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Archives par mot-clé: séparation Églises/État

La laïcité… mais laquelle ? (I)[1]

Posté le 1 novembre 2023 Par ABA Publié dans Laïcité Laisser un commentaire

Une laïcité ou des laïcités !

Serge Deruette

Limpide et épineuse question que celle de la laïcité.

Limpide, parce qu’aujourd’hui, elle semble aller de soi et s’inscrire dans les valeurs indubitables de l’État de droit.

Mais épineuse tout de même, sinon surtout, en ce que le terme dont tous les laïques se revendiquent ne revêt pas pour eux tous la même définition. Celle-ci se tapit d’ailleurs derrière un brouillard épais que certains tentent parfois de dissiper, mais sans pour autant que leur définition n’emporte l’unanimité.

Une laïcité ou des laïcités

Le fait est que la conception de la laïcité varie selon ceux qui en défendent le principe ou la cause. Une conception qui relève de leur positionnement individuel certainement, mais également, sans que ceux qui le définissent n’en soient nécessairement conscients, de leur positionnement social et politique comme idéologique, de leur militantisme aussi. 

L’importance qu’ils accordent à la défense de la laïcité telle qu’ils la conçoivent est variable et, last but not least, les discours médiatiques à son propos, que ceux-ci soient pro domo ou mainstream, les influencent peu ou prou, au-delà de ce qu’ils en comprennent et en déduisent, ou plutôt, faut-il le dire, bien souvent de ce qu’ils choisissent de comprendre et d’en déduire. 

Il en ressort un imbroglio d’interprétations plus ou moins affirmées, plus ou moins assumées. Cela ne facilite guère les choses, et bien des embruns masquent ce que ses partisans entendent sous ce terme : la laïcité, oui, mais laquelle ? Certains tranchent en optant pour une définition univoque qui se passe de déterminations et ne supporte aucune épithète : la laïcité comme telle, la « laïcité tout court ».

Ainsi ce spécialiste de la laïcité qu’est Henri Peña-Ruiz, alors même qu’il rappelle à juste titre qu’elle inclut « la pleine égalité de traitement des convictions, donc des athées, des agnostiques et des divers croyants », s’en prend-il aux adjectifs « ouverte », « positive » et « plurielle » dont on l’affuble parfois et invoque-t-il pour sa cause des arguments qui ont pour eux toute l’apparence de la logique implacable : 

Parle-t-on de droits de l’homme « ouverts », de démocratie « positive », de justice « plurielle » ? À l’évidence non. C’est bien que les noms, et eux seuls, sont en l’occurrence suffisants[2].

Invocations de « non-discours » sur lesquels je m’accorde aisément, mais non sur leur valeur démonstrative. Car enfin, est-il incongru de parler par exemple de droits de l’homme « occidentalo-centrés », de démocratie « bourgeoise » ou encore de justice « de classe » ? Si l’on s’accorde à exclure des épithètes qui, comme « ouverte », « positive » et « plurielle », n’y ajoutent pas plus de sens que de la dire « grande ou petite », « bonne ou mauvaise », etc., pourquoi la laïcité ne pourrait-elle pas être, elle aussi, « occidentalo-centrée », « bourgeoise » ou « de classe » ? 

En Belgique francophone, Henri Bartholomeeusen, lorsqu’il était président du Centre d’Action Laïque (le CAL), en remettait une couche : pour lui, la laïcité n’est pas « un concept à géométrie variable », une « auberge espagnole » où chacun la qualifierait « à son avantage, d’ouverte ou fermée, de bonne ou mauvaise, voire de politique ou philosophique… ».

Pour lui aussi, « l’adjectiver revient à la dénaturer » puisque, argumente-t-il en reprenant la définition donnée dans les nouveaux statuts dont s’est doté le CAL en 2016 (j’y reviendrai dans la deuxième partie de cet article), par « laïcité »,

nous entendons le principe humaniste qui fonde le régime des libertés et des droits humains sur l’impartialité d’un pouvoir civil démocratique qui s’oblige à contribuer à l’émancipation des citoyens. La laïcité n’est donc pas plurielle dans sa définition[3].

Cette définition, qui inclut nombre de belles valeurs incontestables, en lesquelles n’importe quel démocrate et humaniste se retrouve, a tout pour emporter l’adhésion. Elle ne manque cependant pas, toute consensuelle et générale se veuille-t-elle être – et en raison précisément de ce qu’elle soit considérée comme consensuelle et générale –, de susciter des questions sur les idées et valeurs mobilisées, aussi inattaquables soient celles-ci :

  • quel « principe humaniste » ? et quel humanisme ?
  • quel « régime des libertés » ? et quelles libertés ?
  • quel « régime des droits humains » ? et quels droits humains ?
  • quelle « impartialité » ? et quelles méthodes pour la déterminer ?
  • quel « pouvoir civil démocratique » ? et quelle forme de démocratie ?
  • quelle « émancipation » des citoyens » ? et quels « citoyens » ?

Les grandes généralités ont souvent besoin d’être précisées. Si donc l’on veut bien ne pas les écarter d’un revers de main, ne peut-on admettre, dans la perspective d’en éclaircir les contours, que la laïcité puisse bien être « plurielle dans sa définition », quelque juste soit-elle de façon générique ? Ou du moins que, plurielle, non univoque, elle le soit dans ses fondements sociaux, dans ses déterminations politiques, dans ses représentations idéologiques. Pour faire court : dans la manière dont telle ou telle personne s’en sert, ou dont le groupe auquel elles appartiennent le mobilise. 

Une laïcité tout court, ou qui tourne court ?

On le voit, simplifier en parlant de « laïcité tout court », d’une laïcité qui existerait en soi donc, si elle peut avoir l’image avantageuse d’une pureté limpide et éthérée, voire la logique (un semblant de logique, hein !), cela n’aide pas à débrouiller le débat sur ce qu’elle est. Elle en exprime une forme particulière, qui a l’allure d’une clarté supposée et le semblant d’une radicalité honorant celui qui la prône. Mais, en raison notamment de cette apparence – en raison de son idéalisme en fait –, elle est elle-même tout empreinte d’un positionnement idéologico-politique. Une laïcité à laquelle, donc, il faut adjoindre un adjectif : une laïcité « partisane ».

Ne pas la qualifier ni la préciser, alors que le flou règne sur sa définition, reviendrait à considérer une laïcité sans rapport avec les enjeux et les luttes qui travaillent la société dans laquelle elle revendique sa place, sans rapport avec les terrains sur lesquels elle se déploie, les formes et les colorations que les rapports sociaux lui impriment. Sans qu’elle ne souffre aucune mise à l’épreuve, en somme. 

Or, de mises à l’épreuve, elle en connaît et elle en traverse ! Et d’autant plus que ceux qui s’en réclament, ses militants, ses représentants, comme le CAL en Belgique, revendiquent qu’elle y joue un rôle, et ne répugnent pas, bien souvent, de se jeter dans l’arène pour ce faire.

