Les Athées de Belgique
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La Confession libertine de la Marquise Émilie du Châtelet

Posté le 1 août 2020 Par ABA Publié dans Athéisme Laisser un commentaire

Marco Valdo M.I.

Dans cette Confession libertine, comme dans les précédentes entrevues fictives [1], un Inquisiteur tente de cerner l’athéisme de l’impétrante ; c’est le métier d’Inquisiteur de faire parler les suspectes et les suspects d’hérésie – « Parlez, parlez, nous avons les moyens de vous faire parler »[2]. On trouve face à l’enquêteur Juste Pape, la suspecte Marquise Émilie du Châtelet, née Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, à Paris en 1706 – femme de lettres, femme de haute éducation et de grande culture, mathématicienne et physicienne ; renommée pour avoir fait connaître en France les travaux de Newton et Leibniz. À côté de sa personnalité de femme savante, la Marquise avait aussi une vie de femme mariée, elle a eu quatre enfants ; coquette, portée sur les robes, les pompons, les rubans, les fanfreluches et les nœuds ; une femme forte, libre et libertine ; elle eut des amants, dont Voltaire (elle fut avec lui comme cul et chemise pendant quinze ans), le Duc de Richelieu et Maupertuis. Elle avait le goût des idées, de la conversation instructive, un solide penchant à l’indépendance et à la liberté de pensée.

Bonjour, Madame la Marquise. Je suis Juste Pape, enquêteur de l’Ovraar [3] en mission spéciale. Je voudrais tout d’abord m’assurer que vous êtes bien, Madame, la Marquise Émilie du Châtelet, née Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, à Paris en 1706.

Bonjour, Monsieur l’Inquisiteur, je le suis en effet et assez ravie de l’être.

À vrai dire, Madame la Marquise, je ne sais pas trop comment vous le dire, mais avec la circonspection la plus respectueuse, et pour tout dire, à ma grande consternation, on m’a demandé de vous recevoir et de vous poser principalement une question. Je vais aller tout droit au fait : mon dossier vous définit comme athée et c’est ce point-là qu’il me faut éclaircir. Je doute d’ailleurs très fort que vous le soyez du fait que vous êtes d’une famille catholique et que vous avez été inhumée en l’église paroissiale de Lunéville, petite ville dans l’est de la France.

C’est tout à votre honneur et à celui de votre congrégation, Monsieur l’Inquisiteur, de me dédouaner si habilement, car Lunéville à l’époque n’était pas en France, mais bien en Lorraine et croyez-moi, ça faisait toute la différence. À la cour de Lorraine, sous le règne de Stanislas qui, quoique officiellement catholique, était ouvert aux idées nouvelles et pratiquait la tolérance à l’égard des protestants et des athées. Il avait accueilli les francs-maçons persécutés à Paris. C’est d’ailleurs à proximité de la Lorraine, en mon château de Cirey, que je me suis réfugiée avec mon ami Voltaire, quand ses idées philosophiques menaçaient de le conduire une fois de plus en prison ; il vivait dans la hantise de la Bastille ; je ne pouvais supporter ce tracas, il gâchait nos soirées. Par ailleurs, pour répondre à votre interrogation, au moins sur un point et selon mon habitude, de manière un peu énigmatique, je vous rappellerai la fin de mon amie, la Baronne de Fontaine-Martel, qui n’avait jamais eu la foi. (L.28)[4]

Nous savons fort bien, dit l’Inquisiteur, que cette Baronne était tourmentée par une ombre et sa fille, Madame d’Estaing, disait : « C’est son irréligion qui la tourmentait, c’était le fantôme de sa perdition, le remords de son athéisme, les prémices de l’enfer ! » (L.53)

Monsieur l’Inquisiteur, il ne faut pas vous laisser aller à vous fier aux commérages et je vous conseille vivement de vous informer à meilleure source.

Justement, dit l’Inquisiteur, c’est ce que je fais. Alors, qu’en était-il vraiment de la Baronne ?

