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Archives par mot-clé: sécularisation

Ce n’est pas parce que Dieu est mort qu’il a cessé de nous parler. La religion comme marqueur identitaire

Posté le 31 octobre 2023 Par ABA Publié dans Laïcité Laisser un commentaire
Stéphane François

La référence nietzschéenne du titre de ce texte renvoie à une idée simple, qui sera le fil conducteur de cet article : malgré la sécularisation (à ne pas confondre avec la laïcisation)[1], c’est-à-dire l’éloignement des personnes de la pratique religieuse, poussée de nos sociétés ultramodernes, pour reprendre le néologisme forgé par Jean-Paul Willaime[2], le religieux n’a jamais cessé d’être un référent, qu’on le veuille ou non (pensons au militantisme athée par exemple). Au contraire : la religion, ou les références religieuses restent mobilisées, et permettent de développer une grille d’interprétation et de compréhension de notre monde[3]. Nous pouvons également mettre en avant la volonté de certains d’afficher leur foi, comme le font les évangéliques[4], et, depuis le début des années 2010, les catholiques[5], parfois dans un sens identitaire, au sens politique du terme[6]. 

De ce fait, nous proposons de revenir ici sur plusieurs points : en premier lieu sur les liens entre laïcités, droits de l’homme et Union européenne. Nous montrerons ensuite que, malgré la diversité des pratiques juridiques due à l’histoire, il existe une convergence des résultats des différents régimes de cultes européens. Cela tient au fait que toutes les nations occidentales ont rompu avec une conception de la société dans laquelle le politique est subordonné au religieux. En effet, les sociétés d’ancien régime étaient à la fois organicistes et unitaires : l’unicité de la foi était la garante de l’unité politique. N’oublions pas que la devise des rois de France était « une foi, un roi, une loi », ce qui explique l’abrogation de l’Édit de Nantes par Louis XIV, en 1685[7]. Nous insisterons également sur la distinction nécessaire à faire entre la sécularisation et la laïcisation, ces notions nous permettant d’établir plusieurs types d’évolutions historiques dans les rapports entre l’État, la société et les religions. Enfin, nous reviendrons sur le débat sur la place de la religion dans l’Union européenne.

Laïcité, Droits de l’homme et Union européenne

Malgré les évolutions des sociétés occidentales, le phénomène religieux reste très présent dans les débats, comme le montrent les crispations françaises, mais aussi belges depuis quelques années, autour de l’Islam. Nous pouvons aussi mettre en avant les querelles récurrentes sur la définition de la laïcité. Celle-ci, d’ailleurs, n’est pas « une exception française », mais, plus généralement, un mode d’organisation institutionnelle du rapport entre les religions et l’État. Cette gestion du religieux garantit les libertés individuelles, et donc celle de confession dans les régimes démocratiques. Comme nous le verrons ultérieurement, il s’agit d’une conséquence de l’histoire moderne européenne. Pour autant, seuls trois pays sur vingt-sept ont inscrit une forme de laïcité dans leur Constitution : la France, la Belgique[8] et le Portugal. Les autres pays de l’Union, même s’ils reconnaissent la liberté de conscience, accordent tous une place importante à la religion dans leurs institutions publiques. Ces pays ont noué des liens privilégiés avec certaines Églises, si bien que la séparation des Églises et de l’État n’a de réalité qu’en France. Ainsi, le roi du Danemark doit appartenir à l’Église évangélique luthérienne, religion d’État, et un ministère – le ministère des Affaires ecclésiastiques – gère les relations entre elle et le gouvernement. Le roi d’Angleterre est chef de l’Église anglicane, qui a le statut d’Église établie : cette dernière dispose en effet d’une représentation constituée de vingt-six ecclésiastiques au Parlement, membres de la Chambre des Lords. De fait, nombre de Constitutions européennes trouvent leur source dans la transcendance. La majorité des États de l’Union sont concordataires. C’est le cas, par exemple, de l’Autriche, de l’Italie, de l’Espagne, de l’Allemagne ou du Portugal. S’il reste régi par un concordat avec le Saint-Siège depuis 1940, ce dernier pays a une Constitution qui prévoit la séparation des Églises et de l’État. Enfin, la Grèce pousse le lien organique plus loin encore : sa Constitution a été promulguée au nom de la « Sainte trinité, consubstantielle et indivisible » et l’orthodoxie est la religion officielle. S’il n’existe pas d’impôt cultuel, le gouvernement grec paie les salaires, les retraites et la formation religieuse du clergé, finance l’entretien des églises et accorde une reconnaissance particulière au droit canon orthodoxe.

Cela dit, il existe une proximité entre la laïcité, comprise au sens large (et non pas au sens restreint français)[9] et les droits de l’homme et ses valeurs, héritées de la philosophie des Lumières : liberté de conscience et de religion, liberté de culte, liberté d’expression et d’opinion, l’égalité politique entre les diverses confessions et les non-croyants, non-discrimination selon la race, l’ethnie, le sexe, les convictions ou la religion[10]. L’affinité est forte entre la laïcité et la démocratie[11]. Nous pourrions aussi mettre en avant les liens entre la (les) laïcité(s) et la libéralisation des mœurs : pensons à la création de l’état civil, de la légalisation du divorce sous la Révolution française[12]. Nous pourrions multiplier les exemples. La constitution progressive d’une société civile, à la suite des guerres de religions, au fondement du principe démocratique a donné de nouvelles légitimités. La légitimité populaire du pouvoir (légitimité par le bas) s’est progressivement substituée à la légitimité théologique, voire théocratique (légitimité par le haut). Cela a permis de distinguer la citoyenneté de l’appartenance religieuse, sans pour autant porter atteinte aux fondements de l’ordre politique. Il ne faut pas oublier que le mot laïcité vient du grec laos, le peuple sans les nobles et les clercs[13].

Cet héritage et ces valeurs se retrouvent dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de 1999[14]. Ils ont été repris de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme[15], qui insiste sur la liberté de pensée, de conscience et de religion :

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

Ils ont été de nouveau intégrés dans le Traité constitutionnel de l’Union européenne de 2003, en particulier dans son Article I-2, 

Les valeurs de l’Union » : L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit ainsi que de respect des Droits de l’Homme… Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les hommes et les femmes.[16]

Cet article court a permis de motiver des sanctions à l’égard de certains États membres qui rejettent ces valeurs, telle la Pologne[17]. Dans la version finale de la Convention, la référence au pluralisme et à la non-discrimination a été ajoutée. Avec la référence à la notion de tolérance, nous avons trois principes pouvant encadrer la gestion des cultes au niveau de l’Union.

Des laïcités

Par son histoire, l’Europe est devenue très tôt le lieu de développement d’un pluralisme religieux (présence de fortes communautés juives, schisme orthodoxe, naissance du protestantisme, guerres de religion, etc.) sur la base duquel ont émergé des cultures nationales diverses, parfois conflictuelles – pensons de nouveau aux guerres de religions, mais aussi à la persécution des Juifs – et souvent polémiques. Cet héritage parfois douloureux, l’action, puis la gestion des États ont permis l’essor d’une diversité des régimes juridiques et politiques organisant les rapports entre les religions et l’État, depuis l’époque moderne[18]. Des solutions diverses ont donc été élaborées selon les pays. De ce fait, il est nécessaire de parler de « laïcités européennes » au pluriel, la France ayant une conception particulière, radicale de la laïcité. Cette diversité des pratiques laïques a offert la possibilité aux scientifiques d’élaborer une démarche comparatiste, dépassant le cadre restreint et radical de la laïcité « à la française », montrant la diversité des formes de laïcité, en particulier en Europe et outre-Atlantique. En effet, le mot « laïcité » est difficilement traduisible. Les pays anglo-saxons privilégient ainsi les mots « secularism » ou « secularity ».

En effet, il faut insister sur la diversité des modalités de gestion des cultes en Europe, et donc sur les différentes formes de laïcité. Nous pouvons distinguer des régimes de religions différents comme les régimes de religion d’État ou d’Église établie, les régimes de cultes reconnus et les régimes séparatistes ou laïques au sens strict. L’écart entre ces différentes pratiques peut paraître considérable, voire opposé. Pourtant, au-delà de cette diversité institutionnelle, toutes les sociétés européennes se rejoignent sur trois principes déterminants pour comprendre le rapport entre le politique et le religieux aujourd’hui : 

1. Un principe de liberté de conscience et de religion en fonction duquel les droits de toute personne à pratiquer sa religion (non seulement dans la sphère privée, mais aussi en public) sont garantis dans les limites du respect de l’ordre public ; la liberté de conscience et de religion implique le droit de croire, de ne pas croire et de changer de religion.

2. Un principe d’égalité des citoyens interdisant toute discrimination liée à l’appartenance (ou la non-appartenance) à une religion. La citoyenneté politique s’est peu à peu dissociée de l’appartenance religieuse. C’est ce qui distingue les régimes de laïcités des régimes de tolérance. Dans les régimes de tolérance, la liberté religieuse est garantie, mais pas l’égalité politique. C’est le cas des pays biconfessionnels (Pays-Bas, Allemagne, Suisse) et de la Grande-Bretagne aux xviie-xviiie siècles. Concernant plus précisément ce pays, il faut attendre le xixe siècle pour qu’il donne des droits politiques aux non-anglicans. Les protestants non conformistes (baptistes, méthodistes, quakers…) peuvent participer au gouvernement des municipalités, en 1828, puis est votée la loi d’émancipation des catholiques, en 1829. Les Juifs sont éligibles au Parlement en 1858[19]. Le régime de tolérance caractérisait aussi l’Empire ottoman[20].

