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La Confession romaine de Percy Bysshe Shelley

Posté le 24 novembre 2020 Par ABA Publié dans Athéisme Laisser un commentaire

Marco Valdo M.I.

Dans cette Confession romaine, comme dans les précédentes entrevues fictives [1], un Inquisiteur tente de cerner l’athéisme de l’impétrant ; c’est le métier d’Inquisiteur de faire parler les suspectes et les suspects d’hérésie – « Parlez, parlez, nous avons les moyens de vous faire parler »[2]. On trouve face à l’enquêteur Juste Pape, le suspect Percy Bysshe Shelley, né près de Horsham, Sussex en Angleterre – un des grands poètes romantiques britanniques, en rupture totale avec son milieu et avec la société anglaise de son époque. Athée, révolutionnaire et végétarien[3], il se noie à trente ans au large de Viareggio en Toscane, duché de Lucques, qui était à l’époque sous domination autrichienne. Pour constituer son dossier, l’Inquisiteur se réfère aux Écrits de combat de Percy Bysshe Shelley[4].

Bonjour, Monsieur Shelley. Je suis Juste Pape, enquêteur de l’Ovraar[5] en mission spéciale. Je voudrais tout d’abord m’assurer que vous êtes bien, Monsieur Percy Bysshe Shelley, né près de Horsham, Sussex en Angleterre en 1792.

C’est en effet un excellent résumé de ma biographie, du moins pour le début.

À vrai dire, Monsieur Shelley, mon dossier aussi vous définit comme athée, mais peut-être était-ce une foucade de jeunesse et que vous avez reconsidéré cette aberration et êtes retourné dans les bras du Seigneur, même si vous n’êtes pas revenu dans le giron de la Sainte Église, car ce serait quand même mieux que d’avoir persisté dans cette irréparable erreur – rendez-vous compte : mourir sans Dieu, c’est finir à coup sûr en Enfer ; c’est ce point-là qu’il me faut éclaircir.

Pour ce qui est des flammes de l’Enfer, j’ai devancé l’appel et je suis monté dans les volutes marines d’un feu de bois aromatisé aux herbes de Toscane. C’était chaud et réconfortant de partir ainsi sous les regards de mes amis Georg Byron, Leigh Hunt et Edward Trelawny. C’est lui, Trelawny, qui en 1823 me fit gagner ma retraite du cimetière du Testaccio de Rome[6]. Quant à finir athée, Monsieur l’Inquisiteur, je le suis resté et assez enthousiaste de l’avoir été et de l’être encore – même mort.

L’avoir été et l’être encore ? Même par-delà la mort ?

Athée perinde ac cadaver, certainement, Monsieur l’Inquisiteur romain. Il y a maintenant plus de deux cents ans quand j’étais étudiant à Oxford, c’était en 1811, j’avais (avec mon ami Thomas Hogg) développé un argumentaire concernant la non-existence de Dieu. Il était intitulé The Necessity of Atheism – La Nécessité de l’Athéisme (C73-83)[7]. Ceci me paraissait avoir définitivement réglé la question et depuis, je n’en ai plus démordu. Je cite de mémoire l’avertissement que j’avais lancé à l’époque : « Dieu n’existe pas ! Par défaut de preuve. [signé] Un athée. » Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir sollicité la partie adverse (C73), mais jamais rien n’est venu contredire ce petit pamphlet, qui dès le départ avait énoncé tout simplement la réalité du monde. Par-delà la mort ? Évidemment ! Pourquoi ? Eh bien, car Percy Bysshe Shelley vit encore dans ses écrits : verba volant, scripta manent – Les paroles s’envolent, les écrits restent ; du moins tant qu’il existera quelqu’un pour les lire. Par parenthèse, et personnellement, je ne parierais pas sur l’éternité.

Soit, Monsieur Shelley, mais voulez-vous détailler un peu votre argumentaire.

Pourquoi pas, Monsieur l’Inquisiteur. Il y a une distorsion, une brèche entre le réel et la croyance qu’un ou des dieux puissent exister. En somme, d’une part, il y a le réel, autrement dit le monde, l’univers, le multivers, le cosmos dans lequel nous vivons et d’autre part, il y a la croyance en on ne sait quelle entité polymorphe et insaisissable, dès lors pratiquement inexistante. D’un côté, le réel, c’est-à-dire quelque chose de tangible, qu’on peut atteindre, qu’on peut vérifier, tester, expérimenter et d’un autre côté, même pas un vide, même pas un néant : rien. Rien, la brèche débouche sur du rien que vous remplissez de croyance. Vous comprenez sans peine qu’il est possible de croire à vraiment n’importe quoi et vous savez pertinemment que les exemples ne manquent pas d’animaux légendaires, d’elfes, de lutins, d’anges, de Pères Noël, de divinités, d’anges, de démons, de monstres, de fantômes, d’ectoplasmes, de mondes imaginaires, tels que ceux de Savinien Cyrano[8] ou le « Disque Monde » de Pratchett[9] (et son fabuleux appendice « La Science du Disque Monde » – fabuleusement athée, comme il se doit)[10] – tous purs produits de l’imagination humaine, inventés ou perçus avec ou sans substances hallucinogènes et tous irréfutables à l’égal des dieux.

Oui, dit l’Inquisiteur, mais si vous vouliez un peu simplifier votre discours, le ramener à ses éléments essentiels. J’insiste, car moi, je dois rendre des comptes en haut lieu.