Aucune conception idéelle, aucune affirmation d’une idée sociale, sociétale, politique, philosophique, etc., aussi pure soit-elle – c’est-à-dire, puisque les idées n’ont pas d’existence autonome, aussi pure voudrait-on qu’elle soit – n’existe en soi, indépendamment des conditions dans lesquelles on l’exprime et la défend, « pas plus que le Cheval-en-soi », aurait dit Nizan[4]. De fait, il n’est aucune idée que l’on puisse proclamer sans qu’il soit question, ce faisant, de l’inscrire, et de s’inscrire, dans les valeurs idéologiques ambiantes, les débats sociaux et sociétaux, les enjeux politiques et philosophiques de notre monde et de notre époque.

Et donc, si nous nous accordons tous à défendre la laïcité, encore s’agit-il bien de savoir de quelle laïcité l’on parle, de ce que l’on entend par là, de quelle laïcité on défend la cause, de ce qu’elle représente et de comment on la comprend. Et donc aussi, pour reprendre les termes discutés plus haut, de préciser quelles épithètes on lui adjoint.

Les deux axes de la laïcité

Ces précisions sont d’autant plus nécessaires que le terme de « laïcité » présente une ambiguïté intrinsèque. Lorsqu’on l’invoque, parle-t-on ou bien d’une conception idéelle, morale ou philosophique, ou bien d’un cadre juridico-politique ? La question n’est pas anodine. Lorsque la laïcité fait l’objet de discours ou d’études, quand on l’appréhende de l’extérieur donc, cette distinction s’impose : on en parle ou bien comme l’inverse des idées religieuses ou bien comme forme et structure de l’État. Mais pour ceux qui se revendiquent de la laïcité, cette distinction semble souvent disparaître.

Cela est vrai en France comme en Belgique, dans sa Communauté française du moins. Que la laïcité soit inscrite dans la Constitution (pour le premier pays) ou non (pour le second) n’a guère d’importance puisque la primauté de la loi civile sur toute « loi » religieuse est un fait, dans le premier comme dans le second État, ainsi d’ailleurs que dans tout autre État de droit[5].

Pour les autres États dont la langue n’est pas le français, les choses se règlent d’ailleurs bien plus aisément, puisque le vocable « laïcité » ne s’y retrouve pas (sinon en tant qu’emprunt factice, et pas toujours trop compréhensible d’ailleurs) sous des termes que l’on peut traduire comme « neutralité », « sécularisme » ou « sécularisation »… 

Notons qu’en Belgique, où – comme souvent à l’habitude – les choses sont complexes, avec l’idée d’une « laïcité organisée » et l’institution du Centre d’Action Laïque (CAL) qui, du côté francophone, la consacre, le problème se pose aussi en termes communautaires. Le mot « laïcité » se traduit en néerlandais par « vrijzinnigheid », un terme qui présente une connotation de « libéralisme » et de « libéralité » (dans le sens d’un caractère « libéral ») tout à la fois, tandis qu’en Communauté française, comme le remarque bien àpropos Henri Goldman, la « laïcité » telle qu’on en parle se trouve être « une “laïcité philosophique”, concept bizarre qui désigne les non-croyants » et qui, ajoute-t-il, vient « tout embrouiller » [6].

Bref, si l’on veut éclaircir les choses, pourquoi ne pas réserver le terme de « laïcité » à la seule forme de l’État (ou à ce qu’il doit être) et, pour ce qui est des conceptions philosophiques non religieuses ou antireligieuses,plutôt que de « laïcité », de « laïques » et de « monde laïque », ne pas tout simplement parler d’« incroyance »et de « non-croyants » et, lorsqu’il est nécessaire de le préciser, ou judicieux pour les distinguer, d’« athéisme » ou d’ « agnosticisme » ? Voire, avec ce clin d’œil goguenard qui nous sied bien, de « mécréants » et de « mécréance » ? 

Organisation factuelle, désorganisation idéelle

En Belgique, avec le CAL qui représente « la laïcité organisée » et, en conséquence et toute bonne logique, « organise les laïques » (c’est-à-dire ceux qui nourrissent des conceptions philosophiques non religieuses donc), les choses ne sont guère simples. L’histoire des statuts du CAL en témoigne. 

Ainsi, nonobstant le changement de définition opéré dans ses statuts en 2016 et le méritoire souci d’y éclaircir les choses, qui pourrait affirmer que le CAL soit vraiment parvenu, autrement que sur papier du moins, dans la réalité comme dans la tête de ceux qui se réclament d’une laïcité conçue comme option philosophique, à dissiper les embruns qui, dès qu’elle apparaît sous la forme de l’« organisation », couvrent l’idée même de laïcité ? 

Le changement « doctrinal », pourtant, est significatif. Dans ses statuts de 1999, l’objet social du CAL (art. 4) se lisait comme suit, reconnaissant et avalisant les deux acceptions du terme « laïcité » : 

Le CAL a pour objet de défendre et de promouvoir la laïcité en Belgique et en particulier en Wallonie et à Bruxelles. Par laïcité, il faut entendre d’une part : la volonté de construire une société juste, progressiste et fraternelle, dotée d’institutions publiques impartiales, garante de la dignité de la personne et des droits humains assurant à chacun la liberté de pensée et d’expression, ainsi que l’égalité de tous devant la loi sans distinction de sexe, d’origine, de culture ou de conviction et considérant que les options confessionnelles ou non confessionnelles relèvent exclusivement de la sphère privée des personnes. Et d’autre part : l’élaboration personnelle d’une conception de vie qui se fonde sur l’expérience humaine, à l’exclusion de toute référence confessionnelle, dogmatique ou surnaturelle, qui implique l’adhésion aux valeurs du libre examen, l’émancipation à l’égard de toute forme de conditionnement et aux impératifs de citoyenneté et de justice[7].

Dans les nouveaux statuts, ceux qui ont été modifiés en 2016, l’article 4 tranche cette fois dorénavant, même si la valeur de l’humanisme y est toujours bien convoquée, clairement en faveur de la définition institutionnelle qui concerne les pouvoirs publics : 

Le CAL a pour but de défendre et de promouvoir la laïcité. La laïcité est le principe humaniste qui fonde le régime des libertés et des droits humains sur l’impartialité du pouvoir civil démocratique dégagé de toute ingérence religieuse. Il oblige l’État de droit à assurer l’égalité, la solidarité et l’émancipation des citoyens par la diffusion des savoirs et l’exercice du libre examen.

Fiat lux

On le voit, si la double définition de la laïcité exposée dans les statuts de 1999 se voulait correspondre à une double émancipation, à la fois sociale et individuelle, celle de la société tout entière comme celle de l’individu donc, la définition univoque de 2016 veut quant à elle éviter tout panachage entre le double statut hybride de la laïcité, à la fois juridico-politique (la séparation de l’État et de l’Église) et éthico-philosophique (l’affranchissement de la pensée face aux croyances). 

Pour son président de l’époque, Henri Bartholomeeusen, il s’agissait de clarifier les choses puisque, disait-il, « le message laïque s’était troublé au fil des ans – dans l’opinion publique comme dans le mouvement laïque lui-même. »[8]

Le but était aussi, disons-le clairement, d’éviter le reproche de nourrir une définition contradictoire de la laïcité. Car si celle-ci vise à défendre une société laïque qui, tout en séparant l’État des cultes, garantit le libre exercice de ceux-ci, que vient dès lors faire dans cette conception des choses un quelconque militantisme qui, en critiquant le message religieux, en dénoncerait la légitimité ? De quoi se mêlerait un quelconque mouvement qui, plutôt que de promouvoir le fonctionnement séparé des institutions publiques et des institutions religieuses, viserait à épurer la société de ces dernières ?