3. Un principe de neutralité de l’État, qui se traduit par la non-ingérence réciproque de l’État et de l’Église, « une Église libre dans État libre » selon la formule du comte de Cavour[21]. Ce principe est simple : l’État ne s’occupe pas des affaires internes de l’Église (dogmes, liturgie, nomination des évêques) et l’Église, en retour, ne s’immisce pas dans les affaires de l’État. Implicitement, cette neutralité propose une forme de séparation entre l’Église et l’État. Cette situation contraste avec la période des monarchies absolutistes des XVIe au XVIIIe siècle, période durant laquelle les monarques s’arrogeaient un lien direct avec Dieu, devenant le « lieutenant de Dieu sur terre »[22], par exemple le gallicanisme dans le royaume de France ou le carlisme dans celui d’Espagne.

Cette diversité des pratiques de séparation entre l’État et les religions permet de mettre en évidence les mouvements de convergence des différents modèles européens. Au-delà de leurs différences, ils partagent tous des caractéristiques communes essentielles. En outre, ils sont aujourd’hui confrontés aux mêmes défis, du fait d’une diversité grandissante des pratiques religieuses (liée aux immigrations musulmanes ou asiatiques notamment). Enfin, la religion n’est plus perçue comme un héritage communautaire, contraint, mais comme un choix volontaire : conversions[23], religion à la carte[24], nouveaux mouvements religieux[25]. Elle n’en reste pas moins identitaire. 

Laïcité et sécularisation

La dissociation entre l’État et la religion, citoyenneté et confessionnalité se sont faites en Europe selon deux voies différentes : la laïcisation et la sécularisation. Dans le premier cas, cette disjonction s’est opérée par le haut par de mesures édictées par l’État et de manière conflictuelle avec la religion dominante, d’où une histoire chaotique faite d’avancées laïcisatrices sur de courtes périodes (un règne, un régime, un gouvernement) et de reculs sous le poids des forces cléricales en résistance. Dans le deuxième cas, il y a eu un effacement progressif et graduel de l’emprise politique de la religion, dû à l’évolution de la société sur le temps long (plusieurs siècles avec une accélération dans les années 1960-1970 du fait de la libéralisation des mœurs et de l’émancipation des femmes), évolutions sociétales qui ont permis une certaine séparation pacifique de l’Église dominante et de l’État. Il faut souligner que ces deux processus peuvent s’appuyer l’un sur l’autre. La France est un exemple de laïcisation et de sécularisation. La politique laïcisatrice de la Révolution française, puis de la IIIe République française, s’est accompagnée d’un déclin de la croyance et de la pratique religieuse, tout comme de l’encadrement religieux (crise des vocations) au sein de la religion majoritaire catholique, ce qui a permis le passage d’une laïcité de combat à une laïcité relativement apaisée (du moins dans ses rapports avec le catholicisme)[26].

Ces deux logiques peuvent être disjointes, d’où la portée heuristique de ces deux termes. Le Danemark, doté d’une Église d’État, se caractérise par une sécularisation sans laïcisation[27], tandis que la Turquie a connu une politique de laïcisation autoritaire sous Mustafa Kemal sans que la société turque musulmane ne connaisse un processus de sécularisation. La réislamisation qui touche la plupart des pays musulmans, joints à un processus de démocratisation (victoire de l’AKP en Turquie en 2002, printemps arabes) fragilise les mesures autoritaires de laïcisation kémalistes[28]. 

Ce bref panorama nous permet de faire le constat que, si les religions jouent un rôle moindre dans les sociétés européennes et que si ces dernières sont de plus en plus sécularisées, elles n’en restent pas moins un marqueur identitaire : les religions permettent de se définir à la fois, au niveau individuel, au sein de nos sociétés, mais aussi, et toujours, par rapport à l’Autre, à celui « qui n’est pas comme nous ». La religion reste mobilisée comme marqueur identitaire, au service de la redéfinition d’une identité fictivement stable, dans un contexte politique et social caractérisé par de profondes et brutales transformations. En effet, selon Claude Lévi-Strauss, « l’identité se réduit moins à la postuler ou à l’affirmer, qu’à la refaire, la reconstruire »[29]. Elle n’est, en fait, qu’une « sorte de foyer virtuel »[30]. Au stade de notre réflexion, nous pouvons affirmer trois idées : 

1. si le religieux est présent sur les scènes nationales et la scène européenne en recomposition, c’est d’abord comme indicateur de cette recomposition ;

2. si le religieux est sollicité sur cette scène, ce n’est pas en tant que tel, mais parce qu’il constituerait, en situation de déficit du politique, l’une des modalités de gestion des recompositions à l’œuvre ; 

3. et enfin si le religieux est tout particulièrement requis, c’est qu’il représente un registre privilégié de production d’une altérité de référence. 

Ainsi, le rapport entre l’orthodoxie et l’État après la disparition du bloc soviétique est différent dans les cas roumain et bulgare, en raison notamment des constructions particulières de ce lien sur la durée, mais aussi des particularités des configurations politiques et religieuses au sortir du communisme : en Roumanie, le religieux est sollicité de pallier un déficit du politique immédiatement après 1989[31], alors qu’en Bulgarie, il faut attendre 2000 pour observer ce type de mobilisation[32]. Enfin, dans le cas polonais, pour prendre un dernier exemple, la défense du rôle de l’héritage chrétien en Europe dans le préambule de la Constitution européenne semble avoir eu pour fonction principale de permettre de feindre, à l’international, une pseudo-cohésion nationale, mise à mal par l’évolution interne de la société polonaise[33]. Cette dernière s’est en effet fortement et rapidement diversifiée, et ce dès avant que s’effondre le régime communiste, cette évolution allant de pair avec une pluralisation du paysage catholique lui-même. De fait, nous pouvons distinguer dans ce pays les mêmes grandes tendances à l’œuvre dans les pays occidentaux : individualisation des croyances, sécularisation, voire adoption de pratiques religieuses à la carte.

Le débat engagé autour de la Constitution dont doit se doter l’Union européenne élargie s’est en partie cristallisé sur la question de « l’héritage chrétien », sur la mention explicite de la « religion », voire du « christianisme » dans le préambule de cette Constitution, une mention refusée par certains États et réclamée par d’autres. Les institutions et les acteurs religieux ont d’ailleurs joué un rôle important dans le processus de construction européenne, depuis les inspirations initiales des Pères fondateurs (de Monnet à Adenauer et de Gasperi à Schuman) jusqu’à l’implication personnelle du pape Jean-Paul II dans le référendum concernant l’adhésion de la Pologne à l’Union européenne. Ainsi, le 4 février 1992, Jacques Delors avait déclaré : « Si dans les dix ans qui viennent, nous n’avons pas réussi à donner une âme, une spiritualité, une signification à l’Europe, nous aurons perdu la partie »[34]. Allant dans le même sens, le 20 juillet 2003, le pape Jean-Paul II, évoquant à Castel Gandolfo la future Constitution européenne avait insisté sur le fait que : « la foi chrétienne a modelé la culture de l’Europe, faisant un tout avec son histoire […] Le christianisme est devenu la religion des Européens eux-mêmes ». Soulignant que ce patrimoine ne pouvait être perdu, il concluait sur l’idée que la nouvelle Europe devait être aidée « à se construire en redonnant vie aux racines chrétiennes qui sont à son origine »[35]. La proposition catholique était soutenue par les protestants, dont certains souhaitaient son inscription dans le Traité constitutionnel européen[36]. Elle a été rejetée au motif que l’Europe est devenue séculière. 

Religion et identité européenne

La question de la contribution de la religion et des grands courants philosophiques à la définition d’une identité européenne est à poser aujourd’hui au regard d’une convergence d’intérêts, à la confluence de deux types de demandes : 

1. celle, formulée par l’Europe-institution, de ressources permettant de donner une âme à une entreprise réputée froide, insusceptible de permettre aux citoyens de s’identifier à elle ; 

2. celle, ensuite, d’organisations et d’acteurs, religieux ou non, mais se prévalant d’une certaine capacité d’expertise dans ce domaine, et voyant dans le changement de périmètre que constitue la montée en puissance de l’Europe une voie possible de redéploiement de leur capacité d’influence et de pérennisation de celle-ci. 

Parallèlement à celles-ci, les politiques ont repris à leur compte la problématique de l’identité de l’Europe. 

Il n’est pas anodin que la Pologne, ancien membre du camp soviétique et nouvel adhérent à l’Union européenne, ait pris l’initiative avec l’Italie, au printemps 2004, de relancer ce débat sur la référence à la tradition chrétienne dans la Constitution. L’insistance polonaise sur « l’héritage chrétien » permet de mettre en évidence que, lorsque la religion paraît être en cause, c’est en réalité de tout autre chose dont il est question. Certains pays ont ainsi tout particulièrement besoin de produire de la cohérence afin de gérer la difficile reconstruction de repères. La religion est ici mobilisée comme marqueur identitaire, au service de la redéfinition d’une identité fictivement stable, le catholicisme, dans un contexte caractérisé par de profondes et brutales transformations. Indépendamment de la validité des arguments échangés dans le cadre du débat sur le rôle du religieux dans la définition de l’identité européenne, le surgissement de la question religieuse apparaît essentiel. Constituer la religion (ou son « héritage ») en noyau dur d’une identité supposée émergente laisse toutefois apparaître quelques interrogations dans une réalité européenne caractérisée par l’effacement du religieux. 