D’accord, Monsieur l’Inquisiteur, je vais présenter mon argumentaire réduit à l’essentiel[11]; vous verrez, c’est assez simple. Il y a deux possibilités de croire en un ou plusieurs Dieux : soit vous-même vous voyez ou vous entendez, en quelque sorte directement, un ou plusieurs Dieux – de préférence, sans substances éclairantes, alors il se peut que vous vous mettiez à croire en un ou plusieurs Dieux ; soit par peur du vide – comme la nature, vous avez horreur du vide, donc, par peur de ce rien que vous hallucinez, l’idée de croire vous chiffonne et vous cherchez des raisons de croire en Dieu. Dès lors, ces raisons ne peuvent être que des arguments logiques, même s’il s’agit d’une logique carrément biscornue et mal établie ou bien, vous vous en remettez au témoignage ou aux affirmations d’autres personnes – ce qui ne fait que déplacer le problème.

Jusque-là, dit l’Inquisiteur, je vous suis, même si je ne puis marquer mon accord sur une telle démarche intellectuelle qui ose parler de Dieu, de la croyance et de la religion comme de choses analysables. Je vous rappelle qu’il est impie de vouloir pareillement les décortiquer. On ne peut quand même pas éplucher le sacré de pareille façon. Mais revenons à votre argumentaire.

En effet, Monsieur l’Inquisiteur, je disais déjà dans La nécessité de l’athéisme (C79) que toutes les notions religieuses sont fondées uniquement sur l’autorité ; toutes les religions du monde interdisent l’examen de leur fondement et ne veulent pas que l’on raisonne ; c’est l’autorité qui veut qu’on croie en Dieu ; ce Dieu n’est lui-même basé que sur l’autorité de quelques hommes qui prétendent le connaître et venir de sa part pour l’annoncer aux gens de la Terre. Ce Dieu fait par les hommes a sans aucun doute besoin des hommes pour se faire connaître aux hommes. On se demande bien pourquoi il ne le fait pas lui-même.

Mais, Monsieur Shelley, des siècles de théologie ont apporté des arguments qui cautionnent totalement l’existence de Dieu. Vous les contestez comment ?

C’est exact, des arguments séculaires cautionnent l’existence de Dieu et je les conteste. Premièrement, Dieu doit être une bien misérable chose pour avoir besoin de la caution des hommes pour exister. C’est là une situation ridicule. Mais procédons avec ordre dans l’examen. Donc, Monsieur l’Inquisiteur, on pose généralement la cause première comme argument le plus solide en faveur de l’existence d’une divinité. Ça ne tient pas debout ; il n’y a aucune raison de croire que l’univers ait une cause première ou quand bien même il en aurait une, que cette cause soit une divinité, sans compter la mise en abîme de la cause première elle-même. Pourquoi pas une avant-première cause et ensuite, une avant-avant-première cause ? Et ainsi de suite. Pour ce qui est du témoignage d’autrui, c’est juste reculer pour mieux sauter dans vide ; en quoi, l’opinion d’autrui reposerait-elle sur de meilleures bases que la mienne ? Et quand bien même, il faudrait établir ces bases et discuter de ces bases et non de l’opinion elle-même. Croire sur paroles revient à croire la parole, mais la parole de qui ? À cet égard, je vous rappelle ce principe élémentaire de sémantique générale[12], établi je le concède en votre XXe siècle : « la carte n’est pas le territoire » ; ce qui veut dire aussi que le mot n’est pas la chose et que la parole n’est pas le fait. Là comme ailleurs dans la vie, il faut se méfier des charlatans et des escrocs qui disent, promettent, ne prouvent rien et ne tiennent jamais. Se fier à la seule opinion d’autrui en une matière si sérieuse, ce n’est pas sérieux. La situation est pire encore, si on avance l’hypothèse que la croyance serait une injonction ou un don de Dieu, car là, c’est le serpent qui se mord la queue : croire en un Dieu parce que ce même Dieu a dit de croire en lui, c’est vicieux. Sans compter évidemment qu’un autre Dieu ou plusieurs autres divinités peuvent dire la même chose. Non, vraiment, je ne vois pas de raison de croire en Dieu et en vérité, je vous le dis : croire en Dieu sans raison est déraisonnable.

Décidément, Monsieur Shelley, vous n’y allez pas de main morte.

Allons, allons, Monsieur l’Inquisiteur, prenons votre Dieu. S’il est infiniment bon, quelles raisons aurions-nous de le craindre ? Pourtant, selon ses thuriféraires, il donne lui-même expressément l’ordre comminatoire de le craindre. S’il sait tout, pourquoi l’avertir de nos besoins, pourquoi lui adresser des prières ? S’il est juste, comment croire qu’il punisse des créatures qu’il a lui-même remplies de faiblesses ? (C78-82) S’il est tout depuis toujours, qu’aurait-il pu créer de plus ? Et puis, il est impossible de croire que l’esprit qui imprègne cette machine infinie ait enfanté un fils dans le corps d’une femme. Toutes ces pauvres fables sur le Diable, Ève et l’Intercesseur, avec les enfantillages de Dieu sont irréconciliables avec la connaissance des astres. Des millions de soleils nous entourent, tous accompagnés de mondes innombrables et cependant calmes, réguliers et harmonieux, ne s’éloignant pas les voies de l’inaltérable nécessité.

C’est terrible tout ce que vous dites, Monsieur Shelley.