L’athéisme, l’agnosticisme, l’humanisme non confessionnel, la libre-pensée, le libre examen, la raison, le refus de se soumettre à tout dogme…, toutes ces idées et conceptions de la vie opposées à toute croyance divine et à toute foi (à toute croyance en ce qui n’est pas rationnellement croyable) doivent évidemment être garantis dans une société laïque. Mais ni plus ni moins que ne le sont, pour peu qu’elles soient respectueuses de la séparation des Églises et de l’État, toutes religions et formes de pratiques religieuses. Ainsi conçue, la laïcité ne peut envisager ni réclamer que l’État laïque, dont la forme et la définition consistent en la défense et la garantie de leur libre exercice, ait pour but d’éradiquer les cultes. 

Tout autre, en revanche, est la laïcité conçue comme organisation, c’est-à-dire comme regroupement de mouvements, de groupes, d’associations – voire, pourquoi pas, de partis – promouvant leurs propres conceptions de la société et de la vie : il s’agit là de militantisme défendant des idées anti-religieuses, critiquant et dénonçant les religions et les Églises, et c’est bien leur rôle !

Qui en douterait doit d’ailleurs admettre que c’est bien à ce titre, celui d’une « conception philosophique non confessionnelle », qu’en Belgique, depuis la modification de la Constitution sur cette question en avril 1993[9], l’État reconnaît la laïcité comme « laïcité organisée », c’est-à-dire comme mouvance réunissant non-croyants, athées et autres mécréants qui ne reconnaissent aucune religion, et non en tant qu’association visant à promouvoir l’idée de la séparation de l’État et de cultes.

Comme une confusion des genres à éclaircir 

Et pourtant ! La « confusion des genres » que, avant sa révision de la définition de la laïcité, le CAL entretenait entre les interprétations juridico-politiques et éthico-philosophiques de la laïcité, sortie par la porte de ses nouveaux statuts depuis 2016, semble bien, qu’on le veuille ou non, y rentrer par la fenêtre plus souvent qu’à son tour.  

Ce l’est d’autant plus que la laïcité désormais dite « organisée », reconnue par l’État depuis 1993, on l’a dit, comme une « conception philosophique non confessionnelle », est encore, depuis 2002, subventionnée – « subsidiée », comme en dit en Belgique – par les pouvoirs publics tout comme le sont, sur pied d’égalité, les six cultes reconnus[10]. 

Il faut bien l’admettre, ce statut hybride que revêt la laïcité en Belgique n’est pas pour faciliter les choses puisque, si la laïcité est, d’une part, la forme obligée de l’État de droit tel qu’il se revendique être, elle est aussi, d’autre part, sous ce que l’on appelle la « laïcité organisée », une « conception philosophique non confessionnelle » reconnue par cet État et, en raison même de cette reconnaissance, apparentée aux cultes reconnus. 

À ce titre, comme les cultes, la « laïcité organisée » est considérée comme rassemblant ou chapeautant aussi ses « ouailles » et, tout comme eux et au même titre qu’eux, jouit d’un financement public. Il s’agit d’ailleurs là d’un avantage qui se révélerait vite problématique et risquerait de réfréner les ardeurs de bien des militants laïques si jamais, dans la perspective d’un renforcement de la séparation des cultes et des pouvoirs publics, il s’agissait encore de contester le financement des premiers par les seconds[11]… 

Reconnaissons-le, quelle que soit la clarification apportée par la modification des statuts de 2016, il est toujours bien difficile, pour beaucoup de ceux qui se revendiquent laïques et se reconnaissent dans la « laïcité organisée », de la définir comme une conception juridico-politique qui concerne l’État de droit et la société (le « vivre ensemble » donc), plutôt que comme une vision du monde qui émane des opinions éthico-philosophiques spécifiques qu’ils nourrissent et promeuvent. 

Car enfin, si les militants et partisans d’une laïcité conçue comme conception du monde et de la vie s’organisent, ce n’est pas pour le plaisir de se réunir avec des croyants de tous bords qui auraient l’heur de partager avec eux l’idée de la séparation de l’État et des cultes, quand même… C’est pour défendre leurs valeurs éthiques ou philosophiques et les associations qui les promeuvent, non les valeurs religieuses et les cultes… il ne manquerait plus que ça d’ailleurs ! Comment diable pourrait-il donc en être autrement[12] ? 

Ainsi, les militants laïques le font-ils pour la plupart avec en tête ce « postulat sous-jacent » que François De Smet, avant qu’il n’aille voguer vers d’autres cieux plus politiques, évoquait en 2013, en vertu duquel « la séparation de l’Église et des États diminuera de facto le poids des religions » qu’ils considèrent « comme des niches dont l’influence doit disparaître »[13].

Pourtant, aujourd’hui, en 2023, et on l’en félicitera, sur son site Internet, le CAL se fait fort de rappeler avec clarté que le mot « laïcité » n’a pas de double sens. Se référant au « Petit Robert » pour lequel il s’agit du« principe de séparation de la société civile et de la société religieuse, l’État n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Églises aucun pouvoir civil », on y lit, on ne peut plus clairement : 

Cette définition est facile à comprendre. Toutefois, certains préfèrent voir dans la laïcité l’expression de l’athéisme ou de l’agnosticisme, ou même le rejet de la religion. Or, rien n’est moins exact. En séparant clairement le pouvoir civil du pouvoir religieux, la laïcité permet l’égalité de tous devant la loi. Cette égalité garantissant la liberté de chacun d’adhérer aux idées, convictions ou croyances de son choix[14]. 

Voilà qui, pour ces laïques qui aiment continuer à colporter le point de vue opposé et pour qui la séparation des Églises et de l’État autoriserait à interdire l’expression d’opinions religieuses dans l’espace public, une définition qui a pour elle le mérite d’éclaircir bien les choses et de les nettoyer de bien des scories idéologiques parfois peu avouables. 

D’éclaircir les idées aussi, donc[15].


[1] Le deuxième volet de cette contribution au débat : « La laïcité… mais laquelle ? (II) Et la laïcité à la française dans tout ça ? » sera publiée dans la prochaine Newsletter de l’ABA puis dans la revue L’athée n° 11, en 2024.

[2] Henri Peña-Ruiz, « Une laïcité sans adjectif » Espace de libertés, juin 2021, n° 500, laicite.be/magazine-article/une-laicite-sans-adjectif

[3] Henri Bartholomeeusen, « Laïcité, j’écris ton nom », ibid., laicite.be/magazine-article/laicite-jecris-ton-nom. Il reprend ici l’« objet social » du CAL tel qu’il est formulé dans ses statuts (art. 4) qui ont été modifiés sous sa présidence en 2016. (« La laïcité comme principe universel d’impartialité », Salut & Fraternité, n° 98, 2017, calliege.be/salut-fraternite/98/la-laicite-comme-principe-universel-dimpartialite). 

