Garibaldi devant Rome

L’Italie, colonie du Vatican

Garibaldi devant Rome

Garibaldi devant Rome

Lucien Lane

Suite aux Accords du Latran et au Concordat signés en 1929 par Mussolini avec le Vatican, l’Italie était devenue une colonie du Vatican.

Garibaldi se retournait dans sa tombe.

En 1948, à la création de la République italienne, après la chute du régime fasciste, ces accords furent introduits dans la Constitution du nouvel État.

Garibaldi se retournait une fois encore.

En 1984, le gouvernement Craxi modifia la donne et mit fin aux effets dommageables du Concordat.

Où en est-on aujourd’hui ?

La question est complexe et la réponse simple : l’Italie est toujours une colonie du Vatican.

Garibaldi se tourne et se retourne… Quand sera-t-il enfin libéré de ce cauchemar ?

La Saint-Valentin à l’italienne

Cette année, on a fêtéc entre officiels vaticanesques et italiens – cet événement le 14 février, jour consacré à la Saint-Valentin et aux amours conjugaux ou illicites, quand on en connaît.

On avait récemment publié ici un article circonstancié intitulé « L’Athée et la Constitution ou la Trahison des Clercs en Italie »[1] dans lequel on faisait place à l’analyse de Piero Calamandrei, écrivain, juriste et homme politique italien, membre de l’Assemblée constituante. Il s’agissait d’une analyse relative à l’introduction des Accords du Latran, dans la Constitution italienne par le biais de l’article 7 – en une sorte de coup d’État rampant que Calamandrei fut parmi les premiers à dénoncer.

Piero Calamandrei présageait une évolution désastreuse pour la République italienne. Le temps ne lui a certes pas donné tort.

Revendications laïques – 2017

En Italie, des voix s’élèvent pour exiger une « révision du Concordat » et la remise en cause de cette monstruosité qu’est l’État du Vatican.

Mardi 14 février (2017), à partir de 16 heures, devant l’Ambassade d’Italie près le Saint Siège (une ambassade d’Italie en plein cœur de l’Italie ; absurde n’est-il pas ?), viale delle Belle Arti, 2, s’est déroulée la rencontre annuelle entre les représentants du gouvernement italien et les hauts représentants du Vatican pour « célébrer » l’anniversaire des Accords du Latran et du Concordat (« le baiser à la pantoufle »)[2].

Les Radicaux italiens et de nombreuses associations laïques ont donc organisé – ce même jour de Saint-Valentin 2017 au même endroit (mais devant le bâtiment) – une manifestation pour réclamer de l’État italien de :

  • revoir la norme du 8 ‰, qui donne à l’Église catholique plus d’un milliard d’euros par an ;
  • obtenir le payement de l’IMU par l’Église catholique – il s’agit de la taxe immobilière sur les biens ecclésiastiques : deux milliards d’euros par an ;
  • garantir des activités alternatives aux élèves qui demandent à être exemptés de l’heure de religion.

Les Accords du Latran

Les Accords du Latran avaient été un mirifique cadeau de Saint-Valentin fait par Mussolini à son amante religieuse. Ces Accords ne scellaient pas une rencontre d’amour, mais un mariage de dupes, sur le dos de la population italienne.

Par ces accords, la partie de bras de fer entre l’État italien et l’Église catholique, qui durait depuis 1870, se terminait par une victoire de l’Église vaticane qui reconquérait l’essentiel de ce qui avait été perdu lors de l’épisode de la Porta Pia, qui vit l’armée italienne abattre – le 20 septembre – la muraille d’enceinte de Rome, créant une brèche dans les fortifications, reprendre la Ville, abolir le pouvoir temporel des Papes et récupérer les États pontificaux.

Les Accords de 1929 stipulent que la prise en charge de ces frais avait été accordée « comme dédommagement de la fin du pouvoir temporel du pape lors de l’annexion de Rome au Royaume d’Italie après l’épisode de la Porta Pia de 1870 », mettant un terme à la « question romaine ».

