens se demandent qui a raison. Comme il n’y a pas beaucoup de chance que ce soit un troisième lieu, il faut choisir entre les deux. C’est très clair, c’est Nazareth et les historiens resituent la famille à Nazareth. C’est Jésus de Nazareth, pas de Bethléem. Pourquoi ? Il y avait des propos dans la Bible d’origine juive qui disaient que le Messie naîtrait à Bethléem. Si Jésus était originaire de Bethléem, pourquoi est-ce qu’on irait inventer Nazareth, qui est un patelin si infinitésimal qu’on ne l’a même pas retrouvé ? Par contre, s’il est de Nazareth, on comprend très bien la majoration en question. Quand on croit qu’il est le Messie, il faut qu’il soit de Bethléem. Ses parents sont à Nazareth et on inventera le recensement pour les faire aller avec lui à Bethléem, car il faut que le Messie naisse à Bethléem. Une telle donnée est secondaire. Elle dépend de la foi, tandis que Nazareth, c’est le propos authentique. Voilà la différence qu’il y a entre les Évangiles sur ce point. Dans Matthieu, les apparitions aux disciples se font en Galilée ; chez Luc, elles se font à Jérusalem, ce qui est très différent. Chez Jean, la mère de Jésus assiste à la crucifixion, elle est au calvaire. Et Dieu sait si chez les peintres, les primitifs flamands ou italiens, la mère de Jésus est au calvaire. Comment voulez-vous imaginer l’affaire autrement ? Dans les trois Évangiles plus anciens, Marie n’est pas du tout là. On prend la peine d’énumérer des femmes qui sont là, mais Marie n’y est pas. La mère de Jésus n’est pas là. La présence de Marie au calvaire s’imposait dans la foi des chrétiens, mais historiquement, les Évangiles les plus anciens nous attestent qu’elle n’y était pas. Si elle y avait été, eux qui mentionnent sept ou huit femmes présentes n’auraient pas oublié la mère de Jésus. La vérité, c’est que la mère de Jésus n’avait aucune importance pour la première génération chrétienne et les Évangiles nous en donnent la preuve, les traces. Donc, il faut en faire l’analyse, la critique des Évangiles : c’est le métier d’historien. « Critique » n’est pas péjoratif : « critique » ne veut pas dire éreintement systématique, destructeur. Dès qu’on est historien, il faut faire la critique des témoignages et les Évangiles demandent une critique comme tout autre texte. C’est un peu plus complexe, parce que le problème est plus difficile. La conclusion immédiate de tout ça, c’est que l’historien ne peut pas faire comme la foi : prendre les Évangiles pour paroles d’évangile. Ça n’est vraiment pas possible. Il faut scruter, il faut comparer et s’acheminer à travers des couches successives vers ce qui a pu être un propos historique et quand tout ça est filtré, il reste peu de choses, mais il reste suffisamment pour attester la vie de Jésus, la réalité de l’homme historique, de l’homme Jésus et de quelques croyances et de quelques « slogans » de son message, mais c’est à peu près tout.

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La Confession « fantasiste » de Terry Pratchett

Posté le 8 mars 2023 Par JF Publié dans Athéisme Laisser un commentaire
Marco Valdo M.I.

Dans cette Confession fantasiste[1], comme dans les précédentes entrevues fictives [2], un Inquisiteur tente de cerner l’athéisme de l’impétrant ; c’est le métier d’Inquisiteur de faire parler les suspectes et les suspects d’hérésie – « Parlez, parlez, nous avons les moyens de vous faire parler »[3]. On trouve face à l’enquêteur Juste Pape, le suspect Terry Pratchett, né à Beaconsfield (Buckinghamshire) en 1948, connu comme écrivain, romancier, satiriste, humoriste, fantasiste, science-fictionniste et philosophe. Pour constituer son dossier, l’Inquisiteur se réfère à l’œuvre de Terry Pratchett – environ cinquante volumes pour le cycle du Disque-Monde et celui de La Longue Terre –, à sa biographie[4] et à sa conférence « Shaking Hands with Death »[5] ainsi qu’à d’autres sources.

