Les Athées de Belgique
atheesdebelgique@gmail.com
  • Qui sommes nous ?
    • Nos objectifs
    • Nos statuts
    • Idées reçues
    • L’athéisme, une nécessité ?
  • Agenda des activités
  • Newsletters
  • Nos vidéos, nos éditions…
    • Edition
      • Livre
      • Revue
    • Vidéos
      • Événements ABA
      • Autres
  • Nous soutenir
    • Devenir membre
    • Faire un don ou un legs
  • Contactez-nous

Archives par mot-clé: chants athées

La chanson athée de langue française.
Approche sociologique

Posté le 1 mai 2017 Par ABA Publié dans Arts, Culture Laisser un commentaire
Marco Valdo M.I.

Ô, que renaisse le temps des morts bouffis d’orgueil,
L’époque des m’as-tu-vu-dans-mon-joli-cercueil
(Georges Brassens, Les Funérailles d’antan)

Dans un premier article (Newsletter n°14), on avait abordé les chansons athées que je qualifierais volontiers d’historiques et on concluait «  il en est d’autres ». Dans un deuxième article (Newsletter n°15), on en découvrait les sans dieu (dont quelques belges) et pour conclure, une énorme parodie de chanson de catéchisme. Voici venu maintenant le temps de la mort, de la vie, de la préhistoire et de la biologie. On conclura par la déclaration universelle de l’âne athée présageant d’une déclaration universelle des droits de l’homme, elle aussi «  intacte de dieu ».

Tout ce qui touche à la mort, aux tombes, aux enterrements est un autre domaine dans lequel découvrir l’absence de référence directe à Dieu, aux Dieux e tutti quanti.

Dès lors, on peut hardiment glisser parmi les chansons athées, Grand-père, de Georges Brassens (1957) et son enterrement qui va de guingois et l’amusante façon de traiter le ministre du culte, lorsqu’il officie devant le trou. Mais quand on a de la religion, on ne rigole ni avec les enterrements, ni avec la mort, ni avec le cul des ministres.

Avant même que le vicaire
Ait pu lâcher un cri,
Je lui bottai le cul au nom du Père,
Du Fils et du Saint-Esprit.
C’est depuis ce temps-là que le bon apôtre, (bis)
Ah ! c’est pas joli…
Ah ! c’est pas poli…
A une fesse qui dit merde à l’autre.
Bon papa,
Ne t’en fais pas !
Nous en viendrons
À bout de tous ces empêcheurs d’enterrer en rond.

Ou les Funérailles d’Antan (1958) du même Georges Brassens, où c’est l’approche-même du moment fatal et sans suite qui se fait sur un ton guilleret qui emporte au loin la considérable considération que les servants des offices apportent au passage vers les paradis où, s’il n’y en a qu’un, ils devront se faire à l’idée que c’est en copropriété partagée entre Dieux propriétaires – et ils sont nombreux à se partager les cadavres en goguette.

Dans ces Funérailles d’Antan et dans les leurs «  corbillards de nos grands-pères », il y a une manière de regarder la mort qui ignore tranquillement la sacralité de la chose et sent l’hérétique à plein nez.

Ô, que renaisse le temps des morts bouffis d’orgueil,
L’époque des m’as-tu-vu-dans-mon-joli-cercueil,
Où, quitte à tout dépenser jusqu’au dernier écu,
Les gens avaient à cœur de mourir plus haut que leur cul.
Les gens avaient à cœur de mourir plus haut que leur cul1.

Comme on peut le constater en comparant soigneusement les approches de la mort, la considération qui lui est portée, la terreur qu’elle inspire, on est loin des danses macabres et des sermons de Jacques-Bénigne Bossuet, l’«  Aigle de Meaux » et de son Madame se meurt, Madame est morte ! Voyez le ton lugubre et sinistre de l’oraison et pour le mécréant, immensément drôle, tellement c’est chargé :

Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt, Madame est morte ! Qui de nous ne se sentit frappé à ce coup, comme si quelque tragique accident avait désolé sa famille ? Au premier bruit d’un mal si étrange, on accourut à Saint-Cloud de toutes parts ; on trouve tout consterné, excepté le cœur de cette princesse. Partout on entend des cris, partout on voit la douleur et le désespoir, et l’image de la mort. Le roi, la reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré, et il me semble que je vois l’accomplissement de cette parole du prophète : «  Le roi pleurera, le prince sera désolé, et les mains tomberont au peuple, de douleur et d’étonnement. »

En fait et en réalité, le peuple s’en fout et n’a jamais vu ses mains tomber d’étonnement et de douleur. Cependant, un peu moins d’un siècle plus tard, ce sont les têtes qui tomberont d’étonnement et de douleur.