Oh non, Monsieur l’Inquisiteur, car vous n’avez pas tout entendu ; je ne vous ai encore rien dit de la Reine Mab[13] (C.90-189). La reine Mab est cette reine des fées de la tradition celtique fort célèbre et populaire chez nous ; je lui ai consacré un poème philosophique, dont elle est la protagoniste. En substance, ce poème expose que le passé et le présent sont caractérisés par l’oppression, l’injustice, la misère et la souffrance causées par les monarchies, le commerce et la religion. Pour l’avenir, une utopie émergera. Mab avance deux idées-clés : 1) la mort n’est pas à craindre ; 2) l’avenir offre la possibilité de la perfectibilité. L’humanité et la nature peuvent être réconciliées et travailler de concert et en harmonie, et non l’une contre l’autre. Tout un programme d’avant-garde qui a nourri les espoirs et les luttes des pauvres et des déshérités et contribué à l’édification de la pensée socialiste britannique. Donc, la Reine Mab – entendez moi-même – disait : C’est la nature qui a formé ce monde si beau, qui a répandu l’abondance sur le sein de la terre et qui a accordé la plus petite fibre de vie en un immuable unisson. Et elle dénonçait ceci : ce sont les rois, les prêtres et les hommes d’État qui ont flétri la fleur humaine dans son tendre bouton ; leur pouvoir instille un subtil poison dans les veines exsangues de la société avilie ; des propos spécieux, à l’heure insouciante de l’enfance, obscurcissent le brillant soleil de la Raison ; la force et le mensonge sont suspendus sur l’enfant dans son berceau ; la guerre est le jeu des politiques, le délice des prêtres, l’amusement de l’homme de loi, le métier gagé des assassins ; la guerre est le pain qu’ils mangent, le bâton sur lequel ils s’appuient. De graves hypocrites à la tête blanchie, dénués de toute espérance, de toute passion et de tout amour, soutiennent le système qui est la source de leur fortune. Ils n’ont à la bouche que trois mots : Dieu, Enfer et Ciel ! (C108-111)

Vraiment, Monsieur Shelley, en plus d’être athée, vous ou votre Reine Mab, vous tenez des discours d’une rare virulence, vous êtes un danger, on devrait vous bannir de la bonne société.

Rassurez-vous, Monsieur l’Inquisiteur, c’est ce qui s’est produit ; j’ai passé ma vie en exil. Mais poursuivons ce réquisitoire sur le plan de la morale et des relations humaines. L’état de la société où nous vivons est un mélange de sauvagerie féodale et d’imparfaite civilisation. La morale étroite et obscurantiste de la religion chrétienne ne fait qu’aggraver ces travers. Ce n’est que récemment que l’humanité a admis que le bonheur est le but unique de la science de l’éthique, comme de toutes les autres sciences, et que l’idée fanatique de la mortification de la chair pour l’amour de Dieu a été rejetée. La chasteté est une superstition évangélique, bonne pour les moines. Croyez-moi, Monsieur l’Inquisiteur, l’amour est libre : promettre d’aimer toujours la même femme n’est pas moins absurde que de promettre de croire au même credo – dans les deux cas, un tel engagement nous exclut par avance de toute vérification. Comme vous voyez, Monsieur l’Inquisiteur, le système actuel ne fait rien d’autre que produire des hypocrites. (C151-154)

Au fait, Monsieur Shelley, comment êtes-vous devenu athée ?

J’étais enfant quand ma mère alla voir brûler un athée. Elle m’y conduisit. Les prêtres vêtus de noir étaient réunis autour du bûcher ; la multitude regardait en silence ; le coupable monte au bûcher, le feu rampe autour de ses membres ; la foule insensée pousse un cri de triomphe, et moi, je pleure. Ne pleure pas, enfant, m’ordonne ma mère, car cet homme a dit : « Il n’y a pas de Dieu ! » Il n’y a pas de Dieu ! L’infini, au-dedans comme au-dehors, dément la création divine. L’orgueil humain invente les termes les plus solennels pour dissimuler son ignorance. La sainteté du nom de Dieu a justifié tous les crimes. Ses noms – Shiva, Bouddha, Jéhovah, Allah, Dieu ou Seigneur –, ses attributs et ses passions varient avec les dupes humaines qui lui élèvent des sanctuaires. Ces noms servent toujours, sur l’univers souillé par la guerre, de mot d’ordre à la désolation ; la terre gémit sous l’âge de fer de la religion et les prêtres osent bégayer le nom de Dieu de paix en faisant de la terre une immense boucherie. (C121-122) Voilà ce qui m’a fait athée : la cruauté et l’avidité de la religion et de ses prosélytes.

Décidément, Monsieur Shelley, je n’irai pas plus loin dans cet interrogatoire, je veux dire, dans cette confession et je ne me vois vraiment pas vous donner l’absolution. De toute façon et malheureusement, nous ne pouvons plus rien pour vous, ni contre vous. Néanmoins, allez-en paix !