Bonjour, Monsieur Terry Pratchett. Je suis Juste Pape, enquêteur de l’Ovraar [6] en mission spéciale. Je voudrais tout d’abord m’assurer que vous êtes bien Terence David John Pratchett, né le 28 avril 1948 en Angleterre à Beaconsfield dans le Buckinghamshire, et mort le 12 mars 2015 à Broad Chalke dans le Wiltshire.

Hello, Monsieur l’Inquisiteur. C’est bien moi, appelez-moi Sir Pratchett, Sir Terry ou Terry, tout simplement.

Nous ferons donc ainsi, dit l’Inquisiteur. Sir Pratchett, ça me convient, ça m’a l’air comme qui dirait très élégant.

En effet, Monsieur l’Inquisiteur, et c’est civil ; personnellement, je ne m’attendais pas à ce qu’on m’accorde un jour le titre de Sir. Il paraît que la défunte Reine, par ailleurs cheffe de l’Église anglicane, avait insisté pour m’adouber chevalier et me parer de ce titre. Sans doute appréciait-elle mes livres.

Sir Pratchett, dit l’Inquisiteur, ma mission consiste essentiellement à examiner votre rapport à la religion, à la foi et à Dieu.

Monsieur l’Inquisiteur, mon rapport avec votre Dieu est simple. En ce qui me concerne, il est absolument certain et démontré que je suis l’auteur du Disque-Monde. Par contre, on dit de votre Dieu qu’il a créé le Monde – celui que les mages de l’Université de l’Invisible appellent le Globe-Monde –, mais c’est très fortement contestable et d’ailleurs, très fortement contesté, quand ce n’est pas carrément nié. Ainsi par exemple, selon moi, ce sont les mages de l’Université de l’Invisible (U.I.)[7] qui ont créé le Globe-Monde ; en fait, c’est Sort, l’ordinateur de l’U.I., qui a lancé le programme Globe-Monde[8]. Mais n’entrons pas dans les détails, on n’en sortira pas.

Mais enfin, Sir Pratchett, Dieu n’est pas un détail.

Monsieur l’Inquisiteur, il ne faut pas vous désespérer comme ça ; peut-être que finalement, on y arrivera. Donc, moi, je suis un auteur de fantasie, et des dieux, des religions, des fois, des croyances, j’en invente tout le temps. Ainsi, mon rapport à Dieu, la religion, la foi, la croyance et tout ça est celui de créateur à créatures, car en l’occurrence, le créateur, c’est moi. Et comme tous les créateurs, je dépends de mes personnages et de leur façon de considérer les choses ; s’ils voient un Dieu ou se disputent avec lui, je dois accepter pour le récit de créer ces dieux et de les faire vivre eux aussi. Ce sont les effets du narrativium[9] ; c’est le principe même de la création de dieux par les humains. Tenez, prenez Mau, le personnage de mon roman Nation[10], quand il se retrouve tout seul après la disparition de tout son peuple dans un tsunami, pris d’un accès de colère, il dénonce les dieux coupables de cette disparition. Qui plus est, il leur reproche de ne pas exister (ils n’ont rien pu faire). En même temps, il a besoin que ces dieux existent pour qu’il puisse les engueuler, les vilipender, les maudire. Ou bien, toujours Mau, dans le chapitre opportunément intitulé La Pêche aux Dieux, il découvre les dieux : « Voilà ce que sont les dieux ! Une réponse passe-partout ! Parce qu’on doit trouver à manger, mettre des enfants au monde, vivre sa vie et qu’on n’a pas le temps pour de grandes questions compliquées et inquiétantes. » Dans Le Dernier Continent[11], on rencontre un Dieu, unique dans son monde – il sévit sur une petite île quelque part dans le temps –, mais il s’agit d’un vrai Dieu patriarche, en longue robe, avec une grande barbe et des cheveux blancs. C’est le Dieu de l’Évolution (« Pardon ? Est-ce que j’ai bien compris ? Vous êtes un Dieu de l’évolution ? Fit Cogite. – Euh, c’est mal ? S’inquiéta le Dieu. »[12]) qui a créé une sorte d’évolution du modèle classique, mais ultra-rapide ; un Dieu omniprésent, omnipotent dans les limites de son île. C’est un Dieu athée, il ne croit même pas en lui-même.