[4] Paul Nizan, Les Chiens de garde (1932), Paris, éd. Maspero, 1965, p. 13.

[5] En ce sens, Jean-Philippe Schreiber, par exemple, écrivait il y a presque dix ans dans Le Soir : « pour moi – et je ne suis pas le seul à le dire –, la laïcité est déjà dans la Constitution, même si elle n’est pas inscrite comme telle… Tout simplement parce qu’au moment où cette constitution a été rédigée, le terme n’existait pas encore ! Mais notre Constitution est fondamentalement laïque, puisqu’elle consacre la séparation stricte de l’Église et de l’État. » (« La laïcité est un bien commun, pas un rempart civilisationnel »,lesoir.be/19569/article/2015-12-31/jean-philippe-schreiber-la-laicite-est-un-bien-commun-pas-un-rempart). 

[6] Henri Goldman, « Nouvelle laïcité ou nouveau racisme ? », upjb.be/nouvelle-laicite-ou-nouveau-racisme, 17 janv. 2017.

[7] Notons, pour être complet, que les statuts initiaux du CAL, en 1969, définissaient à la fois la « laïcité » et les « associations laïques », la première comme la volonté de construire, en dehors de tout dogme et dans le respect de la personne d’autrui, une société juste, progressiste et fraternelle, assurant à chacun la liberté de pensée et d’expression et adoptant le libre examen comme méthode de pensée et d’action, et les secondes comme celles œuvrant en dehors de toute préoccupation politique ou religieuse, selon les principes ci-dessus [ceux qui, dans ce même article, définissent la laïcité], et pour favoriser leur rayonnement […].

[8] Henri Bartholomeeusen, https://www.calliege.be/salut-fraternite/98/la-laicite-comme-principe-universel-dimpartialite

[9] Chambre, Annales parlementaires, 22 avril 1993.

[10] Notons-le au passage, ce financement des cultes par les pouvoirs publics participe d’une conception belge plutôt singulière de la séparation de l’Église avec l’État puisque, dès lors que ce subventionnement est admis et organisé, le caractère laïque de l’État semble exclusivement résider dans la notion d’égalité des cultes reconnus quant à l’octroi de ce financement public : les cultes catholique, protestant et israélite d’abord, puis le culte anglican en 1870 et, à la fin du XXe siècle, les cultes islamique et orthodoxe (respectivement en 1974  et 1985), auxquels a donc maintenant été adjointe la laïcité conçue comme « conception philosophique non confessionnelle ».

À ce propos, Xavier Delgrange préfère parler d’« un régime de séparation souple des Églises et de l’État », tout en dénonçant que l’égalité des conceptions religieuses et philosophiques ne soit « pas garantie, notamment parce que l’islam est discriminé » et que la Belgique « méconnaît l’évolution multiculturelle de la société ». (« La laïcité française prononcée avec l’accent belge », Administration & Éducation, 2016/3 (N° 151), pp. 87-94, cairn.info/revue-administration-et-education-2016-3-page-87.htm).

NB : Pour éviter de complexifier encore le tableau, je n’aborde pas ici la question, aujourd’hui toujours pendante, de la reconnaissance du bouddhisme que l’Union Bouddhique Belge (UBB), son « organisation », revendique étonnamment non pas comme culte, mais comme conception philosophique non confessionnelle, au même titre que la laïcité organisée !

[11] Caroline Sägesser et Jean-François Husson le notaient déjà fort à propos en 2002 : « une mise sur le même pied de la laïcité et des cultes reconnus allait consolider dans l’avenir l’intervention de l’État en cette matière contre toute velléité de remise en question du financement public des cultes. », ce qui fut concrétisé dans la loi du 21 juin 2002 (« La reconnaissance et le financement de la laïcité (I) », Courrier hebdomadaire du CRISP, 2002/11 (n° 1756), cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-2002-11-page-5.htm).

[12] Sägesser notait elle aussi sa perplexité quant à l’idée qu’un CAL défendant la laïcité de l’État « soit véritablement en phase avec ce que l’organisation est devenue : une composante du pluralisme de la société belge, qui rassemble les humanistes athées et agnostiques, face à des organisations convictionnelles qui rassemblent chacune des croyants issus d’une tradition religieuse spécifique. » (« Le Centre d’Action Laïque a cinquante ans : et s’il changeait de nom ? », La Revue Nouvelle, n° 7, 2019, revuenouvelle.be/Le-Centre-d-action-laique-a-cinquante-ans-et-s-il).

[13] François de Smet, « Le tabou de l’agenda laïque », Espace de libertés, n° 416, févr. 2013, republié en 2021 dans le fameux n° 500 d’Espace de libertés, op. cit., laicite.be/magazine-article/tabou-de-lagenda-laique

[14] « La laïcité : un concept simple à définir », https://www.laicite.be/la-laicite/la-laicite-un-concept-simple-a-definir

[15] Je traiterai notamment de cet éclaircissement dans le deuxième volet de cet article, op. cit.  

Tags : CAL Centre d’action laïque citoyens démocratie droits humains humanisme incroyance laïcité laïcité organisée libertés mécréance neutralité séparation Églises/État séparation Églises/État Peña-Ruiz

Ce n’est pas parce que Dieu est mort qu’il a cessé de nous parler. La religion comme marqueur identitaire

Posté le 31 octobre 2023 Par ABA Publié dans Laïcité Laisser un commentaire
Stéphane François

La référence nietzschéenne du titre de ce texte renvoie à une idée simple, qui sera le fil conducteur de cet article : malgré la sécularisation (à ne pas confondre avec la laïcisation)[1], c’est-à-dire l’éloignement des personnes de la pratique religieuse, poussée de nos sociétés ultramodernes, pour reprendre le néologisme forgé par Jean-Paul Willaime[2], le religieux n’a jamais cessé d’être un référent, qu’on le veuille ou non (pensons au militantisme athée par exemple). Au contraire : la religion, ou les références religieuses restent mobilisées, et permettent de développer une grille d’interprétation et de compréhension de notre monde[3]. Nous pouvons également mettre en avant la volonté de certains d’afficher leur foi, comme le font les évangéliques[4], et, depuis le début des années 2010, les catholiques[5], parfois dans un sens identitaire, au sens politique du terme[6]. 

De ce fait, nous proposons de revenir ici sur plusieurs points : en premier lieu sur les liens entre laïcités, droits de l’homme et Union européenne. Nous montrerons ensuite que, malgré la diversité des pratiques juridiques due à l’histoire, il existe une convergence des résultats des différents régimes de cultes européens. Cela tient au fait que toutes les nations occidentales ont rompu avec une conception de la société dans laquelle le politique est subordonné au religieux. En effet, les sociétés d’ancien régime étaient à la fois organicistes et unitaires : l’unicité de la foi était la garante de l’unité politique. N’oublions pas que la devise des rois de France était « une foi, un roi, une loi », ce qui explique l’abrogation de l’Édit de Nantes par Louis XIV, en 1685[7]. Nous insisterons également sur la distinction nécessaire à faire entre la sécularisation et la laïcisation, ces notions nous permettant d’établir plusieurs types d’évolutions historiques dans les rapports entre l’État, la société et les religions. Enfin, nous reviendrons sur le débat sur la place de la religion dans l’Union européenne.