Je vous salue bien, Monsieur l’Inquisiteur, et je retourne à mon domicile éternel, qui se trouve être à Rome. Cependant, ma fin et sa suite pourraient vous intéresser. On était en 1822, j’étais parti avec deux amis – le lieutenant Edward Williams et le mousse, Charles Vivian – faire une ballade maritime dans le golfe de La Spezia. Mon voilier, nom prémonitoire s’il en est, se nommait Ariel ; Ariel, un esprit ou d’une fée qui hante La Tempête, la plus italienne des pièces de William Shakespeare ; une pièce tellement italienne qu’on pourrait croire que son auteur était originaire de la Péninsule. Mais passons, ça nous emmènerait beaucoup trop loin, notamment à devoir parler de John Florio[14]. On était au milieu du golfe quand la tempête est arrivée et nous a noyés ; nos corps s’échouèrent sur la côte toscane. Les amis nous incinérèrent sur la plage de Viareggio et ensuite, nous portèrent à Rome. Comme vous le voyez, mon chemin m’a mené à Rome dans ce cimetière acatholique où se regroupent tant d’hérétiques. Depuis, j’ai le plaisir d’y résider en bonne compagnie, avec notamment : John Keats – qui m’y précéda (1821), et par la suite, mon ami Edward John Trelawny (1881) m’y rejoignit, puis, il y a là aussi, Antonio Gramsci (1937), Carlo Emilio Gadda (1973), Amelia Rosselli (1996) et Andrea Camilleri (2019). J’attends avec beaucoup de curiosité les suivants. Et pour répondre à votre inquiétude, je vis ma mort rigoureusement sans aucun Dieu.


Notes

  1. . Carlo Levi, Raoul Vaneigem, Clovis Trouille, Isaac Asimov, Jean-Sébastien Bach, Bernardino Telesio, Mark Twain, Satan, Savinien Cyrano de Bergerac, Michel Bakounine, Dario Fo, Hypatie, Cami, Dieu le Père, Émilie du Châtelet. ↑
  2. . Francis Blanche, in Babette s’en va-t-en guerre (1959). ↑
  3. . En 1886, lors de la première rencontre de la Shelley Society au Botany Theatre, Bernard Shaw aurait déclaré : « I am, like Shelley, a Socialist, an Atheist and a Vegetarian. » – « Je suis comme Shelley, un Socialiste, un Athée et un Végétarien. » – https://ivu.org/history/shelley/shaw-shelley.html ↑
  4. . Percy Bysshe Shelley, Écrits de combat, trad. Félix Rabbe et Philippe Mortimer, éditions de L’Insomniaque, Montreuil, 2012, 286 p. – toutes les références à cet ouvrage sont notées entre parenthèses : C suivi du numéro de la page ou des pages considérées. ↑
  5. . OVRAAR : voir note dans Carlo Levi. ↑
  6. . Cimetière du Testaccio à Rome : Cimitero acattolico di Roma. ↑
  7. . Voir note 4 ci-dessus. ↑
  8. . Voir à ce sujet : Savinien Cyrano de Bergerac, in Newsletter ABA (Association Belge des Athées) n°23, décembre 2018 et L’Athée, n°6, Revue de l’Association Belge des Athées, 2019, pp. 161-170. ↑
  9. . Terry Pratchett, Annales du Disque Monde, 41 volumes – au moins ! : ça dépend comment on compte et ce qu’on compte – Éditions françaises L’Atalante (Nantes) et Pocket (Paris) depuis 1993 – entre 15 et 20 000 pages. (à lire et relire – si, si, il y en a qui le font ; moi, par exemple). ↑
  10. . Terry Pratchett, Jack Cohen (biologiste, Université de Warwick), Ian Steward (mathématicien, Université de Warwick) – édition française : La Science du Disque Monde I, 544 p, 2007 ; La Science du Disque Monde II, Le Globe, 496 p., 2009 ; La Science du Disque Monde III, L’Horloge de Darwin, 448 p, 2014 ; La Science du Disque Monde IV, Le Jugement dernier, 432 p, 2015, L’Atalante (Nantes). ↑
  11. . Andrew Copson, Atheism’s aesthetic of enchantment (« L’esthétique de l’enchantement de l’athéisme »), Guardian, 2 avril 2011, London. (Andrew James William Copson, leader humaniste et écrivain né en 1980, est directeur général d’Humanists UK et le président d’Humanists International.) ↑
  12. . Ce principe de sémantique générale fonde une logique non-aristotélicienne et a été proposé et développé par Alfred Korzibsky, voir notamment Science and Sanity, première édition 1933. ↑
  13. . Percy Bysshe Shelley – Queen Mab ; A Philosophical Poem ; With Notes (La Reine Mab ; un poème philosophique ; avec 17 notes), éditeur Percy Bysshe Shelley, London, 1813, 156 p. ↑
  14. . Lamberto Tassinari, John Florio alias William Shakespeare, Le Bord de l’eau, 2016, Lormont (Gironde), 381 p. ↑
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La Confession libertine de la Marquise Émilie du Châtelet

Posté le 1 août 2020 Par ABA Publié dans Athéisme Laisser un commentaire

Marco Valdo M.I.

Dans cette Confession libertine, comme dans les précédentes entrevues fictives [1], un Inquisiteur tente de cerner l’athéisme de l’impétrante ; c’est le métier d’Inquisiteur de faire parler les suspectes et les suspects d’hérésie – « Parlez, parlez, nous avons les moyens de vous faire parler »[2]. On trouve face à l’enquêteur Juste Pape, la suspecte Marquise Émilie du Châtelet, née Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, à Paris en 1706 – femme de lettres, femme de haute éducation et de grande culture, mathématicienne et physicienne ; renommée pour avoir fait connaître en France les travaux de Newton et Leibniz. À côté de sa personnalité de femme savante, la Marquise avait aussi une vie de femme mariée, elle a eu quatre enfants ; coquette, portée sur les robes, les pompons, les rubans, les fanfreluches et les nœuds ; une femme forte, libre et libertine ; elle eut des amants, dont Voltaire (elle fut avec lui comme cul et chemise pendant quinze ans), le Duc de Richelieu et Maupertuis. Elle avait le goût des idées, de la conversation instructive, un solide penchant à l’indépendance et à la liberté de pensée.

