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Archives par mot-clé: coran

Religion, quand tu nous tiens !

Posté le 17 décembre 2019 Par ABA Publié dans Religion Laisser un commentaire

Patrice Dartevelle

L’islam, l’islamisme (surtout) et le Coran intéressent de plus en plus, chacun en a fait le constat. On ne compte plus les livres sur l’islamisme et le débat fait rage sur ses causes et la façon d’en éviter les conséquences. Le Coran lui-même a suscité en peu d’années plus de publications qu’en quelques décennies, tout simplement parce que l’intérêt du public a permis la formation de spécialistes bien plus nombreux qu’autrefois[1].

Parmi les publications, on trouve également des débats de différentes compositions. Ainsi j’ai déjà rendu compte ici même d’un débat entre un athée et un musulman[2]. Le musulman s’y débat avec l’interprétation du Coran pour sauver celui-ci en tentant de l’adapter à l’univers contemporain de type occidental.

Je vais reparler d’un certain nombre de questions proches ou connexes de celles que j’avais abordées précédemment mais je ne reviendrai pas sur mon avis final : les musulmans doivent admettre que le Coran est une œuvre humaine, datée et localisée. Pour l’« actualiser », il faut – comme les chrétiens ont fini par le faire – tordre le texte, sélectionner les passages et au fond faire un travail de fiction.

À la mi-2019, le texte d’un autre débat entre un musulman et un chrétien catholique a été publié[3].

Le catholique est Rémi Vrague, un spécialiste d’histoire de la philosophie antique et médiévale, domaines qu’il enseigne à la Sorbonne. Il a également travaillé les langues et les mondes juifs et arabes, nécessité d’historien de la philosophie médiévale oblige. C’est un homme considéré comme assez traditionaliste mais qui est néanmoins un universitaire des XXe et XXIe siècles. Le titre d’un de ses livres, Modérément moderne (2013), le situe bien.

La controverse le fait voir comme constamment soucieux de montrer la supériorité du christianisme sur l’islam, ce qui le conduit l’une ou l’autre fois à des affirmations étonnamment sommaires, à des oublis plus que singuliers. Ainsi reprocher au musulman des pogroms contre les juifs en Palestine – dès avant la création même d’Israël, précise-t-il – me laisse sans voix. Certes les orthodoxes ont pris une large part à l’affaire en Europe mais les catholiques polonais et allemands n’étaient pas à la traîne, pas plus que les luthériens. Diable, mettre de nos jours l’Holocauste entre parenthèses peut interroger sur les phénomènes de cécité inconsciente. En revanche il dit clairement que « Nous avons aujourd’hui de la chance de vivre en Occident dans des sociétés où la puissance publique est neutre ». C’est parfait mais encore faut-il voir que la présence de plus en plus massive des musulmans en France a abouti à ce que la très grande majorité des catholiques même très affirmés (je dirais surtout eux pour s’opposer aux musulmans), avec à leur tête la plupart des évêques, se réclament maintenant de la laïcité (comme concept, pas comme mouvement évidemment). Sur le ton de l’humour certes servant à manifester sa réticence face au Vatican actuel, R. Brague envisage un moment que le pape actuel puisse proférer une stupidité.

Souleymane Bachir Diagne est un philosophe sénégalais. Il est actuellement professeur de philosophie à l’Université Columbia à New-York après avoir enseigné vingt ans la matière en Afrique. Il se donne comme un homme ouvert, personnellement monogame et hostile à la polygamie. Il se réfugie vite dans des interprétations lénifiantes du texte coranique et se retranche et se referme plus d’une fois derrière le milliard et demi de musulmans dans le monde, chiffre qui lui semble clore le débat. J’y reviens plus loin.

Le schéma du dialogue repose sur un questionnement de l’islam et du Coran. R. Brague attaque et B. Diagne défend. Si, les deux interlocuteurs sont de religions différentes, ils sont tous deux très croyants. Selon les cas, ils convergent ou divergent et c’est parfois plus complexe encore. Ils peuvent se donner la main pour éluder un problème ou pour le déplacer. L‘athée ne peut qu’être vigilant en examinant quelques points particulièrement saillants de la controverse.

Dénoncer l’islamophobie pour restreindre la liberté

Lors d’un moment de discussion historique avec R. Brague, B. Diagne tranche : « La question n’est pas de savoir ce qui s’est passé exactement sur le plan historique, mais ce que croient les musulmans ». D’une certaine manière, la formule n’est pas dépourvue de sens (je dirais que Jésus ait existé ou non, le plus important est que quelques décennies après la date de sa mort, il y avait des chrétiens) mais c’est commodément écarter le poids de l’histoire. C’est surtout écarter le tranchant du vrai et du faux et discréditer toute contestation, très vite au nom de l’islamophobie. Bien entendu, R. Brague ne peut le suivre : l’Incarnation doit être une réalité historique pour un catholique traditionnel.

B. Diagne adopte un raisonnement de même type face la question de l’historicité de la reconstruction de la kaaba à La Mecque par Mahomet. Pour lui il faut distinguer la logique du vrai et celle du sens et conclut « Voilà ce que croient un milliard et demi de musulmans ». La vérité lui semble bien peu de chose.

Que l’ouvrage de Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont-Saint-Michel (2008), qui soutient, contrairement aux idées reçues, que l’héritage grec s’est transmis directement par Constantinople et que les Arabes n’ont en réalité pas joué grand rôle dans ce transfert, soit contesté par de nombreux spécialistes – mais pas tous – est certain, mais imaginer que c’est l’islamophobie qui a incité Gouguenheim à défendre sa thèse est absurde. Je dirais même l’inverse : ce qui a gêné bien des spécialistes et suscité des réactions virulentes sous des formes inhabituelles pour un débat d’histoire intellectuelle médiévale particulièrement pointu (des pétitions de médiévistes dans la grande presse), c’est le refus irrationnel de voir entacher et diminuer le rôle de musulmans et ce pour des raisons strictement contemporaines.

Ce point est un cas de nette opposition entre les protagonistes. On peut aller plus loin dans la question de l’islamophobie. B. Diagne tire de quelques problèmes la conclusion que « L’idée simple qu’il faut traiter les autres avec respect est en train de disparaître chez beaucoup ». L’invraisemblance quant aux faits est énorme.