L’Église catholique se voyait attribuer de nouveaux avantages substantiels et renforçait sa position.

Les Accords du Latran imposaient à l’Italie :

  1. la reconnaissance de la religion catholique comme unique religion d’État ;
  2. l’enseignement obligatoire de la religion (exclusivement catholique) dans les écoles publiques italiennes. Par obligatoire, il faut comprendre le double sens de ce mot : il y a pour l’école publique l’obligation de donner un cours de religion strictement catholique, mais aussi l’obligation d’imposer à tous les élèves la présence à ce cours ;
  3. le payement des émoluments des prêtres (catholiques exclusivement) – le tout à charge de l’État.

En droit, on parlerait d’un contrat léonin ; un type de contrat où une partie est manifestement lésée (en l’occurrence, l’Italie) et, en bon droit, l’Italie pourrait de ce fait légitimement en demander la résiliation.

1929 – Le donnant-donnant

Qu’avait lâché Mussolini (représentant l’État italien fasciste et le Royaume d’Italie) dans cette partie de donnant-donnant avec l’Église catholique et la papauté ?

Quelle concession avait-il dû faire (comme devra le faire presque vingt ans après, Togliatti, secrétaire général du PCI – Parti Communiste Italien) pour avoir une entente avec la vieille institution catholique ?

Il échangeait donc la neutralité (relative) de l’Église catholique à l’égard du fascisme contre le « baiser à la pantoufle », à savoir la reddition au souverain pontife de tout le peuple italien (on effaçait ainsi le
Risorgimento) et sa mise sous tutelle par l’Église catholique pour une durée indéterminée.

On dira qu’il avait échangé le droit à l’indépendance du peuple italien contre un plat de lentilles bibliques.

1948 – La trahison des clercs

En 1948, les démocrates-chrétiens, avec la complicité des communistes, confirmèrent tout cela en l’imposant dans la Constitution du jeune État, via l’article 7, qui dispose :

L’État et l’Église catholique sont, chacun dans son propre domaine, indépendants et souverains. Leurs rapports sont réglés par les Accords du Latran. Les modifications aux Accords, acceptées par les deux parties, ne requièrent pas de révision constitutionnelle.

Et c’est ainsi que l’Italie est devenue un Catholikistan.

1984 – La Révision manquée

En 1984, sous la conduite du socialiste Bettino Craxi, président du Conseil, il y eut une révision qui aurait pu arranger (partiellement) les choses.

Cette révision entraîna la disparition des trois points les plus controversés :

  • la religion catholique cessait d’être la religion d’État ;
  • l’enseignement de la religion (catholique) devenait facultatif ;
  • le financement des prêtres par toute la population était aboli.

La révision faite, on y mit immédiatement obstacle et en pratique, on ne l’appliqua que très imparfaitement.

Par parenthèse, Bettino Craxi dut fuir l’Italie quelque temps plus tard ; on trouva pour l’exiler d’autres (bonnes ?) raisons.

La conclusion de la révision de 1984 ?

À l’analyse, il se révèle qu’il y eut d’énormes concessions de l’État au profit de l’Église catholique et du Vatican.

Et même plus encore

Ainsi l’Italie, partie lésée, fut obligée de céder des avantages compensatoires encore plus élevés à la partie adverse – l’Église catholique.

Par exemple, et ce n’est pas exhaustif :

  • l’introduction de l’enseignement de la religion catholique dans les écoles maternelles ;
  • le passage à deux heures de religion catholique à l’école primaire (au lieu d’une seule précédemment) ;
  • le traitement « équivalent » (« équipollent ») à celui des écoles de l’État pour l’Enseignement catholique (privé) – en clair, le financement de l’enseignement catholique ; alors que la Constitution italienne prévoit la possibilité d’un enseignement privé, mais elle précise bien « sans coût pour les pouvoirs publics » ;
  • la reconnaissance de la « culture religieuse » et du catholicisme comme « patrimoine historique » (à quand un musée des conversions forcées, des bûchers et de l’Inquisition ?) ;
  • le financement de la construction et de l’entretien du « patrimoine religieux » par l’État ou les pouvoirs publics en dépit du fait que la propriété des biens en question a été rendue à l’Église par la même révision ;
  • l’extra-territorialité qui protège les membres de l’Église catholique ;
  • l’exemption des taxes sur les biens (IMU), mais aussi de la TVA sur les activités, y compris commerciales, de l’Église catholique et sur les dons faits à celle-ci ;
  • les privilèges accordés aux banques vaticanes.