Pour bien comprendre le fond du débat, il suffit d’imaginer ce qu’un texte tel celui des Funérailles d’Antan aurait inspiré à un tribunal de l’Inquisition et in fine, où il aurait conduit son auteur.

Plutôt que d’avoir des obsèques manquant de fioritures,
J’aimerais mieux, tout compte fait, me passer de sépulture,
J’aimerais mieux mourir dans l’eau, dans le feu, n’importe où
Et même, à la grande rigueur, ne pas mourir du tout.

De plus, on n’errera pas en affirmant que «  ne pas mourir du tout » ne peut être qu’une pensée athée (à cet égard, j’invite à relire tout Bossuet ; et sans rire), sinon que feraient les croyants d’un au-delà ? De fait, la relation à la mort et à sa suite rituelle est un bon critère d’athéisme ; le mépris à l’égard de la Camarde et la dérision dans le rituel est une quasi-certitude d’athéisme, de rébellion ou de superbe dédain à l’égard des injonctions transcendantes. Les inquisiteurs de tous poils, de tous lieux, de tous temps, de toutes religions, l’ont bien compris qui regardent la mort avec componction.

Une autre manière d’athéisme est celle que l’on trouve dans la chanson de Jean Arnulf, intitulée Je ne suis le fils de personne (1976). On découvre là un texte de Serge Rezvani et on y voit une humanité nettement sans dieu, je dirais nécessairement sans dieu, car Dieu (les dieux, etc.) n’y a aucune place et aucune nécessité : une chanson athée sans nul doute. Son titre déjà : Fils de personne et son corollaire : encore moins, fils d’un dieu.

Reverrai-je encore les neiges,
Les feuilles mortes s’envoler ?
Laissez-moi me prendre au piège
Du doux plaisir d’exister.
Laissez-nous le temps d’aimer.
Je ne suis fils de personne.
Je ne suis d’aucun pays.
Je me réclame des hommes
Qui aiment la Terre comme un fruit,
Qui aiment la Terre comme un fruit2.

Dans une autre dimension athée, il y a les chansons qui renvoient à l’époque où Dieu n’existait pas encore, où il n’avait pas encore été inventé par l’homme. J’y distingue plusieurs manières. Celle du paléontologue ou du préhistorien et celui du biologiste.

Dans la première manière, j’ai repéré deux chansons résolument athées et de ce fait, résolument amusantes et décapantes de foi. Bref, il s’agit de chansons à la gloire de préadamites.

L’une est L’homme fossile (1968), dont l’auteur est Pierre Tisserand et l’interprète d’origine Serge Reggiani. Je n’ai fait place qu’à un extrait, mais on verra qu’il est nettement athée.

Voilà trois millions d’années que je dormais dans la tourbe
Quand un méchant coup de pioche me trancha net le col
[…]
Ils ont dit que je vivais jadis dans une grotte ;
Ils ont dit tellement de choses, tellement de trucs curieux :
Que j’étais couvert de poils et que je n’avais pas de culotte.

Un singe nu, en quelque sorte ! Et quand on sait le tollé que le singe nu, celui de Desmond Morris, ou l’absence de culotte chez les populations à évangéliser, ont suscité chez les religieux de tous poils… On ne pourrait s’y tromper, cette chanson-là est athée3.

Un peu plus récent, mais toujours d’avant l’invention des Entités extraterrestres, on trouve dans la chanson athée, l’athée Monsieur de Cro-Magnon, un personnage bien sympathique, celui qui incarne à lui tout seul les «  racines de l’Europe », celles d’avant la colonisation chrétienne.

C’était au temps de la préhistoire
Voici deux ou trois cent mille ans
Vint au monde un être bizarre
Proche parent de l’orang-outan
Debout sur ses pattes de derrière
Vêtu d’un slip en peau de bison
Il allait conquérir la terre
C’était l’homme de Cro-Magnon

et comme on le verra à la fin, un brin syndicaliste révolutionnaire sur les bords :

Trois cent mille ans après sur terre,
Comme nos ancêtres, nous admirons
Les monts, les bois et les rivières,
Mais s’il revenait quelle déception !
De nous voir suer six jours sur sept ;
Il dirait sans faire de détail :
Vraiment que nos descendants sont bêtes
D’avoir inventé le travail !4

Ici, j’insère un petit commentaire très dans le ton de la théorie de l’éducation permanente en soulignant combien cette chanson, née dans les Auberges de Jeunesse françaises, a contribué à l’éducation préhistorique et forcément prébiblique de jeunes (et moins jeunes) générations. Heureusement, on l’enseigne encore.

