L’athéisme n’est pas une croyance par Calogero Gigante

Lorsque l’on passe beaucoup de temps à débattre de l’existence des dieux sur des forums de philosophie ou sur des réseaux sociaux, on constate trop souvent malheureusement que beaucoup de croyants ont une méconnaissance manifeste de ce qu’est l’athéisme.

Info-athee

Combien de fois n’ai-je pas reçu, en guise de réponse expédiée, souvent lancée par des gens en manque flagrant d’arguments solides, des phrases soutenues affirmant “qu’au final, l’athéisme n’est qu’une religion comme une autre”, que les athées “croient qu’ils ne croient pas”, et même plus fort encore “que nous, les athées, nous croyons en Dieu au fond de nous-même et que nous ne voulons pas nous l’avouer” (sic !).

C’est pour cette raison, je pense, qu’il est fort utile de mettre un peu les choses au clair, et de donner une définition simple de ce qu’est l’athéisme et aussi de ce qu’il n’est pas.

Point de départ

Avant de vous écrire ma définition de l’athéisme, il est important de se rappeler le fait qu’il existe sur Terre un énorme ensemble de mythes, de croyances, de légendes, d’histoires miraculeuses, et surtout une liste impressionnante de dieux et de divinités, qui selon les religions et les lieux, ont été proclamés uniques ou faisant partie de grandes familles célestes, aussi variées que le furent les diverses époques de l’Humanité.

L’athéisme n’aurait donc aucune raison d’exister aujourd’hui si l’homme vivait partout en parfaite harmonie avec ce (seul) monde réel qui l’entoure, sans créer à foison des myriades de légendes imaginaires sur tout ce qu’il ne connait pas ou tout ce qu’il craint viscéralement.

Définition de l’athéisme

La définition que je vous propose ci-dessous est une définition que je dirais basée sur “l’insuffisance de preuves”.

L’athéisme est un courant de pensée hétéroclite qui constate, de façon générale, le manque flagrant de preuves solides à propos de l’existence d’innombrables divinités que les religieux ont inventé de tous temps et qui ont été présentées à l’homme comme porteurs de vérités suprêmes indiscutables.
Même les ébauches de preuves un peu plus structurées des théologiens, quand ces ébauches existent, semblent toujours bien ténues aux yeux des athées, à tel point qu’il leurs est impossible de considérer un seul instant, serait-ce même avec une très faible probabilité, que leurs croyances religieuses puissent être vraies.

Certains diront, avec justesse, que c’est parce que ce sont des croyances qu’il n’y a pas de preuves à apporter. Mais nous sommes ici dans l’optique de l’argumentation philosophique, notamment lorsque croyants et athées débattent ensemble sur les raisons de l’existence de l’Univers dans lequel nous évoluons. Dans ce cas, au sein d’un débat, les preuves de ce que l’on avance sont toujours exigées par les intervenants.

L’athéisme n’est pas une croyance

Par cette définition, on peut maintenant dire avec clarté que l’athéisme naît d’abord d’une analyse poussée des diverses croyances proposées par les religieux d’hier et d’aujourd’hui. L’athée devrait donc être, selon moi (et ceci est en parfait accord avec la personne qui écrit cet article), quelqu’un qui se renseigne un maximum sur l’histoire et le contenu des religions du monde entier, notamment via leurs livres de référence (Bible, Coran, Talmud, etc…).

L’athéisme n’est donc pas une nouvelle croyance de plus parmi d’autre, ou encore une croyance qui viendrait remplacer celles qu’il réfute. Non, l’athéisme est plutôt une constatation de l’insuffisance des preuves que les religieux présentent aux hommes pour justifier leurs actes, leurs légendes, leurs rituels ou leurs insistances à proclamer que des divinités existent dans ou au-delà de notre monde réel, et qu’il vaut mieux s’y soumettre maintenant et sans réserve.

Donc, quand un athée dit “Je ne crois pas en Dieu”, il faut entendre : “Il n’y a pas assez de preuves valables pour que je puisse admettre un seul instant que l’existence de Dieu soit un tant soit peu probable.” On peut donc totalement enlever le verbe “croire” du sens de la phrase “Je ne crois pas en Dieu”. Précisons-le encore une fois : l’athée ne s’impose donc pas une croyance, même pas une croyance négative, c’est avant tout quelqu’un qui réfute en usant de sa réflexion !

L’athéisme est donc demandeur d’une participation de plein droit aux débats des opinions théologiques. Mais il n’a pas la prétention d’apporter une vérité unique qui lui serait propre et qui viendrait contrebalancer triomphalement toutes les autres croyances humaines.