En effet, l’enquête européenne sur les valeurs de 1999 montre que la pratique religieuse est en déclin dans les pays membres et que la religion joue un rôle de moins en moins important[37]. Pour autant, l’appartenance à une religion reste forte. Ainsi, alors que 74 % des Français s’affirment membres d’une confession religieuse, seuls 58 % tiennent l’existence de Dieu pour « certaine » ou « probable » et plus de 40 % s’affirment simultanément « sans religion ». Cette étude, déjà ancienne, montre que « La » religion n’existe en fait que dans un rapport particulier d’une société vis-à-vis de la foi. Cette évolution, sur fond de prise de distance massive à l’égard de toute institution de la croyance, débouche sur deux conséquences majeures :

1. la difficulté de plus en plus grande à accréditer la distinction entre croyants et non-croyants dès lors qu’il n’existe plus de « contenu » de croyance susceptible de faire référence ;

2. la perte de la pertinence sociologique d’un concept de « religion » qui ne peut faire sens qu’au regard de ce même contenu de référence.

*

Dans notre période marquée par le relativisme, les religions, malgré la sécularisation et le déclin de la capacité des institutions religieuses à encadrer la foi, restent sollicitées en permanence en tant que vecteur d’ajustement et de grilles de compréhension du monde. Dans un monde qui évolue rapidement, dans le chaos d’une hypermédiatisation, les religions restent des points d’ancrage, des îlots de stabilité. L’immédiateté et la saturation de l’information font que l’individu cherche les explications les plus rassurantes, une fonction jouée à plein par les religions. Elles rassurent, y compris lorsque la foi se perd. Plus largement, elles ont modelé, et modèlent encore, en profondeur nos façons de penser et d’agir. En effet, les thématiques religieuses ont profondément imprégné et modelé les pratiques culturelles, de façon consciente (les références explicites) ou inconsciente (diffuses). Ainsi, le christianisme, ses thématiques et sa symbolique restent très présents dans les valeurs de l’Union européenne, lui donnant une coloration identitaire. Ils ne sont pas les seuls – il faut prendre en compte les références gréco-latines, voire celto-germaniques, l’« humanisme tragique » cher à André Malraux[38] –, mais ils sont particulièrement visibles. Bref, si Dieu est mort[39], il n’a pas cessé pour autant de nous parler, ce « cadavre récalcitrant », ainsi qu’aurait dit Baudelaire[40].


[1] Jean Baubérot, Philippe Portier, Jean-Paul Willaime (dir.), La Sécularisation en question. Religions et laïcités au prisme des sciences sociales, Paris, Classiques Garnier, coll. « Bibliothèque de science politique », 2019.

[2] Jean-Paul Willaime, « Pour une sociologie transnationale de la laïcité dans l’ultramodernité contemporaine », in Archives de sciences sociales des religions, n° 146, 2009, https://journals.openedition.org/assr/21290. Consulté le 31/07/2023.

[3] Voir, par exemple, Joël Schnapp, Chroniques de l’Antichrist. Crises et apocalypses au XXIe siècle, Piranha blanc, 2023.

[4] Sébastien Fath (dir.), Le protestantisme évangélique, un christianisme de conversion, Turnhout, Brépols, 2004. 

[5] Guillaume Cuchet, « Identité et ouverture dans le catholicisme français », Études, 2017/2, pp. 65-76 ; Céline Béraud et Philippe Portier, Métamorphoses catholiques. Acteurs, enjeux et mobilisations depuis le mariage pour tous, Paris, Éditions MSH, 2023.

[6] Erwam Le Morhedec, Identitaire. Le mauvais génie du christianisme, Paris, Le Cerf, 2017.

[7] Cela dit, cette unicité commençait à se fissurer. Pensons, par exemple, à l’Édit de Versailles promulgué par Louis XVI en 1788.

[8] Xavier Delgrange, « La laïcité française prononcée avec l’accent belge », in Administration & Éducation, vol. 151, no. 3, 2016, pp. 87-94.

[9] Jean Baubérot, Laïcité, laïcités. Reconfigurations et nouveaux défis (Afrique, Amériques, Europe, Japon, Pays arabes), avec M. Milot et Ph. Portier, Maison des Sciences de l’Homme, 2014.

[10] Jean Baubérot (dir.), La Laïcité à l’épreuve. Religions et Libertés dans le monde, Encyclopædia Universalis, 2004.

[11] Joël Andriantsimbazovina & Patrick Kabou (dir.), Laïcité et défense de l’État de droit, Toulouse : Presses de l’Université Toulouse Capitole, 2020. 

[12] Loi du 30 août 1792.

[13] Alain Rey (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1998, p.1961

[14] https://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf. Consulté le 06/08/2023.

[15] https://www.echr.coe.int/documents/d/echr/convention_FRA. Consulté le 06/08/2023.

[16] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX%3A12012M%2FTXT. Consulté le 06/08/2023.

[17] En retour, ce pays considère que certains articles du traité constitutionnel européen sont incompatibles avec sa constitution. Ainsi, le tribunal constitutionnel polonais a affirmé en 2021 la primauté du droit national sur le droit européen, ouvrant un conflit avec l’UE qui dure encore en 2023. 

[18] Voir, entre autres, Charles Mercier, « Pour une histoire globale du fait religieux “contemporain” », in Revue historique, vol. 692, n°4, 2019, pp. 959-982 ; Abigail Green, « L’histoire globale de l’Europe à l’aune de la religion », in Annales. Histoire, Sciences Sociales,76(4), 2021, pp.763-774.

[19] Julien Vincent, « L’histoire sociale de la religion au XIXe siècle : la sécularisation en question », in Revue Française de Civilisation Britannique, XIV-4 | 2008. URL : http://journals.openedition.org/rfcb/6072. Consulté le 06 août 2023.

[20] Le Coran admet la liberté religieuse des « Gens du Livre », c’est-à-dire les juifs et les chrétiens. Ces minorités se voient accorder le statut protecteur, mais inégalitaire de dhimmis (« protégés » en arabe). Elles s’organisent dans le cadre d’une communauté religieuse ou « millet », sous l’autorité politique, juridique et religieuse d’un chef. Elles conservent en outre leur spécificité en matière de statut personnel (mariage, filiation, héritage). En revanche, elles doivent s’acquitter d’un impôt spécial et ne peuvent accéder à des charges politiques, administratives ou militaires au sein de l’Empire ottoman. Paul Dumont, « L’instrumentalisation de la religion dans l’Empire ottoman à l’époque de l’expansion européenne (1800-1914) », European Journal of Turkish Studies, 27 | 2018, URL : http://journals.openedition.org/ejts/5933. Consulté le 06/08/2023.

[21] La première occurrence de cette formule se trouve dans le discours prononcé par le comte de Cavour devant la Chambre des députés de Turin, le 27 mars 1861.

[22] Alain Blondy, « 6 – L’absolutisme », in Alain Blondy (dir.), Nouvelle histoire des idées. Du sacré au politique, Paris, Perrin, 2016, pp. 100-126.

[23] Henri Lassere, Le phénomène des conversions religieuses : vers une reconstruction de soi, ESF, 2016.

[24] Xavier Molénat, « Une religion « à la carte » », in Xavier Molénat (dir.), L’Individu contemporain. Regards sociologiques, Éditions Sciences Humaines, 2014, pp. 149-152. Jean-Louis Schlegel, Religions à la carte, Paris, Fayard, 2014.

[25] Françoise Champion, « La religion à l’épreuve des Nouveaux Mouvements Religieux », in Ethnologie française ; « Les nouveaux mouvements religieux », nouvelle série, t. 30, n°4, octobre-décembre 2000, pp. 525-533.

[26] Marcel Gauchet, Le Désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Gallimard, 1985 ; Philippe Portier, Jean-Paul Willaime, La religion dans la France contemporaine. Entre sécularisation et recomposition, Paris, Armand Colin, 2021.

[27] Niels Reeh, Secularization Revisited. Teaching of Religion and State of Denmark, Springer International Publishing, 2016 ; Anne Kjærsgaard, Funerary Culture and the Limits of Secularization in Denmark, Lit Verlags, Wien, 2017.

[28] Fouad Nohra, « Turcité, laïcité, islamité : le débat politique sur l’identité de la Turquie contemporaine », Société, droit et religion, vol. 10, n° 1, 2020, pp. 179-201 ; Thierry Zarcone, « La Turquie de l’AKP (2002-2017). Laïcité autoritaire et velléités de sortie de la laïcité », in Jean Baubérot, Philippe Portier et Jean-Paul Willaime (dir.), La Sécularisation en question. Religions et laïcités au prisme des sciences sociales, Paris, Classiques Garnier, 2019, pp. 189-207.

[29] Claude Lévi-Strauss, L’identité, Paris, Grasset, 1977, p. 331.

[30] Ibid., p. 332.

[31] Iuliana Conovici, « L’orthodoxie roumaine et la modernité. Le discours officiel de l’Église Orthodoxe Roumaine après 1989 », in Studia Politica, vol. 4, n°2, 2004, pp. 389-420.

[32] Galia Valtchinova, « Orthodoxie et communisme dans les Balkans : réflexions sur le cas bulgare », in Archives de sciences sociales des religions, n°119, 2002, pp. 79-97.

[33] Patrick Michel, « L’Église et le catholicisme polonais à l’épreuve du pluralisme », in Pouvoirs, vol. 118, n° 3, 2006, pp. 89-100.

[34] Jacques Delors, « L’Europe, une aventure spirituelle », in Transversalités, 2012/3, https://www.cairn.info/revue-transversalites-2012-3-page-119.htm. Consulté le 12/08/2023.

[35] https://fr.zenit.org/2003/07/20/constitution-europeenne-la-foi-chretienne-a-modele-la-culture-de-l-europe/. Consulté le 12/08/2023.