Ce qui la tourmentait au plus profond d’elle-même, Monsieur l’Inquisiteur, c’était d’avoir commis un enfant illégitime et secret avec un cocher ; c’était aussi de l’avoir abandonné dès son jeune âge. Elle l’avoua en une ultime et unique confession à un philosophe qu’elle logeait en sa demeure, je veux dire Voltaire. Au décès de la baronne, qui avait été assassinée, le lieutenant général René Hérault, pour des raisons de sûreté nationale et de secret policier, avait fait venir le curé de Saint-Eustache afin que ce dernier confirme qu’il l’avait lui-même confessée et qu’elle avait reçu de lui l’absolution, ce qui permettait à la baronne athée d’être inhumée dans les formes – entendez en terre chrétienne (L.44-45). Pour le premier policier de France, il s’agissait aussi d’étouffer dans l’œuf tout scandale, ce qui était nécessaire à la tranquillité publique ; l’État et la Religion y tenaient. On pouvait être athée tant qu’on voulait, mais ce devait être confidentiel. En somme, on était athée caché ; mais la façade devait être religieuse ou à l’extrême limite, déiste.

Hum, je vois, dit l’Inquisiteur. Il paraît que pour l’inhumation, on a fait de même avec le corps de Voltaire. Par ailleurs, le baron d’Holbach tout comme Diderot, tous deux athées affichés, furent enterrés à l’église Saint-Roch à Paris[5].

Ça, je ne le sais pas, dit la Marquise, j’étais déjà sous la paroisse. Assurément, personne n’avait envie de finir jeté à la voirie. En ce qui me concerne, on certifia tout ce qu’il fallut, surtout mon frère l’abbé Élisabeth-Théodose Le Tonnelier de Breteuil, qui comme vous le savez certainement, fut prieur commendataire de Saint-Martin-des-Champs et agent général du clergé de France jusqu’à sa mort en 1781. Cependant, je vous ferai remarquer que si je suis en un lieu consacré, c’est sous un épais marbre noir et sans aucune mention de mon nom. Mais dites-moi, Monsieur l’Inquisiteur, selon vous, selon vos dossiers, j’entends, du point de vue de l’Église, quelle fut la fin de Voltaire ?

Je comprends, Madame la Marquise, votre souci. Eh bien, voici. Voltaire, sentant sa fin prochaine, a voulu se prémunir contre un refus de sépulture, car lui non plus n’aimait pas l’idée d’être jeté à la voirie et comme l’avaient fait avant lui d’autres philosophes impies ou athées comme Fontenelle ou Montesquieu, il a fait venir un prêtre à qui il a remis une confession de foi minimale en échange de son absolution. Bref, on trouva là aussi un arrangement et son neveu l’Abbé Mignot l’emporta discrètement en son abbaye de Sellières, près de Romilly et le fit tout aussi secrètement inhumer dans un caveau sous l’église. Après une Révolution et maintes tribulations, Voltaire finira au Panthéon. La chose est amusante : en le mettant au Panthéon, on a rangé Voltaire parmi les dieux. Pour ce qui est de l’Église, une vraie conversion finale, écrite et signée de la main impie, aurait été un triomphe et même, non écrite, l’Église aurait bien voulu faire croire à cette conversion du philosophe.

Oh, dit la Marquise, la conversion de Voltaire, c’est comme l’existence de Dieu. Si l’Église veut y faire croire, on a tout lieu de penser que c’est un mensonge (L.41)[6]. En fait, malgré toutes ses nombreuses dénégations et ses affirmations nébuleuses, filles d’une grande prudence, Voltaire était, en la matière, comme qui dirait, un athée clandestin. C’est par diplomatie que le philosophe s’était résolu au déisme.

Madame la Marquise, dit l’Inquisiteur, il me semble que vous étiez mariée et que ce n’était pas avec Monsieur Voltaire avec qui vous avez pourtant vécu jusqu’à la fin de votre vie.