La discrimination des non-catholiques est anticonstitutionnelle

Toutes ces concessions à l’Église catholique vont à l’encontre de la séparation de l’État par rapport aux religions (au pluriel) et surtout, à l’encontre de l’égalité entre tous les citoyens. Ce pour quoi, elles sont anticonstitutionnelles.

En effet, l’article 3 de la Constitution italienne stipule :

Tous les citoyens ont une égale dignité sociale et sont égaux devant la loi, sans distinction de sexe, de race, de langue, de religion, d’opinions politiques, de conditions personnelles et sociales.

Il est clair que ces concessions instituent ou perpétuent un grave déséquilibre au détriment des citoyens qui ne se réclament pas de La religion catholique.

Il y a là une situation de discrimination qui dans certaines de ses dispositions vont jusqu’à la mise au ban des athées et des autres citoyens non-catholiques.

La religion d’État et la diffusion virale des catholiques dans les partis

En Italie, la religion catholique continue à être pratiquement la « religion d’État » dans l’esprit et les comportements de la classe politique, qui reprend fidèlement en écho les exigences et les veto des autorités vaticanes.

En Italie, à présent et depuis de longues années, les politiciens de tendance catholique sont omniprésents et influents quasiment dans tous les partis et même au sein du plus grand parti de la gauche parlementaire, à savoir le PD, sigle pour le Parti Démocratique. Il n’y a quasiment plus de parti qui se proclame laïque et anticlérical et plus de politicien qui se déclare athée.

Fin de la Démocratie chrétienne

De son côté, le grand parti de la Démocratie chrétienne, qui avait dominé l’Italie de l’après-guerre pendant près de trente ans, a disparu du paysage politique italien et infiltré les autres partis.

On peut supposer qu’il ne s’agit pas là d’un mouvement fortuit et que cette dissémination virale correspond à une stratégie venue du plus haut, lequel « plus haut » doit s’être dit deux choses :

  • à force de durer au pouvoir, la Démocratie chrétienne perdait de sa crédibilité et tendait un peu trop à s’autonomiser.
  • pour contrôler l’ensemble de l’échiquier politique, il est prudent et d’un meilleur rendement de ne pas avoir tous ses œufs dans le même panier.

La Chaire ne suffit plus pour porter le message

Une autre forme d’ingérence vaticane, c’est la présence lourde et massive de l’Église catholique dans l’Italie d’aujourd’hui ; elle se fait voir et entendre quotidiennement dans et par les médias.

Historiquement, l’Église était à peu près le seul grand média dans la mesure où elle disposait du plus grand réseau de diffusion qu’étaient les chaires de ses églises et les prêches de ses officiants. Mais depuis longtemps, d’autres réseaux plus tonitruants se sont mis en place.

Il s’agissait donc d’user de techniques plus contemporaines, de procéder à un
aggiornamento, de mettre la main sur les médias ou de les amener à relayer la parole divine et celle de ses serviteurs.

Qu’en est-il sur le terrain ?

En tout premier lieu, on note l’omniprésence de l’Église, de ses messages et de ses représentants dans quasiment tous les programmes de la RAI – une radiotélévision (soi-disant) de Service public – mais c’est aussi le cas dans les radiotélévisions privées. Il en va de même de la presse qui pour l’essentiel se conduit en agence publicitaire de la catholicité.

L’enseignement de « La religion »

Dans les faits, l’enseignement de la religion catholique est toujours obligatoire en raison de la politique du ministère de l’Éducation
(Pubblica Instruzione), qui ne fait rien pour remplacer le cours d’endoctrinement religieux.