[36] Rostane Mehdi, « L’Union européenne et le fait religieux. Éléments du débat constitutionnel », in Revue française de droit constitutionnel, vol. 54, n° 2, 2003, pp. 227-248.

[37] Yves Lambert, « Des changements dans l’évolution religieuse de l’Europe et de la Russie », in Revue française de sociologie, vol. 45, n° 2, 2004, pp. 307-338.

[38] Noriko Ishikawa, « L’humanisme tragique dans l’œuvre d’André Malraux », in Ayako Hata, Atsuko Nagaï (Atsuko), Kazuaki Yoshimura, et Hideki Yoshizawa (dir.), Malraux vu du Japon. Roman, essai et arts, Paris, Classiques Garnier, 2023, pp. 99-111.

[39] « Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu’à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. – Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations, quels jeux sacrés serons-nous forcés d’inventer ? La grandeur de cet acte n’est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement – ne fût-ce que pour paraître dignes d’eux ? », Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir [1882], Livre troisième, 125. Cf., Isabelle Wienand, Significations de la Mort de Dieu chez Nietzsche, de « Humain, trop humain » à « Ainsi parlait Zarathoustra », Peter Lang, 2006.

[40] Cf., Charles Baudelaire, « Pauvre Belgique », in Œuvres complètes de Charles Baudelaire, Juvenilia, Œuvres posthumes, Reliquiæ. III, Paris, Louis Conard, 1952. Il le disait à propos du premier roi belge, Léopold Ier , qui « s’obstinait » à ne pas « vouloir mourir. »

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L’athéisme, enfin objet d’étude sociologique 

Posté le 25 septembre 2022 Par ABA Publié dans Athéisme Laisser un commentaire

Patrice Dartevelle

Comme, selon le dicton, « petit à petit, l’oiseau fait son nid », l’athéisme devient un objet d’étude pour les sociologues spécialisés en religions et en croyances. C’est une nouveauté.

Dans un ouvrage que j’ai utilisé précédemment, Philippe Portier et Jean-Paul Willaime reconnaissaient que « la sociologie a longtemps montré peu d’appétence pour l’areligion »((Philippe Portier & Jean-Paul Willaime, La religion dans la France contemporaine. Entre sécularisation et recomposition, Paris, Armand Colin, 2021, p. 65. Voir mon article « Des effets pervers de l’effondrement des religions traditionnelles », Newsletter de l’Association Belge des Athées, N°35, postée le 22/12/2021 sur athees.net, et L’Athée, N°9 (2022), pp. 81-90.)). On ne peut donc que se réjouir de voir l’ouvrage dirigé par Pierre Bréchon et Anne-Laure Zwilling, Indifférence religieuse ou athéisme militant ? paru en 2020 ((Pierre Bréchon et Anne-Laure Zwilling (dir.), Indifférence religieuse ou athéisme militant ? Penser l’irreligion aujourd’hui, Grenoble Fontaine, Presses universitaires de Grenoble, 2020, 190 pp.)).

Une de leurs contributrices, spécialisée dans les États-Unis, Nathalie Caron, abordant l’indifférence religieuse dans ce pays, expose en incise que « l’indifférence religieuse est un positionnement – dont on dira d’emblée qu’il se trouve dans une sorte d’angle mort de la recherche actuelle – que l’on rencontre aux États-Unis. »((Nathalie Caron, L’indifférence religieuse existe-t-elle aux États-Unis ?, op. cit., sub (2), pp. 71-82, cf. p. 71.))

Dans leur importante contribution au livre, Abel François et Raul Magni-Berton constatent d’abord que « l’athéisme est encore relativement peu étudié », ensuite que la catégorie des sans religion, incluant l’athéisme, peut traiter de celui-ci mais qu’il est « rarement appréhendé dans son contenu propre » et concluent que « […] l’athéisme comme catégorie à part est l’objet de peu de travaux, malgré son développement dans les sociétés occidentales, et notamment en France. »((Abel François et Raul Magni-Berton, « L’athéisme des scientifiques français : conséquences de leur amour de la science et de leur socialisation politique », op. cit., sub 2, pp. 83-98, cf. p. 83.))

Plus complet et plus nuancé, Philippe Portier, dans sa conclusion, reprend dans sa première phase le constat déjà cité (cf. note 1), en justifiant le choix du terme « areligion » plutôt qu’« irreligion », ce dernier connotant l’hostilité à la religion, et le premier englobant l’hostilité comme l’indifférence. Il cite son prédécesseur, François-André Isambert, autrefois professeur aux universités de Lille et de Nanterre, qui avait dès la fin des années 1970 (et qu’il a rejeté en 1992 dans De la religion à l’éthique) pointé ce « déficit », ce qui l’avait conduit à dire la nécessité de prendre au sérieux, en ce monde sorti de la transcendance, les déterminants non religieux des conduites morales de nos contemporains. « La sécularisation, affirmait-il, ne peut se réduire à n’être qu’un vaste processus d’évidement de la croyance religieuse. »((Philippe Portier, « Conclusion. Une sociologie de l’areligion contemporaine », op. cit. sub (2), pp. 157-169, cf. p. 157.))

Dans leur introduction générale, P. Brechon et A.-L. Zwilling nuancent et explicitent le propos.

Ils assurent également que « Réfléchir sur la non-religion, l’athéisme, l’indifférence religieuse devient un enjeu majeur pour les sciences sociales des religions » et plus catégoriquement encore que « Les sciences sociales n’ont plus beaucoup d’avenir si elles restent enkystées dans l’étude du religieux » (p. 14).

Bien évidemment, ils donnent pour raison un élément important, à savoir qu’au-delà de la réalité de la sécularisation (on trouve encore des historiens et des sociologues des religions d’obédience religieuse qui ne peuvent s’empêcher d’entretenir un certain espoir((Je pense à l’historien Guillaume Cuchet dans mon article cité en note (1), qui ne traite cependant pas de cet aspect.))), il faut « comprendre comment des populations de plus en plus non religieuses « feront société ». Les sociologues des religions ont en effet considéré que la religion était le moteur et l’aliment du système de valeurs et par suite de la détermination des choix politiques, ce dernier aspect devenant cependant moins clair qu’il y a ne serait-ce que quarante ans((En 1981 en France, la superposition du vote pour François Mitterrand avec celle de la sécularisation à la fin du XVIIIe siècle, pendant la Révolution française, était frappante, Bretagne exceptée.)).

Tel est bien mon sentiment sur la problématique du « faire religion ». Je dirais un peu plus précisément qu’il faut d’abord que les athées sachent eux-mêmes comment « faire société » dans ce nouveau cadre et ce, au-delà des appels incantatoires à la laïcité (laquelle ?) et à l’État de droit. 

Ces derniers forment un cadre indispensable à la liberté de chacun mais ne donnent pas par eux-mêmes un système de valeurs autonome. 

Athéisme ou indifférence ?

Pierre Bréchon, ancien professeur de sociologie à Sciences-Po Grenoble, traite, dans sa contribution personnelle, de l’irreligion avec le souci permanent de distinguer l’athéisme qu’il qualifie dans ce cas de « convaincu », terme que l’on comprend et que je trouve assassin pour les agnostiques et autres adeptes (une fois de plus je manifeste ma très faible empathie pour les agnostiques et ceux qui ne pensent pas) de l’indifférence((Pierre Brechon, « Sociologie de l’athéisme et de l’indifférence religieuse », op. cit. sub (2), pp. 53-69.)).

D’emblée, il s’oppose aux médias (j’ajouterais à pas mal de religieux et à quelques « experts ») qui propagent la thèse de l’accroissement de l’importance des religions dans nos sociétés et du retour du fondamentalisme religieux. C’est la thèse médiatique du retour du religieux et du « XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas ».

Pour P. Bréchon, « À l’inverse de ces affirmations, en partie liées à des zooms médiatiques sur les évènements d’actualité et sur de petits groupes fanatiques du religieux [en clair les attentats djihadistes], on peut considérer que la thèse classique de la sécularisation, c’est-à-dire d’une perte de prégnance et de sens des religions en Europe, est toujours valide (p. 53), quitte à l’approfondir ou à analyser les transformations des religions traditionnelles.

La première analyse est qu’actuellement, même dans les cas des religions, règne une forme d’indifférence au sens où la religion n’intéresse plus : elle n’est plus le « système intégrateur de toute la culture » (p. 54). Elle n’est même plus « un stand de kermesse », selon la formule d’un autre sociologue, Y. Isambert, qui aboutit à ce que la religion ne mérite plus qu’on s’y oppose.

Le premier objectif de P. Bréchon est d’examiner, spécialement à travers le cas de l’indifférence, si les sociétés européennes « s’orientent vers une indifférence religieuse molle, compatible avec des bribes de sentiments religieux épars » ou si « l’indifférence va mener à l’effacement de la question religieuse ».

Sociologie et valeurs des athées

Si l’on consulte les derniers chiffres européens disponibles en 2020, ceux de l’European Values Studies (EVS) de 2008, on voit que sur le total des 27 pays européens, 30 % des sondés se disent non religieux et 8 % athées (contre 4 % en 1990). Les disparités selon les pays sont considérables (1 % à Chypre, à Malte ou en Lituanie) mais 20 % en France et 24 % en Allemagne de l’Est((Pour l’Allemagne de l’Est, deux thèses au moins s’opposent pour exprimer un des plus hauts chiffres d’« athées convaincus » : pour les uns, la cause est la friabilité du protestantisme et pour d’autres la persistance du cérémoniel de « confirmation athée », implantée à l’époque du Gouvernement communiste (cf. p. 61, article 12).)).