Oui, Monsieur l’Inquisiteur, j’étais mariée avec le Marquis Florent-Claude du Châtelet-Lomont ; j’ai eu quatre enfants. Mariée, évidemment ! Et Monsieur de Voltaire était célibataire ! Que voulez-vous, c’était une nécessité et ce fut une grande chance que mon époux fut militaire, lieutenant général des armées du Roi.

Et pourquoi donc une chance ?, demande l’Inquisiteur. Et pour qui ?

Oh, Monsieur l’Inquisiteur. D’abord pour le Marquis : il aimait surtout jouer avec ses soldats ; moi, j’étais plus intéressée par les mathématiques et la philosophie. Le Marquis venait me faire des enfants, puis il retournait à ses affaires guerrières ; il s’agissait de perpétuer la lignée des Chastelet. Moi, je retournais aux miennes qui furent principalement scientifiques, mathématiques et philosophiques ; je m’y suis adonnée des années en compagnie de Voltaire : on s’intéressait particulièrement aux travaux de Newton ; je me chargeais de l’aspect physique et mathématique ; Voltaire s’intéressait plus à la philosophie. On se disputait à propos de Leibniz. Finalement, j’ai rallié le point de vue de Voltaire. Mais il y en avait d’autres ; ainsi, pour les mathématiques, Pierre Louis Moreau de Maupertuis et Alexis Claude Clairaut ; pour ma dernière flamme amoureuse, le Marquis de Saint-Lambert. Je vous révèle tout ceci sous le sceau de la confidence, évidemment.

Ainsi, Madame la Marquise, je vois qu’en dehors de l’apparence et des convenances, dans vos relations avec certains de ces messieurs, vous ne respectiez en rien la morale chrétienne et je soupçonne de plus en plus la vérité de votre athéisme.

Oh, Monsieur l’Inquisiteur, si le fait d’avoir des amants ou des maîtresses, ne fût-ce seulement qu’une ou un, est une preuve d’athéisme, alors, vous pouvez me croire, le monde est peuplé d’athées. Cependant, je ne vais pas éluder la véritable question de l’athéisme et de mon supposé athéisme. Voilà donc : l’être ou si vous préférez, l’étant – en fait, tout ce qui est présent au monde – le réel, est par sa nature même athée. C’est une certitude ; tout le reste est sujet au doute. L’humain, par son imagination, ajoute – hors du réel – des objets et des entités ; pour les faire exister, il doit leur offrir ou leur insuffler l’assurance de leur existence, il doit les gonfler d’une certitude forcément artificielle : ce sont des croyances. La croyance se fonde sur un principe de certitude, elle est affirmation sans preuve, sans preuve possible et sans même, la nécessité de l’établissement de cette preuve. Elle se fonde sur elle-même, elle est pure création, mais une création de l’homme évidemment ; en somme, c’est une élucubration. Quant à moi, je ne suis que doute, ce qui est une sage résolution, mais aussi une précaution dont on ne devrait jamais se départir. J’ai bien essayé la certitude, je la voyais fille de la passion. Comme principe, la certitude est une fausse assurance auto-confirmée sans retour sur elle-même. J’ai expérimenté cette voie toute ma vie ; chez moi, la passion est la source de l’amour (et comme vous le savez, selon les religions, Dieu est amour, son message est amour), elle est le fondement de la croyance en l’amour ; mise à l’épreuve du réel, elle se dissout plus ou moins lentement, pour renaître ailleurs ; autrement, parfois. Ainsi, j’ai mis, j’ai accepté de la croyance dans ma vie, c’était la passion, la passion amoureuse ; elle voulait donner un sens à l’existence ; l’amour était censé donner certaine consistance à ma vie. À la fin, la passion ne me donnait même plus de satisfaction. En fait, ma seule vraie croyance fut cette passion, la passion amoureuse, mais elle n’était là que parce que je voulais y croire. À l’opposé, le moteur de mon intelligence du monde est le doute, porté par la liberté et l’effort de comprendre. Soumise à cet examen libre de préjugés, la passion se révélait pour ce qu’elle était : une ivresse du sentiment. On dirait maintenant, une tempête neuro-physiologique. J’en reviens à votre question sur mon supposé athéisme. D’abord, une définition, si vous permettez : l’athéisme résulte d’une absence de réalité de Dieu ; l’athéisme est la constatation et l’affirmation de cette absence. Pour établir la réalité de quelque chose, il faut une certaine consistance. Un Dieu, si personne ne le loue, si personne ne l’enseigne, si personne ne le proclame, il n’est tout simplement pas. C’est une croyance ; a priori, il n’existe pas. Pour qu’un Dieu existe, il faut qu’au moins, un humain y croie ; il faut y croire, c’est d’ailleurs le commandement des religions et leur fondement essentiel ; elles n’hésitent pas à user de la force pour en convaincre les incrédules. À la réflexion, si la croyance peut se satisfaire des histoires bibliques, face au principe du doute, compris comme point de départ nécessaire, face à l’incertitude de telles fantaisies, moi, je ne peux suivre la croyance en de tels errements. Les dieux, Dieu, les croyances et toutes ces sortes de choses, ce sont des histoires, racontées par un idiot et ne signifiant rien[7].