R. Brague, en revanche, voit bien (ce n’est peut-être pas si spontané, un livre l’a accusé d’islamophobie savante en 2009 – il avait jugé favorablement le travail de Gouguenheim) qu’il y a chez B. Diagne une confusion entre le respect des idées et celui dû aux hommes. Il relève que le terme « islamophobie », construit sur des mots comme « agoraphobie » ou « claustrophobie » renvoie à une maladie mentale. Il aboutit à s’interdire tout jugement de valeur. Je devrais conclure que le musulman sénégalais, si occidentalisé en apparence, reste hermétique à la modernité démocratique mais à voir l’état des débats sur l’islamophobie en Europe (heureusement Henri Pena-Ruiz a tenu bon !), je ne suis plus très sûr du sens de la liberté sur notre continent.

Islam et liberté

Un chapitre est consacré à la liberté dans l’islam. Remarquons d’abord, avant d’examiner ce qu’on nous donne, qu’on n’y consacre pas une ligne à l’oppression ordinaire dans beaucoup de pays à majorité musulmane sur le plan général et spécialement en matière religieuse. Quand, par ailleurs dans le livre, R. Brague soulève cette question, B. Diagne sort l’exemple providentiel de la Tunisie, sans noter qu’il est largement isolé.

Un autre chapitre, plus attendu, traite du célèbre verset « Pas de contrainte en religion » (sourate 2, verset 256).

R. Brague et B. Diagne, loin de s’interroger sur les contradictions entre le Coran et la pratique réelle ou sur ce qu’implique le Coran, conviennent tous deux que le verset n’est pas une interdiction mais un constat :

lorsqu’on est dans la religion vraie, on ne ressent aucune contrainte, car la vérité se distingue elle-même de l’erreur. Lorsqu’on est dans la vraie religion, on y est comme un poisson dans l’eau,

déclare R. Brague. Évidemment reste la question de la « vraie » religion et B. Biagne a tôt fait de répliquer que le verset ne contient pas le mot « islam ». Pour lui le texte veut dire c’est la foi en un Dieu unique qui est première chez l’humain, c’est-à-dire que le monothéisme précède toute détérioration polythéiste. L’argument est purement théologique et arbitraire. Le monothéisme est tardif et l’histoire de son apparition même dans le judaïsme est fort longue[4]. La question est que pour B. Diagne, cette situation originelle fait qu’« il est de notre responsabilité individuelle de nous souvenir du Dieu un ». Mais à ce compte, quel est le statut de celui qui ne s’en souvient pas ? Est-il un humain pour Bachir Diagne ? R. Brague reste coi là-dessus.

Dans le chapitre sur la liberté, on a le même évitement. Le débat, intéressant par lui-même, porte sur la question de savoir si l’humain est libre dans ses actions ou s’il suit une voie prédéterminée. R. Brague oppose au musulman la question du fatalisme musulman et le verset « Dieu vous crée et crée ce que vous faites ». La réponse de B. Diagne est catégorique :

L’homme qui comprend réellement qui il est comprend qu’il ne pourra se réaliser qu’en s’identifiant à la volonté de Dieu. Du coup, la distinction entre la volonté humaine et la volonté divine n’a plus de sens.

On est là en plein mysticisme, royaume de l’affirmation gratuite et fermée. À ce stade, les athées ne peuvent évidemment plus comprendre.

Raison et foi

Un chapitre révélateur et, peut-être, étonnant traite de la raison en islam. Les deux compères font d’emblée très fort pour des croyants. Rémi Brague commence par dire qu’« on peut être chrétien et intégralement rationaliste » (je ne chipoterais que l’adverbe) et poursuit en affirmant que « [l]es chrétiens sont les seuls rationalistes, car ce sont les seuls à croire que Dieu est lié à a raison ». Quant à Bachir Diagne, il déclare tout de suite abruptement : « Je suis moi aussi un rationaliste forcené ». Question de se donner un peu de crédibilité, B. Diagne fait fond sur le cas du philosophe arabe rationaliste né à Cordoue, Averroès (mort en 1198), qui dit dans son Traité décisif que non seulement la démarche rationnelle est permise mais qu’elle est même obligatoire. Si le texte révélé semble en contradiction avec la raison, il faut, selon Averroès, interpréter le texte sacré pour le concilier avec la raison. Comme il le fait à plusieurs reprises, B. Diagne appelle à son secours les mutazilites, les représentants du courant rationaliste des débuts de l’islam, qui vont jusqu’à remettre en cause le caractère incréé du Coran.

R. Brague a beau jeu de rétorquer qu’Averroès a été finalement démis de ses hautes fonctions de juge de haut rang à Séville, condamné et exilé et que de toute manière il n’a pas eu d’écho dans le monde musulman. Immédiatement après lui, commence la pétrification de l’islam. Du côté sunnite, il n’y aura pas de philosophe avant de très nombreux siècles. Quant aux mutazilites, ils sont défaits au IXe siècle et disparaissent le siècle suivant. Il est malaisé dès lors pour un musulman de se réclamer du rationalisme. La réponse de B. Diagne est qu’un seul exemple suffit à infirmer la règle générale de l’absence de philosophie musulmane pendant près d’un millénaire.

Mais sa vraie réponse est ailleurs. Immédiatement après avoir formulé sa déclaration de rationalisme forcené, il ajoute : « Mais je crois également […] que le mysticisme fleurit à l’extrême pointe de la raison ». Il n’est pas le premier mystique à dire cela.

Dans son allocution de Ratisbonne du 12 septembre 2006 qui a suscité tant de remous dans le monde musulman, Benoît XVI opérait une classification que j’avais trouvé un peu surprenante en ce qui concerne l’islam [5]. Il positionnait le catholicisme comme la parfaite harmonie entre le rationalisme des Lumières et un islam intégralement dédié à la foi. Je crains qu’à suivre B. Diagne, il me faille donner raison à l’ancien pape. Si la raison n’est faite que pour accéder au mystique, on est fondamentalement dans le mystique.

Le ping-pong de l’interprétation du Coran

Terminons par le point central de l’interprétation du Coran. Même si je ne suis pas arabisant, ma perplexité est grande ici aussi.

À plusieurs reprises, R. Brague propose un verset du Coran, à ses yeux indubitablement embarrassant pour un musulman. C’est le cas par exemple de la sourate 9, verset 5 : « Tuez les polythéistes, partout où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades ». B. Diagne réplique, certes, que la Bible (il veut dire l’Ancien Testament) autorise de réduire un peuple à néant – ce qui est exact – et confesse que, en revanche, les Évangiles sont pacifiques – ce qui est également exact – mais s’empresse de dire que s’il est vrai qu’il y a bien dans le Coran des versets qui appellent à combattre, il y en a aussi d’autres, qui ne sont pas belliqueux. Il continue en formulant sa théorie sur ce genre de problème en objectant que si on lui oppose un verset qui dit noir, il en trouvera toujours un autre qui dit blanc, ce qui n’est en effet peut-être pas impossible. Il parle de « ping-pong inutile » qui ne peut mener à quoi que ce soit.