Bonjour, Madame la Marquise. Je suis Juste Pape, enquêteur de l’Ovraar [3] en mission spéciale. Je voudrais tout d’abord m’assurer que vous êtes bien, Madame, la Marquise Émilie du Châtelet, née Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, à Paris en 1706.

Bonjour, Monsieur l’Inquisiteur, je le suis en effet et assez ravie de l’être.

À vrai dire, Madame la Marquise, je ne sais pas trop comment vous le dire, mais avec la circonspection la plus respectueuse, et pour tout dire, à ma grande consternation, on m’a demandé de vous recevoir et de vous poser principalement une question. Je vais aller tout droit au fait : mon dossier vous définit comme athée et c’est ce point-là qu’il me faut éclaircir. Je doute d’ailleurs très fort que vous le soyez du fait que vous êtes d’une famille catholique et que vous avez été inhumée en l’église paroissiale de Lunéville, petite ville dans l’est de la France.

C’est tout à votre honneur et à celui de votre congrégation, Monsieur l’Inquisiteur, de me dédouaner si habilement, car Lunéville à l’époque n’était pas en France, mais bien en Lorraine et croyez-moi, ça faisait toute la différence. À la cour de Lorraine, sous le règne de Stanislas qui, quoique officiellement catholique, était ouvert aux idées nouvelles et pratiquait la tolérance à l’égard des protestants et des athées. Il avait accueilli les francs-maçons persécutés à Paris. C’est d’ailleurs à proximité de la Lorraine, en mon château de Cirey, que je me suis réfugiée avec mon ami Voltaire, quand ses idées philosophiques menaçaient de le conduire une fois de plus en prison ; il vivait dans la hantise de la Bastille ; je ne pouvais supporter ce tracas, il gâchait nos soirées. Par ailleurs, pour répondre à votre interrogation, au moins sur un point et selon mon habitude, de manière un peu énigmatique, je vous rappellerai la fin de mon amie, la Baronne de Fontaine-Martel, qui n’avait jamais eu la foi. (L.28)[4]

Nous savons fort bien, dit l’Inquisiteur, que cette Baronne était tourmentée par une ombre et sa fille, Madame d’Estaing, disait : « C’est son irréligion qui la tourmentait, c’était le fantôme de sa perdition, le remords de son athéisme, les prémices de l’enfer ! » (L.53)

Monsieur l’Inquisiteur, il ne faut pas vous laisser aller à vous fier aux commérages et je vous conseille vivement de vous informer à meilleure source.

Justement, dit l’Inquisiteur, c’est ce que je fais. Alors, qu’en était-il vraiment de la Baronne ?

Ce qui la tourmentait au plus profond d’elle-même, Monsieur l’Inquisiteur, c’était d’avoir commis un enfant illégitime et secret avec un cocher ; c’était aussi de l’avoir abandonné dès son jeune âge. Elle l’avoua en une ultime et unique confession à un philosophe qu’elle logeait en sa demeure, je veux dire Voltaire. Au décès de la baronne, qui avait été assassinée, le lieutenant général René Hérault, pour des raisons de sûreté nationale et de secret policier, avait fait venir le curé de Saint-Eustache afin que ce dernier confirme qu’il l’avait lui-même confessée et qu’elle avait reçu de lui l’absolution, ce qui permettait à la baronne athée d’être inhumée dans les formes – entendez en terre chrétienne (L.44-45). Pour le premier policier de France, il s’agissait aussi d’étouffer dans l’œuf tout scandale, ce qui était nécessaire à la tranquillité publique ; l’État et la Religion y tenaient. On pouvait être athée tant qu’on voulait, mais ce devait être confidentiel. En somme, on était athée caché ; mais la façade devait être religieuse ou à l’extrême limite, déiste.

Hum, je vois, dit l’Inquisiteur. Il paraît que pour l’inhumation, on a fait de même avec le corps de Voltaire. Par ailleurs, le baron d’Holbach tout comme Diderot, tous deux athées affichés, furent enterrés à l’église Saint-Roch à Paris[5].

Ça, je ne le sais pas, dit la Marquise, j’étais déjà sous la paroisse. Assurément, personne n’avait envie de finir jeté à la voirie. En ce qui me concerne, on certifia tout ce qu’il fallut, surtout mon frère l’abbé Élisabeth-Théodose Le Tonnelier de Breteuil, qui comme vous le savez certainement, fut prieur commendataire de Saint-Martin-des-Champs et agent général du clergé de France jusqu’à sa mort en 1781. Cependant, je vous ferai remarquer que si je suis en un lieu consacré, c’est sous un épais marbre noir et sans aucune mention de mon nom. Mais dites-moi, Monsieur l’Inquisiteur, selon vous, selon vos dossiers, j’entends, du point de vue de l’Église, quelle fut la fin de Voltaire ?