Ça commence mal, dit l’Inquisiteur. Soit, mais au-delà ?

Mais au-delà ? Précisément, au-delà ? Quel au-delà, Monsieur l’Inquisiteur ? Laissons-le là, cet au-delà, il est hors champ ; le doute le submerge totalement. Cet au-delà-là n’est pas sérieux. J’ai suivi les travaux de Wilhelm Leibniz et j’ai traduit et commenté les Principes mathématiques d’Isaac Newton. Je l’avais d’ailleurs fait à l’instigation et grâce à Voltaire. Enfin, dans le meilleur des mondes possibles, celui de la croyance, la passion est infinie ; dans le monde réel, comme j’ai dû m’y résigner, même avec Voltaire, elle se meurt, elle s’évanouit, elle s’anéantit complètement. Ensuite, il reste le goût et c’est ainsi que nous avons écrit à quatre mains à propos de philosophie et de science.

Exactement, Madame la Marquise, on vous a vue vivre durant des années en compagnie de ce philosophe, réputé pour cacher son athéisme sous le voile d’un déisme improbable ; il traitait Dieu d’architecte.

Ce n’est pas le cas, répond la Marquise, Voltaire penchait plutôt vers la Suisse. En vérité, il était surtout question d’horlogerie, d’un monde plus en accord avec un univers mécanique, une sorte de grande machine auto-régulée, une grande histoire mathématiquement décodable.

Tout va donc très bien, Madame la Marquise, dit l’Inquisiteur, mais la croyance en Dieu est objet de foi. De ce point de vue, que dites-vous de Dieu, de la croyance en Dieu ?

La question, Monsieur l’Inquisiteur, est que la foi est croyance et que la croyance relève de l’émotion. Il convient de savoir ce qu’est l’émotion, comment elle se forme et d’où elle vient ? Pour ce que j’en ai perçu et ce que j’en sais, c’est un processus intime à chaque personne, elle ressemble à une sorte de processus chimique. Dieu est une réponse à la peur, à l’angoisse face au monde réel et à ses incertitudes et à sa certitude de la mort ; cette réponse crée une illusion pour donner le visage du bonheur au monde, pour lui fournir un analgésique face à l’angoisse existentielle, née de l’ignorance. Vouloir proposer Dieu et la croyance comme explication du monde ne m’a jamais paru une démarche acceptable et je pense qu’elle est malsaine. Face aux choses que nous ne comprenons pas, la seule voie qui tienne, c’est la Science, entendue comme l’étude de la Nature ; elle est la clef de toutes les découvertes ; et s’il y a encore plusieurs choses inexplicables en Physique, c’est qu’on n’a pas été assez loin dans cette Science.[8]

Et que faites-vous de la cause nécessaire ?, demande l’Inquisiteur.

