« Buonasera » La fausse modernité de l’empereur « François Ier »

Roberto Galtieri

« Buonasera » (Bonsoir). La modernité du nouvel empereur du Vatican apparaît le 13 mars 2013 avec ce mot et révélera la contradiction du pontificat de Bergoglio. La voix et le corps tremblant du vieux cardinal protodiacre, Tauran, représentant d’un conclave composé de vieillards, avaient annoncé le nom, « François Ier », du nouvel empereur du catholicisme avec la formule : Habemus papam, en usage depuis 1417.

Avec son « bonsoir » et le nom impérial de « François Ier » – évoquant celui qui est officiellement « le saint patron de l’Italie », que les catholiques appellent le « pauvre » d’Assise – les thuriféraires du Vatican ont entamé le récit du pape charitable et moderne.

Les cathocommunistes[1] italiens, et pas seulement eux, se référant à l’agneau de Dieu, réaffirmant la nature grégaire des chrétiens, se sont immédiatement ralliés à celui qui, à leurs yeux, pourrait mener à bien les réformes du concile Vatican II.

Les propos de François Ier sont marqués au sceau de la modernité par rapport à l’immobilisme millénaire de la doctrine catholique, mais ils ne correspondent pas à des actes concrets.

La vraie réforme de François Ier vise la réorganisation de l’empire catholique et de son centre de commandement, romain et eurocentré. Du fait que la périphérie de l’empire est désormais devenue son centre, l’action de François Ier consiste à convaincre les mentalités et les institutions du catholicisme eurocentré du fait que les croyants et les corps sacerdotaux venant essentiellement de la périphérie, seuls le pape et les évêques qui gèrent le territoire sont essentiels et les cardinaux sont devenus un fardeau pour une gestion moderne du pouvoir Vatican.

L’appareil clérical et la Curie romaine s’opposent à ce projet, car ils perdraient leur pouvoir démesuré. C’est le véritable lieu de la dissidence à l’encontre de Bergoglio qui se développe depuis l’intérieur de l’État du Vatican. L’opposition entre conservatisme et modernité est le voile qui couvre les ambitions du pouvoir. Seul un jésuite, comme Bergoglio, qui évite le principe de non-contradiction, principe cardinal de la logique aristotélicienne, peut être à la fois conservateur et révolutionnaire : François Ier est conservateur dans l’idéologie, révolutionnaire dans la réforme de l’État du Vatican et dans la gestion du pouvoir catholique. Ce qui se passe au Vatican ne concerne pas la prétendue modernité de ses propositions, mais la redéfinition du pouvoir impérial pour la survie de l’empire lui-même. La divergence d’opinion de la Curie romaine est toute là, le reste est anecdotique, comme, par exemple, la critique théologique en cinq points de l’encyclique Amoris Laetitia (La Joie de l’Amour) fait par quatre cardinaux concernant l’accès des divorcés remariés à la communion ou la contestation contre le pape par des affiches sur les murs romains. Il s’agit bien de l’élimination du pouvoir de la Curie romaine.

Cette mise en scène de Bergoglio-fidèle-à-la-parole-de-l’Église-pauvre-pour-les-pauvres, a créé la « star » François Ier. Et ensuite ? François Ier fait des déclarations sur le mode de vie des croyants et il le fait comme s’il parlait sur les médias sociaux ; c’est un « Pape social », dont la vacuité des intentions ignore le réel : c’est une soupape de l’humanité solitaire.

L’exemple le plus évident concerne l’accueil des immigrés extracommunautaires pour lesquels Bergoglio a réclamé la solidarité, une solidarité de façade, puisque face à la barbarie du refus d’accueillir ces désespérés, François Ier aurait pu mettre à leur disposition les milliers de bâtiments appartenant au Vatican (dont beaucoup d’hôtels), tous exempts d’impôt. Il aurait pu affecter au soutien des immigrants, le budget de Caritas, qui est réservé aux « affaires institutionnelles »[2].

À l’épreuve des faits, son Église pauvre n’est que des mots à destination des croyants.

Les acteurs qui ont contribué à ce résultat sont quatre :

  • a) les dirigeants de l’Église, qui ont choisi un pontife populiste ;
  • b) la presse qui exalte le pape argentin ;
  • c) les catholiques progressistes, qui espèrent toujours que le Concile Vatican II sera appliqué ;
  • et enfin d) la gauche sans plus d’idées et perspectives qui s’est agenouillée devant le jésuite argentin. À ces derniers, s’ajoute un cinquième acteur : la droite traditionaliste.

