Athée, le nazisme ? par Noël RIXHON

Dans le numéro 74 (mars-avril 2012) de la revue Politique et sa partie Focus : Un athéisme politique ? , Henri Goldman écrit : « Quant au nazisme, s’il ne se réclamait évidemment pas des Lumières, il n’était pas non plus de nature religieuse, sa généalogie philosophique le rattachant plutôt au paganisme chrétien ». Et Jean-Paul Gailly, de son côté, avait déjà noté comme étant un fait avéré (« on me rappellera avec raison… ») que notamment le nazisme est athée. Sur quoi se fonde ce jugement ?

À propos de Hitler et du nazisme, Ian Kershaw, l’historien anglais bien connu pour son étude et sa connaissance du personnage, écrit dans Essai sur le charisme en politique (Éd. Gallimard, 1998, p. 46) : « Porté par sa conception du monde, Hitler affirme à maintes reprises être investi d’une « mission », bien plus, être l’envoyé de la «Providence ». Dans Mein Kampf, il invoque le soutien de Dieu dans son combat contre le juif ». On y lit, par exemple, ceci : « Je crois agir selon l’esprit du Tout-Puissant, notre créateur, car en me défendant contre le juif, je combats pour défendre l’œuvre du Seigneur ». Le Gott mit uns sur les ceinturons SS est bien significatif à cet égard !

Le nazisme a fait son lit du racisme et de l’antisémitisme, double courant d’idées qui prône la supériorité d’une race sur les autres et est particulièrement dirigée contre les juifs accusés d’avoir tué le Fils de Dieu. Fondement irrationnel, s’il en est : le racisme germanique et son fond mythique, l’antisémitisme et son fond religieux ! Si sa « généalogie philosophique le rattache plutôt au paganisme préchrétien », il faut justement préciser que, dans son premier sens, le terme « païen » désigne le croyant polythéiste, qualifié ensuite par l’Église de mécréant (mal-croyant) et assimilé abusivement au non-croyant, parce qu’il ne croit pas au « Dieu unique, seul vrai ». Un païen (pré- ou postchrétien) n’est pas athée ! Et, bien que contre-nature, immoral, foncièrement vicié et vicieux, le nazisme n’a pas empêché des adeptes et sympathisants de demeurer croyants, ni des membres des hiérarchies catholique et protestante de soutenir Hitler et son régime.

À quoi donc le nazisme doit-il d’être qualifié d’athée ? Serait-ce – et ainsi même que le laisse honteusement entendre Benoît XVI – du fait des pratiques immondes, ignominies et horreurs innommables dont il s’est rendu coupable ? Jugez-en : « Dépourvu d’éthique, la raison est insuffisante pour assurer la survie de la civilisation. L’Allemagne nazie en est la preuve », déclara-t-il aux élites politiques lors de sa visite d’État en Angleterre… alors que – osons le reconnaître et l’affirmer – le nazisme antisémite est un bel exemple « d’héritage chrétien » (J. Robyn, Tribune des Athées n° 142). Faut-il rappeler cette navrante observation de Blaise Pascal : « L’homme ne fait jamais le mal aussi pleinement et d’aussi bon cœur que quand il le fait par conviction religieuse » ? Je conclus par ces deux réflexions de Richard Dawkins. « Ce qui compte, ce n’est pas si Hitler et Staline étaient athées, mais si l’athéisme influence systématiquement les gens pour qu’ils agissent mal. Il n’y a pas la moindre preuve que ce soit le cas ». « Je ne peux m’imaginer qu’une guerre ait été menée au nom de l’athéisme . (…) Qui voudrait aller en guerre au nom d’une absence de croyance ? »

(Pour en finir avec Dieu, Éd. R. Laffont, 2008, pp. 283, 289-290). Noël RIXHON