Pour les élèves qui demandent l’exemption du cours de religion catholique, quasiment rien n’est prévu, de sorte que la plupart du temps, ces enfants passent le temps de ces cours dans le couloir (les veinards !) comme s’ils étaient punis et expulsés de la classe.

Il s’agit là d’une mesure d’ostracisme et de discrimination qui n’a pas lieu d’être dans une école publique.

Que l’État réserve ses faveurs à l’Église catholique est tout aussi nettement visible dans le fait qu’il lui laisse la désignation des enseignants de son choix passant ainsi par-dessus toutes les règles et par-dessus les droits des milliers de jeunes enseignants, maintenus dans des situations précaires en attente d’un emploi.

Telle est la Catholie.

1984 – les nouveaux bénéfices de l’Église catholique

Comme la révision des accords en 1984 risquait de faire mal à la « pauvre » Église catholique, on remplaça immédiatement les aides perdues par le mécanisme du 8 ‰ et on y ajouta une série de bénéfices économiques et fiscaux, pour faire bonne mesure. Le tout « à charge » de tous les citoyens d’Italie, catholiques ou non, d’accord ou non.

Les subtilités du 8 ‰

Le 8 ‰ est un impôt dédié d’une valeur de 0,8 % que le contribuable peut attribuer à certaines institutions ou laisser à l’État, s’il ne spécifie rien. En gros, il suffit de cocher (ou de faire cocher) une case sur la feuille d’impôt.

La majeure partie du 8 ‰ (plus de 80 %) est reversée à l’Église catholique. Le mécanisme est simple et se résume à un véritable tour de passe-passe.

La subtilité qui favorise l’Église catholique (qui attire moins de 35 % du choix global), c’est que ce qui n’est pas spécifiquement dédié doit rentrer dans les caisses publiques, mais est ristourné par l’État aux institutions bénéficiaires prévues par la loi au
pro rata de l’importance de ce qui leur a été dédié. C’est ainsi que 35 % se convertissent en plus de 80%.

L’Église catholique qui quadrille de sa propagande millénaire le territoire, qui investit les médias et qui manipule les contribuables les plus faibles en les « aidant » à remplir leurs déclarations d’impôt, tire une fois encore le gros lot. Et il est énorme : en 2016, environ un milliard d’euros.

Une étude publiée en 2007 montrait que les financements directs ou indirects de l’État et des pouvoirs locaux, la rétrocession à l’Église catholique de la majorité du 8 ‰ et les exemptions de taxes, les salaires des enseignants de religion catholique, le financement des « grands événements » (religieusement encadrés par l’Église catholique) se montaient au total à plus de 4 000 000 000 d’euros par an, soit pour ceux qui se souviennent des francs belges, la bagatelle de 160 milliards par an, soit un pont sur le Détroit de Messine chaque année, soit encore les dédommagements d’un ou deux tremblements de terre.

Et c’était il y a dix ans. Aujourd’hui, ce « budget » a dû plus que doubler ; on parle, en effet, de huit milliards en 2016.

L’Église catholique et l’occupation de l’Italie

Il est un fait qui est rarement noté par les observateurs, c’est la place « physique » de l’Église dans un pays.

Dans le cas de l’Italie, (chiffres de 2000), l’Église catholique y compte plus de 16 500 instituts religieux (comprenons établissements d’enseignement), 27 000 paroisses et environ 16 000 institutions de natures diverses. Il y a donc sur le territoire italien environ 60 000 lieux où l’Église catholique affirme sa présence.

En contrepartie, l’Italie se compose de 7 983 communes.

Que penser de la place de l’Église catholique, comme institution temporelle, physique, occupant ainsi le territoire ?

Tout simplement qu’elle a établi, au cours des siècles, un véritable quadrillage de la société, une toile parallèle à l’organisation administrative du pays, un réseau qu’elle fait financer par les fonds publics, y compris par les citoyens non-catholiques.

Dans les pays démocratiques, aucun parti politique n’a jamais disposé d’une telle imprégnation territoriale.