Oui, je vois, dit l’Inquisiteur, qu’avez-vous à raconter d’autre ? Pouvez-vous détailler un peu, nommer vos dieux ?

Là, Monsieur l’Inquisiteur, vous demandez beaucoup. Il y a trois mille dieux importants connus dans le Disque-Monde et des théologiens chercheurs en découvrent d’autres toutes les semaines. Je vais donner quelques noms à titre d’échantillons : Alohura, déesse de la foudre ; Aniger, déesse des animaux écrasés ; Astoria, déesse de l’amour ; Bilieux, dieu des gueules de bois ; Biturun, dieu du vin ; Cubal, dieu du feu ; Flatulus, dieu des vents ; Hypermétrope, déesse des chaussures ; Io l’aveugle, chef des Dieux ; Jimi, dieu des mendiants ; Kouah, déesse du ciel ; Nuggan, dieu des trombones et des articles de bureau ; Offler, le dieu crocodile ; Patina, déesse de la sagesse ; Pétulia, déesse de l’affection négociable ; Urika, déesse des saunas ; Vometia, déesse du vomi ; Zéphir, dieu des brises légères. Notez que c’est à peu près pareil dans notre monde ; je ne sais pas si on en a établi une liste complète, mais vous pouvez toujours lire celle des dieux de la mythologie grecque – il y en a des pages[13] et il ne s’agit que de divinités de la Grèce d’antan –. Je vous laisse réfléchir au reste du monde et du temps. Dans le Globe-Monde, comme sur le Disque-Monde, il doit y en avoir des milliers au moins.

Enfin, Sir Pratchett, dites-moi un peu d’où ils sortent tous ces dieux de votre Disque-Monde ?

Eh bien, Monsieur l’Inquisiteur, comme tous les dieux de tous les mondes et de tous les temps, ce sont des créatures imaginaires sorties d’un cerveau humain ; en l’occurrence, le mien. Dans le Disque-Monde, comme d’ailleurs dans celui-ci, ils vont, ils viennent, ils apparaissent, ils disparaissent, ils pullulent, ils tombent en désuétude. Donc, le Disque-Monde a des dieux comme d’autres ont des bactéries. La plupart ne font jamais l’objet d’un culte, ce sont des petits dieux, car ce qui leur manque, c’est la foi. Une poignée connaissent un destin un peu plus glorieux. N’importe quoi peut favoriser un tel destin. Un berger à la recherche d’un agneau… L’ennui avec les dieux, c’est que si assez de fidèles (en vérité, un seul suffit) se mettent à croire en eux, ils se mettent à exister. On s’imagine que le processus est toujours le même : d’abord, l’objet, puis la croyance. En réalité, ça se passe dans l’autre sens. Les dieux sont manifestement créés par ceux-là même qui croient en eux. Les dieux et les hommes sont inséparables parce que les dieux ont besoin qu’on croie en eux et que les hommes veulent des dieux.

Ce n’est pas très clair tout ça, Sir Pratchett. Si je comprends bien, Dieu serait une création humaine.

C’est exactement ça, Monsieur l’Inquisiteur ; un dieu ne peut exister que si au moins un humain l’invente, l’imagine, le crée et lui donne l’existence. Dès lors, il est facile de comprendre la nature d’un dieu : c’est un fantasme.

Au fait, Sir Pratchett, d’après ce que je comprends, vous seriez le créateur du Disque-Monde.