Laïcité, Droits de l’homme et Union européenne

Malgré les évolutions des sociétés occidentales, le phénomène religieux reste très présent dans les débats, comme le montrent les crispations françaises, mais aussi belges depuis quelques années, autour de l’Islam. Nous pouvons aussi mettre en avant les querelles récurrentes sur la définition de la laïcité. Celle-ci, d’ailleurs, n’est pas « une exception française », mais, plus généralement, un mode d’organisation institutionnelle du rapport entre les religions et l’État. Cette gestion du religieux garantit les libertés individuelles, et donc celle de confession dans les régimes démocratiques. Comme nous le verrons ultérieurement, il s’agit d’une conséquence de l’histoire moderne européenne. Pour autant, seuls trois pays sur vingt-sept ont inscrit une forme de laïcité dans leur Constitution : la France, la Belgique[8] et le Portugal. Les autres pays de l’Union, même s’ils reconnaissent la liberté de conscience, accordent tous une place importante à la religion dans leurs institutions publiques. Ces pays ont noué des liens privilégiés avec certaines Églises, si bien que la séparation des Églises et de l’État n’a de réalité qu’en France. Ainsi, le roi du Danemark doit appartenir à l’Église évangélique luthérienne, religion d’État, et un ministère – le ministère des Affaires ecclésiastiques – gère les relations entre elle et le gouvernement. Le roi d’Angleterre est chef de l’Église anglicane, qui a le statut d’Église établie : cette dernière dispose en effet d’une représentation constituée de vingt-six ecclésiastiques au Parlement, membres de la Chambre des Lords. De fait, nombre de Constitutions européennes trouvent leur source dans la transcendance. La majorité des États de l’Union sont concordataires. C’est le cas, par exemple, de l’Autriche, de l’Italie, de l’Espagne, de l’Allemagne ou du Portugal. S’il reste régi par un concordat avec le Saint-Siège depuis 1940, ce dernier pays a une Constitution qui prévoit la séparation des Églises et de l’État. Enfin, la Grèce pousse le lien organique plus loin encore : sa Constitution a été promulguée au nom de la « Sainte trinité, consubstantielle et indivisible » et l’orthodoxie est la religion officielle. S’il n’existe pas d’impôt cultuel, le gouvernement grec paie les salaires, les retraites et la formation religieuse du clergé, finance l’entretien des églises et accorde une reconnaissance particulière au droit canon orthodoxe.

Cela dit, il existe une proximité entre la laïcité, comprise au sens large (et non pas au sens restreint français)[9] et les droits de l’homme et ses valeurs, héritées de la philosophie des Lumières : liberté de conscience et de religion, liberté de culte, liberté d’expression et d’opinion, l’égalité politique entre les diverses confessions et les non-croyants, non-discrimination selon la race, l’ethnie, le sexe, les convictions ou la religion[10]. L’affinité est forte entre la laïcité et la démocratie[11]. Nous pourrions aussi mettre en avant les liens entre la (les) laïcité(s) et la libéralisation des mœurs : pensons à la création de l’état civil, de la légalisation du divorce sous la Révolution française[12]. Nous pourrions multiplier les exemples. La constitution progressive d’une société civile, à la suite des guerres de religions, au fondement du principe démocratique a donné de nouvelles légitimités. La légitimité populaire du pouvoir (légitimité par le bas) s’est progressivement substituée à la légitimité théologique, voire théocratique (légitimité par le haut). Cela a permis de distinguer la citoyenneté de l’appartenance religieuse, sans pour autant porter atteinte aux fondements de l’ordre politique. Il ne faut pas oublier que le mot laïcité vient du grec laos, le peuple sans les nobles et les clercs[13].

Cet héritage et ces valeurs se retrouvent dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 1999[14]. Ils ont été repris de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme[15], qui insiste sur la liberté de pensée, de conscience et de religion :

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

Ils ont été de nouveau intégrés dans le Traité constitutionnel de l’Union européenne de 2003, en particulier dans son Article I-2, 

Les valeurs de l’Union » : L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit ainsi que de respect des Droits de l’Homme… Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les hommes et les femmes.[16]

Cet article court a permis de motiver des sanctions à l’égard de certains États membres qui rejettent ces valeurs, telle la Pologne[17]. Dans la version finale de la Convention, la référence au pluralisme et à la non-discrimination a été ajoutée. Avec la référence à la notion de tolérance, nous avons trois principes pouvant encadrer la gestion des cultes au niveau de l’Union.

Des laïcités

Par son histoire, l’Europe est devenue très tôt le lieu de développement d’un pluralisme religieux (présence de fortes communautés juives, schisme orthodoxe, naissance du protestantisme, guerres de religion, etc.) sur la base duquel ont émergé des cultures nationales diverses, parfois conflictuelles – pensons de nouveau aux guerres de religions, mais aussi à la persécution des Juifs – et souvent polémiques. Cet héritage parfois douloureux, l’action, puis la gestion des États ont permis l’essor d’une diversité des régimes juridiques et politiques organisant les rapports entre les religions et l’État, depuis l’époque moderne[18]. Des solutions diverses ont donc été élaborées selon les pays. De ce fait, il est nécessaire de parler de « laïcités européennes » au pluriel, la France ayant une conception particulière, radicale de la laïcité. Cette diversité des pratiques laïques a offert la possibilité aux scientifiques d’élaborer une démarche comparatiste, dépassant le cadre restreint et radical de la laïcité « à la française », montrant la diversité des formes de laïcité, en particulier en Europe et outre-Atlantique. En effet, le mot « laïcité » est difficilement traduisible. Les pays anglo-saxons privilégient ainsi les mots « secularism » ou « secularity ».

En effet, il faut insister sur la diversité des modalités de gestion des cultes en Europe, et donc sur les différentes formes de laïcité. Nous pouvons distinguer des régimes de religions différents comme les régimes de religion d’État ou d’Église établie, les régimes de cultes reconnus et les régimes séparatistes ou laïques au sens strict. L’écart entre ces différentes pratiques peut paraître considérable, voire opposé. Pourtant, au-delà de cette diversité institutionnelle, toutes les sociétés européennes se rejoignent sur trois principes déterminants pour comprendre le rapport entre le politique et le religieux aujourd’hui : 

1. Un principe de liberté de conscience et de religion en fonction duquel les droits de toute personne à pratiquer sa religion (non seulement dans la sphère privée, mais aussi en public) sont garantis dans les limites du respect de l’ordre public ; la liberté de conscience et de religion implique le droit de croire, de ne pas croire et de changer de religion.