La question sur l’appartenance actuelle ou passée à une religion est intéressante.

Un point dans les réponses est significatif parce qu’en forte évolution. En 1990, 9 % des répondants à la question déclaraient n’avoir jamais été membres d’une religion mais en 2008, le chiffre monte à 19 %. Autrement dit, l’accroissement du nombre d’athées ou des sans religion provient de personnes – jeunes – qui n’ont jamais reçu d’éducation religieuse.

Dès lors, on peut s’attendre à l’accroissement du groupe des non- religieux.

Par contre, les chiffres sur l’importance de Dieu sont stables à 35 % pour la non-importance et 45 pour l’importance. Mais Dieu et religion ne sont pas la même chose.

Sociologiquement, les hommes sont plus nombreux que les femmes à être athées de même que les jeunes par rapport aux plus vieux.

En ce qui concerne l’âge, P. Bréchon rapporte que les enquêtes EVS s’étendant maintenant sur plusieurs décennies, on peut voir que l’âge ne rend en réalité pas plus religieux mais que c’est affaire de génération. Les générations nées il y a longtemps s’effacent et sont remplacées par de plus jeunes, moins religieuses. Ceci aussi joue sur l’accroissement des athées et des non-religieux.

Les revenus importent aussi. Si 9 % des Européens sont athées, ce n’est le cas que de 4 % des très bas revenus mais 11 % des très hauts revenus.

Le niveau d’éducation donne des chiffres correspondants : 4 % d’athées pour ceux qui n’ont pas dépassé le niveau primaire, 12 % pour ceux qui ont accompli des études supérieures.

Reste un point essentiel : l’attachement à différentes valeurs selon la religiosité, l’athéisme ou l’indifférence. 

La spécificité des athées convaincus est très forte. Ils adhèrent fortement à une plus grande permissivité des mœurs, à l’autonomie des individus et à une plus grande indulgence face aux « incivilités » (comme ne pas payer le ticket de bus). Ils soutiennent peu les valeurs autoritaires, valorisent l’égalité entre les gens ; ils sont peu nationalistes, plus politisés (le plus souvent à gauche).

Ils sont plus individualistes et moins ouverts à la solidarité envers les autres. Ce dernier point est en fait très marqué chez les athées les plus jeunes tandis qu’entre les personnes de plus de 60 ans, il n’y a pas de différence significative sur ce plan entre les croyants et les athées.

La xénophobie n’entraîne pas de distinction réelle selon les convictions.

La conclusion de P. Bréchon est que l’indifférence – à ne pas confondre avec l’athéisme « convaincu » – n’est pas affaire d’opposition frontale à la religion et qu’elle conserve quelques traces de religion avec parfois des tendances à la socialisation de la vie et de la nature, ce qui corrobore la position que j’ai exprimée en 2013((Je renvoie en fait plus à mon article « Le retour de la spiritualité : nouveau masque des religions? », in La Pensée et les Hommes, Francs-Parlers, 2015 ou Newsletter de l’ABA, n° 34 ( décembre 2021). )).

Athées, catholiques, musulmans et sentiment national

Un article traite d’un autre aspect des valeurs.

Sébastien Roché, Sandrine Astor et Ömer Bilen ont traité du choc de l’identification entre religion et nation chez les adolescents((Sébastien Roché, Sandrine Astor et Ömer Bilen, « Sentiment national : un clivage entre adolescents irreligieux et musulmans », op. cit. sub (2), pp. 99-115.)).

L’étude a porté en 2015 sur plus de 11 000 collégiens des classes de 5e, 4e et 3e du système français, tous vivant dans le département des Bouches-du-Rhône (Marseille).

Ils étaient classés en quatre catégories : sans religion (38,4 % des élèves interrogés), catholiques (30,1 %), musulmans (25,3 %) et autres religions (environ 6 %).

Ce type de sondage n’est pas rare.

Celui-ci est plus précis. Sur l’importance de la religion, on peut par exemple voir sans surprise que pour 80,3 % des sans religion, la religion n’a pas d’importance mais que 19,7 % lui en confèrent un peu et que ce dernier chiffre provient des indifférents, les athées « convaincus » étant parfaitement négatifs.

L’opposition entre musulmans et catholiques sur la question est impressionnante : 62,4 % des musulmans trouvent la religion très importante contre 6,2 % chez les catholiques.

Certes, la formulation de la question-clé sur le rapport à la question (Vous sentez-vous français ?) n’est pas transposable à la Belgique et en outre, les réponses mêlent le problème de la religion et celui de l’immigration.

Les chiffres, qui me semblent corroborer les précédentes études, sont catégoriques : 30,7 % des musulmans déclarent une préférence pour l’identité française (contre 60,3 % pour ceux de la catégories « autres religions »).

Les non-religieux sont le plus nettement attachés à leur conviction (79,6 %), à peine plus que les catholiques (76,8 %).

Je relèverai les chiffres de réponse à une autre question, qui me semblent pointer le principal péril, celle qui porte sur l’interdiction des livres et films qui attaquent la religion.

Les trois principaux groupes sont différenciés entre très convaincus et moins convaincus.

Il faut certes tenir compte ici de l’âge des sondés mais les résultats ne sont pas ceux attendus. Certes, 53,3 % des musulmans convaincus sont pour l’interdiction mais 15,2 % des athées aussi. La différence entre indifférents (athées peu convaincus) et catholiques peu convaincus est marginale : 22,1 % des indifférents et 20,3 % des catholiques peu convaincus sont pour l’interdiction, 28,2 % des sans religion et 40,3 % des catholiques peu convaincus – c’est le groupe le plus libéral – respectivement pour l’autorisation.

Ceci montre que placer la frontière entre le groupe des croyants et celui des sans religion regroupant les athées et les indifférents est ici plus que discutable.

Si l’on ajoute que, résultat particulièrement rare, le groupe le plus nombreux est pratiquement chaque fois celui qui répond « je ne sais pas » (45,2 % des athées, 49,2 % des indifférents, 39,9 % des catholiques convaincus, 39,4 % des catholiques peu convaincus et 38,2 % des « autres religions »), on peut voir que la situation d’une valeur essentielle, la primordiale à mes yeux, la liberté d’expression, est en pleine instabilité chez les adolescents.

La notion perverse du respect de la religion d’autrui semble bien faire une grande percée chez les plus jeunes.

Universitaires et athéisme

Un des apports les plus originaux du livre porte sur l’athéisme des titulaires de professions académiques, les professeurs et les autres scientifiques. C’est la contribution d’Abel François et Raul Magni-Berton.

La réputation, d’indifférence ou l’hostilité des universitaires occidentaux, américains compris, à l’égard des religions n’est pas une idée parfaitement neuve mais la voir décrite et analysée en la croisant avec les opinions politiques est rare sinon neuf. 

Abel François et Raul Magné-Berton se sont penchés sur le cas de la France. Cela implique certaines spécificités qu’on ne peut transposer. Le cas belge avec la majorité de ses universités polarisées serait sans doute différent même si les croyances des académiques dans les universités catholiques sont très loin de ce qu’elles étaient il y a quelques décennies((L’Association Belge des Athées compte dans ses rangs deux professeurs (dont un émérite) de l’Université catholique de Louvain.)).

L’étude menée en 2011 par les deux chercheurs montre que, tandis que l’on compte 18 % d’athées dans la population française, 50 % des scientifiques français se déclarent athées, 31 % agnostiques contre 37 % dans la population générale, 19 % religieux contre 44 % dans la population générale.

L’étude donne même la variance de l’athéisme selon les disciplines. Anthropologie et ethnologie arrivent en tête avec 69 % dont la biologie et les sciences du langage. Les disciplines des sciences « dures » oscillent entre 56 et 44 %. Le droit donne le moins de scientifiques religieux (mais la discipline me semble un peu particulière en termes de méthode) avec 33 % d’athées. Il est précédé par les sciences politiques avec 39 %, et par les sciences humaines, historiques et la littérature avec 43 %. Le cas de la médecine n’est pas cité.

Comparé avec d’autres groupes français, l’athéisme des scientifiques français présente un écart énorme, de l’ordre de 30 % pour les catégories professionnelles les plus athées après les scientifiques.

Une étude de comparaison avec quelques pays montre que, laissons de côté l’Asie, tant au Royaume-Uni (40 %), qu’aux États-Unis (35 %) et qu’en Italie (20 %), les scientifiques présentent un taux d’athéisme très nettement supérieur à celui de la moyenne de la population (environ 30 % d’écart, sauf en Italie où il est de 17 %).

Reste à expliquer cet athéisme.

Les auteurs attestent évidemment de l’importance de la valorisation de la science de la part des scientifiques. Cette valorisation, sans obliger à l’athéisme, minore la religion (l’athéisme « méthodologique » de la science). Il faut tenir compte dans certains cas (par exemple la biologie, l’astronomie, l’astrophysique) de conflits entre la science et la religion.

Quand on teste en dix degrés les réponses des scientifiques entre deux pôles, « la science est un ensemble de croyances et d’opinions comme un autre », d’une part et « la science est la seule manière sérieuse de comprendre la vie » d’autre part, 66 % des scientifiques qui adhèrent le plus à la seconde formulation se déclarent athées. On atteint seulement 28 % d’athées pour la formulation la plus proche du premier pôle.

Les auteurs proposent une autre piste : les positions politiques des scientifiques.

L’héritage marxiste pèse lourd dans les universités, surtout en France.