Oui, c’est ce que j’ai dit, Monsieur l’Inquisiteur, mais il serait plus correct de dire que j’ai écrit pendant des décennies Les Annales du Disque-Monde. Ma véritable intention était de raconter des histoires sur le mode de la fantasie, dont j’étais fan depuis la fin de mon enfance. Pour raconter ces histoires, il a bien fallu que j’aie un monde où les situer, un monde où, conformément aux habitus de la fantasie, telle que l’avait quasiment canonisée J.R. Tolkien avec son Seigneur des Anneaux, il y fallait des trolls, des nains, des elfes, des vampires, des loups-garous, des gobelins, des gnomes, des golems, des morts-vivants, des zombies, etc. J’ai commencé à raconter l’histoire de ce monde et puis, tout s’est développé sous mes yeux au fur et à mesure et j’ai découvert un peu avant mes lecteurs que ce monde était plat, rond, qu’il avait ses peuples, qu’il avait ses continents, qu’il avait ses propres lois, ses exigences et bien entendu, ses dieux et ses religions. C’est ainsi que se créent les mondes imaginaires. Mon avis est qu’à partir du moment où il s’est mis à exister, le Disque-Monde a continué à le faire. Moi, je tenais la plume, au début ; ensuite, je me suis tenu au clavier. À la fin, à cause de la progression d’Alzheimer, pendant des années, disons de 2008 à 2015 et jusqu’au bout, j’ai dicté à mon ordinateur grâce à la reconnaissance vocale.

J’aimerais savoir, Sir Pratchett, ce qu’est la « fantasie », pouvez-vous donner un exemple ?

Vous voulez un exemple de fantasie ? Eh bien voilà : Il y a une espèce qui vit sur une planète à quelques kilomètres au-dessus d’une roche en fusion et à quelques kilomètres en dessous d’un vide prêt à lui aspirer l’air des poumons. Elle vit dans une brève période géologique entre des âges glaciaires. Pour ce qu’elle en sait, nulle part ailleurs dans l’univers elle ne resterait en vie plus de dix secondes. Du reste, toute la littérature fait appel à l’imagination, toute la littérature est de la « fantasie » ; il ne saurait en être autrement, c’est même ce qui la constitue. Bien évidemment, l’Odyssée, l’Iliade sont de la « fantasie » et peut-être comprendrez-vous mieux quand je vous dis que la Bible et le Coran et les Upanishad ou la Légende dorée sont de la « fantasie ». Encore un exemple ? Tout Shakespeare en est. En fait, la « fantasie » est à l’origine même de ce fourre-tout qu’est la littérature. Maintenant, considérée plus étroitement, ramenée aux normes éditoriales contemporaines, la fantasie est un genre particulier et une fabuleuse niche commerciale qui se remplit de sorcières, de trolls, de licornes. À propos, je n’écris pas que de la fantasie – comme l’entendent les critiques spécialisés, j’écris aussi de la S.F., de la Science-Fiction, j’en ai même été fan. Jeune, j’ai même assisté à des conventions de la SF. Je rappelle ça, juste pour dire que, à la fin des années septante, je me souviens d’un concours de romans SF où Salman Rushdie était arrivé deuxième. Imaginez qu’il ait gagné – des ayatollahs sur Mars ! – il n’aurait pas eu autant d’ennuis à cause des Versets sataniques, parce qu’il se serait agi de SF et ça n’aurait pas eu d’importance. Notez que ce serait aussi pertinent s’il s’était agi de fantasie. Je vous l’accorde. C’est pareil pour la Bible, le Coran et toutes ces sortes de choses, on aurait – je veux dire l’humanité – évité beaucoup de massacres et d’absurdités, si on avait signalé qu’il s’agissait d’inventions, de récits imaginaires ; pour tout dire, d’élucubrations. À propos, vous fumez quoi, Monsieur l’Inquisiteur ?

Sir Pratchett, dit l’Inquisiteur, revenons au commencement, n’avez-vous pas été informé de religion par vos parents ?