Dès son premier acte canonique, François Ier illustra la supercherie avec son exhortation apostolique Evangeli gaudium[3], qui définit le style de vie de catholiques et des points non négociables : le « sacerdoce réservé aux hommes » et la dignité des enfants à naître, en clair : le refus de tout avortement.

Chez le pape François Ier, on constate une distance entre la réalité des faits et le récit véhiculé par la propagande du Vatican, récit repris par les médias nationaux et internationaux.

Mais voyons certains points-clés sur lesquels François Ier s’est engagé en paroles à de profondes réformes qui ne sont suivies d’aucun acte concret.

Pédophilie

Aux critiques de la pédophilie dans le monde sacerdotal catholique faites par Bergoglio, n’a jamais suivi la modification du principe : la pédophilie est toujours considérée comme un « abus moral » et une offense à Dieu, comme un péché et une affaire interne à l’Église. Elle n’est donc pas considérée comme un crime et on lave ce linge sale en famille. Les prêtres pédophiles sont transférés dans des diocèses lointains ; on applique encore « l’instruction » du Crimen Sollicitationis[4] (sur les crimes les plus graves) de 1962, renouvelée en 2001 par la lettre De delictis gravioribus[5], de l’alors cardinal Joseph Ratzinger.

Et malgré le fait que le Vatican ait ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant en 1990, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a condamné l’État catholique, car la Convention a été violée de manière répétée et flagrante[6].

Misogynie et gynophobie

En ligne avec les principes de l’encyclique Pacem in terris (1963), le progrès des femmes a été présenté comme l’un des « signes des temps »[7] les plus importants. Deux ans plus tard, Apostolicam actuositatem[8] a déclaré l’importance d’une participation plus large des femmes, et dans Gaudium spes[9], était affirmée la priorité d’éliminer la discrimination entre les sexes. De beaux mots, mais dans Ministeria quaedam[10] (1972) et dans le Code de droit canonique[11], les rôles indiqués par le Concile comme convenant aux laïcs – les non-prêtres dans le langage du Vatican – sont interdits aux femmes, de même que le diaconat permanent. Il y a trois ans, François Ier a institué une commission d’étude sur le diaconat féminin et rien n’a encore été fait.

Le 8 mars 2018 devait se tenir au Vatican une conférence organisée par Voices of Faith, intitulée « Why women Matter » (pourquoi les femmes comptent). Le cardinal Kenneth Farrell, préfet du Dicastère des laïcs, de la famille et de la vie, supprimait de la liste des orateurs l’ancienne présidente de la République d’Irlande, la catholique Mary McAleese et autres. Afin de maintenir le programme initial, les organisateurs décidèrent que la conférence se tiendrait mais en dehors du Vatican. En écoutant le texte de Mme Mary McAleese, on comprend pourquoi la Curie romaine voulait effacer sa voix : son texte était un réquisitoire : « pour que les murs de la misogynie de notre Église s’effondrent »[12]. Là aussi, la modernité de François Ier s’arrête à la propagande. L’empereur est sourd aux exigences des catholiques qui s’affirment, par exemple, dans le Manifeste des femmes pour l’Église[13] et dans la dénonciation de la professeure d’études catholiques de l’université de Roehampton (Londres) et directeur du Collège Santa Caterina di Siena lorsqu’elle déclare que l’Église est « l’empire de la misogynie »[14].

La modernité de François Ier est la gynophobie.

Avortement

Les condamnations les plus sévères contre l’avortement portent la signature du pape moderne et réformiste Bergoglio. Le 18 février 2016, il a comparé l’avortement à la mafia[15]. En 2017, il compare le recours à l’avortement à l’embauche d’un tueur à gages : « supprimer un être humain, c’est louer un tueur à gages pour résoudre le problème »[16]. François Ier a réitéré le 10 novembre 2018 :

Le siècle dernier, le monde entier a été choqué par ce que les nazis ont fait pour soigner la pureté de la race. Aujourd’hui, nous faisons la même chose mais avec des gants blancs : c’est à la mode, comme d’habitude, quand on voit que l’enfant n’est peut-être pas bien ou vient avec quelque chose : la première offre est « nous le renvoyons ? ». Le meurtre d’enfants[17].

En bref, ceux qui avortent et ceux qui aident à avorter sont des nazis.

Homophobie

En 2013, à la question d’un journaliste sur l’orientation sexuelle de son collaborateur, Battista Ricca, François Ier a répondu :

Si une personne est homosexuelle, cherche le Seigneur et a de la bonne volonté, qui suis-je pour la juger ?[18].