Sans compter le rôle d’agence de renseignement, de propagande et de persuasion psychologique et mentale que constitue le réseau des paroisses et la pratique un peu particulière de la confession.

Sans compter les crucifix dans les écoles et les lieux publics, les calvaires, les chapelles, les monuments, les cloches, les processions, les bénédictions, les pèlerinages et autres manifestations publiques.

Par ailleurs, un tel maillage et un tel harcèlement, opérés depuis des siècles, ne sont pas sans raison, ni sans effet.

Alors même que les paroisses sont désertées, il s’agit d’occuper le terrain pour saturer les esprits, d’éviter que les citoyens n’oublient les appels à la transcendance.

Les effets sur les gens

Quant aux effets, ils sont considérables pour tous les citoyens. Les conséquences financières colossales (sans compter le recel et l’accumulation de ce qui a été engrangé par le passé), la pression sociale discriminatoire – il y a toujours une église près de chez vous et si vous n’y allez pas au moins pour certaines cérémonies ou circonstances, vous êtes mis à l’écart de ce système communautaire, pointé du doigt et l’objet de toutes sortes de racontars. D’autant qu’en raison de votre mécréance, il y a peu de chance que l’Église catholique puisse capter votre héritage.

C’est une atmosphère étouffante à laquelle il est difficile de se soustraire. Mes biens chers frères…
Big Brother is watching you.

Bref, il y a là un monde orwellien, au plein sens du terme.

Trop, c’est trop !

Trop, c’est trop et pèse fort lourd en ces temps où le pays est en passe de sombrer.

De plus, ce détournement des finances publiques va à l’encontre de deux tendances de la société :

  • le fait que la société italienne s’est largement sécularisée – en français : laïcisée ;
  • le fait qu’en raison du phénomène de l’immigration (5 millions d’immigrés « en règle »), l’Italie devient un pays multiculturel, avec une présence non négligeable d’adeptes d’autres religions.

L’Italie divisée

Quand on examine le mouvement de sécularisation – la laïcisation de l’Italie et le fait que le public des paroisses se réduit au point que les églises ferment–, on peut se demander ce que ça recouvre.

Il y a là une Italie divisée avec d’une part, l’Italie institutionnelle, c’est-à-dire le monde politique et religieux (essentiellement la hiérarchie catholique), très attachée au maintien de l’ordre traditionnel et d’autre part, une Italie civile où les gens ne se reconnaissent plus dans les instances.

Cette confrontation dépasse la simple sécularisation « religieuse » et oppose la société civile en évolution (les gens, le commun, le peuple…) à la structure politico-religieuse, que les gens appellent le « système » ou la « caste ».

Pour contredire la propagande du « système », d’autres voies se sont ouvertes pour véhiculer l’information libre et pour animer la société civile. Ces voies de résistance se développent en dehors des médias « traditionnels » dans le champ culturel et social et sourdent par tous les canaux et sous toutes les formes possibles – associations, rencontres, concerts, groupes musicaux, chansons, théâtres, centres sociaux, radios libres, Internet (sites, blogs), articles, journaux, livres…

Les ingérences vaticanes

Quant aux ingérences vaticanes dans les affaires italiennes, le commentateur Carlo Troilo déclare : « la liste des “ingérences” serait malheureusement infinie ».

Cependant, on peut tirer une indication d’une aussi énorme pénétration catholique : l’Italie est une colonie vaticane, une sorte de province perdue qu’il convient de garder sous tutelle. Le commentateur précise :

Ces ingérences et la faiblesse de notre classe politique sont la cause première de l’arriération sur le plan des droits civils de notre pays, maillon noir de l’Europe. Il suffit de penser à l’effort inhumain qu’il a fallu faire pour arriver à mettre au jour une loi décente sur les unions civiles […], ou à la bataille qui commence seulement à présent au Parlement, non pour légaliser l’euthanasie – proposition renvoyée à une date indéterminée – mais pour obtenir au moins une loi sur le testament biologique.