Ah, mes parents ! Ils m’ont élevé avec bienveillance, mais sans aucune éducation religieuse. Pour autant qu’il m’en souvienne, jamais mes parents, à l’âge adulte, ne sont entrés dans une église pour des raisons religieuses. Tout se passait très bien avec eux. Mon enfance fut – aussi loin que je remonte – une période que je ne saurais qualifier autrement que d’« idyllique », une sorte d’été qui n’en finissait pas. C’étaient des gens charmants et ils avaient su acclimater notre relative pauvreté pour en faire un mode de vie agréable. Ils s’étaient mariés jeunes et ont vécu ensemble jusqu’au bout. Mon père était mécanicien automobile et sa conception du monde s’en ressentait ; il m’initia aux techniques, au goût des travaux manuels, des bricolages et aux sciences. Ma mère était secrétaire et très imaginative, elle me guida vers les livres, mais aussi l’écriture, l’invention. Je pense que c’est à elle que je dois mon penchant pour la fantasie. Question religion : on vivait dans un monde anglican, quoique de façon distante. Mon père, qui avait fait la guerre au Pakistan, en avait ramené un Bouddha. C’est ce dernier qui régla nos relations avec l’Église. Un jour, le vicaire de passage chez nous déclara le Bouddha, une « icône païenne ». Ma mère l’a foutu à la porte : le vicaire, pas le Bouddha. Ma mère était d’ascendance catholique, mais elle avait rompu avec cette option quand on lui a reproché son mariage anglican. La seule trace de son passé papiste était un crucifix. Elle a bien ri quand à six ans, je déclarai que ce Christ pendu à la croix était une sorte de trapéziste.

Mais Sir Pratchett, n’avez-vous jamais été interpelé par Dieu ?

À vrai dire, non. Et ça n’a rien d’étonnant, n’est-ce pas ? Et même, ça ne m’a jamais inquiété et je vais vous dire pourquoi. C’est la solution au paradoxe du silence de Dieu, qui a agité pas mal de théologiens au cours des temps. Si Dieu existe, pourquoi ne parle-t-il pas ? Je me suis dit : si on considère que Dieu est omniprésent, omnipotent et de surcroît, omniscient, il ne devrait avoir aucune difficulté à m’interpeler, à me parler, à rendre sa présence évidente, indéniable et clore le bec à tous les mécréants. Il pourrait raisonnablement attester de son existence en se faisant entendre de tous, partout et toujours, il pourrait écrire son nom sur les sables des déserts ou aussi grand que l’horizon dans le ciel. La question, telle qu’elle est posée par ceux qui y croient, est évidemment de savoir pourquoi il ne le fait pas. Et si en plus, on considère toutes les maladies, les catastrophes, les famines, les guerres, il y a de quoi douter de son état mental ou de sa moralité et il vaudrait mieux pour lui qu’on n’imagine même pas qu’il puisse exister. En fait, poser la question de l’existence de Dieu, c’est inutile et sans doute, dangereux.

Et pourquoi donc, Sir Pratchett, serait-il inutile de répondre à cette question essentielle ?

La réponse est toute simple, Monsieur l’Inquisiteur, c’est parce qu’il n’existe pas. C’est aussi la seule réponse que les croyants ne veulent pas envisager. Voyez-vous, un athée n’est pas quelqu’un qui croit que Dieu n’existe pas, c’est quelqu’un qui ne croit pas que Dieu existe. Et ça change tout : l’athéisme, c’est carrément de l’incrédulité. Je suis un incrédule. Pour moi, la question de Dieu n’a pas de sens et il n’y a pas de sens d’en débattre également. Finalement, je suis une espèce d’athée – parce que, ma foi, on ne sait jamais…[14] Comprenez ce « on ne sait jamais » au sens d’une affirmation axiomatique ; on ne sait jamais, car on ne peut jamais savoir quoi que ce soit à propos de ce qui n’existe pas. Voyez-vous, par exemple, on peut imaginer qu’un adepte des OVNI soutienne que ne pas croire aux OVNI constitue une croyance différente, à savoir : croire que les OVNI n’existent pas. Toutefois, quand les prétendues preuves s’avèrent des erreurs d’interprétation ou des falsifications, l’opinion contraire ne relève pas de la croyance. On est au niveau zéro de la croyance et une croyance zéro en les OVNI ou aux dieux ne revient pas à croire à leur inexistence. La croyance zéro désigne une absence de croyance, une incrédulité. Je vous accorde cependant que si vous êtes crédule, vous pouvez croire ce que vous voulez et je ne peux vous en empêcher, mais je vous en prie : n’essayez pas d’insuffler la crédulité aux autres et particulièrement, aux enfants. C’est immoral et c’est dangereux – pour les enfants et pour tous – puisque petits enfants deviendront grands.