Venons-en à l’aspect biologique de la chanson athée et toujours, aucune trace de Dieu, des dieux ou de toute chose du genre. Cette fois, c’est à Ricet Barrier que l’on doit le texte qui retrace le parcours d’un spermatozoïde entre la sortie du pénis et son arrivée en vainqueur dans l’ovule, après avoir éliminé tous ses concurrents. Et sa conclusion athée et lumineuse : «  C’est la vie, c’est la vie ! »

Petit extrait :

Nous sommes trois cents millions, massés derrière la porte
Trop serrés pour remuer, trop tendus pour penser
Une seule idée en tête : la porte la porte la porte
Quand elle s’ouvrira, ce sera la ruée,
La vraie course à la mort, la tuerie sans passion.
Un seul gagnera, tous les autres mourront.
Même pas numérotés, seul un instinct nous guide,
On nous a baptisés les spermatozoïdes5

On ne pourrait ici parler de la chanson athée sans évoquer Le Semeur et son très athée dernier couplet :

Une aurore nouvelle
Se lève à l’horizon;
La science immortelle
Éclaire la raison.
Rome tremble et chancelle
Devant la Vérité;
Groupons-nous autour d’elle
Contre la papauté !

sans oublier sa suite habituelle «  À bas la Calotte ! » qui le ponctuait avec un certain entrain, précédée d’un «  Oui, nous irons chasser, ohé ! La Calotte ! »6

Et enfin, je ferai place ici à une chanson athée et qui se dit telle, dont je suis l’auteur sous la dictée savante de mon ami Lucien l’âne, venu directement de la plus haute Antiquité. Cette chanson, disons plutôt ce texte, est une déclaration destinée à remplacer la vieille déclaration des droits de l’homme, celle de 1948, trop anthropocentrée. Il s’agit de la Déclaration universelle des droits de l’âne7.

Petit extrait en guise de conclusion :

L’âne naît libre, égal et fraternel ;
Il rêve debout et ne croit pas au ciel.
Par sa nature, l’âne est porteur
De raison, de conscience et de bonheur.
[…]
Doué d’intelligence, de courage et de ténacité,
L’âne ne peut être empêché de penser,
De parler et de répandre ses idées.
Il ne peut être évangélisé. L’âne est athée8.


Notes

  1. On trouvera le reste à l’adresse : http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=fr&id=47776
  2. http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=fr&id=49002
  3. Pour en savoir plus, voir : http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=fr&id=6357
  4. L’homme de Cro-Magnon, une chanson écrite et composée par Maurice Felbacq en 1946, peut se lire en entier à l’adresse : http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=fr&id=7817
  5. La chanson Les spermatozoïdes date de 1987 et on peut en prendre entière connaissance à l’adresse : http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=fr&id=39887
  6. http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=fr&id=37216
  7. http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=fr&id=49337
  8. Pour prendre connaissance de cet impérissable document, voir http://www.antiwarsongs.org/canzone.php?lang=fr&id=49337
Tags : anticléricalisme athéisme chansons athées chants athées

Les Sans Dieu de la chanson athée de langue française

Posté le 29 décembre 2016 Par ABA Publié dans Anticléricalisme Laisser un commentaire
Marco Valdo M.I.

Il y a un demi-siècle déjà, en 1967, La Religion de Jacques Debronckart, commence ainsi…

Il m’a fallu des années, et c’est long,
Pour ôter de moi toute religion.
Ce que c’est quand même que les habitudes et la trouille,
Peur de déplaire à sa famille, peur déjà de supporter sa dernière heure1 

On reprendra également le Jésus Tango de Jean Yanne (1972), chanson parodique et à ce titre, d’une hérésie rigolarde, que l’on trouve dans Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Jean Yanne qui, à l’occasion de ce film, en a écrit quelques autres du même tonneau. Dans son cas, on est en présence de ce qu’on pourrait nommer l’athéisme par la dérision.