Vous faites bien de poser la question, Monsieur l’Inquisiteur, et je vous en remercie, car il est temps de dégonfler cette baudruche. Certes, cette cause nécessaire figure dans mes Institutions de Physique, livre destiné à mon fils, dans le chapitre où je lui expose les idées de Leibniz[9], dont cette histoire de cause nécessaire est la clé de voûte ; une clé nécessaire pour mettre fin au vertige de la mise en abyme de la création du monde. Ce sont les ruminations de Leibniz, ce qui n’en fait pas les miennes pour autant ; il est donc inexact de m’attribuer cette croyance et on est plus dans l’erreur encore, si on y voit une preuve de l’existence de Dieu. Ainsi, c’est dit.

À propos de bonheur, Madame la Marquise, dit l’Inquisiteur, vous avez bien écrit un Discours sur le Bonheur [10] ; il est, je vous l’assure, fort apprécié des dames de nos temps[11] ?

En effet, j’ai écrit un tel ouvrage, Monsieur l’Inquisiteur, mais à titre strictement personnel et je suis un peu fâchée qu’il ait été publié.

Pour ce que j’en sais de ce Discours, dit l’Inquisiteur, vous y développez votre conception des choses et des manières de vivre et je voudrais savoir quelle place vous faites à Dieu, à ses conseils, à ses injonctions ; bref, aux commandements qu’il nous a faits. Quelle est au fond votre morale ?

Alors là, Monsieur l’Inquisiteur, pour la place de Dieu dans ma vie, ma réponse est simple : aucune. Dieu n’a rien à faire dans ma vie ; il n’a pas à régenter ma vertu et je me charge de trouver moi-même ma paix intérieure et mon contentement, notamment, ne vous en déplaise, en compagnie de Voltaire. Ma liberté de vie et de sentiment, mon bonheur sont pour moi, une tranquille évidence. Mes passions et mes goûts sont la boussole de mon existence. Il n’y a rien là que de naturel. Dès lors, vous comprendrez que je ne peux être une prosélyte, une apôtre ou une sectatrice. Pour que vous compreniez mieux encore ma disposition très féminine, je vous propose un petit saut dans le temps, chose que nous pouvons nous permettre à présent et de lire quelques lignes de ce poème de votre contemporain (ou presque) Jacques Prévert – poème adapté à une interprète féminine tout à fait remarquable : Juliette Gréco[12]. Ce poème s’intitule : « Je suis comme je suis » et je m’y reconnais pleinement. Tenez, je vous en sers un morceau :

Je suis comme je suis,

Je suis faite comme ça.

Quand j’ai envie de rire,

Oui, je ris aux éclats.

J’aime celui qui m’aime,

Est-ce ma faute à moi,

Si ce n’est pas le même

Que j’aime chaque fois ?