2. Un principe d’égalité des citoyens interdisant toute discrimination liée à l’appartenance (ou la non-appartenance) à une religion. La citoyenneté politique s’est peu à peu dissociée de l’appartenance religieuse. C’est ce qui distingue les régimes de laïcités des régimes de tolérance. Dans les régimes de tolérance, la liberté religieuse est garantie, mais pas l’égalité politique. C’est le cas des pays biconfessionnels (Pays-Bas, Allemagne, Suisse) et de la Grande-Bretagne aux xviie-xviiie siècles. Concernant plus précisément ce pays, il faut attendre le xixe siècle pour qu’il donne des droits politiques aux non-anglicans. Les protestants non conformistes (baptistes, méthodistes, quakers…) peuvent participer au gouvernement des municipalités, en 1828, puis est votée la loi d’émancipation des catholiques, en 1829. Les Juifs sont éligibles au Parlement en 1858[19]. Le régime de tolérance caractérisait aussi l’Empire ottoman[20].

3. Un principe de neutralité de l’État, qui se traduit par la non-ingérence réciproque de l’État et de l’Église, « une Église libre dans État libre » selon la formule du comte de Cavour[21]. Ce principe est simple : l’État ne s’occupe pas des affaires internes de l’Église (dogmes, liturgie, nomination des évêques) et l’Église, en retour, ne s’immisce pas dans les affaires de l’État. Implicitement, cette neutralité propose une forme de séparation entre l’Église et l’État. Cette situation contraste avec la période des monarchies absolutistes des XVIe au XVIIIe siècle, période durant laquelle les monarques s’arrogeaient un lien direct avec Dieu, devenant le « lieutenant de Dieu sur terre »[22], par exemple le gallicanisme dans le royaume de France ou le carlisme dans celui d’Espagne.

Cette diversité des pratiques de séparation entre l’État et les religions permet de mettre en évidence les mouvements de convergence des différents modèles européens. Au-delà de leurs différences, ils partagent tous des caractéristiques communes essentielles. En outre, ils sont aujourd’hui confrontés aux mêmes défis, du fait d’une diversité grandissante des pratiques religieuses (liée aux immigrations musulmanes ou asiatiques notamment). Enfin, la religion n’est plus perçue comme un héritage communautaire, contraint, mais comme un choix volontaire : conversions[23], religion à la carte[24], nouveaux mouvements religieux[25]. Elle n’en reste pas moins identitaire. 

Laïcité et sécularisation

La dissociation entre l’État et la religion, citoyenneté et confessionnalité se sont faites en Europe selon deux voies différentes : la laïcisation et la sécularisation. Dans le premier cas, cette disjonction s’est opérée par le haut par de mesures édictées par l’État et de manière conflictuelle avec la religion dominante, d’où une histoire chaotique faite d’avancées laïcisatrices sur de courtes périodes (un règne, un régime, un gouvernement) et de reculs sous le poids des forces cléricales en résistance. Dans le deuxième cas, il y a eu un effacement progressif et graduel de l’emprise politique de la religion, dû à l’évolution de la société sur le temps long (plusieurs siècles avec une accélération dans les années 1960-1970 du fait de la libéralisation des mœurs et de l’émancipation des femmes), évolutions sociétales qui ont permis une certaine séparation pacifique de l’Église dominante et de l’État. Il faut souligner que ces deux processus peuvent s’appuyer l’un sur l’autre. La France est un exemple de laïcisation et de sécularisation. La politique laïcisatrice de la Révolution française, puis de la IIIe République française, s’est accompagnée d’un déclin de la croyance et de la pratique religieuse, tout comme de l’encadrement religieux (crise des vocations) au sein de la religion majoritaire catholique, ce qui a permis le passage d’une laïcité de combat à une laïcité relativement apaisée (du moins dans ses rapports avec le catholicisme)[26].

Ces deux logiques peuvent être disjointes, d’où la portée heuristique de ces deux termes. Le Danemark, doté d’une Église d’État, se caractérise par une sécularisation sans laïcisation[27], tandis que la Turquie a connu une politique de laïcisation autoritaire sous Mustafa Kemal sans que la société turque musulmane ne connaisse un processus de sécularisation. La réislamisation qui touche la plupart des pays musulmans, joints à un processus de démocratisation (victoire de l’AKP en Turquie en 2002, printemps arabes) fragilise les mesures autoritaires de laïcisation kémalistes[28]. 

Ce bref panorama nous permet de faire le constat que, si les religions jouent un rôle moindre dans les sociétés européennes et que si ces dernières sont de plus en plus sécularisées, elles n’en restent pas moins un marqueur identitaire : les religions permettent de se définir à la fois, au niveau individuel, au sein de nos sociétés, mais aussi, et toujours, par rapport à l’Autre, à celui « qui n’est pas comme nous ». La religion reste mobilisée comme marqueur identitaire, au service de la redéfinition d’une identité fictivement stable, dans un contexte politique et social caractérisé par de profondes et brutales transformations. En effet, selon Claude Lévi-Strauss, « l’identité se réduit moins à la postuler ou à l’affirmer, qu’à la refaire, la reconstruire »[29]. Elle n’est, en fait, qu’une « sorte de foyer virtuel »[30]. Au stade de notre réflexion, nous pouvons affirmer trois idées : 

1. si le religieux est présent sur les scènes nationales et la scène européenne en recomposition, c’est d’abord comme indicateur de cette recomposition ;

2. si le religieux est sollicité sur cette scène, ce n’est pas en tant que tel, mais parce qu’il constituerait, en situation de déficit du politique, l’une des modalités de gestion des recompositions à l’œuvre ; 

3. et enfin si le religieux est tout particulièrement requis, c’est qu’il représente un registre privilégié de production d’une altérité de référence. 

Ainsi, le rapport entre l’orthodoxie et l’État après la disparition du bloc soviétique est différent dans les cas roumain et bulgare, en raison notamment des constructions particulières de ce lien sur la durée, mais aussi des particularités des configurations politiques et religieuses au sortir du communisme : en Roumanie, le religieux est sollicité de pallier un déficit du politique immédiatement après 1989[31], alors qu’en Bulgarie, il faut attendre 2000 pour observer ce type de mobilisation[32]. Enfin, dans le cas polonais, pour prendre un dernier exemple, la défense du rôle de l’héritage chrétien en Europe dans le préambule de la Constitution européenne semble avoir eu pour fonction principale de permettre de feindre, à l’international, une pseudo-cohésion nationale, mise à mal par l’évolution interne de la société polonaise[33]. Cette dernière s’est en effet fortement et rapidement diversifiée, et ce dès avant que s’effondre le régime communiste, cette évolution allant de pair avec une pluralisation du paysage catholique lui-même. De fait, nous pouvons distinguer dans ce pays les mêmes grandes tendances à l’œuvre dans les pays occidentaux : individualisation des croyances, sécularisation, voire adoption de pratiques religieuses à la carte.