Je comprends, Madame la Marquise, votre souci. Eh bien, voici. Voltaire, sentant sa fin prochaine, a voulu se prémunir contre un refus de sépulture, car lui non plus n’aimait pas l’idée d’être jeté à la voirie et comme l’avaient fait avant lui d’autres philosophes impies ou athées comme Fontenelle ou Montesquieu, il a fait venir un prêtre à qui il a remis une confession de foi minimale en échange de son absolution. Bref, on trouva là aussi un arrangement et son neveu l’Abbé Mignot l’emporta discrètement en son abbaye de Sellières, près de Romilly et le fit tout aussi secrètement inhumer dans un caveau sous l’église. Après une Révolution et maintes tribulations, Voltaire finira au Panthéon. La chose est amusante : en le mettant au Panthéon, on a rangé Voltaire parmi les dieux. Pour ce qui est de l’Église, une vraie conversion finale, écrite et signée de la main impie, aurait été un triomphe et même, non écrite, l’Église aurait bien voulu faire croire à cette conversion du philosophe.

Oh, dit la Marquise, la conversion de Voltaire, c’est comme l’existence de Dieu. Si l’Église veut y faire croire, on a tout lieu de penser que c’est un mensonge (L.41)[6]. En fait, malgré toutes ses nombreuses dénégations et ses affirmations nébuleuses, filles d’une grande prudence, Voltaire était, en la matière, comme qui dirait, un athée clandestin. C’est par diplomatie que le philosophe s’était résolu au déisme.

Madame la Marquise, dit l’Inquisiteur, il me semble que vous étiez mariée et que ce n’était pas avec Monsieur Voltaire avec qui vous avez pourtant vécu jusqu’à la fin de votre vie.

Oui, Monsieur l’Inquisiteur, j’étais mariée avec le Marquis Florent-Claude du Châtelet-Lomont ; j’ai eu quatre enfants. Mariée, évidemment ! Et Monsieur de Voltaire était célibataire ! Que voulez-vous, c’était une nécessité et ce fut une grande chance que mon époux fut militaire, lieutenant général des armées du Roi.

Et pourquoi donc une chance ?, demande l’Inquisiteur. Et pour qui ?

Oh, Monsieur l’Inquisiteur. D’abord pour le Marquis : il aimait surtout jouer avec ses soldats ; moi, j’étais plus intéressée par les mathématiques et la philosophie. Le Marquis venait me faire des enfants, puis il retournait à ses affaires guerrières ; il s’agissait de perpétuer la lignée des Chastelet. Moi, je retournais aux miennes qui furent principalement scientifiques, mathématiques et philosophiques ; je m’y suis adonnée des années en compagnie de Voltaire : on s’intéressait particulièrement aux travaux de Newton ; je me chargeais de l’aspect physique et mathématique ; Voltaire s’intéressait plus à la philosophie. On se disputait à propos de Leibniz. Finalement, j’ai rallié le point de vue de Voltaire. Mais il y en avait d’autres ; ainsi, pour les mathématiques, Pierre Louis Moreau de Maupertuis et Alexis Claude Clairaut ; pour ma dernière flamme amoureuse, le Marquis de Saint-Lambert. Je vous révèle tout ceci sous le sceau de la confidence, évidemment.

Ainsi, Madame la Marquise, je vois qu’en dehors de l’apparence et des convenances, dans vos relations avec certains de ces messieurs, vous ne respectiez en rien la morale chrétienne et je soupçonne de plus en plus la vérité de votre athéisme.

Oh, Monsieur l’Inquisiteur, si le fait d’avoir des amants ou des maîtresses, ne fût-ce seulement qu’une ou un, est une preuve d’athéisme, alors, vous pouvez me croire, le monde est peuplé d’athées. Cependant, je ne vais pas éluder la véritable question de l’athéisme et de mon supposé athéisme. Voilà donc : l’être ou si vous préférez, l’étant – en fait, tout ce qui est présent au monde – le réel, est par sa nature même athée. C’est une certitude ; tout le reste est sujet au doute. L’humain, par son imagination, ajoute – hors du réel – des objets et des entités ; pour les faire exister, il doit leur offrir ou leur insuffler l’assurance de leur existence, il doit les gonfler d’une certitude forcément artificielle : ce sont des croyances. La croyance se fonde sur un principe de certitude, elle est affirmation sans preuve, sans preuve possible et sans même, la nécessité de l’établissement de cette preuve. Elle se fonde sur elle-même, elle est pure création, mais une création de l’homme évidemment ; en somme, c’est une élucubration. Quant à moi, je ne suis que doute, ce qui est une sage résolution, mais aussi une précaution dont on ne devrait jamais se départir. J’ai bien essayé la certitude, je la voyais fille de la passion. Comme principe, la certitude est une fausse assurance auto-confirmée sans retour sur elle-même. J’ai expérimenté cette voie toute ma vie ; chez moi, la passion est la source de l’amour (et comme vous le savez, selon les religions, Dieu est amour, son message est amour), elle est le fondement de la croyance en l’amour ; mise à l’épreuve du réel, elle se dissout plus ou moins lentement, pour renaître ailleurs ; autrement, parfois. Ainsi, j’ai mis, j’ai accepté de la croyance dans ma vie, c’était la passion, la passion amoureuse ; elle voulait donner un sens à l’existence ; l’amour était censé donner certaine consistance à ma vie. À la fin, la passion ne me donnait même plus de satisfaction. En fait, ma seule vraie croyance fut cette passion, la passion amoureuse, mais elle n’était là que parce que je voulais y croire. À l’opposé, le moteur de mon intelligence du monde est le doute, porté par la liberté et l’effort de comprendre. Soumise à cet examen libre de préjugés, la passion se révélait pour ce qu’elle était : une ivresse du sentiment. On dirait maintenant, une tempête neuro-physiologique. J’en reviens à votre question sur mon supposé athéisme. D’abord, une définition, si vous permettez : l’athéisme résulte d’une absence de réalité de Dieu ; l’athéisme est la constatation et l’affirmation de cette absence. Pour établir la réalité de quelque chose, il faut une certaine consistance. Un Dieu, si personne ne le loue, si personne ne l’enseigne, si personne ne le proclame, il n’est tout simplement pas. C’est une croyance ; a priori, il n’existe pas. Pour qu’un Dieu existe, il faut qu’au moins, un humain y croie ; il faut y croire, c’est d’ailleurs le commandement des religions et leur fondement essentiel ; elles n’hésitent pas à user de la force pour en convaincre les incrédules. À la réflexion, si la croyance peut se satisfaire des histoires bibliques, face au principe du doute, compris comme point de départ nécessaire, face à l’incertitude de telles fantaisies, moi, je ne peux suivre la croyance en de tels errements. Les dieux, Dieu, les croyances et toutes ces sortes de choses, ce sont des histoires, racontées par un idiot et ne signifiant rien[7].