Le courant chrétien progressiste s’enflamma et mit en évidence le caractère moderne de la pensée du pape sur la liberté sexuelle homosexuelle, mais il oublie qu’être gay reste pour l’Église du moderne pape Bergoglio, un péché. La signification de la dénonciation bergoglienne se trouve tant dans les préparatifs des deux synodes sur la famille (2014-2015) que dans la condamnation des non-hétérosexuels dans l’exhortation Amoris Laetitia[19]. Pour empêcher la reconnaissance des droits des homosexuels, qui « ne reconnaissent pas l’ordre de la création », François Ier a comparé la « théorie – sic ! – du genre » à la « bombe atomique ». Encore une fois, les différences entre le passé et le présent ne sont que de l’image, même si beaucoup, surtout à gauche, sont tombés dans le piège des médias[20].

Droits de l’Homme

L’État du Vatican affirme sa volonté de ne pas ratifier les conventions internationales des droits de l’homme, car

il trouve sa raison d’être dans la souveraineté dont le Siège apostolique est investi depuis des siècles, une souveraineté qui, pour l’ampleur territoriale, est circonscrite au petit État de la Cité du Vatican, mais qui est motivé par le besoin qu’a la Papauté d’exercer sa mission en toute liberté[21].

Traduction : le Vatican n’est pas un véritable État et ne peut donc pas signer les conventions internationales (comme celle contre le blanchiment d’argent), de sorte qu’il a les mains libres et ne peut être jugé par qui que ce soit. Pourtant, le concordat entre l’État du Vatican et l’Italie a été signé entre deux États. En bref, le Vatican est un État quand cela lui convient. Avec cette excuse, il n’a jamais signé la Convention européenne des Droits de l’Homme.

D’un autre côté, entre États théocratiques, on s’entend. François Ier s’est prononcé sur la vie des citoyens et des citoyennes et sur les coutumes répressives aux Émirats Arabes Unis :

Un modèle de coexistence, de fraternité humaine et de rencontre entre différentes civilisations et cultures, où beaucoup trouvent leur place sûre de travailler et de vivre librement, dans le respect de la diversité[22].

Pourtant, il ne semble pas aveugle, le fait est qu’il ne peut pas voir pour ne pas devoir condamner, par exemple, la kafala[23], ce système d’esclavage en vigueur dans les Émirats auquel sont soumis les travailleurs étrangers. Par ailleurs, le pape et l’imam Ahmad Al-Tayyib, grand imam de l’Université Al-Azhar (Le Caire) ont signé le Document sur la fraternité humaine pour la paix dans le monde et la coexistence commune[24], François Ier souscrit à cela une semaine après que le Conseil de l’Europe a condamné cette déclaration islamique car, malgré son nom, « elle est incompatible avec les droits de l’homme »[25].

Théologie de la libération[26]

La seule chose qui semble être en rupture avec le passé est la reconnaissance que la théologie de la libération n’est plus une hérésie. Mais les gestes de Bergoglio suffisent-ils à conclure que le Vatican a fait sien le radicalisme de l’option pour les pauvres qui est le noyau de cette théologie ? Ou s’agit-il de propagande ? En fait, ce choix est une obligation concernant la conception de la réforme de la gestion de l’État du Vatican du centre vers la périphérie et l’Amérique latine est la périphérie catholique la plus importante du monde en nombre de fidèles et d’aspirants au sacerdoce.

Les marchands sont toujours dans le temple

Le pontificat du pape François a commencé avec l’espoir d’une Église pauvre pour les pauvres et par une déclaration importante : « L’IOR notre banque ? Et si on la fermait peut-être ? » L’IOR (Institut pour les œuvres de religion), appelé la banque de Dieu, fait l’objet de scandales depuis des décennies et est associé à des enquêtes judiciaires menées par l’État italien sur le blanchiment d’argent, à ses rapports avec la mafia, avec le pouvoir démocrate-chrétien, à des krachs financiers, à des banques italiennes en faillite, à des meurtres de banquiers. À ce jour, tout est documenté, y compris par le journaliste Gianluigi Nuzzi, qui révèle que, malgré les affirmations de Bergoglio, l’IOR a toujours le même pouvoir financier. Nuzzi est un expert en finances du Vatican et a écrit de nombreux livres, tous dérivés de documents officiels[27] et jamais démentis.

Un autre pape avant
François Ier, a essayé de réformer l’IOR : Jean-Paul Ier. Il mourut après seulement 33 jours de règne. Selon le journaliste britannique Yallop[28], et beaucoup d’autres, la réforme de l’IOR fut à l’origine de sa mort dont les causes sont suspectes. Aujourd’hui, l’IOR a toujours le même pouvoir financier et pas une virgule indiquant qu’il est une banque n’a changé.