Bergoglio, les mots et les faits

On ne peut nier que le pape Bergoglio fasse l’objet – et pas seulement en Italie – d’une perpétuelle séance de frotte-manche, de cirage de pompes et de laudations
ad hominem. C’est à qui lustrera le mieux le parquet où se pose la pantoufle. Au-delà de tous ces panégyriques et de ces dithyrambes, qu’y a-t-il vraiment ?

Reprenons l’erre de notre Virgile, alias Carlo Troilo.

Au début du pontificat, le pape argentin sembla apporter un air nouveau, déclarant sa ferme volonté de ramener de la moralité dans un Vatican secoué par les scandales et en assumant des positions courageuses sur les maux du monde, la misère, le drame des immigrés.Même sur les thèmes sensibles, Bergoglio semblait vouloir innover (son « qui suis-je pour juger ? », à propos des homosexuels).Le problème est que trop souvent le pape n’a pas la capacité de donner une suite concrète à ses annonces retentissantes.

Le discours utile

Il est une hypothèse plus crédible. Sachant que le pape est d’abord un homme d’État, il existe une possibilité logique conforme à la tradition ecclésiastique : celle du discours démagogique volontaire, du mensonge utile, de la parole de propagande.

Il y a derrière tout ça près de deux millénaires d’une expérience madrée et le fait qu’un pape est la figure de proue d’un vaisseau lancé à la conquête du monde des humains, à commencer par l’Italie, puisqu’il (et l’Église catholique) y demeure.

Le pape jésuite

Il convient ici de se souvenir que l’actuel Pontife est le premier pape jésuite et en tant que tel un combattant du Christ, formé à certaine gymnastique mentale et morale.

Ainsi, aux dires de notre commentateur italien :

Dans les rapports avec l’État italien, Bergoglio s’était engagé à ne pas intervenir en personne, mais ensuite, il laissa aux Cardinaux le soin de parler et d’attaquer avec force les lois non conformes. Et les Cardinaux ne se sont pas fait prier […]. Parfois, toutefois, le pape ne peut se retenir et « descend dans l’arène », condamnant sans appel l’avortement (et incitant à l’objection de conscience), les unions civiles, la théorie du « genre », qui aux dires du pape serait « une guerre mondiale pour détruire le mariage ».

Concernant le mariage et l’avortement, il y a lieu de poser quelques questions élémentaires : le pape est-il marié ? N’est-il pas meilleure manière de faire la guerre mondiale au mariage que le célibat volontaire ? Ou le célibat imposé ?

En Italie, l’Église catholique mène sans désemparer une campagne contre la loi (194) autorisant l’avortement, une loi votée il y a quarante ans. Activée en cela par le Vatican (qui est un État étranger), l’Église pousse les médecins et le personnel paramédical à refuser d’appliquer la loi italienne et vilipende les femmes que la vie a poussées à recourir à cet acte (dans le meilleur des cas) médical.

Cependant, aucun pape ne devra recourir à l’avortement. Retournons-lui sa question à ce pape : « Qui es-tu toi pour oser juger ? Et inciter les médecins à ne pas soigner ? ».

Pour conclure

Face à ce système orwellien, discriminatoire et oppressif, on se demande comment sortir de ce bourbier institutionnel et clérical et on ne peut conclure qu’à la nécessité de l’abrogation du Concordat et d’une profonde révision de la place de l’Église catholique ainsi qu’à la remise en cause et à la suppression des avantages discriminatoires qui lui sont accordés.

En somme, il s’agit de décoloniser l’Italie.

Alors, Garibaldi pourra enfin dormir tranquille.


Notes

  1. Marco Valdo M.I. – L’Athée et la Constitution ou la Trahison des Clercs en Italie – https://www.athees.net/lathee-et-la-constitution-ou-la-trahison-des-clercs-en-italie/ – 29 décembre 2016 – ABA – Lettre périodique – 2016.
  2. Carlo Troilo, « Date a Cesare quel che è di Cesare. Per una revisione del Concordato ». (Rendez à César ce qui est à César. Pour une révision du Concordat), 14 février 2017, MicroMega, 2017.