Notes

  1. Carlo Levi, Raoul Vaneigem, Clovis Trouille, Isaac Asimov, Jean-Sébastien Bach, Bernardino Telesio, Mark Twain, Satan, Savinien Cyrano de Bergerac, Michel Bakounine, Dario Fo, Hypatie, Cami, Dieu le Père. ↑
  2. Francis Blanche, in Babette s’en va-t-en guerre (1959). ↑
  3. OVRAAR : voir note dans Carlo Levi. ↑
  4. Frédéric Lenormand, La Baronne meurt à cinq heures, J.C. Lattès, Paris, 2011, 285 p., p. 28.Dans le texte, les chiffres entre parenthèses, comme ici (L.28), renvoient au numéro de page correspondant ↑
  5. Voir le site Cimetières de France et d’ailleurs, animé par Philippe Landru, professeur agrégé d’histoire, spécialiste des cimetières, empêcheur d’oublier en rond, organisateur de visites pour tous les publics. ↑
  6. Il s’agit en réalité d’une paraphrase d’une réplique de Voltaire au lieutenant de police Hérault, qui disait : « Les vampires ne me dérangent pas… Les Valaques ont leurs suceurs de sang, nous avons nos jansénistes et nos jésuites… Si l’Église n’y croit pas, nous avons lieu de penser qu’ils existent. » ↑
  7. William Shakespeare, « It is a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing. » – Macbeth : Act V, scène V, 26-28, in Complete Works, Oxford University Press, London, 1966, p. 868. ↑
  8. Émilie du Châtelet, Institutions de Physique, Prault fils, Quai de Conty, vis-à-vis la descente du Pont-neuf, à la Charité, Paris, 1740, 511 p., p. 2. ↑
  9. Ibidem, Chapitre II, De l’Existence de Dieu, p.p. 38 sqq. ↑
  10. Émilie du Châtelet, Discours sur le Bonheur, Édition critique et commentée par Robert Mauzi, Les belles Lettres, Paris, 1961, 203 p. ↑
  11. Voir notamment, Élisabeth Badinter, Émilie Émilie, l’ambition féminine au XVIIIe siècle, Flammarion, Paris, 490 p., 1983 et Florence Mauro, Émilie du Châtelet, Plon, Paris, 2006, 188p. ↑
  12. Jacques Prévert « Je suis comme je suis », Paroles, Gallimard, Paris, 1947, 256 p., chanson interprétée par Juliette Gréco. ↑
Tags : athées athéisme confession création dieu Émilie femme homme libertine libre Madame du Châtelet Marquise mathématicienne Philosophie physique Voltaire

Je m’accuse

Posté le 16 décembre 2018 Par ABA Publié dans Athéisme Laisser un commentaire

Jean-François Jacobs

C’est tout ce que je peux faire. Écrire ces quelques mots, c’est tout ce que je peux faire pour vous. Parfois, on discute ensemble. Quand j’ai le temps, enfin quand cela me prend. Vous, vous avez toujours envie d’en parler, vous êtes toujours prêt. C’est normal, c’est vous qui souffrez, pas moi. Moi qui suis confortablement assis devant mon Mac, la clope au bec, les neurones sans doute alcoolisés et vous, obligé de vous cacher pour vous révéler, pour vous confesser, pour garder l’espoir que cela puisse s’arranger.

Vous n’avez rien fait de mal, aucun acte répréhensible, pas de quoi fouetter un chat. Pourtant, ce rien, cette abstraction pourrait vous coûter tout. Votre famille, vos proches, votre liberté, votre vie, votre besoin légitime de dignité. Vous ne pouvez être vous. Ce jeu odieux vous oblige à paraître autre, à ressembler à ceux qui font la norme. Alors vous m’écrivez comme on lance une bouteille à la mer. Dans une langue qui n’est bien souvent pas la vôtre, vous crachez le morceau : « S’il vous plaît aider », « Au secours », « Je suis opprimé dans mon propre pays et en danger », « J’ai 16 ans et j’ai besoin vos aide », « Je vais finir par me suicider c bien que d etre en prison », « Ouii je souffre ici », « ki peu m’aidez a retrouvé la paix et la tranquillité », « je me demande si vous pouvez m’aidez pour se trouvé en paix », « my question is are you can help me or you can give some idea », « elle veut me tuer car je suis atee » et je vous réponds :

Bonjour,

Merci pour votre message.

Nous recevons beaucoup de courriels d’athées tunisiens, marocains, algériens, congolais, et même brésiliens… Et malheureusement, nous ne pouvons pas fournir un certificat d’athéisme qui vous donnerait le droit de résider en Belgique ou en Europe… C’est bien dommage, mais c’est comme ça.

Pour obtenir un titre de séjour, il faut être persécuté et c’est là tout le paradoxe, car vous ne pouvez justement pas déclarer votre athéisme sous peine d’être persécuté par les autorités de votre pays, votre famille, vos connaissances… Les seuls à ma connaissance qui ont obtenu un titre de séjour, ce sont des athées militants qui ont fait de la prison à cause de leur athéisme… Bref, rien de réjouissant.