Oui mais, Sir Pratchett, les religions croient que l’athéisme est une croyance d’un genre différent, une croyance en négatif et forcément, une erreur.

Monsieur l’Inquisiteur, la mauvaise foi nourrit la foi. La plupart des religieux s’efforcent de rejeter l’athéisme de cette façon en le présentant comme une croyance qu’ils (et d’autres) veulent confondre avec l’agnosticisme, lequel prône la neutralité, une sorte d’armistice, où Dieu aurait cinquante pour cent des chances d’exister de son côté ; autant dire que de leur point de vue, avec une chiquenaude, Dieu sortirait gagnant de la confrontation. Eh bien non, 50/50, ça n’est pas ni l’un, ni l’autre ; 50/50, ça ne peut rien prouver du tout et surtout pas son existence. C’est absurde. Quant aux religions, il y a de quoi désespérer. On nous en rebat les oreilles de mille façons et pendant ce temps, au Moyen-Orient, trois peuples qui vénèrent le même Dieu en sont toujours à se battre entre eux. Croire en Dieu ? C’est à se demander comment une espèce peut être aussi bête.

Soit, Sir Pratchett, mais la Création mérite d’être étudiée en tant que processus divin, ne pensez-vous pas ?

Oh, mais j’ai passé bien du temps à confronter le Disque-Monde et le Globe-Monde en tant qu’univers et à comprendre leur création comme processus. Je ne l’ai pas fait seul, j’ai été épaulé par les professeurs Ian Stewart[15] et Jack Cohen[16]. Ce sont les quatre volumes de la Science du Disque-Monde[17], qui met la science des mages de l’Université de l’Invisible d’Ankh-Morpork en miroir avec celle du Globe-Monde jusque et y compris dans les derniers développements de ce siècle, disons jusque 2012. Je vous invite à les lire et à vous faire ensuite une philosophie. Le dernier volume porte d’ailleurs un sous-titre qui certainement vous semblera familier : « Le Jugement dernier ». [18]

Sir Pratchett, quand même, les athées sont minoritaires dans le monde actuel et les croyants sont majoritaires. Qu’en pensez-vous ?

En effet, Monsieur l’Inquisiteur, il y a dans le monde actuel bien plus de croyants en un ou plusieurs dieux ou en n’importe quoi que d’athées. Les croyants sont majoritaires certainement, mais ça revient à mêler des pommes, des poires, des ananas ou n’importe quoi qu’il vous plaira d’imaginer et prétendre que ce sont les mêmes choses. En réalité, ce sont des choses différentes et qu’on ne saurait confondre. Ainsi, si les religions sont toutes des croyances, elles sont chacune minoritaires et n’ont de commun finalement que la foi, sans autre attribut. La foi, c’est le seul lien entre elles, car il n’y en a pas d’autres possibles. Vous admettrez que la foi est le fondement de la croyance au sens religieux. Ceci dit, les croyances des religions sont toutes différentes et exclusives les unes des autres, sinon il n’y aurait qu’une seule religion et pour autant qu’elle soit monothéiste, un seul Dieu. Reste la foi, mais la foi en quoi ? Laquelle ? Et en admettant que ce soit la foi en une religion, quelle religion ? Vous voyez, la foi devient une sorte de concept flou qui s’appuie sur du vent. C’est peut-être ça le souffle divin. D’ailleurs, croire ; il y en a bien qui croient au Père Noël.

Sir Pratchett, vous croyez au Père Noël ?