Les scientifiques ont des opinions politiques très marquées. En 2011, sur près de 1 600 réponses, 23,2 % se déclarent radicalement révolutionnaires et 63,2 % des membres de ce groupe se déclarent athées. Les « réformistes » constituent le groupe le plus important (75,9 %) et 45,9 % des membres de ce groupe se déclarent athées, soit pratiquement la moyenne. 1,1 % des sondés déclarent qu’il ne faut rien changer à la situation actuelle, soit 18 personnes, ce qui ne permet pas l’analyse.

Pour les auteurs, les deux éléments, pratiques de la science et engagement à gauche, ont un effet cumulatif en faveur de l’athéisme.

Abel François et Raul Magni-Breton ont également mené une analyse multivariée de l’athéisme des universitaires français, incluant le sexe, l’âge, être né en France et la différence entre professeurs et directeur de recherches d’une part, chargés de recherche ou maîtres de conférences d’autre part.

Le fait de soutenir que la science est le seul moyen sérieux de comprendre le monde augmente de 40 % la probabilité d’être athée. Un scientifique se déclarant révolutionnaire a 1,4 fois plus de chance de se déclarer athée par rapport à un scientifique non révolutionnaire.

Les deux phénomènes ont une influence comparable et les auteurs concluent qu’il n’est pas possible de déterminer quel est le facteur le plus important.

Ce sont les aléas de toute recherche de cause.

Le premier péril comme dans d’autres recherches de déterminations « sociologiques » ou en tout cas externes est que le sujet de recherche est automatiquement rabaissé par la limitation ou la négation de son autonomie.

L’inanité des dogmes religieux n’est-elle pas particulièrement évidente à tout qui a fait de longues études ?

De plus, il existe bien d’autres éléments et analyses dans le passage à l’athéisme.

L’analyse récente de Thierry Ripoll ne contredit pas l’explication par la pratique du raisonnement scientifique((Thierry Ripoll, Pourquoi croit-on ? Psychologie des croyances, Auxerre, Sciences humaines Éditions, coll. Accent aigu, 2020, spécialement pp. 260-271.)). Il voit, en termes de psychologie, l’athéisme comme le produit du travail analytique face à l’attitude intuitive spontanée.

Alors que la science a un caractère contre-intuitif, la religion et les concepts religieux s’établissent sur des représentations facilement mémorisables et, comme l’a dit P. Boyer « minimalement contre-intuitives », ce qui les rend « épidémiques ». 

Le programme des athées

L’athéisme prend, grâce à l’évidence, une place réelle dans la sociologie des religions et des croyances, ce qui est un grand progrès.

Ce qu’on peut en savoir désigne à mon sens le programme des athées : développer sans frein ses réflexions, ses positions, sa structure philosophique.

À l’évidence, du travail reste à faire((Cette question n’est pas réellement neuve. Elle était traitée à l’époque du passage des anticléricaux à l’athéisme vers 1880. Ainsi, le représentant de La Libre Pensée, Adolphe Van Caubergh, donne deux conférences sur l’athéisme en 1881. La seconde porte sur les conséquences morales et sociales de l’athéisme. Le texte est publié en 1882 sous le titre L’athéisme dans ses conséquences morales et sociales, Conférence faite à La Libre Pensée par A. Van Caubergh. La mention se trouve chez Christoph De Spiegeleer « Le mouvement libre penseur et l’athéisme à Bruxelles dans la seconde moitié du XIXe siècle », in Histoire de l’athéisme en Belgique, Bruxelles 2011, pp. 182-183.)). Il ne peut l’être dans un sens dogmatique et à sens unique, qui ne serait ni possible ni souhaitable.

Mais bien des risques existent : la critique des religions se heurte à l’obstacle sensiblement plus présent qu’autrefois qu’est le respect enfantin des opinions d’autrui, voire un hyper relativisme très orienté.

Les athées sont devenus part entière respectée en Europe mais ils restent spécifiques.

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Mort et avenir des religions

Posté le 30 mars 2021 Par ABA Publié dans Religion Laisser un commentaire

Patrice Dartevelle

Entendre parler – dans un docte univers universitaire souvent si prudent – de fin des religions ne peut qu’être sympathique à un athée. Même – sinon surtout insinueront les plus caustiques – chez les anticléricaux, si la difficulté d’imaginer la fin de la religion – du moins de celle qui a été dominante – reste grande.

Aussi, quand paraissent les actes d’un colloque organisé voici quelques années par l’Association belge pour l’étude des religions (BABEL), sous le titre Quand une religion se termine…, je me réjouis d’avoir l’occasion de réfléchir tant au passé qu’à l’avenir des religions[1].

Posons d’emblée un bémol ou proposons une clarification : il s’agit, comme le dit bien le titre du livre, de la fin de chaque religion prise isolément, mais pas de la fin de toutes les religions. Toutefois, l’ouvrage traite de la fin ou de la situation plus que compromise en Europe de la religion dominante, ce qui dépasse l’analyse historique sans la rendre inutile.

La leçon vaut aussi pour l’athéisme

Quand une religion se termine comporte un petit clin d’œil : il contient un article d’Alexander Meert sur l’athéisme dans l’Antiquité grecque[2]. L’athéisme radical, métaphysique, soutenant que Dieu ou les dieux n’existent pas, existe bel et bien dès le Ve siècle avant notre ère, mais après la mort de Théodoret de Cyrène en 275 avant notre ère, l’athéisme disparaît en quelques décennies. Sans doute l’épicurisme prend-il sa succession, mais c’est avec un athéisme « mou », au sens où, pour les épicuriens, les dieux existent, mais sont dépourvus de tout rôle que ce soit et de toute utilité. La conception peut sembler bizarre ou masquer une prudence sociale à laquelle mieux valait sacrifier. Mais nous savons aussi que des personnes se disaient athées dans les salons de la Rome antique au temps de Cicéron et que, s’il ne nous reste pas de véritable déclaration d’athéisme après Théodore de Cyrène, un scepticisme peut poindre chez Pline l’Ancien et une moquerie se retrouver régulièrement à travers l’œuvre de Lucien de Samosate (vers 125 – vers 190 de notre ère), que nous avons largement conservée[3].

Je ne vois pas de cas de religion morte qui ait pu renaître mais c’est le cas de l’athéisme – qui n’est pas une religion, mais tout de même son contraire – après sans doute un millénaire et demi d’oubli.

La disparition de l’athéisme antique ne doit rien au christianisme, peu à une répression souvent plus sociale que pénale, mais beaucoup, comme l’explique A. Meert, à une évolution des idées et des religions de l’Antiquité. La religion païenne de notre ère diffère largement des croyances anciennes centrées sur les dieux de l’Olympe – ce qui favorisera le développement du christianisme. La condamnation de l’athéisme par Platon sera longtemps efficace.

La leçon de modestie vaut donc aussi pour les athées qui auraient tort d’être sûrs qu’ils ne peuvent être à nouveau marginalisés.

La fin des religions

Il est logique de penser que causes du triomphe d’une religion et causes de son déclin peuvent entretenir des liens.

Pour réussir, une religion doit être en phase avec les mentalités de l’époque et du lieu, avec les intérêts et les besoins des groupes dominants, voire si possible avec ceux de la plus grande partie de la population et en tout cas être acceptable pour celle-ci. Le culte de Mithra a pu paraître un moment comme un concurrent voire un vainqueur du christianisme. Il a échoué par son aspect violent (la taurobolie), son élitisme, son exclusion des femmes même dans un univers bien peu féministe, comme le montre Baudouin Decharneux dans sa contribution au livre[4], et malgré une période de cohabitation géographiquement étroite (des temples étaient voisins) avec le christianisme à Rome même[5].

Mais à coup sûr, une fois triomphant, le christianisme s’en est pris au mithriacisme et dès la fin du IVe siècle, les chrétiens ont dévasté de nombreux sanctuaires de Mithra. Dans le cas du triomphe du christianisme dans l’Antiquité, on voit une réponse aux attentes de l’époque – le paganisme contemporain n’est pas si différent – et la prise en charge par le pouvoir impérial, conscient de la force montante que manifestait le christianisme.

Dans certains cas, pour comprendre l’extinction d’une religion, il faut tenir compte de l’intervention de forces intégralement externes. C’est le cas de la religion des Amérindiens, telle que l’analyse Sylvie Peperstraete[6]. Les conquistadores anéantissent le royaume aztèque et cherchent à faire de même avec la religion. Celle-ci a survécu à la conquête militaire et politique. Les prêtres ont pu se renouveler (et donc être formés) un certain temps. Au XVIIe siècle encore, de nouveaux prêtres prennent leurs fonctions. Si sacrifices humains et anthropophagie disparaissent un peu avant 1540, offrandes aux dieux aztèques et pratiques de guérison se sont perpétuées et ont conservé encore aujourd’hui une présence, certes secondaire – de type subculturelle, mais bien réelle.

Ce qui est remarquable, c’est l’importance pour les Espagnols de l’évangélisation et donc de la lutte d’éradication. Elle se marque notamment par sa précocité. Mexico est prise en 1521. Dès ce premier moment, les conquistadores sont accompagnés de prêtres. Les franciscains arrivent en 1524 et en 1526, une ordonnance royale impose à toute personne qui s’emparerait d’un territoire espagnol d’exposer aux indigènes qu’elle venait « leur enseigner les bonnes coutumes, les éloigner des vices et de manger la chair humaine, les instruire dans notre sainte foi catholique et prêcher pour leur salut ».

Le pape organise rapidement les choses. Quelques mois après la prise de Mexico, une bulle papale permet aux ordres mendiants de prêcher et de donner les sacrements sur le territoire américain. En 1522, une seconde bulle leur donne l’autorité apostolique du pape là où il n’y a pas d’évêque. Certes, l’Église est une bureaucratie mais apparemment, elle n’était pas guettée par la procrastination.