Il existe sur les réseaux sociaux de nombreux groupes athées tenus par des ex-musulmans, des ex-chrétiens, bref des ex-croyants. Peut-être pourriez-vous y trouver un soutien, du réconfort ? Je vous le souhaite sincèrement.

Bien à vous,

JF

Il est temps de vous expliquer pourquoi c’est vers ma personne qu’arrive ces flots de doléances athées… Je fais partie du Conseil d’Administration de l’Association Belge des Athées (ABA). On existe (pour du vrai, hein) depuis quelques années et par la grâce d’une bonne organisation, l’ASBL, petit à petit, est devenue une institution qui doit sa crédibilité par son action sur le terrain (organisation de conférences, de colloques, édition de bouquins). Je m’occupe, entre autres, de notre page Facebook, de notre boîte mail, des messages via Messenger… C’est là que ça se passe, c’est comme ça que c’est arrivé. Je suis l’écho muet d’une souffrance, d’une injustice, du paradoxe qu’il faut protéger la liberté de croyances qui ignore celle de ceux qui ne croient pas. Je suis celui, par défaut, qui coupe le son, qui éteint le transistor, qui répond… Non, on ne peut rien pour vous, mais on vous envoie des bisous.

Parfois, je deviens quelqu’un dans leur vie. Souvent, on s’entend comme si l’on se connaissait depuis longtemps. Parler, ça fait du bien. Nous vivons, un instant ensemble, nous partageons un présent. Et puis, après quelques discussions, le charme se rompt. La chandelle s’éteint et l’on disparait l’un pour l’autre. Il y a eu tellement de conversations, de rencontres, de disparitions. Dont toi, Loubna… Pardonne-moi. Tu as appelé à l’aide. Tu n’avais pas plus de croyance que de papiers. Tu ne voulais pas retourner en Libye. Tu ne voulais pas retourner en Italie où tu avais échoué, sous l’autorité de ton frère, sous l’autel de sa religion, toi qui es athée… Maintenant, tu es cachée dans un cul-de-sac qui n’est répertorié que sur la carte des oubliés, des laissés-pour-compte… Où es-tu, Loubna ? Que deviens-tu ? Sur qui peux-tu compter ? Comment oublier tout ce que tu m’as raconté…

Des histoires, j’en ai entendues. Souvent le même refrain. Sauf que je ne suis pas le bon Samaritain. Parce que…

Je m’accuse… C’est le titre de ce pamphlet. Je m’accuse d’avoir pensé, comme certains d’entre vous, hypocrites lecteurs, qu’ils ne le sont pas, athées. Que c’est un truc, un plan, une arnaque, le prétexte pour venir ici, la bonne excuse pour la bonne planque. Je doute, avec honte, mais je doute. Alors, j’affonne ma chope, j’écrase ma sèche et je me transforme, au nom du grand rien, en inspecteur de l’athéisme, en inquisiteur de la libre pensée. Je leur pose des questions et j’attends leurs réponses. Quand je les ai, à mon bon gré, tombe la sentence. Avocat, procureur et juge, je décide, derrière mon petit écran, dans le flou de mes idées préconçues et avec mes réponses toutes faites, si mon interlocuteur est un affabulateur. Un jugement usurpé et sans valeur. Pardon Loubna.

Il n’y a pas qu’elle, il y a en a eu d’autres. Coupable je suis, et récidiviste.

Tarik m’écrit que c’est intenable, insupportable. Qu’il ne peut plus faire semblant, qu’il doit tomber le masque et tant pis pour les conséquences. Je lui réponds en gros que la tentative de suicide ne donne pas un passe-droit pour être accueilli en terre belge, qu’il va falloir trouver autre chose, parce que l’option martyr de l’athéisme, personne ne va y croire… Je m’autorise ensuite quelques vérités sociétales : « Tu sais, ici, en Belgique, avec ton nom, avec ta tronche, tu as beau être athée, avoir un permis de séjour, tu resteras toujours aux yeux de l’autochtone, un musulman » …

Tarik me répond alors comme un sage annonçant l’adage :

― Qui t’as dit que je voulais quitter mon pays ?