Ah, Monsieur l’Inquisiteur, j’ai écrit tout un roman autour du Père Porcher[19], qui dans le Disque-Monde, est quelque chose comme le Père Noël ; le Père Porcher-Noël, c’est le personnage central du solstice d’hiver ; il faut être chrétien fondamentaliste pour ne pas comprendre qu’il existe depuis très longtemps une tradition qui célèbre la renaissance du soleil[20]. Bon, cela dit, je ne suis fidèle d’aucune religion et je ne crois à aucun Père Noël métaphysique, et pourtant, malgré tout ça, j’aime Noël. Entre nous, il vaut mieux demander au Père Noël une paire de pantoufles que la paix sur la Terre. On a plus de chances d’obtenir satisfaction[21]. À ce sujet, par deux fois, alors que je parlais sans détours de sujets comme Alzheimer et la mort assistée, des chrétiens obligeants m’ont dit que je devrais voir dans mon épreuve un cadeau de Dieu. Eh bien, personnellement, j’aurais préféré une boîte de chocolats.

Vous pourriez développer un peu vos réponses, Sir Pratchett, il me semble que c’est un peu court tout ça.

Un peu court ? Vous me tentez, Monsieur l’Inquisiteur, croyez-moi, les Annales du Disque-Monde font comprendre bien des choses et vous y trouverez des réponses à foultitude de vos interrogations. J’ai mis quarante ans, environ cinquante volumes, en tout, plus ou moins vingt mille pages, sans compter le reste, à créer tout ça, qui est ma réponse presque complète à votre demande et si vous voulez, je peux recommencer du début : ça me plairait assez. Voici donc la première phrase de la Huitième Couleur, c’est le Prologue qui parle (comme dans Shakespeare, par exemple) : « Dans un ensemble lointain de dimensions récupérées à la casse, dans un plan astral nullement conçu pour planer, les tourbillons de brumes stellaires frémissent et s’écartent… »[22] Moi, je dois repartir, j’ai à faire ailleurs, mais je vous suggère de prendre le temps de lire tous mes romans.

Sir Pratchett, je vous promets de tout lire et même, deux fois.

Seulement ? Ce sera quand même un bon début, Monsieur l’Inquisiteur. Pour en finir, je vais vous parler de Mort, un personnage (oui, c’est un masculin) que j’avais introduit dans le Disque-Monde dès le premier volume. Il est devenu très populaire. Il s’en explique en disant qu’après tout, ce n’est pas lui qui tue les gens ; la plupart des hommes n’en ont pas peur, mais ils ont peur, du couteau, du naufrage, de la maladie, de la bombe, de tout ce qui précède (de quelques microsecondes, avec de la chance et de plusieurs années quand on n’en a pas) l’instant du trépas. Mort vient ensuite afin de rassurer les nouveaux arrivants qui entament ce nouveau voyage. À propos, mon père ne voulait pas mourir comme une espèce de mort-vivant. Il voulait me faire ses adieux, il voulait me faire une dernière blague et si les infirmières avaient introduit la seringue nécessaire dans la canule, c’est moi qui l’aurais pressée en me disant que c’était mon devoir. Croyez-moi, mon père a eu une bonne mort dans les bras de Morphine.

Sir Pratchett, vous êtes un incurable athée. C’est ce que je dirai dans mon rapport en Haut-Lieu, mais vous avez droit au dernier mot.

Le dernier mot et ce mot était mon dernier message au Globe-Monde – juste un tweet après avoir passé la porte et commencé à marcher dans le désert noir vers la nuit infinie :

« The End »[23] (La Fin).


[1] Fantasiste : Comme il n’existe pas en français de qualificatif pour ce qui relève de la « fantasie » – à l’origine, mot français « fantasie » (en usage encore vers 1450), orthographié ensuite « fantaisie » et depuis le siècle dernier genre littéraire à part entière–, j’ai pris sur moi de créer le néologisme de l’adjectif : « fantasiste », pour désigner ce qui relève de la « fantasie ».

[2] Carlo Levi, Raoul Vaneigem, Clovis Trouille, Isaac Asimov, Jean-Sébastien Bach, Bernardino Telesio, Mark Twain, Satan, Savinien Cyrano de Bergerac, Michel Bakounine, Dario Fo, Hypatie, Cami, Dieu le Père, Émilie du Châtelet, Percy Byssche Shelley, James Morrow, Denis Diderot, Louise Michel, Jean Meslier, Alexandre Zinoviev, Edgar Morin, Simone de Beauvoir,

[3] Francis Blanche, in Babette s’en va-t-en guerre (1959).