Ça commence mal, dit l’Inquisiteur. Soit, mais au-delà ?

Mais au-delà ? Précisément, au-delà ? Quel au-delà, Monsieur l’Inquisiteur ? Laissons-le là, cet au-delà, il est hors champ ; le doute le submerge totalement. Cet au-delà-là n’est pas sérieux. J’ai suivi les travaux de Wilhelm Leibniz et j’ai traduit et commenté les Principes mathématiques d’Isaac Newton. Je l’avais d’ailleurs fait à l’instigation et grâce à Voltaire. Enfin, dans le meilleur des mondes possibles, celui de la croyance, la passion est infinie ; dans le monde réel, comme j’ai dû m’y résigner, même avec Voltaire, elle se meurt, elle s’évanouit, elle s’anéantit complètement. Ensuite, il reste le goût et c’est ainsi que nous avons écrit à quatre mains à propos de philosophie et de science.

Exactement, Madame la Marquise, on vous a vue vivre durant des années en compagnie de ce philosophe, réputé pour cacher son athéisme sous le voile d’un déisme improbable ; il traitait Dieu d’architecte.

Ce n’est pas le cas, répond la Marquise, Voltaire penchait plutôt vers la Suisse. En vérité, il était surtout question d’horlogerie, d’un monde plus en accord avec un univers mécanique, une sorte de grande machine auto-régulée, une grande histoire mathématiquement décodable.

Tout va donc très bien, Madame la Marquise, dit l’Inquisiteur, mais la croyance en Dieu est objet de foi. De ce point de vue, que dites-vous de Dieu, de la croyance en Dieu ?

La question, Monsieur l’Inquisiteur, est que la foi est croyance et que la croyance relève de l’émotion. Il convient de savoir ce qu’est l’émotion, comment elle se forme et d’où elle vient ? Pour ce que j’en ai perçu et ce que j’en sais, c’est un processus intime à chaque personne, elle ressemble à une sorte de processus chimique. Dieu est une réponse à la peur, à l’angoisse face au monde réel et à ses incertitudes et à sa certitude de la mort ; cette réponse crée une illusion pour donner le visage du bonheur au monde, pour lui fournir un analgésique face à l’angoisse existentielle, née de l’ignorance. Vouloir proposer Dieu et la croyance comme explication du monde ne m’a jamais paru une démarche acceptable et je pense qu’elle est malsaine. Face aux choses que nous ne comprenons pas, la seule voie qui tienne, c’est la Science, entendue comme l’étude de la Nature ; elle est la clef de toutes les découvertes ; et s’il y a encore plusieurs choses inexplicables en Physique, c’est qu’on n’a pas été assez loin dans cette Science.[8]

Et que faites-vous de la cause nécessaire ?, demande l’Inquisiteur.

Vous faites bien de poser la question, Monsieur l’Inquisiteur, et je vous en remercie, car il est temps de dégonfler cette baudruche. Certes, cette cause nécessaire figure dans mes Institutions de Physique, livre destiné à mon fils, dans le chapitre où je lui expose les idées de Leibniz[9], dont cette histoire de cause nécessaire est la clé de voûte ; une clé nécessaire pour mettre fin au vertige de la mise en abyme de la création du monde. Ce sont les ruminations de Leibniz, ce qui n’en fait pas les miennes pour autant ; il est donc inexact de m’attribuer cette croyance et on est plus dans l’erreur encore, si on y voit une preuve de l’existence de Dieu. Ainsi, c’est dit.

À propos de bonheur, Madame la Marquise, dit l’Inquisiteur, vous avez bien écrit un Discours sur le Bonheur [10] ; il est, je vous l’assure, fort apprécié des dames de nos temps[11] ?

En effet, j’ai écrit un tel ouvrage, Monsieur l’Inquisiteur, mais à titre strictement personnel et je suis un peu fâchée qu’il ait été publié.

Pour ce que j’en sais de ce Discours, dit l’Inquisiteur, vous y développez votre conception des choses et des manières de vivre et je voudrais savoir quelle place vous faites à Dieu, à ses conseils, à ses injonctions ; bref, aux commandements qu’il nous a faits. Quelle est au fond votre morale ?