― Personne, mais… C’est parce que… Enfin, le coming out athée est passible de mort dans ton bled.

― Et alors ? Je vais mourir ? Je ne serais pas le premier. Certainement pas le dernier.

Je ne sais pas s’il est toujours vivant, en liberté, il ne répond plus. Il y a eu aussi Fathi, un Syrien. On avait sympathisé au fil du temps, de nos échanges. Sous les bombardements, il m’avait aidé à traduire en arabe un projet qui parlait de l’athéisme dans le monde. Pour lui, malgré la guerre, il prenait son militantisme athée comme un devoir… Je n’ai pas eu l’occasion de lui dire au revoir. J’espère qu’il lira ces quelques lignes. Il y en a eu bien d’autres et comme pour les précédents, je ne peux pas les nommer, leur donner un nom de famille, décrire leur quotidien, dire où ils sont nés. Ultime humiliation. Ils pourraient être démasqués, emprisonnés… Alors, ils et elles se taisent tout comme vous et moi, mais pas avec les mêmes conséquences. Je n’ai vraiment pas de bol, il n’y a plus de bière dans le frigo.

Je m’accuse de ne rien faire, d’être un faux-fuyant, un faux numéro, une erreur sur leur parcours, un bug humanitaire. Ils ont réellement besoin d’aide, de quelqu’un de conséquent à leur côté, d’une structure qui leur est dédiée et qui transforme leur problème en solution. Solidarité, coopération, entraide, cohésion, fraternité… En gros, on est athée et on n’en a rien à branler. Pardon, mais on fait des conférences, on écrit des livres, c’est d’un niveau universitaire, voyez-vous…

SOS chrétiens d’Orient[1], vous connaissez, non (en dehors de l’idéologie identitaire) ? C’est une association française d’intérêt général créée en 2013, apolitique (faut le dire vite), qui a pour but de venir en aide aux chrétiens qui seraient persécutés pour leur foi. L’organisation est présente dans cinq pays du Proche-Orient et y a envoyé plus de mille volontaires[2] et disposerait d’un budget qui se chiffre en millions d’euros. Il existe aussi tout un tas d’organismes qui se préoccupent des musulmans, des juifs… Mais pour vous, les athées persécutés, pas de service juridique gratuit 24 h/24, personne pour vous aider sur le terrain de vos lamentations, pas de budget pour vous, pas de mécènes, pas d’œuvre philanthropique pour votre insignifiante personne. Pire que ça, j’entends déjà les commentaires… Quoi ! Aider les athées parce qu’ils sont athées ! Et les autres, tu n’en as rien à foutre ? Et pourquoi pas une immigration sélective ? C’est ça que tu veux ? c’est quoi ton problème avec les religions ? Tu serais pas un peu raciste ?, parce que, franchement…

Je n’en veux pas plus pour les athées, j’en veux autant… Juste ce qui est écrit noir sur blanc… Vous savez, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme :

Article 3. Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

Article 5. Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Article 9. Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé.

Article 12. Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes

Article 14. 1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays.

Article 19. Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.

C’est beau, hein, ça fait rêver. Des mots. Une illusion, une religion humanitaire… Un nouveau prétexte à utiliser selon que vous serez puissant ou misérable.

Athée, c’est pas assez vendeur… Vous pouvez crever !


Notes

  1. https ://fr.wikipedia.org/wiki/SOS_Chr %C3 %A9tiens_d %27Orient↑
  2. https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9claration_universelle_des_droits_de_l%27homme↑
Tags : athées chrétiens d’Orient Déclaration universelle des Droits de l’Homme demande d’asile ex-musulmans immigration persécution

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