[4] Marc Burrows, The Magic of Terry Pratchett, WHITE OWL, Yorkshire-Philadelphia, 2020, 284 p.

[5] Terry Pratchett, Shaking Hands with Death, Corgi Books, London, 2015, 59 p. On trouve la version française dans Terry Pratchett, Lapsus Clavis sous le titre « Serrer la main de la mort », L’Atalante, Nantes, 2017, 332 p., p.p. 291-311.

[6] OVRAAR : voir note dans Carlo Levi.

[7] Université de l’Invisible (U.I.) : L’U.I. est le premier collège de magie du Disque-Monde ; elle a été créée, il y a deux millénaires (environ). Voir in Terry Pratchett & Stephen Briggs : Disque-Monde Le nouveau Vade-mecum, L’Atalante, Nantes, 2006, 411 p., p.p. 355-371.

[8] Terry Pratchett, Ian Steward & Jack Cohen, La Science du Disque-Monde, Tome I, L’Atalante, Nantes, 2007, 541p., p.63

[9] Narrativium : « Le narrativium est une substance bigrement puissante… L’homme pense par histoires. », in Terry Pratchett, Ian Steward & Jack Cohen, Tome I de La Science du Disque-Monde, op.cit., p.12

[10] Terry Pratchett, Nation, L’Atalante, Nantes, 2010, 441 p.

[11] Terry Pratchett, Le Dernier Continent, Les Annales du Disque-Monde, L’Atalante, Nantes, 2003, 397 p.

[12] Ibid., p.174

[13] PANTHÉON – liste des dieux, déesses, monstres, daemons et autres esprits de la mythologie grecque.

[14] Terry Pratchett, L’Instant divin, in Lapsus Clavis, op.cit. p.224

[15] Ian Stewart est mathématicien, professeur de mathématiques à l’Université de Warwick ; auteur d’un très grand nombre de publications et notamment, Dieu joue-t-il aux dés ?, Flammarion, Champs, Paris, 1998, 600 p. ; et plus récemment, Les dés jouent-ils aux dieux ?, Dunod, Paris, 2020, 352 p.

[16] Jack Cohen est un biologiste, spécialisé dans la biologie de la reproduction, Université de Warwick, auteur de nombreuses publications et notamment, avec Ian Stewart et Terry Pratchett.

[17] Les quatre volumes de La Science du Disque-Monde (Terry Pratchett, Ian Steward & Jack Cohen) ont été publiés en langue française chez L’Atalante, Nantes, respectivement – I : La Science du Disque-Monde (2007), 541 p. ; II : Le Globe (2009), 493 p. ; III : L’Horloge de Darwin (2014), 435 p. ; IV : Le Jugement dernier (2015), 432 p.

[18] Terry Pratchett, Ian Steward & Jack Cohen, Le Jugement Dernier, Tome IV de La Science du Disque-Monde, L’Atalante, Nantes, 2015, 432 p.

[19] Terry Pratchett, Le Père Porcher, Les Annales du Disque-Monde, L’Atalante, Nantes, 2002, 395 p.

[20] Marco Valdo M.I., Noël est à nous (Cantate de Noël – Chant du solstice d’hiver), 2012 et 2018.

[21] Terry Pratchett, Le Sens de mon Noël, Western Daily Press (Bristol) 24 décembre 1997, in Lapsus Clavis, op.cit. pp 209-211.

[22] Terry Pratchett, La Huitième Couleur, (Premier livre des) Annales du Disque-Monde, L’Atalante, Nantes, 1996, 287 p., p. 9.

[23] In Marc Burrows, The Magic of Terry Pratchett, WHITE OWL, Yorkshire-Philadelphia, 2020, 284 p., p. 259.

Tags : athée athéisme croyance dieu écrivain fantasie foi humanisme monde mort religion

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