Dans les bras de Jésus
Maintenant tous les jours, je chante
Pour moi, la vie n’est plus méchante
Et de joie, je suis éperdue
Dans les bras de Jésus 
Ole !2  

Jacques Brel venait pourtant d’une famille et d’écoles bien-pensantes, dont il ne s’est détaché que progressivement. En fait, Brel n’est devenu Brel qu’en cassant cette coquille. Il en a retenu une sorte de hargne ironique, qui l’a amené à tracer des portraits sans inutiles circonvolutions et d’une méticuleuse précision. On découvre avec ce « ciel qui n’existe pas » un athéisme sans appel dans ce petit chef-d’œuvre quasiment pictural que sont Les Bigotes (1962).

Puis elles meurent à petits pas
À petit feu, en petit tas
Les bigotes
Qui cimetièrent à petits pas
Au petit jour d’un petit froid
De bigotes
Et dans le ciel qui n’existe pas
Les anges font vite un paradis pour elles
Une auréole et deux bouts d’ailes
Et elles s’envolent… à petits pas
De bigotes3.

Plus contemporain, je retiendrai un groupe belge dont le nom lui-même aurait dû mettre la puce à l’oreille pour peu qu’on y prête attention. Voyez ce que peut bien vouloir dire « Vaya con Dios », ce qu’on pourrait traduire par « Dégage avec Dieu », « Va te faire voir ! » ; cette signification apparaît plus pertinente encore quand on voit leur chanson : Comme on est venu (2009 et au Théâtre Varia), dont voici un extrait :

Pour moi, ne dites pas de messe !
Le ciel et ses promesses
Ne me concernent pas,
L’enfer est ici-bas.
Gardez vos prophéties,
Sinistres litanies,
Votre prosélytisme,
Vos schismes, vos catéchismes !
Gardez vos apostolats,
Vos califes et vos mollahs,
Vos cierges, vos menorahs,
Vos professions de foi
Opus déistes, djihadistes,
Baptistes, messianistes !
Gardez vos impostures !
Il n’y a qu’une seule chose dont on soit sûr :
Comme on est venu…
On repartira…4

Nulle trace de Dieux, de Dieu dans le Chant des Partisans, qui se situe pourtant dans un domaine où il est très fréquemment fait appel à l’intervention divine. J’en tiens pour preuves les Gott mit uns, Dieu le veut et In God, we trust!, sans omettre les invocations à d’autres divinités (songeons à Pierre Dac au temps où il était fakir et résumait la chose : Brahma la guerre et Vichnou la paix) et à d’autres fadaises criminelles. En voici un bel un extrait :

Excusez-nous, Sa Sérénité est en proie aux divinités contraires de l’Inde : 
Brahma et Vichnou. Brahma la guerre et Vichnou la paix.
(Le Sar Rabindranath Duval, 1957)5

Un grand moment athée ! L’athéisme est un grand moment d’humour.

Mais revenons au Chant des Partisans et à la Liberté, qui est une dimension particulièrement et seulement humaine, comme disaient Prévert et à sa suite, Vaneigem, « intacte de Dieu ». Qu’est-ce que la liberté pourrait avoir à faire d’un ou de plusieurs dieux ? Strictement rien. La liberté par essence est athée. La seule supposition de Dieu la mutile ; pour exister, elle se doit d’être intacte de tout pouvoir et a fortiori, d’un pouvoir surhumain.

Ici chacun sait ce qu’il veut, ce qu’il fait quand il passe.
Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.
Demain du sang noir séchera au grand soleil sur les routes.
Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute.

Cette expression « intact de Dieu » pour désigner le « sans dieu », l’avant-Dieu, l’antérieur à l’idée-même de Dieu, l’homme tel qu’en lui-même, me suggère l’idée du statut de l’athée dans les sociétés sous domination religieuse, dans les sociétés « atteintes de Dieu ». Dans de telles sociétés et quels que soient les dieux de référence, le statut de l’athée est un statut d’intouché (par un dieu) et d’intouchable.

Il est d’autres manières de chansons « athées ». Par exemple, on en trouve chez Georges Brassens dans sa chanson au titre en soi révélateur et revendicatif, intitulée Le Mécréant (1960), dans laquelle il tord le cou (gentiment) au philosophe parieur (pas rieur ?) de Clermont-Ferrand.

Est-il en notre temps rien de plus odieux,
De plus désespérant, que de ne pas croire en Dieu ?
Je voudrais avoir la foi, la foi de mon charbonnier,
Qui est heureux comme un pape et con comme un panier.