Plus surprenant, il ne réplique rien de précis quand Rémi Brague veut lui exposer que l’interprétation des versets coraniques n’est pas possible au sens occidental du mot et pour cela lui propose le verset (33,59) qui dit, dans la traduction qu’il utilise, « Dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes de se couvrir de leurs voiles ». R. Brague en conclut que l’obligation du voile ne se discute pas dans son principe et ne peut l’être que dans la forme et l’étendue du voile. La situation de ceux des dogmes catholiques promulgués depuis le Concile de Vatican I en 1870 sous le couvert de l’infaillibilité pontificale aboutit à la même chose, mais soit.

Pourtant B. Diagne a ordinairement recours à la traduction du Coran de Jacques Berque, souvent considérée comme la plus fiable par les non-croyants. Or Berque ne traduit pas par « voiles » mais par « mantes », en précisant bien en note que le voile, le fichu couvrant la tête, est un autre mot en arabe coranique [6]. Allez savoir…

On est entre croyants, ce qui évite de devoir poser la bonne question : quel sens y a-t-il à recourir à un texte, ou des textes, obscurs, contradictoires, ininterprétables ? Quand se décideront-ils à poser cette bonne question ?


Notes

  1. Au début de 2019, François Déroche, titulaire de la chaire « Histoire du Coran. Texte et transmission » au Collège de France a publié le Coran, une histoire plurielle. Essai sur la formation du texte coranique, Paris, Seuil, 2019, 302 p., et, fin novembre de cette même année, Guillaume Dye (ULB) et Mohammad Ali Amir-Moezzi (École Pratique des Hautes Études) publiaient un copieux ouvrage collectif de 3.408 pages en trois volumes, Le Coran des historiens, Paris, Éditions du Cerf, 2019 (présentation dans Le Soir du 27 novembre 2019). ↑
  2. Patrice Dartevelle, « Le Coran en libre-service », mis en ligne le 21 octobre 2018 sur athees.net, disponible dans le volume 6 (2019), pp. 67-79 de la revue L’Athée. L’article portait sur le débat entre l’athée Sam Harris et le musulman Maaajid Nawaz publié dans L’islam et l’avenir de la tolérance, 2012. ↑
  3. Rémi Brague et Souleymane Bachir Diagne, La controverse. Dialogue sur l’islam, Paris, Stock/Philosophie Magazine Éditions, 192 p. L’entretien est mené par Michel Eltchaninoff. ↑
  4. Pour s’en convaincre, il suffit de lire Thomas Römer (professeur au Collège de France), L’invention de Dieu, Paris, Seuil, 2014 (2017 dans la série Points-Histoire, version que j’ai lue). ↑
  5. Patrice Dartevelle, « Le théologien et les mosquées », Espace de libertés N° 347 (novembre 2006), pp. 26-27. ↑
  6. Jacques Berque, Le Coran. Essai de traduction, Paris Albin Michel, 1990 et 1995, édition de poche 2002 que j’ai utilisée. ↑
Tags : Benoît XVI coran foi ISLAMOPHOBIE liberté d’expression mysticisme raison voile

Déradicaliser, la belle affaire…

Posté le 20 octobre 2019 Par ABA Publié dans Religion Laisser un commentaire
Patrice Dartevelle

La question des personnes radicalisées musulmanes, djihadistes, continue de poser bien des questions. Il y a eu le 11 septembre 2001 à New York, l’État islamique et le califat, l’attentat contre Charlie Hebdo et le Bataclan en 2015, le 22 mars 2016 en Belgique et régulièrement d’autres attentats dans différentes villes d’Europe et du monde, y compris à majorité musulmane.

Actuellement on se focalise sur des personnes parties d’Europe pour rejoindre l’État islamique, maintenant prisonnières sur place, dont le retour n’enchante personne[1], sur d’autres qui ont été condamnées mais qui arrivent en fin de peine, sur des personnes au comportement suspect et dûment repérées.

La Belgique ayant le plus haut taux en Europe de djihadistes partis combattre avec l’État islamique par rapport à sa population, elle est en première ligne. Actuellement 447 détenus belges sont considérés comme radicalisés[2]. Corinne Torrekens, chercheuse à l’ULB peu suspecte d’alarmisme, ne peut cacher son inquiétude à propos de la sortie de prison de djihadistes et de radicalisés[3]. La situation est la même en France où d’ici la fin de 2020, 450 islamistes incarcérés vont sortir de prison[4].

Le choix et l’application de stratégies de déradicalisation sont donc des préoccupations essentielles en Europe (mais l’Arabie Saoudite elle-même a créé, avec une belle dose d’hypocrisie, des stages de déradicalisation).

Radicalisation et déradicalisation

Cela ne signifie pas que tout dans ce domaine, y compris l’intention de base, relève de l’évidence.

Sur le plan des résultats obtenus, c’est pire encore. Nul ne met en doute que les prisons sont un lieu privilégié de radicalisation. On ne sait trop s’il faut isoler entre eux les condamnés pour terrorisme, au risque de les conforter et de les radicaliser davantage ou les mélanger avec d’autres détenus au risque de contaminer ceux-ci.

La secrétaire du Comité interministériel (français) de prévention de la délinquance et de la radicalisation, Muriel Domenach, accepte la recommandation formulée dans le rapport des sénatrices E. Benbassa et C. Troendlé, celle de se concentrer sur la prévention, mélange de bon sens et de contournement du problème : parler ainsi, c’est avouer qu’après radicalisation, il est trop tard et tout est perdu, sans pour autant nous dire ce qu’il faut dès lors faire avec les radicalisés condamnés, à part peut-être les condamner tous à une peine de perpétuité incompressible. M. Domenach réserve pourtant à cette époque le cas du Centre de Pontourny, sur lequel je reviendrai longuement[5].

Sur le plan des principes, avant de déradicaliser, il faudrait normalement disposer d’une analyse du mécanisme de radicalisation voire une définition de celle-ci. S’agissant notamment des pays européens, il faut voir que des différences sensibles peuvent exister entre eux. Surtout depuis l’attentat contre le Bataclan en novembre 2015, on s’est habitué à voir dans les djihadistes de France et de Belgique comme un groupe unique, sans que les frontières importent. Sans doute y a-t-il de cela dans leur fonctionnement, mais si, comme assez souvent, on voit comme grande source du problème la typologie des grandes banlieues parisiennes, loin du centre-ville, déshumanisées et isolées, le cas de Molenbeek devient difficile à comprendre.