Comme ceux de Mithra, les temples aztèques sont mis à bas dans des délais record : en 1531, on dénombre déjà plus de 500 temples abattus et 2 000 « idoles » détruites. L’Inquisition s’implante rapidement, mais elle ne s’occupe guère des indigènes. À un moment donné, de 1535 à 1540, un inquisiteur s’occupe d’eux en étant responsable de la moitié des procès intentés à leur encontre, mais ce zèle excessif le fait démettre de ses fonctions.

On peut certes soutenir que ce zèle missionnaire n’était que le paravent d’autres préoccupations – économiques en langage actuel, de rapines et de vols en langage d’hier – mais la réalité religieuse avait une réalité. Lui nier toute réalité, c’est projeter sur le passé les mentalités d’aujourd’hui. Sans doute beaucoup de conquistadores mêlaient-ils de manière indissociable les deux ambitions, la spirituelle et l’économique.

Le cas du christianisme

Venons-en à la période actuelle et au déclin des christianismes (le catholique et les trois protestantismes principaux; l’orthodoxie étant une autre affaire).

Ce qui a favorisé leur succès les a menés à leur perte. À des degrés divers, ils se sont opposés aux normes nouvelles qui étaient celles de la modernité et se sont montrés allergiques à liberté de pensée et d’expression, sont demeurés ancrés dans des structures autoritaires, indifférents à la prise d’importance des femmes et à des visions différentes de la sexualité, confinés dans des lieux incommodes, jugés archaïques par les fidèles et manifestant concrètement l’autorité absolue du prêtre.

La question de l’appui des autorités politiques aux religions chrétiennes à l’époque contemporaine n’est pas intégralement claire. Il est impossible dans la généralité des cas de parler d’abandon des religions par les pouvoirs publics. Appui et financement ont rarement manqué. Or, c’est ordinairement un point central du succès d’une religion. L’exception, quasi unique, est celle de la France, mais à partir de 1905 seulement. Encore s’agit-il uniquement du traitement des prêtres, les pouvoirs publics continuant de financer les églises déjà bâties à cette date.

Cet appui politique est-il encore aussi nécessaire qu’autrefois ? Le cas américain est éclairant. Les pouvoirs publics américains ne financent pas les Églises, même si elles profitent d’avantages fiscaux, mais les États-Unis sont demeurés jusqu’il y a peu un pays très croyant et très pratiquant. Contrairement à une idée autrefois reçue en Europe, la très grande diversité religieuse, certes en pratique limitée aux Églises chrétiennes, n’a en rien miné la cohésion sociale du pays, qui n’a jamais dû craindre une Saint-Barthélémy. Au contraire, cette tolérance a fait la fierté des Américains.

En réalité, aux époques récentes, le secours des pouvoirs publics n’a plus la même force.

En fait, la sécularisation a éloigné des Églises nombre de croyants eux-mêmes. Le nombre d’hommes politiques démocrates-chrétiens, même de premier plan (dois-je citer un ancien Premier ministre belge devenu président du PPE ?), divorcés et remariés est éloquent. Le soutien des États européens se manifeste surtout par la continuation du financement (mais avec de moins en moins de prêtres à rémunérer) et, selon une intensité variable en fonction du pays, par le financement d’écoles et d’hôpitaux religieux. Ce système sert surtout à valider la cohérence de partis se réclamant d’une religion.

Aujourd’hui, ce qu’on appelait traditionnellement une religion, avec la certitude et la foi qui lui étaient liées, a pratiquement disparu. Dès qu’apparaît un groupe nouveau de croyants à la foi vibrante, il se fait traiter de « secte », tant l’incompréhension de ce qu’étaient les religions est devenue grande[7].

La grande exception à cet état d’esprit en Europe est celle des musulmans qui professent leur religion classiquement (je vise les musulmans en général, pas les seuls islamistes), ce qui les fait souvent admirer par les chrétiens fondamentalistes ou simplement nostalgiques. Tout indique que leur conviction et leur mode d’expression de celle-ci ne sont pas en danger.

Un exemple historique est parlant à cet égard. On croit souvent que les musulmans ont été chassés d’Espagne en 1492. En fait, à cette date, le calife Boabdil quitte l’Espagne vaincu, avec son administration et son armée, suivi d’une partie des musulmans. Les autres, le plus souvent des agriculteurs, restent attachés à leurs terres. Les rois d’Espagne et l’Église vont tout faire pour les convertir, quitte parfois à se contenter de réclamer uniquement discrétion pour la religion musulmane et adhésion de surface au christianisme. La lutte sera constante au Levant espagnol (Valence, Alicante, Murcie), les musulmans n’hésitant parfois pas à de véritables provocations publiques. Constatant l’échec complet de cette politique, ce n’est qu’en 1609 que le roi Philippe III prend un décret de totale expulsion, dont l’application prendra plus de temps que prévu, mais qui sera accomplie en 1614[8]. De nombreuses villes du Levant y perdront la moitié de leurs habitants.

Hors ce cas, et l’un ou l’autre groupe évangéliques, également importés, il n’y a pas trace d’un revival religieux en Europe – revival qui ne s’est produit qu’aux États-Unis dans le courant du XIXe siècle (XXe ?), alors qu’au siècle précédent, les religions ne s’y portaient plus si bien.

Quelle religion pour l’avenir ?

Globalement, au sujet de l’interprétation de la situation religieuse, on peut s’en tenir à la caractérisation proposée par Habermas : « Les sociétés dans lesquelles nous vivons doivent être pensées comme postséculières, c’est-à-dire des sociétés dans lesquelles la sécularisation n’a pas signifié la disparition des religions »[9].

En clair, si les religions ont considérablement reculé en importance et en impact, elles n’ont pas disparu et surtout, l’idée de religion, d’une certaine transcendance n’a pas disparu. Pourraient-elles renaître et comment ?

J’ai déjà exposé ma position globale sur la question des religions aujourd’hui. Je la résume. De 1977 à 2018, la pratique dominicale catholique en Belgique est passée de 29,4% à 2,6%[10]. Mais beaucoup de gens, athées compris, pratiquent une composition de leur crû, selon un syncrétisme décomplexé. Par ailleurs, et c’est le plus important ici, tous les sondages sur les croyances en Occident montrent, lorsqu’on invite les sondés à se déclarer adeptes de telle ou telle religion ou athées, 20 à 30 % d’entre eux cochent la case « sans religion » et pas « athée ». Dans certains sondages, on propose le choix entre croire à un Dieu personnel qui s’occupe du monde, être athée ou croire en un quelque chose d’autre, d’ineffable. La corrélation entre ce dernier groupe et ceux qui se déclarent sans religion est frappante. Ce groupe est incertain et susceptible d’évoluer de manière imprévisible[11]. Il devrait sans doute gonfler encore avec le renouvellement des générations.

Passons donc en revue les hypothèses sur le futur de la religion. J’utiliserai notamment le long (30 pages) article récent de Sumit Paul-Choudhury, scientifique spécialisé dans la vulgarisation des sciences (il a dirigé pendant plusieurs années la plus importante revue anglo-saxonne de vulgarisation scientifique, New Scientist), qui se consacre maintenant aux études sur le futur[12].

Il faut d’abord insister sur le manque de clarté du concept même de religion. Il n’en existe aucune définition scientifique (ce qui n’a pas empêché les parlementaires français et belges de prétendre savoir parfaitement ce qui la distinguait d’une secte…). On sait qu’il y a du religieux dans presque toutes les institutions humaines, mais le constat, exact, ne nous avance guère. Ce n’est pas parce qu’il y avait du religieux dans les pratiques des partis communistes que cela suffit à faire du communisme une religion.

Fascisme et nazisme ont heureusement été défaits et de ce fait, on perd parfois de vue qu’ils se sont rapprochés d’une religion de substitution, d’une nouvelle religion. Pourtant à l’époque de leur « splendeur », ces mouvements, que nous voyons comme politiques, ont pu vouloir remplacer la vieille religion. Hitler a supprimé les associations de jeunesse chrétiennes en intégrant les membres dans la Hitlerjugend pour laquelle la religion n’était pas le problème. Le coup aurait pu être fatal au christianisme. C’est ce qu’a bien vu l’archevêque de Munster, Clemens von Galen, qui a protesté contre la disparition des mouvements de jeunesse catholiques. Les grands rassemblements de Nüremberg n’avaient-ils pas tout d’une gigantesque procession et d’un culte, avec seulement un demi-siècle d’avance sur les religions en marketing ?

Le cas du fascisme italien est moins clair vu la spécificité de ses relations avec l’Église catholique, mais on y trouve le contrôle des associations de jeunesse, les associations de jeunesse fascistes, le samedi fasciste consacré à la vie sportive, les jours fériés fascistes. On a pu parler de religion politique fasciste comme le rappelle Jan Nelis dans Quand une religion se termine…[13]. N’oublions pas qu’intérieurement, Mussolini ne pouvait adhérer à la religion : il était athée. Aux religions traditionnelles, une pire encore peut succéder.

Pour prévoir, il faudrait donc être capable de sortir des sentiers battus.

Il faut par exemple voir qu’Internet et les réseaux sociaux pourraient nous réserver des surprises. Toute nouvelle religion ne pourrait qu’être particulièrement attentive à cette dimension, comme outil-clé de diffusion. L’impact de ces moyens sur le concept me semble lointain et j’éprouve des difficultés à croire au succès d’une pure communauté virtuelle. Ceci dit, on m’assure que « Dans la Silicon Valley, des transhumanistes prient devant les écrans »[14].