Mon voisin du dessus, un certain Blaise Pascal,
M’a gentiment donné ce conseil amical :
" Mettez-vous à genoux, priez et implorez,
Faites semblant de croire, et bientôt vous croirez "
[…]
Si l’Éternel existe, en fin de compte, il voit
Que je ne me conduis guère plus mal que si j’avais la foi6.

On pourrait plonger plus avant dans l’univers de Georges Brassens et trouver d’autres chansons aux relents hérétiques.

Mais avant de reprendre cette exploration, il convient de préciser une chose essentielle : nous cherchons ici la chanson athée et peu importe, en l’occurrence, les convictions ou les croyances du chanteur ou de l’auteur.

Une chanson athée est ce qui a été dit précédemment, mais c’est aussi plus simplement une chanson sans dieu – ce qui je le rappelle est la définition de la notion représentée par le mot « athée ». C’est un usage simple du rasoir d’Ockham. Cette application de la définition d’« a-thée » est fort bénéfique ; un monde sans dieu est évidement et par définition, athée et vu ainsi, le monde de la chanson athée est immense. En somme, tout est athée, sauf ce qui ne l’est pas et en matière de chanson, c’est bien peu de choses.

Par exemple, Le Coquelicot, plus exactement : Comme un Petit Coquelicot, chanson de Raymond Asso (1951), interprétée par Marcel Mouloudji, est en ce sens une chanson parfaitement athée. Pourtant les circonstances décrites, un meurtre, un malheur, une lamentation – si elle avait été conçue comme un attitu sarde – auraient sans doute imposé de faire référence à Dieu, implorer la Vierge, les saints, etc. Ici, on ne trouve strictement rien du genre. Une banale histoire d’amour et de mort ; une tristesse profonde, du sentiment tant qu’on en déborde, mais pas de traces de Dieu.

Un petit extrait pour la route :

Et le lendemain, quand je l’ai revue,
Elle dormait, à moitié nue,
Dans la lumière de l’été,
Au beau milieu du champ de blé.
Mais, sur le corsage blanc,
Juste à la place du cœur,
Il y avait trois gouttes de sang,
Juste comme une fleur :
Comme un petit coquelicot, mon âme !
Un tout petit coquelicot7.

Ainsi, si Les Trois Cloches (Jean Villard, dit Gilles – 1939) n’étaient en aucun cas une chanson athée, mais bien une chanson de sociologie paysanne, tout comme La Paimpolaise (1895), plus marine.

Quant à Jésus reviens (1988) de Florence Quentin, Étienne Chatiliez et Gérard Kawczynski, si l’on veut bien se souvenir qu’il s’agit d’une parodie de chanson religieuse, on découvre une chanson athée et anticléricale, sauf évidemment si on en reste au premier degré – le degré de la récupération imbécile, car au premier degré elle a tous les airs d’une rengaine de catéchumène8.

Pour la bonne bouche, je vous en cite un extrait, mais toute la chanson est du même ciboire.

Quand il reviendra, il fera grand jour (il fera grand jour)
Pour fêter celui qui inventa l’amour (qui inventa l’amour)
Au fond d’une étable, il naquit de Marie
Personne n’avait voulu de lui

(Refrain)
Jésus reviens, Jé-ésus reviens !
Jésus reviens parmi les tiens !
Du haut de la croix, indique-nous le chemin !
Toi qui le connais si bien.

Notes

  1. Pour le reste, voir : antiwarsongs.
  2. Voir : antiwarsongs.
  3. Pour voir, entendre et lire : antiwarsongs.
  4. Pour la version intégrale, voir : antiwarsongs.
  5. On en trouve une très belle version sur YouTube.
  6. On trouvera ce Mécréant en entier dans les Chansons contre la Guerre.
  7. On peut la retrouver intégralement dans les chansons contre la Guerre : Pour faire plus ample connaissance avec le texte et entendre la chanson, voir : antiwarsongs.
  8. Pour s’en assurer, il convient de jeter un coup d’œil par ici.
Tags : anticléricalisme athéisme chansons athées chants athées

La chanson athée de langue française – Les évidentes

Posté le 9 novembre 2016 Par ABA Publié dans Anticléricalisme Laisser un commentaire
Marco Valdo M.I.