Un des meilleurs connaisseurs de la question Fahrad Khosrokhavar, auteur d’un livre de référence, voit le djihadisme comme un fait social global et ne se reconnaît pas dans le dilemme « radicalisation de l’islam ou islamisation de la radicalité ». Pour ce qui est des djihadistes des pays européens, il voit dans l’organisation du califat de l’État islamique en 2014 un moment-clé, qui a décuplé l’influence de l’organisation plus ancienne, Al-Qaida, en donnant à ceux qui en ont besoin une réponse globale, qui devrait persister après la dissolution de l’État islamique.

Bien sûr, F. Khosrokhavar met en évidence les zones défavorisées qui engendrent des frustrations, mais il reconnaît aussi que bien des radicalisés viennent des classes moyennes et de leurs quartiers. Dans tous les cas, la radicalisation islamique est perçue comme la solution par 8 à 20 % des jeunes musulmans, selon les pays européens[6].

Ces considérations ne permettent pas d’évacuer ni même de minimiser la part de l’islam dans la radicalisation, elles obligent à la contextualiser. F. Khosrokhavar pense en fait que la catégorie « musulman » est plus importante que le mot « immigré »[7], tout en constatant le rôle des prisons dans la radicalisation.

Une étude comme celle, considérable (elle a porté sur 6 000 lycéens dot 1 573 musulmans), menée par Olivier Galland montre que l’absolutisme religieux ne concerne que 3 % des jeunes chrétiens, mais 20 % des jeunes musulmans[8]. Le rôle de l’islam est certain, mais pas « génétique » pour autant. Si on pratiquait la même étude aux États-Unis, elle aurait donné des chiffres bien plus élevés chez les chrétiens du fait des évangéliques, des born again…

Plusieurs chercheurs, comme Hugo Micheron et Gilles Kepel (porte-drapeau de la théorie de la radicalisation de l’islam), contredisant F. Khorsokhavar qui avait qualifié le tueur du marché de Noël de Strasbourg de « faux djihadiste », relèvent que les terroristes ont très souvent une bonne connaissance de l’islam, obtenue par la fréquentation des mosquées, d’intellectuels du djihadisme, sur le modèle du rôle des frères Clain en France. La perméabilité entre salafisme piétiste et djihadisme leur semble évidente. Quant au terroriste de Strasbourg que l’on dit radicalisé en prison, il était déjà signalé comme radicalisé et prosélyte dès son entrée en prison[9].

Mais il faut encore aller plus profond dans la question de la déradicalisation.

Est-il légitime de déradicaliser ?

Mais quelle est la légitimité intrinsèque ou morale d’une déradicalisation ?

Les djihadistes sont-ils des malades à guérir ? J’avoue que j’ai un peu de mal avec pareille idée. Achraf Ben Brahim dans L’Emprise, livre où il donne la parole à des djihadistes combattants ou anciens combattants, assure avec force qu’il ne s’agit pas d’une maladie mais d’une conviction. Il a rencontré des djihadistes ingénieurs, graphistes, opticiens (12 % des djihadistes sont titulaires d’un diplôme selon lui). Il disqualifie la formule-réflexe à beaucoup en Europe « Pas d’amalgame », dont, nous dit-il, les djihadistes se servent eux-mêmes pour s’en moquer. En clair, pas la peine de disculper l’islam[10]. Aujourd’hui, d’aucuns – des ultra-religieux, généralement catholiques – organisent des thérapies de conversion pour que des homosexuels en reviennent à l’hétérosexualité. L’affaire est telle qu’en Espagne, de nombreuses Communautés (au sens belge) ont légiféré pour interdire ces thérapies[11]. Les homosexuels sont-ils malades ?

Avant de se consacrer plus longtemps à son expérience de déradicalisation, voyons la position sur ce point de Gérald Bronner, professeur à l’Université de Paris-Diderot.

L’objection à la déradicalisation, c’est qu’elle constitue une tentative de normalisation des esprits, priés de fonctionner à l’aune des idées dominantes, et donc une atteinte à la liberté de conscience. Certains (l’important sociologue Bernard Lahire, par exemple), parlent de ceux qui œuvrent à la déradicalisation comme de « commissaires politiques » de la rééducation mentale.

G. Bronner ne voit ni des fous, ni des malades, ni des débiles dans les radicalisés. Il leur prête même une forme de rationalité, simplement erronée ou déviante. Mais il réclame le droit de refuser d’enseigner que la terre est plate (les platistes sont un nouveau groupe anti-science en Occident), celui d’enseigner la théorie de l’évolution à l’exclusion de toute autre même si seuls 6 % des 83 % d’élèves musulmans affirmés (qui considèrent que la religion est importante ou très importante dans leur vie quotidienne) croient en la théorie de Darwin, celui d’affirmer qu’il n’y a pas d’extraterrestres reptiliens qui cherchent à contrôler le monde. Pour Bronner, soutenir le contraire, c’est nier toute possibilité d’enseignement.

Le problème pour lui est dans l’évolution des esprits en Occident, et je pense qu’il voit juste, c’est-à-dire « la passion de la prise en compte permanente de la sensibilité de l’autre et le crime majeur serait de la blesser par l’expression de nos propres sentiments ». C’est le phénomène en cours dans certaines universités américaines où on avertit que tel cours, telle conférence peut contenir des éléments perturbants pour l’étudiant, qui peuvent légitiment s‘en dispenser ou protester (il faut lire le roman de Philippe Roth, La tache, sur cette question). J’ajouterais que cette situation implique que l’idéal de recherche et de vérité scientifique s’est évaporé.

S’agissant d’enseignements scientifiques, l’argument est fort, mais une manière de croire en l’islam et de le pratiquer ne relève pas automatiquement de la science. G. Bronner s’appuie, un peu à la légère, sur le cas des sectes, ce qu’il appelle « les extrêmes », c’est le titre de l’un de ses livres. Mais « extrême » est un concept particulièrement flou et instable chronologiquement et géographiquement. Les parlementaires français et belges considèrent les mormons comme une secte dangereuse, mais il s’en est fallu de peu qu’en 2012, le président américain ne soit un mormon. C’est pour cette vision des « sectes » que régulièrement la France surtout est dénoncée par les organes officiels comme insuffisante en matière de tolérance religieuse. Et quand les médecins soviétiques envoyaient à l’asile les contestataires, ne s’agissait-il pas d’« extrêmes » dans la société soviétique ?

Reste que les radicalisés tuent et qu’on ne peut baisser les bras face au phénomène, je l’admets, tout en m’interrogeant sur le fonctionnement parfois erratique de la liberté de conscience. J’avoue rester néanmoins au balcon, mais cela attise effectivement mon intérêt pour l’expérience de Bronner proprement dite.