L’athéisme, c’est la libre-pensée

L’athée est donc une personne libre, qui reste ouverte à toutes les opinions philosophiques et scientifiques concernant notre monde et la façon dont les hommes y font usage de leur seule et unique vie. L’athée est capable de se construire sa propre opinion sur les phénomènes et sur les gens qui l’entourent, sans devoir obligatoirement se référer à une autorité ecclésiastique, qui lui imposerait un quelconque ajustement “forcé” de ses opinions à des dogmes existants et inébranlables. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne consulte pas abondamment les ouvrages éclairants des grands philosophes ou les innombrables livres de vulgarisation issus de l’activité scientifique humaine.

L’athée est aussi libre de se constituer sa morale, en accord avec ses idées et sa sensibilité. Libre de rechercher, comme l’explique très bien M. Robert Spaemann dans son livre “Notions fondamentales de morale”, la part commune de la morale qui peut être considérée comme universelle, valable pour tous les êtres humains. Surtout quand on sait que la morale est totalement indépendante du monde religieux, c’est un fait qu’on ne démontre plus aujourd’hui. Même M. Spaemann, qui est chrétien, ne parle jamais de son Dieu pour expliquer les fondements de la morale, dans aucun des paragraphes de son livre passionnant.

L’athéisme n’est pas une religion

Il n’y a pas de prêtres dans l’athéisme, pas de rites, pas de ridicules et hypocrites périodes de jeûne quand des gens meurent de faim, pas de coutumes ancestrales à reproduire sans les comprendre, pas de dogmes statiques qui n’évoluent pas avec le savoir toujours croissant de l’Humanité, il n’y a pas de croyances propres liées à la définition de l’athéisme, il n’y a pas de prophètes manipulateurs à suivre les yeux fermés pour mieux se faire lobotomiser. L’athéisme ne demande aucun sacrifice, et ne mène pas à l’insidieuse culpabilité d’exister, telle que proférée par le Christianisme. Pas de soumission ni d’agenouillement devant un Dieu cynique qui transforme des peuples entiers en moutons bêlants à l’unisson, et qui doivent craindre un enfer réputé horrible : lieu de torture éternelle sorti tout droit des mains de ce Dieu-même, plein d’amour… C’est tellement absurde cette croyance à l’Enfer, et aussi au Paradis, que je ne peux pas m’empêcher d’être ironique à chaque fois que j’y songe !

L’athéisme naît d’abord de la réflexion et ensuite du refus de gober tout ce qu’inventent les théologiens pour vous asservir à leurs dogmes. Dogmes qui n’ont qu’une finalité : vous enlever toute la saveur heureuse de votre seule existence réelle.

Vers où marche l’athée ?

L’athée marche vers sa mort certaine et inéluctable, et cela sans ressentir ce sentiment de désespoir qui fait frémir les croyants à l’idée d’un monde non créé divinement. Ce désespoir-là n’est, lui aussi, finalement, qu’une création religieuse.

Car le mot vie ne devient pas synonyme du mot vide pour l’athée qui a compris que les Dieux n’existent pas, puisqu’ils ne sont qu’inventions humaines. Au contraire, sans Dieu, c’est le mot existence qui reprend tout son sens : l’homme peut enfin prendre pleinement son existence en main, dans sa réalité quotidienne.

L’athée n’a qu’une seule et unique vie pour vivre proche des gens qu’il aime, oui, qu’une seule vie pour être heureux, qu’une seule vie pour apprécier la beauté de la Nature, qu’une seule vie pour faire le bien, qu’une seule vie pour profiter intensément de chaque instant, qu’une seule vie pour atteindre l’harmonie et l’accord avec soi-même, qu’une seule vie pour construire sa sagesse et en transmettre un peu à ses descendants, avant que ne se termine son existence.

Une seule vie, c’est à la fois peu et beaucoup.

L’athée, très souvent, pleinement conscient de son humanisme et de l’importance de la fraternité avec ses semblables, n’aura qu’une grande envie fondamentale : devenir un être humain toujours meilleur (le fameux “plushomme” de Nietzsche) et contribuer, même modestement, à la construction d’une société plus juste et épanouissante : seul objectif raisonnable que l’on peut espérer voir un jour sur Terre et qui serait plus merveilleux encore que ces promesses absurdes de Paradis chimériques.

En fait, les athées ne craignent pas la mort, surtout quand ils suivent le plus beaux des conseils du grand savant italien :

Comme une journée bien remplie apporte un paisible sommeil, ainsi une vie bien employée apporte une mort paisible.

Léonard de Vinci [Codice Trivulziano.]

Calogero GIGANTE