Dans un moment d’aberration distraite, avec une inconsciente légèreté, un peu rassuré quand même par les nombreuses chansons que j’avais parcourues ces dernières années en donnant un coup de main aux amis des « Canzoni contro la Guerra » – « Chansons contre la Guerre » (site multilingue – on y trouve des dizaines de milliers de textes de chansons en cent langues ou plus – trois portails d’entrée : italien, anglais, français ; voir antiwarsongs.org), j’avais proposé un article sur « la chanson athée ». J’avais d’ailleurs présenté ici une première approche en citant quelques chansons italiennes que j’avais classées dans la catégorie « Athée ». J’étais donc sûr d’en trouver, j’en connaissais l’une ou l’autre.

Mais la chanson athée m’a très rapidement fait le coup de la fille de Londres :

J’en étais là de mes pensées
J’ai senti sa main sur mes yeux
Tout comme un truc miraculeux
Et la dame s’est en allée.

(L’Inconnue de Londres – Léo Ferré, 1948)

Les évidentes

J’en étais là de mes recherches et je distinguais bien immédiatement l’une ou l’autre chanson athée de langue française : c’étaient les évidentes, on y reviendra ; j’en donnerai l’un ou l’autre exemple.

Mais les autres ? Quelles autres ? Se posait à moi la question primordiale (mais un peu tard) : à partir de quand une chanson peut être qualifiée de chanson athée ?

Par parenthèse, et il convient d’urgence de l’ouvrir, il m’est alors venu à l’esprit que résoudre la question pour la chanson revient à disposer d’un critère pour apprécier les textes, les discours, les livres, les attitudes, les gens ; bref, on avait un critère à usage universel de ce qui dans le monde pourrait être rangé sous l’appellation contrôlée, sous le qualificatif d’athée. Cela seul valait de poursuivre mes efforts d’identification de l’athée – non pas la personne (je ne suis pas inquisiteur), mais le phénomène, la chose elle-même, mais en restant dans le domaine de la chanson.

Pourquoi la chanson ? D’abord, car c’est mon domaine de prédilection et un domaine assez anecdotique pour ne pas avoir été trop fréquenté par des armées de chercheurs, une terra incognita ou presque. Ça ouvre des horizons. Et puis, la chanson a bien d’autres avantages, au nombre desquels celui de se glisser partout dans le monde, disons dans toutes les langues, dans toutes les aires culturelles, jusque dans les prisons et les camps de concentration. D’un autre côté, la chanson est un formidable véhicule de pensées ou d’opinion, très souple, très fluide… Elle naît partout, elle passe partout. Elle fut et elle reste une superbe voie pour dire les choses, spécialement les choses qui dérangent l’ordre établi quand les autres voies sont sous contrôle ou carrément interdites.

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?

Dès lors, me disais-je, on devrait trouver aussi des chansons athées, partout, dans toutes les aires culturelles, jusque dans les prisons et les camps de concentration.

Quoique ! Il reste à définir ce que peut bien être une chanson athée en présupposant résolue la question de la chanson elle-même.

Pour bien cerner la chose, commençons par définir la chanson. La chanson est tout texte écrit ou composé pour être entendu, scandé, dit, susurré, murmuré, hurlé… La chanson, canzone commence avec les aèdes, avec les peintures orales ou écrites et musicalisées par l’agencement des syllabes. L’Iliade et l’Odyssée sont des chansons, tout comme la Chanson de Roland, la Chanson des fileuses, le Chant des Canuts, le Chant du départ, la Bonne Chanson… La chanson courte que l’on connaît actuellement est liée au commerce du disque et aux impératifs des moyens de diffusion sonores de masse ; c’est une limitation triste. Donc et en tout cas, la chanson n’est pas uniquement le produit pré-emballé qu’on nous sert à grands coups de trompe sous son nom. On ne peut cependant oublier qu’elle l’est aussi, évidemment.

Cela posé, revenons à la chanson et à la chanson athée.

Une chanson athée ? Est-ce à dire une chanson qui proclame nettement son athéisme ou l’inexistence des dieux, de Dieu, l’insanité des prophéties et des prophètes, la bêtise des religions, et ainsi de suite ? Là, on est dans la catégorie des évidences.

Par exemple, le Ni Dieu, ni maître de Léo Ferré (1965) est une de ces chansons athées dont l’évidence ne peut être mise en doute. Pour preuve en voici le texte – du moins, deux extraits (pour le reste et les versions en langues étrangères – voir ici).