Le débat engagé autour de la Constitution dont doit se doter l’Union européenne élargie s’est en partie cristallisé sur la question de « l’héritage chrétien », sur la mention explicite de la « religion », voire du « christianisme » dans le préambule de cette Constitution, une mention refusée par certains États et réclamée par d’autres. Les institutions et les acteurs religieux ont d’ailleurs joué un rôle important dans le processus de construction européenne, depuis les inspirations initiales des Pères fondateurs (de Monnet à Adenauer et de Gasperi à Schuman) jusqu’à l’implication personnelle du pape Jean-Paul II dans le référendum concernant l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne. Ainsi, le 4 février 1992, Jacques Delors avait déclaré : « Si dans les dix ans qui viennent, nous n’avons pas réussi à donner une âme, une spiritualité, une signification à l’Europe, nous aurons perdu la partie »[34]. Allant dans le même sens, le 20 juillet 2003, le pape Jean-Paul II, évoquant à Castel Gandolfo la future Constitution européenne avait insisté sur le fait que : « la foi chrétienne a modelé la culture de l’Europe, faisant un tout avec son histoire […] Le christianisme est devenu la religion des Européens eux-mêmes ». Soulignant que ce patrimoine ne pouvait être perdu, il concluait sur l’idée que la nouvelle Europe devait être aidée « à se construire en redonnant vie aux racines chrétiennes qui sont à son origine »[35]. La proposition catholique était soutenue par les protestants, dont certains souhaitaient son inscription dans le Traité constitutionnel européen[36]. Elle a été rejetée au motif que l’Europe est devenue séculière. 

Religion et identité européenne

La question de la contribution de la religion et des grands courants philosophiques à la définition d’une identité européenne est à poser aujourd’hui au regard d’une convergence d’intérêts, à la confluence de deux types de demandes : 

1. celle, formulée par l’Europe-institution, de ressources permettant de donner une âme à une entreprise réputée froide, insusceptible de permettre aux citoyens de s’identifier à elle ; 

2. celle, ensuite, d’organisations et d’acteurs, religieux ou non, mais se prévalant d’une certaine capacité d’expertise dans ce domaine, et voyant dans le changement de périmètre que constitue la montée en puissance de l’Europe une voie possible de redéploiement de leur capacité d’influence et de pérennisation de celle-ci. 

Parallèlement à celles-ci, les politiques ont repris à leur compte la problématique de l’identité de l’Europe. 

Il n’est pas anodin que la Pologne, ancien membre du camp soviétique et nouvel adhérent à l’Union européenne, ait pris l’initiative avec l’Italie, au printemps 2004, de relancer ce débat sur la référence à la tradition chrétienne dans la Constitution. L’insistance polonaise sur « l’héritage chrétien » permet de mettre en évidence que, lorsque la religion paraît être en cause, c’est en réalité de tout autre chose dont il est question. Certains pays ont ainsi tout particulièrement besoin de produire de la cohérence afin de gérer la difficile reconstruction de repères. La religion est ici mobilisée comme marqueur identitaire, au service de la redéfinition d’une identité fictivement stable, le catholicisme, dans un contexte caractérisé par de profondes et brutales transformations. Indépendamment de la validité des arguments échangés dans le cadre du débat sur le rôle du religieux dans la définition de l’identité européenne, le surgissement de la question religieuse apparaît essentiel. Constituer la religion (ou son « héritage ») en noyau dur d’une identité supposée émergente laisse toutefois apparaître quelques interrogations dans une réalité européenne caractérisée par l’effacement du religieux. 

En effet, l’enquête européenne sur les valeurs de 1999 montre que la pratique religieuse est en déclin dans les pays membres et que la religion joue un rôle de moins en moins important[37]. Pour autant, l’appartenance à une religion reste forte. Ainsi, alors que 74 % des Français s’affirment membres d’une confession religieuse, seuls 58 % tiennent l’existence de Dieu pour « certaine » ou « probable » et plus de 40 % s’affirment simultanément « sans religion ». Cette étude, déjà ancienne, montre que « La » religion n’existe en fait que dans un rapport particulier d’une société vis-à-vis de la foi. Cette évolution, sur fond de prise de distance massive à l’égard de toute institution de la croyance, débouche sur deux conséquences majeures :

1. la difficulté de plus en plus grande à accréditer la distinction entre croyants et non-croyants dès lors qu’il n’existe plus de « contenu » de croyance susceptible de faire référence ;

2. la perte de la pertinence sociologique d’un concept de « religion » qui ne peut faire sens qu’au regard de ce même contenu de référence.

*

Dans notre période marquée par le relativisme, les religions, malgré la sécularisation et le déclin de la capacité des institutions religieuses à encadrer la foi, restent sollicitées en permanence en tant que vecteur d’ajustement et de grilles de compréhension du monde. Dans un monde qui évolue rapidement, dans le chaos d’une hypermédiatisation, les religions restent des points d’ancrage, des îlots de stabilité. L’immédiateté et la saturation de l’information font que l’individu cherche les explications les plus rassurantes, une fonction jouée à plein par les religions. Elles rassurent, y compris lorsque la foi se perd. Plus largement, elles ont modelé, et modèlent encore, en profondeur nos façons de penser et d’agir. En effet, les thématiques religieuses ont profondément imprégné et modelé les pratiques culturelles, de façon consciente (les références explicites) ou inconsciente (diffuses). Ainsi, le christianisme, ses thématiques et sa symbolique restent très présents dans les valeurs de l’Union européenne, lui donnant une coloration identitaire. Ils ne sont pas les seuls – il faut prendre en compte les références gréco-latines, voire celto-germaniques, l’« humanisme tragique » cher à André Malraux[38] –, mais ils sont particulièrement visibles. Bref, si Dieu est mort[39], il n’a pas cessé pour autant de nous parler, ce « cadavre récalcitrant », ainsi qu’aurait dit Baudelaire[40].


[1] Jean Baubérot, Philippe Portier, Jean-Paul Willaime (dir.), La Sécularisation en question. Religions et laïcités au prisme des sciences sociales, Paris, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque de science politique », 2019.

[2] Jean-Paul Willaime, « Pour une sociologie transnationale de la laïcité dans l’ultramodernité contemporaine », in Archives de sciences sociales des religions, n° 146, 2009, https://journals.openedition.org/assr/21290. Consulté le 31/07/2023.

[3] Voir, par exemple, Joël Schnapp, Chroniques de l’Antichrist. Crises et apocalypses au XXIe siècle, Piranha blanc, 2023.

[4] Sébastien Fath (dir.), Le protestantisme évangélique, un christianisme de conversion, Turnhout, Brépols, 2004. 

[5] Guillaume Cuchet, « Identité et ouverture dans le catholicisme français », Études, 2017/2, pp. 65-76 ; Céline Béraud et Philippe Portier, Métamorphoses catholiques. Acteurs, enjeux et mobilisations depuis le mariage pour tous, Paris, Éditions MSH, 2023.

[6] Erwam Le Morhedec, Identitaire. Le mauvais génie du christianisme, Paris, Le Cerf, 2017.

[7] Cela dit, cette unicité commençait à se fissurer. Pensons, par exemple, à l’Édit de Versailles promulgué par Louis XVI en 1788.

[8] Xavier Delgrange, « La laïcité française prononcée avec l’accent belge », in Administration & Éducation, vol. 151, no. 3, 2016, pp. 87-94.

[9] Jean Baubérot, Laïcité, laïcités. Reconfigurations et nouveaux défis (Afrique, Amériques, Europe, Japon, Pays arabes), avec M. Milot et Ph. Portier, Maison des Sciences de l’Homme, 2014.

[10] Jean Baubérot (dir.), La Laïcité à l’épreuve. Religions et Libertés dans le monde, Encyclopædia Universalis, 2004.