Les commissions et les responsables de la transparence de l’IOR, nommés par François Ier n’ont introduit aucun changement, et certaines responsables ont été démissionné.

Quant au financement du Vatican, il n’y a pas de transparence, y compris le pillage des subventions de l’État italien à différents niveaux : national, régional, provincial et municipal. L’exemption fiscale du précompte immobilier sur les immenses propriétés du Vatican est la règle. On évoque des milliards d’euros.

Au début de ces considérations, le rôle de la presse dans la création de la « star » François Ier a été mis en évidence. Les paroles de l’UCCR (Union des Chrétiens Catholiques Rationnels) font comprendre les raisons du sentiment de masse favorable :

Avec l’élection du pape François, la « propagande athée » dans les médias italiens a été réduite à une bougie. Les voix historiques telles que Repubblica, Il Fatto Quotidiano et Il Manifesto se sont adoucies, L’Unità a fermé et si on met de côté les tirs antipapistes de Sandro Magister sur l’Espresso, la seule source restée sur le terrain est l’hebdomadaire Left dirigé par Matteo Fago (ancien rédacteur en chef de L’Unità)[29].

Ainsi, la prétendue modernité de l’empereur François Ier se limite à des paroles et à l’octroi d’indulgences avec la bénédiction papale par la radio.

Le 25 septembre 2019


Notes

  1. Le terme « cathocommunisme » définit, dans le panorama philosophique et politique italien, l’ensemble des penseurs, religieux et politiques qui, bien que de religion catholique déclarée, optent pour un choix politique et programmatique proche des positions marxistes.
  2. Dati Raffaele Carcano, UAAR, www.youtube.com/watch?v=tELFA-7UWpE
  3. 24 novembre 2013
  4. http://www.vatican.va/resources/resources_crimen-sollicitationis-1962_en.html
  5. http://www.vatican.va/resources/resources_norme_fr.html
  6. Committee on the Rights of the Child, Concluding observations on the second periodic report of the Holy See, voir https://www.refworld.org/docid/52f8a1544.html
  7. Enciclica di Giovanni XXIII, 11/4/1963, nn. 22,24
  8. 18 novembre 1965, n.9
  9. Costituzione apostolica conciliare Gaudium et spés, 7 décembre 1965 ; n. 29
  10. Paul VI, 15 août 1972, n. 2-3 ; 7
  11. Codice di diritto canonico, can.230 §1.
  12. https://catholicwomenspeak.com/portfolio-items/mary-mcaleese-ireland/
  13. https://www.facebook.com/notes/donne-per-la-chiesa/manifesto-delle-donne-per-la-chiesa/2034720426814026/
  14. https://catholicwomenspeak.com/tina-beattie-an-empire-of-misogyny/
  15. http://www.ilgiornale.it/news/cronache/laborto-che-fa-mafia-parole-papa-francesco-1465373.html
  16. http://www.ilgiornale.it/news/cronache/papa-francesco-contro-laborto-affittare-sicario-1586310.html
  17. https://roma.corriere.it/notizie/cronaca/18_giugno_16/papa-aborto-selettivo-come-nazismo-ma-guanti-bianchi-aac92932-7152-11e8-8802-e09859fdb268.shtml
  18. http://w2.vatican.va/content/francesco/it/speeches/2013/july/documents/papa-francesco_20130728_gmg-conferenza-stampa.html
  19. Ibidem, points 250 et 251.
  20. Voir note 16.
  21. https://www.uccronline.it/2019/02/19/perche-il-vaticano-non-firmo-la-dichiarazione-dei-diritti-delluomo/ l
  22. https://www.agensir.it/quotidiano/2019/1/31/papa-francesco-al-popolo-degli-emirati-arabi-uniti-la-fede-in-dio-unisce-e-non-divide/
  23. https://humantraffickingsearch.org/kafala-system/
  24. http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/travels/2019/outside/documents/papa-francesco_20190204_documento-fratellanza-umana.html
  25. http://www.assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=7339&lang=1&cat=8
  26. Courant manifesté dans le catholicisme latino-américain lors de la conférence épiscopale de Medellín en 1968.
  27. Vatican S.A., les archives secrètes du Vatican, 2011 ; Sa Sainteté, scandale au Vatican, 2012 ; Via crucis, un pape en danger au cœur du Vatican, 2015 ; Chemin de croix, 2015 ; Péché original, chantages, violences et mensonges, 2017.
  28. In God’s Name: An Investigation Into the Murder of Pope John Paul I (1984).
  29. https://www.uccronline.it/2019/02/19/perche-il-vaticano-non-firmo-la-dichiarazione-dei-diritti-delluomo