Ceux que la société rejette
Sous prétexte qu’ils n’ont peut-être
Ni dieu ni maître

(On pense ici par exemple au Chevalier de la Barre, on pense à nos amis athées des pays à majorité musulmane, on pense à l’Italie – Giordano Bruno –, au curé Meslier, s’il n’avait eu la prudence d’être mort avant de divulguer son athéisme à ses paroissiens et au monde. Ou plus récemment, au juge Tosti ou à tous ceux qui souffrent là-bas en Italie de l’ostracisme qui dans la vie quotidienne frappe les athées depuis l’école primaire et même dès la naissance – si les parents ne les ont pas fait baptiser et même avant la naissance, s’ils ont le malheur d’un handicap grave et qu’on – objection de conscience oblige – n’a pas voulu les avorter, ceux qui vivent dans une ambiance de Katolikistan.)

Ce cri qui n’a pas de rosette,
Cette parole de prophète,
Je la revendique et je vous souhaite :
Ni dieu ni maître,
Ni dieu ni maître !

Une autre chanson d’évidence athée – traduite et très connue dans le monde entier (à l’heure où j’écris, les « Chansons contre la Guerre » en recensent 267 versions en 112 langues) – est sans aucun doute possible l’œuvre qu’Eugène Edmée Pottier écrivit en 1871 et connue sous son titre originel : L’Internationale).

En premier lieu, on notera l’appel à la raison comme mode de pensée et de transformation du monde. Il faut évidemment comprendre – autre évidence – que la raison exclut un être suprême de quelque forme ou sorte, un être, une entité hors de l’humaine nation. L’Internationale dit nettement :

Debout, les damnés de la terre,
Debout, les forçats de la faim !
La raison tonne en son cratère,
C’est l’éruption de la fin.
Du passé faisons table rase,
Foules, esclaves, debout, debout !
Le monde va changer de base,
Nous ne sommes rien, soyons tout !

Et pour confirmer et préciser cela, Pottier dit un peu plus avant dans sa chanson :

C’est la lutte finale,
Groupons-nous, et demain,
L’Internationale
Sera le genre humain

Nulle trace de dieux, de Dieu ; seul le genre humain subsistera. C’est clair et athée : le genre humain ne sera humain que du jour où il sera athée. Comprenons bien ce que cela signifie : Dieu est une invention humaine qui réduit l’homme à une créature, née d’une entité improbable – je rappelle le sens premier d’improbable, qui n’est pas d’être incertain, mais bien clairement, d’être improuvable – ; l’être humain devient lui-même (accède à son humanité pleine et entière) à partir du jour où il se débarrasse de cette entité métaphorique pour se reconnaître lui-même.

Certains diront que dans L’Internationale, il s’agit du seul genre humain, mais il n’est pas explicitement fait mention d’une exclusion de dieu, de dieux… Voire !

Les deux vers qui suivent marquent encore plus précisément ce que Pottier entend :

Il n’est pas de sauveurs suprêmes :
Ni Dieu, ni César, ni tribun

C’est clair, cette Internationale-là dit aussi : ni Dieu, ni maître.

Qu’on ait voulu la châtrer ou la châtier, c’est tout comme, qu’on ait tenté de la réduire à autre chose que ce qu’elle était, qu’on ait voulu cacher cette affirmation d’athéisme pour des objectifs vaguement tactiques ou électoraux, qu’on l’ait réduite à un chant de parti par exemple et qu’au passage, on ait cru bon d’oublier cette injonction fondamentale : « Il n’est pas de sauveur suprême, ni Dieu… », c’est possible, mais pour ce faire, il a fallu la caviarder.

Je le répète avec force : assurément voilà bien une chanson qui proclame nettement son athéisme – un athéisme considéré comme le rejet de toute référence à un ou à des dieux (entités diverses) et concomitamment, le rejet de toute intrusion divine dans les affaires humaines. C’est une chanson dont on peut affirmer qu’elle prend nettement position. Une chanson dont l’auteur exprime nettement son athéisme. Bref, une chanson athée.

Pour confirmer, s’il est besoin, on relira du même Pottier, la chanson intitulée : Leur bon dieu (1884), laquelle commence ainsi :

Dieu jaloux, sombre turlutaine,
Cauchemar d’enfants hébétés,
Il est temps, vieux croquemitaine,
De te dire tes vérités.
Le Ciel, l’Enfer : fables vieillottes,
Font sourire un libre penseur.
Bon dieu des bigotes,
Tu n’es qu’un farceur.

et se poursuit ainsi :

Tu nous fis enseigner par Rome
En face du disque vermeil,
Que Josué, foi d’astronome,
Un jour arrêta le soleil.
Ton monde, en six jours tu le bâcles,
Ô tout-puissant Ignorantin.
Bon dieu des miracles,
Tu n’es qu’un crétin.