Il faut prendre en considération également que les analystes peuvent avoir une tendance à ne pas s’écarter du concept habituel de religion en Occident et qu’ils ne connaissent pas bien les milieux populaires, milieux dont les pratiques réelles ne sont pas suffisamment connues. Ils peuvent rester proches de la religion-superstition. Les intellectuels païens n’ont eu que mépris pour la religion chrétienne, tardivement rencontrée.

Quant à l’avenir, l’hypothèse la plus simple serait celle d’une modernisation radicale de l’une des religions traditionnelles. Ce serait un peu comme si les papes avaient continué et approfondi les décisions du concile de Vatican II. Ils ne l’ont pas fait mais de nombreux groupes de protestants libéraux l’ont fait : ils se sont largement éteints et ce qu’il en restait a été balayé par les évangéliques, surtout là où les protestants étaient peu nombreux, comme en Belgique. L’hypothèse est peu vraisemblable.

En cherchant ailleurs, on peut songer à une nouvelle « religion », éloignée des critères habituels. Sumit Paul-Choudhury relève le cas du jediisme, la foi des gentils dans Star Wars. Lors du recensement britannique de 2001, c’était la quatrième plus grande religion du pays avec 400 000 personnes qui s’en réclamaient[15], mais dix ans plus tard, il reculait à la septième place. Feu de paille donc. Qanon, en beaucoup moins gentil, présente des traits religieux, messianiques. Ce serait de toute évidence la voie du pire.

L’écologie pourrait aussi être une source d’inspiration pour certains. Ce n’est normalement pas une religion, mais les références à Gaia, à la Nature peuvent troubler, comme l’ont été des cardinaux par des déclarations du pape François. L’intolérance manifeste de la fraction fondamentaliste du milieu m’inquiète aussi.

Il y a déjà longtemps que le plus grand historien belge des religions, Franz Cumont, anticlérical déterminé, a imaginé une évolution des religions vers une forme de religion de l’humanité. C’est un spécialiste du passage du paganisme au christianisme. Il est assez hégélien et voit donc une logique forte dans l’histoire. En 1917, sans doute frappé par les massacres de la Première Guerre mondiale, il écrit à Alfred Loisy, autre historien des religions[16] :

Il est bien probable que nous allons vers quelque forme de religion de l’humanité, telle que vous l’esquissez en de fort belles pages, vous avez admirablement montré tout ce qu’elle devra à un passé, qu’elle peut rejeter partiellement mais non abolir. Les antinomies de la foi traditionnelle et de la libre pensée se résoudront ainsi en une synthèse plus haute. Hegel vous eût approuvé[17].

J’éprouverais, je l’avoue, une grande méfiance envers un projet de religion ou de croyance unique. J’y vois la nostalgie de la paroisse d’autrefois. Notre monde est irrémédiablement divers. L’idée est centenaire, mais je verrais bien là quelque chose qui s’approfondit depuis la Seconde Guerre mondiale. La référence aux droits de l’homme est devenue beaucoup plus visible et je ne songe pas à m’en plaindre. Mais les critiques existent sur l’extension et le rôle qu’on leur prête et on fait parfois valoir qu’ils ne peuvent constituer une politique. La politique des droits de l’homme ne conduit-elle pas à limiter la liberté d’expression par les voies judiciaires ? J’y vois comme un parfum de religion, effet de toute sacralisation.

Dernière hypothèse sélectionnée, une extension considérable de l’islam en Europe.

Michel Houellebecq a été fort vite en besogne lorsqu’en 2015, il a publié Soumission et mis en scène l’élection d’un président de la République française musulman dès 2022. Mais sauf révolution démographique, il ne faudra plus vingt ans pour que la plupart des villes d’Europe comptent au moins 20 % de musulmans, dont bien peu rejoindront les rangs des sans religion et des athées. Ce qui se publie sur les terroristes djihadistes montre le nombre devenu pas si négligeable des convertis à l’islam, ce qui pourrait, si le mouvement se confirme et s’amplifie, nous mener au-delà de 20 % de musulmans.

Tout cela n’est qu’hypothèses sauf celle qui concerne la présence plus forte de l’islam, qui n’est pas réversible.

À cela il faut ajouter une instabilité sociale, d’intensité variable selon les pays. La déshérence vécue par la partie de la population la moins bien lotie, spécialement dans le chef des Européens « de souche », les manifestations de type « gilets jaunes », la rage des mêmes milieux et au-delà contre les élites, le phénomène Trump incitent à penser que la stabilité et la certitude de l’avenir ne sont plus à notre portée.

À quoi peut servir l’athéisme demain ?

Les athées vont cohabiter avec des groupes religieux, ce qui, dans son principe, n’est pas neuf. Espérons qu’il y en aura plusieurs, sinon on reprendra les luttes du XXe siècle entre catholiques et anticléricaux.

La société aura besoin des athées pour argumenter les religions, les folies qui semblent nous menacer, dont l’irrationalité est bien autre chose que celle des religions traditionnelles.

Rien de tel que défendre et illustrer l’athéisme pour mieux contrer les nouvelles formes de religion, la montée de l’islam, le désarroi et l’incertitude des « sans religion ». Mais il faudra que les athées ne soient pas eux-mêmes gagnés par l’irrationnel contemporain qui peut attirer dans tous les groupes, comme jamais auparavant.


Notes

  1. Anne Morelli et Jeffrey Tyssens [ dir.], Quand une religion se termine… Facteurs politiques et sociaux de la disparition des religions, Louvain-la-Neuve, EME Éditions, 2020, 309 p. Prix : 31 €. Les contributions sont publiées soit en français (9), soit en anglais (6). ↑
  2. Alexander Meert, « Theodorus « the Atheist » of Cyrene (ca 345-275 BC) : the last Representative Radical Atheism in Antiquity », op. cit., pp. 47-72. ↑
  3. Je ne peux que conseiller la lecture de sa traduction complète dans la collection Bouquins : Lucien de Samosate. Œuvres complètes. Traduction d’Émile Chambry révisée et annotée par Alain Billault et Émeline Marquis, Paris, Robert Laffont, 2015, 1 243 p. ↑
  4. Baudouin Decharneux, « Remarques philosophiques sur la « mort » du culte de Mithra », op. cit., pp. 87-100. ↑
  5. Vincent Mahieu, « La coexistence religieuse dans l’Antiquité tardive. Topographie cultuelle métroaque et implantations monumentales chrétiennes dans la Rome du IVe siècle », op. cit., pp. 101-131. ↑
  6. Sylvie Peperstraete, « Le Mexique indigène face à la « conquête spirituelle ». Le sort des prêtres amérindiens à l’époque coloniale », op. cit., pp. 157-179. ↑
  7. À l’évidence, ce que certains reprochent aux « sectes » s’applique toujours parfaitement aux Églises traditionnelles telles qu’elles fonctionnaient il y a trois ou quatre générations. ↑
  8. Isabelle Poutrin, Convertir les musulmans. Espagne 1491-1609, Paris, PUF, 2012. ↑
  9. Jürgen Habermas, Entre naturalisme et religion. Les défis de la démocratie, Paris, Gallimard, 2008 pour la version française, que je cite d’après Yves-Charles Zarka, La destitution des intellectuels et autres réflexions intempestives, Paris, PUF, 2010. Cf. p. 221. Je suivrais moins Habermas dans la phrase qui suit celle que je viens de citer : « Mieux encore, les religions peuvent être porteuses de principes moraux qui, lorsqu’on en libère le contenu profane, peuvent dégager « une force d’inspiration valant pour la société dans son entier ». Je ne vois là que révérence inutile à un passé dont on a du mal à se séparer. ↑
  10. Juliette Masquelier, Jean-Philippe Schreiber, Cécile Vanderpelen-Diagre, Les religions et la laïcité en Belgique. Rapport 2019, Observatoire des Religions et de la Laïcité (ORELA), de l’Université libre de Bruxelles, 2020, p.132. ↑
  11. Patrice Dartevelle, « Le retour de la spiritualité : nouveau masque des religions ? » dans La Pensée et les Hommes », Francs-Parlers 2015, pp. 59-70. ↑
  12. Sumit Paul-Choiudhury est un scientifique londonien, ex-éditeur de New Scientist, tout à la recherche sur le futur, la futurologie en créant le centre Alternity, cf. son article « Les dieux de demain », posté le 15 janvier 2021 sur le site de la BBC. ↑
  13. Jan Nelis, « Déclin d’une « religion » et renouveau d’une autre : fascisme et catholicisme dans l’Italie de l’après-guerre », op.cit., pp. 201-217. ↑
  14. Voir Le Soir du 25 février 2021, interview par Daniel Couvreur de Philippe Bercovici et Benoist Simmat, auteurs de L’incroyable histoire de l’immortalité. ↑
  15. Interrogé sur ce qu’était sa religion, un petit-fils de 6-7 ans m’a répondu : Star Wars. ↑
  16. Alfred Loisy est initialement un théologien catholique spécialisé dans les origines du Christianisme. Ses travaux le feront excommunier en 1908 et l’année suivante, il prendra la chaire d’histoire des religions au Collège de France. ↑
  17. Danny Praet, « The End of Ancient Paganism and the End of Modern Organized Religion in the Thought of Franz Cumont »,Quand une religion se termine…, op. cit., pp. 133-152, spécialement pp. 150-151. ↑
Tags : athéisme antique Aztèques conquistadores Cumont fascisme Hitlerjugend Houellebecq islam jediisme Mexico musulmans religion sécularisation

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