La méthode de Gérald Bronner

Gérald Bronner l’expose avec assez de détails dans son livre, au titre subtil, Déchéance de rationalité[12].

L’expérience de déradicalisation qu’il a accepté de mener au Centre de Pontourny est a priori curieuse. Procéder à des tentatives de déradicalisation sur des condamnés n’est pas accepté et est sans doute vain. Les sujets de l’expérience de Pontourny sont des volontaires pris parmi des gens qui ont tenté d’aller combattre en Syrie, qui sont fichés pour suspicion de terrorisme ou, au minimum, inculpés pour propos antisémites dans un contexte islamiste.

S’ils viennent volontairement, il s’agit donc néanmoins de cas assez « lourds ». Bronner en est conscient, mais il veut mettre à l’épreuve ses recherches et travaux (et ceux d’autres chercheurs de même inspiration) sur les croyances irrationnelles et leurs causes, ce qu’il explique notamment dans son ouvrage le plus connu, paru en 2013, La démocratie des crédules[13]. Il veut voir s’il est possible de convaincre quelqu’un qu’il se trompe lorsque cette erreur est l’expression d’une croyance à laquelle il tient.

Par des séances à intervalles réguliers il va s’y essayer en s’abstenant de sermonner les participants sur l’islam et l’islamisme. Il va contourner le problème en tenant compte de l’impact du complotisme, systématique sur ce genre de personne.

Le premier thème abordé a comme fondement que notre cerveau peut nous tromper facilement. Bronner commence par la croyance au Père Noël. Ce n’est pas si léger (c’est même un classique quand on veut parler d’athéisme à des enfants de 10-14 ans) : si la découverte de la réalité est brutale, une « crise » s’observe dans près de 60 % des cas. Or la fiction est particulièrement évidente. Cela ne fonctionne pas trop : les hôtes du Centre ont eu une jeunesse troublée, souvent musulmane, sans Père Noël. Il prend ensuite le cas de la Terre plate (en prenant une illustration hindoue) et de la difficulté d’établir la rotondité de la Terre. Les participants y parviennent non sans mal et comprennent par ce cas l’idée de base.

Ensuite vient l’idée que le cerveau ne produit pas une représentation objective du monde. Bronner cite le cas des individus victimes d’agnosie, capables de reconnaître des figures abstraites mais pas les objets du quotidien. Les jeunes apprécient mais il s’agit dans ce cas de cerveaux pas très en forme. Bronner passe alors aux illusions d’optique, ce qui convainc et enthousiasme les participants.

L’étape suivant porte sur les paréidolies, les illusions fondées sur une mauvaise interprétation d’une image vague, par exemple voir dans les nuages des images de choses ou de personnes réelles.

Le but de Bronner est de passer de là à la question du hasard. Elle est centrale pour les radicalisés et les complotistes pour qui le hasard n’a pas de place. L’invoquer vous déconsidère comme quelqu’un qui cherche à cacher quelque chose, comme un allié du pouvoir. Souvent c’est une coïncidence qui a conduit les djihadistes à s’engager. Un fait jugé rarissime est jugé comme un signe. Mohamed Merah, auteur d’un massacre dans une école juive – et de quelques autres assassinats de soldats –, explique Bronner, invoque un signe de ce type lorsque, convoqué à la gendarmerie, il parvient à « promener » les gendarmes. Pour lui, c’est un signe d’Allah et il se convertit à une pratique religieuse assidue. Toujours centré sur les sectes, Bronner cite le cas d’un membre (un rare rescapé) de l’Ordre solaire, qui vont tous se suicider collectivement. Il se convertit après une simple rencontre avec un conférencier qui lui prédit qu’il va bientôt rencontrer quelqu’un d’important. Il rencontre Jo Di Membro, un des patrons de l’Ordre, et comprend que c’est la rencontre importante. Le hasard n’est pour rien dans cette rencontre, c’est un signe des forces supérieures.

Bronner explique que l’erreur provient de ce que les spécialistes appellent le biais d’échantillon. Avant de considérer qu’un phénomène est extraordinaire, il faut le rapporter au nombre d’occurrences concernées.

Ce qui convainc les participants, c’est l’évocation d’un passage du film Alien. À un moment du film, un personnage s’empare d’un ballon de basket et marque facilement en envoyant le ballon dans le panier, tout en tournant le dos à celui-ci. Les jeunes comprennent vite qu’il y a eu des dizaines d’essais ratés pour finalement réussir. Le panier marqué n’a donc rien d’étonnant.

Le but déclaré de G. Bronner, c’est de faire en sorte que l’engagement religieux de ces musulmans « ne s’épanouisse pas dans un espace irrationnel où tout est signifiant, miracle et invitation à un engagement inconditionnel ». On voit ainsi quel est le programme maximal possible pour Bronner, ce qui évite peut-être la principale difficulté que j’évoquerai à la fin de la discussion de l’expérience de Bronner.

Bronner traite aussi avec les participants d’un autre problème : ils ont inconsciemment une vision essentialiste de la langue. Le concept de polysémie leur est inconnu. Il n’est sans doute pas nécessaire d’être radicalisé pour être dans cette situation, mais on en sous-estime souvent les conséquences. Bronner leur fait faire en groupe des exercices en se servant de devinettes avec des mots à multiples sens (une devinette « je commence et je finis par e, je ne suis pas e, je contiens un texte ; réponse : je suis une enveloppe). C’est une découverte pour les jeunes.

Dans l’étape suivant, prévue comme l’avant-dernière, Bronner se rapproche sensiblement du cœur du problème.

Il a relevé quelques cas de sectes millénaristes qui ont annoncé la fin du monde à une date précise. La date est arrivée et rien ne s’est passé. Il est intéressant de voir comment le groupe millénariste a réagi après le non-événement. Le but est évidement de faire comprendre aux participants qu’ils ne seraient pas les premiers à devoir admettre qu’ils avaient erré.

Dans pareille hypothèse, le groupe est dans une situation de dissonance cognitive. Celle-ci est un état pénible, tout le monde recherchant la cohérence mentale. Dès lors, à l’ordinaire, on recherche de l’une ou l’autre manière à réduire la contradiction entre ses croyances et les faits ou les informations qui les contredisent.

Ainsi, en 1954, à Lake City aux États-Unis, un groupe annonce que le 21 décembre 1954, l’humanité sera détruite. Bien entendu, cela ne se produit pas.