On aimerait en entendre encore aujourd’hui d’aussi nettes. Pour la version complète, voir Leur bon Dieu dans les « Chansons contre la Guerre ».

De la même veine et sur le même air que L’Internationale, on trouve L’Anticléricale (1865) de Marius Réty, que comme on le voit, elle précède et annonce ; et à mon sens, elle en est même la source. On en trouvera le texte complet là et dont voici le refrain :

C’est la chute fatale,
De Dieu sous la Raison !
Et l’Anticléricale
Sera notre oraison !

Mais il en est d’autres sortes…

Tags : anticléricalisme athéisme chansons athées chants athées

Dernière Newsletter
10/03/2023 - Newsletter N°40
31/10/2022 - Newsletter N°39
23/10/2022 - Newsletter N°38
26/09/2022 - Newsletter N°37
30/06/2022 - Newsletter N°36

Articles récents

  • Euthanasie en France : la spiritualité au secours de la religion
  • La méditation en pleine conscience : une religion qui ne dit pas son nom
  • Jésus
  • La Confession « fantasiste » de Terry Pratchett
  • Sainte Marie, mère de Dieu, protégez-nous de l’athéisme

Notre chaine YouTube

https://www.youtube.com/c/Atheesdebelgique/playlist

« Surréalisme et athéisme en Belgique », une conférence de Christine Béchet

https://www.youtube.com/watch?v=0DmbhFp-3nY&t=732s

« Laïcité et ré-islamisation en Turquie » par Bahar Kimyongür (avec illustrations et questions/réponses)

https://www.youtube.com/watch?v=eg4oVSm322Y&t

L’athéisme est il une religion ? Par Jean-Michel Abrassart

https://www.youtube.com/watch?v=1exjhF1LaFw&t

« Laïcité et athéisme » une conférence de Véronique De Keyser

https://www.youtube.com/watch?v=I1wByrcVbaA&t

« Athéisme et (in)tolérance » une conférence de Patrice Dartevelle

https://www.youtube.com/watch?v=hzgWQoOtsqI

« Athéisme et enjeux politiques » une conférence de Serge Deruette

https://www.youtube.com/watch?v=bYTzQOLBO9M&t=3s

Catégories

  • Agnosticisme
  • Anticléricalisme
  • Arts
  • Arts, Culture
  • Athéisme
  • Autres
  • Conférence
  • Coronavirus
  • Croyances
  • Direct
  • Edition
  • Enseignement
  • Evenements ABA
  • Histoire
  • Humanisme
  • Irrationalisme
  • Laïcité
  • Libre arbitre
  • Libre pensée
  • Littérature
  • Livre
  • Lois divines
  • Matérialisme
  • Modernité/Postmodernité
  • Nécrologie
  • Non classé
  • Nos articles
  • Pandémie
  • Philosophie
  • Pseudo-sciences
  • Religion
  • Revue
  • Sciences
  • Section ABA en Belgique
  • Sociologie
  • Vidéos

Mots-clés

ABA anticléricalisme Association athée athée athée caché athéisme Big Bang Caroline SÄGESSER catholicisme chansons athées chants athées conférence coran croyance croyances création Darwin dieu foi histoire des idées humanisme islam ISLAMOPHOBIE Italie Juste Pape laïcité libre-pensée Lumières mort Paradis patrice dartevelle Philosophie physique Pierre Gillis rationalisme religion religions révolution science Science-fiction sens de la vie serge deruette spiritualité États-Unis écrivain

Libre pensée

  • Fédération nationale de la libre pensée
  • Libres penseurs athées

Lien Scepticisme

  • Lazarus Mirages
  • Observatoire zététique de Grenoble
  • Scepticisme Scientifique
  • skeptico.blogs.com

Liens Atheisme

  • Amicale athée
  • Atheisme Canada
  • Athéisme internationale
  • Atheisme.free.fr
  • Atheisme.org
  • Dieu n'existe pas
  • Fédération nationale de la libre pensée
  • Front des non-croyants
  • Libres penseurs athées
  • Union des athées

Liens Science

  • Lazarus Mirages
  • Observatoire zététique de Grenoble
  • Scepticisme Scientifique
  • skeptico.blogs.com

Philosophie

  • Atheisme.org
  • Libres penseurs athées

Méta

  • Inscription
  • Connexion
  • Flux des publications
  • Flux des commentaires
  • Site de WordPress-FR
© Les Athées de Belgique