Archives par mois : février 2014
Chronique Littéraire: Une tchagra s’est envolée par Jean-François Jacobs
« Tout vient à point à qui sait attendre ». Les maximes sont faites pour s’en servir et celle-ci convient plutôt bien pour décrire la satisfaction que j’ai eue en dévorant cet ouvrage. Voilà un roman qu’il fallait écrire, un schéma dramatique qui devait, indubitablement, voir le jour. Pourquoi ? Parce que, enfin, c’est un athée qui prend la parole. Parce que la raison est l’oraison funèbre des supercheries. Cet acte réussi est de l’auteur franco-tunisien Bassam Sassi. Un athée sans visage qui n’a pas envie (on le comprend) de perdre la tête… Lire la suite
Henri CHARLIER, Athée pourquoi ?, 155 p., édité par l’auteur (“NIHIL”), créateur de la revue Morale laïque et membre de l’ABA.
L’ouvrage constitue un long pamphlet antireligieux traversé quasi à chaque page par la marque de la vive et profonde révolte, l’inextinguible colère de l’auteur face aux innombrables et impardonnables « malveillances » de l’Église catholique dont lui-même, sa famille, des amis… eurent à souffrir de par leur athéisme déclaré. H. Charlier revisite avec force détails l’histoire (Croisades, Inquisition, antisémitisme, déviances morales de papes et autres dignitaires…), les pratiques cultuelles, superstitieuses, insensées, sectaires de l’Église, l’impact de celle-ci en politique, en littérature, dans les arts et au travers de la vaste panoplie des saints que l’on retrouve jusque dans les appellations de vins et de bières, etc… Il donne sens à sa démarche dénonciatrice par cette phrase de Condorcet : « Les religions sont comme les vers luisants : pour briller, elles ont besoins d’obscurité ».
Noël Rixhon
Redécouverte du Néant par Patrice Dartevelle
On continue de retrouver dans les bibliothèques des ouvrages oubliés, notamment parce qu’ils sentaient le soufre. Or l’athéisme a toujours senti le soufre.
En 1995, un érudit retrouve un texte d’un libertin italien, Luigi Manzini (1604-1657),consacré au Néant, datant de 1634.
Manzini est un personnage original.D’abord moine chez les Bénédictins, il se fait délier de ses voeux, devient docteur en théologie et puis premier nonce apostolique. Mais ses écrits ne sont nullement religieux et son discours sur le Néant fait de lui un catholique fort peu orthodoxe, si tant est qu’au fond de lui même il soit bien catholique.
La traduction française de son texte vient de paraître (1). Il s’agit d’un discours prononcé devant les membres d’une académie vénitienne, l’Académie des Inconnus. Celle-ci compte dans ses rangs des sceptiques notoires,voire des plus que sceptiques.
Manzini revendique d’abord hautement le droit à l’innovation, à l’irrespect des autorités du passé (« Les esprits de notre temps ont voulu que le berceau de leur hardiesse serve de cercueil à l’autorité »). Et il passe à l’acte immédiatement en déclarant qu’ Aristote s’est trompé. Moyennant l’adaptation qu’en a faite Thomas d’ Aquin, il est pourtant depuis le XIIIème siècle le fondement de la philosophie chrétienne.
C’est la raison qui doit l’emporter, continue Manzini (« Les pommes d’or de l’arbre de la vérité ne son pas gardées par le dragon de la déférence. Les difficultés se résolvent en faisant appel à la raison, et non à l’observance »).
Quant au sujet même du discours, le Néant, Manzini pose » qu’aucune chose en dehors de Dieu n’est plus noble ni plus parfaite que le Néant », ce qui est prudent mais non-orthodoxe. Il déclare même que le Néant est plus universel que la toute-puissance, mais ajoute » si elle ne s’étend qu’au possible ».
Selon l’orateur, Dieu ne peut être créateur que s’il y a le Néant.Il assimile celui-ci à une matière, à partir de laquelle Dieu pourrait créer.
Mais il met le Néant au-dessus du paradis qui lui est assujetti et de fil en aiguille,ou comme en un crescendo, Manzini en arrive à dire que » le monde entier est pour ainsi dire fait par la nature instrument ou appareil pour les grandeurs du Néant ».
Comme presque toujours à cette époque, Manzini ne nie jamais l’existence de Dieu. Conviction? Prudence?Jeu d’esprit de pure rhétorique? Avec un Néant au moins égalé à Dieu, on est bien dans le libertinage philosophique baroque qui, rapproché de surcroît avec les philosophes de Padoue, la ville la plus voisine, qui font le désespoir de l’Inquisition, donne le sentiment de la probabilité d’un athéisme voilé.
Patrice Dartevelle
(1) Luigi MANZINI, Le Néant, traduction de l’italien d’Aurélia Morali Paris, Editions Aux forges de Vulcain, collection » Essais », 2013, 119 pp.( la traduction proprement dite occupe les pages 31 à 63). Prix: +/- 10 euros.
Les religions en Europe : fin et suite par Patrice Dartevelle
Relever l’effondrement des pratiques religieuses et celui du nombre de prêtres tant diocésains que réguliers en Europe de l’Ouest n’est pas véritablement neuf. Mais il est bien rare qu’on le fasse de manière aussi nette que le fait Jean-Pierre Bacot, un universitaire français, dans son ouvrage Une Europe sans religion dans un monde religieux (1). Il ne faut pas se méprendre sur ce titre. Il n’a rien à voir avec l’idée courante que, si la religion et l’Eglise déclinent, il n’en va pas de même du sentiment religieux. J.-P. Bacot soutient catégoriquement le contraire: dans sa conclusion, il dénonce la formule « La religion se recompose, plutôt qu’elle ne se décompose » comme relevant d' »une stratégie de consolation ou d’obscurcissement ». « Monde religieux vise le reste du monde où la religion se maintient bien davantage que chez nous. Lire la suite
En marge du débat “ATHÉISME ou AGNOSTICISME” par Noël Rixhon
“Dieu(x)”, ce n’est qu’une idée qui prend toutes sortes de sens et de formes. Depuis 100.000 ans, depuis que la conscience humaine a commencé à émerger, cette idée a traversé les âges sans qu’elle n’ait jamais désigné aucune réalité objective ni objectivable, c’est-à-dire indiscutablement visible, audible, perceptible… par n’importe qui. Durant tout ce temps, si un ou des dieux avaient réellement existé, ça se saurait ! Qu’avons-nous à faire dès lors de ce qui ne demeure qu’une idée, qui n’engage à rien, ne mène à rien ! Sauf à se complaire dans un doute sans issue possible, parfaitement inutile et dépassé, ou à alimenter un certain jeu intellectuel, métaphysique, est-il bien raisonnable de s’y accrocher obstinément, voire désespérément ? Ne serait-on pas alors inconsciemment prisonnier du fantasme d’éternité qui taraude les humains, donne lieu à des rêveries surnaturelles, prises finalement comme réalité et enfin comme vérité ? Lire la suite