Invités à un jeu de rôle où chacun joue le rôle d’un membre du Groupe américain, les participants à la cure de déradicalisation trouvent spontanément des issues possibles dans un tel cas et s’en amusent. Dans la réalité, le groupe de Lake City décidera que le Grand Frère du groupe a annulé le déluge parce qu’il avait constaté que ses adeptes avaient atteint un tel degré de spiritualité qu’il n’était plus nécessaire.

J’aurais plutôt choisi de parler de la parousie (plus difficile d’accès, mais plus importante), la seconde venue du Christ sur terre pour juger les gens, thème essentiel du dernier livre du Nouveau Testament, L’Apocalypse de Jean[14].

De là, Bronner passe au cas de la contradiction entre La Genèse et la théorie de l’évolution et à la conciliation entre les deux par les catholiques, via une interprétation symbolique du texte de l’Ancien Testament. Les participants comprennent cela, c’est un progrès capital. Il ne reste plus qu’à conclure en une dernière séance qui n’a jamais eu lieu. Des radicalisés ont été arrêtés (un était un compagnon d’un des assassins du Bataclan), d’autres ont fugué[15]. Le Centre de Pontourny est vide.

Or la dernière séance était essentielle puisqu’elle devait mener au transfert de la compréhension du cas précédent au leur propre. Il y avait là quelques problèmes non négligeables comme l’abandon de l’idée que le Coran est la parole et l’écriture de Dieu lui-même, sans quoi tout est vain. Et la question n’est pas si simple[16].

Il n’y a donc pas eu de conclusion à la tentative de déradicalisation. Le chemin suivi me semble original et intelligent, malgré mes réserves de principe.

La méthode de Bronner serait à coup sûr utile pour « déradicaliser » ou plutôt « rerationaliser » les tenants de croyances fumeuses, autres que religieuses, mais comme ils ne manient pas les explosifs (mais les anti-vaccin peuvent tuer) et ne risquent pas la prison, ils ne seront jamais volontaires pour être traités.


Notes

  1. Voir Leila Mustafa, membre d’une délégation de Kurdes syriens venue à Bruxelles : « De Belgique, nous avons eu des gens qui étaient parmi les pires à Raqqua, qui coupaient les têtes, les bras ou les mains… » , La Libre Belgique du 1er février 2019. ↑
  2. Le Soir du 27 novembre 2018. ↑
  3. Site rtbf.be, le 8 février 2017. ↑
  4. Le Figaro du 7 juin 2018. ↑
  5. Le Monde du 16 mars 2017 et plus nettement encore dans Le Monde du 17 juillet 2019 où elle critique l’idée d’une « recette magique pour déprogrammer un individu ». ↑
  6. Fahrad Khosrokavar, « Un urbain djihadogène », Le Monde du 15 mai 2018. Son livre s’intitule Le nouveau jihad en Occident, Robert laffont, 2018, 592pp., dont j’ai lu le compte rendu par Christophe Ayad dans Le Monde précité. ↑
  7. Élise Vincent, « Prescience du djihad », Le Monde du 7 janvier 2017, article consacré à F. Khosrokhavar. ↑
  8. Interview d’Olivier Galland parAlexandre Devecchio, site du Figaro, le 1er juin 2018. ↑
  9. Hugo Micheron, Bernard Rougier et Gilles Kepel, « Les dénégationnistes du jihad », tribune sur le site de Libération le 21 décembre 2018. ↑
  10. Interview d’Achraf Ben Brahim par Marie-Amélie Latune, site du Figaro, le 1er décembre 2016. ↑
  11. A. Afghane/A/ Laborde « Cuatro dias para dejar de ser homosexual », El Pais du 29 juin 2019. ↑
  12. Gérald Bronner, Déchéance de rationalité, Paris, Bernard Grasset, 2019, 263 p. ↑
  13. Lors du procès des dirigeants de France Telecom en raison des suicides intervenus dans le personnel de la firme, les avocats de France Telecom avaient tous en mains un exemplaire de La démocratie des crédules. G. Bronner y montre que le taux de suicide chez les agents de France Telecom ne dépasse pas la moyenne du taux de suicide général en France (Le Monde des 12-13 mai 2019). ↑
  14. Je serais curieux aussi de savoir comment Greta Thunberg se tirera d’affaire dans quelques années, elle qui annonce l’épuisement du carbone dans huit ans et demi (Le Monde du 25 juillet 2019). L’ancien ministre vert français Yves Cochet ne vaut pas mieux : dans Le Magazine du Monde du 29 septembre 2019, il déclare que « Dans cinq ou dix ans le problème du logement sera réglé car les gens seront morts ». ↑
  15. L’histoire du Centre et de sa fin est confirmée par la presse, cf Soren Seeborn, « Interpellation d’un pensionnaire du centre pilote de déradicalisation », Le Monde du 21 janvier 2017. ↑
  16. Sur ce point , on peut lire l’ouvrage de François Déroche, professeur au Collège de France, Le Coran, une histoire plurielle. Essai sur la formation du texte coranique, Paris, Éditions du Seuil, 2019. Le texte canonique du Coran a été fixé très tôt par décision du troisième calife Othman (règne de 644 à 656), qui fait en même temps détruire les manuscrits préexistants. Fr. Déroche précise que « la transmission du Coran n’a été explorée qu’à une date relativement récente. Il faudra des découvertes récentes comme les manuscrits retrouvés à Sanaa en 1972, pour progresser. ↑
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Le Coran en libre-service

Posté le 21 octobre 2018 Par ABA Publié dans Religion Laisser un commentaire

Patrice Dartevelle

Feuillet du manuscrit du Coran trouvé à Sanaa en 1972

La violence musulmane ou commise par des musulmans au nom de leur foi telle qu’ils l’entendent est au centre des préoccupations non seulement des Européens, mais de bien d’autres, en premier lieu dans les pays à majorité musulmane qui en sont les principales victimes, comme l’Algérie, l’Irak, la Syrie et pas mal d’autres. Il n’y a pas que les violences qui soient en cause : un projet théologico-politique est visiblement en cours, que ce soit dans les pays les plus menacés, dans d’autres comme la Turquie et ceux où les Frères musulmans sont actifs, mais aussi dans les villes ou quartiers européens où les musulmans sont majoritaires.

Loin d’être une étincelle passagère, la tendance remonte à un demi-siècle, époque où elle a quitté l’ombre et s’est soustraite aux rires de Nasser. Dès 1981 le futur prix Nobel de littérature 2001, V.S. Naipaul, concluait ainsi son roman Crépuscule sur l’islam, fruit de séjours en Iran, au Pakistan, en Malaisie et en Indonésie :

Désormais, dans les pays musulmans, il y aurait de plus en plus de Behzad (un étudiant iranien islamiste qu’il a rencontré) qui, en négatif de la passion islamique, concevraient la vision d’une société purgée et purifiée, un rassemblement des croyants[1].

