Non, l’euthanasie n’est pas un crime par Noël Rixhon

Interviewé dans Le Soir du 10 octobre, Tommy Scholtès, attaché de presse de la Conférence épiscopale belge, tient des propos qui laissent pantois. Il s’agissait de l’euthanasie actuellement en débat sur la possibilité de son élargissement aux mineurs.

Il commence par confondre gravement majorité juridique et maturité psychique, morale. N’est-il pas indécent et déplacé de comparer et mettre sur le même pied, d’une part, achat, vente et conduite d’une voiture qui requièrent la majorité juridique, impliquant divers engagements vis-à-vis de tiers, et, d‘autre part, confrontation d’une personne, quel que soit son âge, à sa propre fin de vie et qui n’engage qu’elle-même et pour elle-même ? C’est bien de sa propre mort qu’il s’agit, même si elle se voit contrainte de recourir à l’assistance d’une tierce personne. La question mise en débat est bien celle de la maturité d’un mineur face à une décision aussi grave. Faudrait-il rappeler à T. Scholtès que l’Église a fixé à 7ans l’ « âge de raison » qui permet à un enfant de faire sa première communion, et à 12 ans l’âge de faire sa « profession de foi », lui reconnaissant déjà un certain degré de maturité ? De par ce qu’il vit et souffre physiquement et moralement, un enfant, un adolescent ne connaît-il d’ailleurs pas mieux la situation qu’il vit que des adultes enferrés dans des intransigeances religieuses et autres, non confrontés dans leur chair aux affres de l’existence ni à un profond mal-être. Lorsque quelqu’un, mineur ou adulte, a décidé d’en finir avec sa vie pour des raisons qui sont les siennes propres, en outre partagées, remises en question auprès de personnes de confiance, qui oserait encore prétendre lui faire prendre conscience de ce qui est en jeu et qu’il connaît mieux que quiconque ?

T. Scholtès n’en reste pas là et ose dire quant à la position de l’Église sur l’euthanasie : « Nous ne partons jamais d’une question de foi ou de religion, mais d’une question philosophique sur ce qu’est la vie », et pourtant il termine son argument en affirmant : «Comme chrétien, on ne pourra jamais être d’accord avec l’euthanasie ». Alors quoi ? Le christianisme serait-il, pour cette cause, ramené au seul plan philosophique, dépourvu de son caractère essentiellement religieux ? Et quand T. Scholtès définit sa vie comme sienne, mais ne lui appartenant pas, n’appartenant qu’à la communauté, à son entourage, à ses parents qui l’ont mis au monde, sa vie dont, par conséquent, il n’a pas le droit de disposer librement, il est tout à fait clair qu’il sous-entend – se gardant intentionnellement de le préciser alors qu’il s’agit bien de sa foi – que sa vie, comme celle de tout être humain, n’appartient qu’à Dieu ! Pourquoi donc escamoter sa « foi » et son « Dieu » ? Ces vocables ne seraient-ils plus porteurs ? Pense-t-il atteindre ainsi un public plus large que les croyants ? Croit-il que les athées sont incapables de lire entre les lignes? Serait-ce là une nouvelle stratégie de l’Église ? C’est raté !

Cette Église, pas plus que d’autres, n’ayant pas à se poser, encore moins s’imposer en détentrice de la vérité, de quel droit interdirait-elle à tout être humain de disposer librement de sa vie ? Il est évident, faut-il le rappeler, que personne parmi les humains n’a demandé de venir dans ce monde. Au nom de quel principe, tout être humain serait-il dès lors dans l’obligation absolue de subir cette vie, qui d’ailleurs, pour d’aucuns en grand nombre, n’est ou ne fut pas un cadeau, loin s’en faut ? Nous sommes nés libres et égaux en dignité et en droits, ces droits n’excluant aucunement pour chaque humain de se situer librement face à sa propre vie et, par conséquent, à sa propre mort et d’en disposer selon sa conscience. Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas le respect de  la vie,  mais celui d’une personne humaine (mineure ou adulte). L’aider, la soutenir dans sa décision devenue irrévocable d’en finir avec sa vie, ce n’est pas poser un geste qui donne la mort, c’est lui procurer l’indicible et incomparable soulagement de s’en aller enfin le plus doucement possible selon sa volonté, entourés des siens. C’est lui rendre le service qu’elle réclamait de tout son être, un service éminemment humain et particulièrement émouvant.

Noël Rixhon