Alors là, Monsieur l’Inquisiteur, pour la place de Dieu dans ma vie, ma réponse est simple : aucune. Dieu n’a rien à faire dans ma vie ; il n’a pas à régenter ma vertu et je me charge de trouver moi-même ma paix intérieure et mon contentement, notamment, ne vous en déplaise, en compagnie de Voltaire. Ma liberté de vie et de sentiment, mon bonheur sont pour moi, une tranquille évidence. Mes passions et mes goûts sont la boussole de mon existence. Il n’y a rien là que de naturel. Dès lors, vous comprendrez que je ne peux être une prosélyte, une apôtre ou une sectatrice. Pour que vous compreniez mieux encore ma disposition très féminine, je vous propose un petit saut dans le temps, chose que nous pouvons nous permettre à présent et de lire quelques lignes de ce poème de votre contemporain (ou presque) Jacques Prévert – poème adapté à une interprète féminine tout à fait remarquable : Juliette Gréco[12]. Ce poème s’intitule : « Je suis comme je suis » et je m’y reconnais pleinement. Tenez, je vous en sers un morceau :

Je suis comme je suis,

Je suis faite comme ça.

Quand j’ai envie de rire,

Oui, je ris aux éclats.

J’aime celui qui m’aime,

Est-ce ma faute à moi,

Si ce n’est pas le même

Que j’aime chaque fois ?


Notes

  1. Carlo Levi, Raoul Vaneigem, Clovis Trouille, Isaac Asimov, Jean-Sébastien Bach, Bernardino Telesio, Mark Twain, Satan, Savinien Cyrano de Bergerac, Michel Bakounine, Dario Fo, Hypatie, Cami, Dieu le Père. ↑
  2. Francis Blanche, in Babette s’en va-t-en guerre (1959). ↑
  3. OVRAAR : voir note dans Carlo Levi. ↑
  4. Frédéric Lenormand, La Baronne meurt à cinq heures, J.C. Lattès, Paris, 2011, 285 p., p. 28.Dans le texte, les chiffres entre parenthèses, comme ici (L.28), renvoient au numéro de page correspondant ↑
  5. Voir le site Cimetières de France et d’ailleurs, animé par Philippe Landru, professeur agrégé d’histoire, spécialiste des cimetières, empêcheur d’oublier en rond, organisateur de visites pour tous les publics. ↑
  6. Il s’agit en réalité d’une paraphrase d’une réplique de Voltaire au lieutenant de police Hérault, qui disait : « Les vampires ne me dérangent pas… Les Valaques ont leurs suceurs de sang, nous avons nos jansénistes et nos jésuites… Si l’Église n’y croit pas, nous avons lieu de penser qu’ils existent. » ↑
  7. William Shakespeare, « It is a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing. » – Macbeth : Act V, scène V, 26-28, in Complete Works, Oxford University Press, London, 1966, p. 868. ↑
  8. Émilie du Châtelet, Institutions de Physique, Prault fils, Quai de Conty, vis-à-vis la descente du Pont-neuf, à la Charité, Paris, 1740, 511 p., p. 2. ↑
  9. Ibidem, Chapitre II, De l’Existence de Dieu, p.p. 38 sqq. ↑
  10. Émilie du Châtelet, Discours sur le Bonheur, Édition critique et commentée par Robert Mauzi, Les belles Lettres, Paris, 1961, 203 p. ↑
  11. Voir notamment, Élisabeth Badinter, Émilie Émilie, l’ambition féminine au XVIIIe siècle, Flammarion, Paris, 490 p., 1983 et Florence Mauro, Émilie du Châtelet, Plon, Paris, 2006, 188p. ↑
  12. Jacques Prévert « Je suis comme je suis », Paroles, Gallimard, Paris, 1947, 256 p., chanson interprétée par Juliette Gréco. ↑
Tags : athées athéisme confession création dieu Émilie femme homme libertine libre Madame du Châtelet Marquise mathématicienne Philosophie physique Voltaire

Le briquet du tout puissant a-t-il allumé le Big Bang ? Vidéo

Posté le 5 décembre 2017 Par JF Publié dans Evenements ABA, Vidéos Laisser un commentaire

Le briquet du tout puissant a-t-il allumé le Big Bang ?

Présentation du livre Par Pierre Gillis et Claude Semay

« Le Big Bang, pense-t-on parfois, c’est l’origine du monde enfin identifiée. Cette théorie rend-elle un second souffle – scientifique cette fois ! – à l’idée d’une création du monde, renouvelant ainsi la chasse gardée traditionnelle de l’intervention divine ? La physique n’hésite plus à se poser des questions jadis réputées hors science – des questions inévitables, légitimes aussi. De l’atome primitif de Georges Lemaître à la cosmologie contemporaine, de la théologie à la relativité générale et à la théorie quantique des champs, de la flèche du temps aux spéculations sur les multivers, pour finir par questionner l’éventuelle (re)prise de ces nouveautés radicales par les religions, nos cinq contributeurs, tous physiciens (Léon Brenig, Pierre Gillis, Edgard Gunzig, Dominique Lambert et Claude Semay), relèvent l’immense défi conceptuel et pédagogique posé par le Big Bang. S’étonnera-t-on aussi qu’ils n’aient trouvé aucune trace de Dieu dans la physique moderne ? »

Par Sciences et Techniques au Carré

Le livre est disponible sur ici

Tags : Big Bang dieu physique

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