[11] Joël Andriantsimbazovina & Patrick Kabou (dir.), Laïcité et défense de l’État de droit, Toulouse : Presses de l’Université Toulouse Capitole, 2020. 

[12] Loi du 30 août 1792.

[13] Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1998, p.1961

[14] https://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf. Consulté le 06/08/2023.

[15] https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/convention_FRA. Consulté le 06/08/2023.

[16] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX%3A12012M%2FTXT. Consulté le 06/08/2023.

[17] En retour, ce pays considère que certains articles du traité constitutionnel européen sont incompatibles avec sa constitution. Ainsi, le tribunal constitutionnel polonais a affirmé en 2021 la primauté du droit national sur le droit européen, ouvrant un conflit avec l’UE qui dure encore en 2023. 

[18] Voir, entre autres, Charles Mercier, « Pour une histoire globale du fait religieux “contemporain” », in Revue historique, vol. 692, n°4, 2019, pp. 959-982 ; Abigail Green, « L’histoire globale de l’Europe à l’aune de la religion », in Annales. Histoire, Sciences Sociales,76(4), 2021, pp.763-774.

[19] Julien Vincent, « L’histoire sociale de la religion au XIXe siècle : la sécularisation en question », in Revue Française de Civilisation Britannique, XIV-4 | 2008. URL : http://journals.openedition.org/rfcb/6072. Consulté le 06 août 2023.

[20] Le Coran admet la liberté religieuse des « Gens du Livre », c’est-à-dire les juifs et les chrétiens. Ces minorités se voient accorder le statut protecteur, mais inégalitaire de dhimmis (« protégés » en arabe). Elles s’organisent dans le cadre d’une communauté religieuse ou « millet », sous l’autorité politique, juridique et religieuse d’un chef. Elles conservent en outre leur spécificité en matière de statut personnel (mariage, filiation, héritage). En revanche, elles doivent s’acquitter d’un impôt spécial et ne peuvent accéder à des charges politiques, administratives ou militaires au sein de l’Empire ottoman. Paul Dumont, « L’instrumentalisation de la religion dans l’Empire ottoman à l’époque de l’expansion européenne (1800-1914) », European Journal of Turkish Studies, 27 | 2018, URL : http://journals.openedition.org/ejts/5933. Consulté le 06/08/2023.

[21] La première occurrence de cette formule se trouve dans le discours prononcé par le comte de Cavour devant la Chambre des députés de Turin, le 27 mars 1861.

[22] Alain Blondy, « 6 – L’absolutisme », in Alain Blondy (dir.), Nouvelle histoire des idées. Du sacré au politique, Paris, Perrin, 2016, pp. 100-126.

[23] Henri Lassere, Le phénomène des conversions religieuses : vers une reconstruction de soi, ESF, 2016.

[24] Xavier Molénat, « Une religion « à la carte » », in Xavier Molénat (dir.), L’Individu contemporain. Regards sociologiques, Éditions Sciences Humaines, 2014, pp. 149-152. Jean-Louis Schlegel, Religions à la carte, Paris, Fayard, 2014.

[25] Françoise Champion, « La religion à l’épreuve des Nouveaux Mouvements Religieux », in Ethnologie française ; « Les nouveaux mouvements religieux », nouvelle série, t. 30, n°4, octobre-décembre 2000, pp. 525-533.

[26] Marcel Gauchet, Le Désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Gallimard, 1985 ; Philippe Portier, Jean-Paul Willaime, La religion dans la France contemporaine. Entre sécularisation et recomposition, Paris, Armand Colin, 2021.

[27] Niels Reeh, Secularization Revisited. Teaching of Religion and State of Denmark, Springer International Publishing, 2016 ; Anne Kjærsgaard, Funerary Culture and the Limits of Secularization in Denmark, Lit Verlags, Wien, 2017.

[28] Fouad Nohra, « Turcité, laïcité, islamité : le débat politique sur l’identité de la Turquie contemporaine », Société, droit et religion, vol. 10, n° 1, 2020, pp. 179-201 ; Thierry Zarcone, « La Turquie de l’AKP (2002-2017). Laïcité autoritaire et velléités de sortie de la laïcité », in Jean Baubérot, Philippe Portier et Jean-Paul Willaime (dir.), La Sécularisation en question. Religions et laïcités au prisme des sciences sociales, Paris, Classiques Garnier, 2019, pp. 189-207.

[29] Claude Lévi-Strauss, L’identité, Paris, Grasset, 1977, p. 331.

[30] Ibid., p. 332.

[31] Iuliana Conovici, « L’orthodoxie roumaine et la modernité. Le discours officiel de l’Église Orthodoxe Roumaine après 1989 », in Studia Politica, vol. 4, n°2, 2004, pp. 389-420.

[32] Galia Valtchinova, « Orthodoxie et communisme dans les Balkans : réflexions sur le cas bulgare », in Archives de sciences sociales des religions, n°119, 2002, pp. 79-97.

[33] Patrick Michel, « L’Église et le catholicisme polonais à l’épreuve du pluralisme », in Pouvoirs, vol. 118, n° 3, 2006, pp. 89-100.

[34] Jacques Delors, « L’Europe, une aventure spirituelle », in Transversalités, 2012/3, https://www.cairn.info/revue-transversalites-2012-3-page-119.htm. Consulté le 12/08/2023.

[35] https://fr.zenit.org/2003/07/20/constitution-europeenne-la-foi-chretienne-a-modele-la-culture-de-l-europe/. Consulté le 12/08/2023.

[36] Rostane Mehdi, « L’Union européenne et le fait religieux. Éléments du débat constitutionnel », in Revue française de droit constitutionnel, vol. 54, n° 2, 2003, pp. 227-248.

[37] Yves Lambert, « Des changements dans l’évolution religieuse de l’Europe et de la Russie », in Revue française de sociologie, vol. 45, n° 2, 2004, pp. 307-338.

[38] Noriko Ishikawa, « L’humanisme tragique dans l’œuvre d’André Malraux », in Ayako Hata, Atsuko Nagaï (Atsuko), Kazuaki Yoshimura, et Hideki Yoshizawa (dir.), Malraux vu du Japon. Roman, essai et arts, Paris, Classiques Garnier, 2023, pp. 99-111.

[39] « Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu’à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. – Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations, quels jeux sacrés serons-nous forcés d’inventer ? La grandeur de cet acte n’est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement – ne fût-ce que pour paraître dignes d’eux ? », Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir [1882], Livre troisième, 125. Cf., Isabelle Wienand, Significations de la Mort de Dieu chez Nietzsche, de « Humain, trop humain » à « Ainsi parlait Zarathoustra », Peter Lang, 2006.

[40] Cf., Charles Baudelaire, « Pauvre Belgique », in Œuvres complètes de Charles Baudelaire, Juvenilia, Œuvres posthumes, Reliquiæ. III, Paris, Louis Conard, 1952. Il le disait à propos du premier roi belge, Léopold Ier , qui « s’obstinait » à ne pas « vouloir mourir. »

Tags : démocratie Europe héritage chrétien identité européenne laïcité religion sécularisation séparation Églises/État Union européenne

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