La question des causes du phénomène n’est pas sans doute pas close, mais en exclure l’élément proprement religieux est fort éloigné du vraisemblable. Dès lors le Coran, sa lecture et son interprétation deviennent importants, non seulement pour les musulmans envisagés, mais tout autant pour les intellectuels musulmans, hostiles au fondamentalisme et au littéralisme dans la lecture du Coran et qui travaillent ouvertement à un « islam des Lumières ». Rachid Benzine en est le porte-drapeau en milieu francophone (c’est un domaine où le rôle de la Belgique n’est ni marginal ni dissociable de celui de la France…) depuis son livre Les nouveaux penseurs de l’islam, paru en 2004. « Islam des Lumières » est d’ailleurs le titre de la collection qu’il dirige. Encore faut-il voir que jusqu’ici, même si c’est un peu tordre l’histoire, le terme et la référence aux « Lumières » connotent un anticléricalisme affirmé, un rejet non seulement des Églises mais aussi des religions, une critique scientifique de leurs textes sacrés. En Europe, sauf à date récente, il est assez rare qu’un croyant s’en réclame. Dans le cas des musulmans modérés, il ne s’agit pas plus que d’une laïcisation de la religion au sens de sa meilleure compatibilité avec la modernité occidentale.

Rendre crédible pareil projet n’est pas simple et un vrai débat approfondi sur la question est rare, surtout s’il doit inclure un athée.

Sam Harris, Maajid Nawaz et l’islamisme

Profitons donc de la récente traduction d’un tel débat entre Sam Harris et Maajid Nawaz et spécialement du chapitre « La nature de l’islam » de leur livre-débat L’islam et l’avenir de la tolérance pour en voir les données et peut-être le fond du problème[2].

Voyons d’abord les partenaires de l’excellent et révélateur débat. Sam Harris est un neuroscientifique américain, parfaitement athée et absolument pas décidé à s’en laisser conter. Maajid Nawaz est un musulman britannique, aujourd’hui modéré et fondateur d’un groupe de cet esprit, Quilliam. Il ne cache pas qu’il revient de loin et qu’il a d’abord été islamiste actif, militant d’un califat théocratique. Il faisait partie du groupe Hizb ut-Tahrir, le premier groupe islamiste contemporain qui ait popularisé l’idée d’un tel califat ou d’un État islamique. Il raconte avoir travaillé à répandre cette idéologie en Grande-Bretagne, au Pakistan, au Danemark et en Égypte. Ce dernier pays l’emprisonne quelques années. En prison, il fréquente des assassins du Président Sadate et commence une réflexion qui va aboutir à sa « conversion ». De retour à Londres, il obtient un master en théorie politique à la réputée London School of Economics.

Pour mieux se situer et cadrer les données du problème, les deux partenaires s’accordent sur quelques définitions et chiffres.

De qui et de combien parle-t-on en fait d’islamistes ? Ils conviennent que l’islamisme consiste en la volonté d’imposer une vision particulière de l’islam, fondée sur une lecture dite littérale du Coran, vision ultra conservatrice, le plus souvent liée au désir d’instituer la charia et sans écarter la lutte armée. Quand on pratique effectivement cette dernière, on peut parler de djihadisme.

Que représentent les islamistes ? Les deux partenaires convergent aisément et sans fard sur ce point. Dans plusieurs cas des élections fiables permettent de donner des chiffres : les Frères musulmans ont obtenu 25 % des suffrages lors du premier tour des élections présidentielles de 2012 en Égypte. D’autres scrutins dans d’autres pays montrent plutôt qu’il s’agit de 15 %, mais si on sonde sur la charia, on arrive à 40 à 60 % d’avis favorables. Harris et Nawaz relèvent qu’un sondage de 2013 du Pew Research Center réalisé dans onze pays à majorité musulmane sur la justification « parfois » ou « souvent » de la violence djihadiste donne pour l’accord 25 % en Égypte, 18 % au Sénégal, 16 % en Turquie, 12 % en Tunisie, 33 % au Liban (chiffre sans doute dû à la présence de réfugiés palestiniens, ce que confirme le chiffre de 62 % dans les Territoires palestiniens). Ils concluent que le plus souvent les islamistes représentent 20 à 25 % de la population musulmane. Quant à la majorité des musulmans, elle est constituée de conservateurs, attachés aux valeurs les plus traditionnelles. L’addition des deux chiffres, islamistes plus conservateurs, ne laisse pas beaucoup de place aux modérés – ceux par exemple pour lesquels l’identité religieuse n’est pas première. Mais ceux-ci existent même s’ils doivent souvent se cacher.

Le récent rapport de l’Institut Montaigne en France donne un résultat concordant. Dirigé par Hakim El Karoui, il aboutit à 28 % de musulmans fondamentalistes islamistes parmi les musulmans de France[3].

Très mordant, Sam Harris rappelle à son interlocuteur que 20 % des musulmans britanniques approuvent l’attentat meurtrier de 2005, que 30 % d’entre eux veulent la charia, que 45 % estiment que le 11 septembre est un complot américano-israélien et 68 % estiment que ceux qui insultent l’islam doivent être arrêtés et condamnés (78 % dans le cas de ceux qui ont publiés les caricatures de Mahomet). 27 % des musulmans britanniques déclarent comprendre les motivations des assassins des caricaturistes de Charlie Hebdo et un jeune musulman britannique sur sept est favorable à l’État islamique.

Ne nous faisons pas d’illusion sur la Belgique : elle a fourni le plus haut pourcentage de personnes parties combattre en Syrie par rapport à sa population.

Nul doute donc, le problème n’est pas mineur, surtout si on le rapporte au nombre et à la proportion de musulmans dans plusieurs pays d’Europe.

Le Coran nie les valeurs de notre époque

Le problème de base de la dimension religieuse vient du Coran et de l’affirmation catégorique qu’il est la pure retranscription de la parole divine.

Quand S. Harris veut empêcher M. Nawaz de se défiler en évoquant les mutazilites qui, il y a près d’un millénaire, refusaient cette thèse (R. Benzine ne manque jamais non plus de les citer) en omettant de dire qu’ils ont été rayés de la carte même s’il est bien vrai qu’ils ont existé, celui-ci dévoile un peu sa position : il peut y avoir des différences d’approche du texte sacré et le littéralisme dans lequel se complaît la très grande majorité des musulmans n’est pas la seule voie possible.

S. Harris lui renvoie la liste des problèmes les plus significatifs que pose le Coran.

Le Coran est en conflit avec la plupart des valeurs de notre époque : la rationalité scientifique, les droits de l’homme et l’égalité des sexes, la liberté d’expression, pour citer les principales. S’il arrive qu’une valeur actuelle soit exprimée dans le Coran, ce n’est pas là, estime-t-il qu’elle trouve sa meilleure expression et, ajouterais-je, il s’agit alors souvent de triviales banalités morales. Plus durement, pour S. Harris, en s’acharnant à réinterpréter les textes, les musulmans modérés, en réinterprétant principalement les passages du Coran les plus absurdes et les plus dangereux à nos yeux, font preuve d’une certaine dose de malhonnêteté intellectuelle.

En effet, les textes coraniques ne sont pas si plastiques et ne se prêtent en réalité pas aux interprétations qu’on veut. Où dans le Coran la consommation du porc est-elle permise ? Où trouve-t-on un message de paix ? Un passage où la femme n’est pas considérée comme un être de seconde zone, propriété des hommes ? Le Coran connaît-il le respect des infidèles ? Y trouve-t-on un texte qui permet l’apostasie ? En revanche, les récompenses post mortem pour les martyrs (pas tellement les trucidés par des tenants d’autres croyances, mais surtout ceux qui ont tenté d’imposer l’islam l’arme à la main) y sont présentées et constituent un vrai aliment pour les djihadistes.

Non sans vraisemblance, S. Harris ajoute qu’au fond, l’interprétation littérale est plus certaine et plus claire et qu’on peut toujours se demander s’il est normal qu’un « interprète » d’aujourd’hui se place au-dessus du texte divin. Et parfois la nouvelle lecture aboutit à une signification pire que celle que donne la lecture littérale. En plus si Dieu était vraiment en faveur des valeurs démocratiques, pourquoi ne l’a-t-il pas écrit clairement ?

Notamment dans le cas de la glorification des martyrs, le texte même du Coran pèse lourd dans les violences des dernières décennies.

Toutes les lectures du Coran sont-elles possibles ?

Pour M. Nawaz, en revanche, il faut simplement une interprétation et une méthode d’interprétation. Il rejette la méthode appelée ordinairement « littérale », qu’il rebaptise péjorativement en « ingénue ». Intellectuellement il refuse d’admettre qu’il y ait une lecture plus exacte qu’une autre. Il existe pour lui une autre méthode que l’« ingénue », celle-ci ne constituant pas l’approche originale des textes sacrés. Il s’appuie sur l’autorité de Quentin Skinner, un important spécialiste anglais de théorie politique, historien moderniste à l’origine, qui conteste toute lecture authentique des textes. On voit bien là les traces du post-modernisme, mais surtout on peut à ce compte se demander si le Coran a encore le moindre sens.

Le raisonnement semble d’une certaine manière avantageux puisqu’il aboutit à ce qu’on puisse tout dire sans risque d’être contredit, mais il est fondé sur une contre-vérité et une erreur logique. On peut parfaitement soutenir que pour certains passages, on n’arrive pas à une interprétation unique, raisonnablement acceptée ; on peut même parfois douter d’y arriver un jour, mais de cette proposition particulière en logique, on ne peut passer à la proposition générale selon laquelle il n’y aurait pas de texte univoque.

Examinons concrètement comment M. Nawaz essaie de s’en tirer, même si je ne suis ni arabisant ni coranologue mais simple philologue relevant d’un autre domaine.

Le premier cas à partir duquel M. Nawaz argumente, sans doute emblématique pour lui, vise le sort des infidèles. Si le Coran dit : « Brisez-leur la nuque », pour M. Nawaz, cela ne pourrait vouloir dire : « Brisez-leur la nuque aujourd’hui ». Certes, mais à la condition sine qua non que le texte coranique précise que le prescrit est circonstanciel. Or, rien de tel, tout au contraire. Ni dans le Coran ni ailleurs, Dieu – je veux dire celui qu’on fait parler comme tel – n’a pour habitude d’émettre des préceptes autres qu’universels et intemporels.

Venons-en à la question de la viande de porc. Je veux bien admettre qu’elle prête moins à conséquence que l’exécution des infidèles – c’est la seule réponse de M. Nawaz sur ce point – encore que… N’y a-t-il pas de par le monde des régions musulmanes où le porc est la seule source importante possible de protéines et où les musulmans sont néanmoins forcés de s’en abstenir ? Sans parler de ce que le strict respect de la non-consommation du halal est dans certaines villes ou quartiers d’Europe à forte implantation musulmane un des instruments pour forcer au marquage sinon à la domination musulmane (la moitié des boucheries artisanales en Région bruxelloise sont halal et dans certains quartiers seul le supermarché fournit encore de la viande de porc).

La question de la consommation d’alcool est significative des méthodes plus que contestables nécessaires à la multiplicité des interprétations.

La méthode de Nawaz me semble pire que la lecture littérale ou ingénue. Son système est fondé sur l’étymologie. Ainsi l’interdiction de l’alcool est basée sur le mot khamr. Pour les hanafites, première école d’interprétation du Coran, nous dit-il, le mot désigne à l’origine uniquement l’alcool de raisin et donc les autres alcools sont permis ! Outre qu’on a bien oublié ce sens et qu’on voit bien quelques invraisemblances (il y a toujours eu des musulmans qui buvaient en cachette), il faut voir que l’interprétation par l’étymologie est souvent partielle, limitée ou parfois hasardeuse en bonne philologie.

Prenons un exemple qui n’est pas simpliste et porte sur un concept important dans ce qui nous occupe, le mot « laïc ». Les laïcs, au sens contemporain, voient dans le grec laos l’origine du mot. C’est juste, mais presque toujours ils en profitent pour s’extasier sur le sens du mot, qui serait « peuple »[4]. Ils ont tort, d’abord d’avoir oublié démos, qui lui veut bien dire « peuple » dans son intégralité. Ensuite laos est un terme archaïque, homérique qui par exemple dans la bouche d’un aristocrate peut vouloir dire « tous les autres ». Le christianisme va récupérer le terme en en gardant quelque chose, en s’en servant pour désigner tous les non-prêtres, en y mettant une prêtrise inconnue d’Homère. Des siècles plus tard, on va faire des « laïcs » des adversaires des prêtres et des Églises. Mais le laos des origines ne s’occupe ni de prêtres ni d’opposants à ceux-ci ; pourtant le mot vient bien de là, il n’y en a pas deux.

Le recours central à l’étymologie pour tout expliquer traduit surtout une absence de rigueur philologique et de connaissances linguistiques de manière à pouvoir plier les textes à son gré.

Passons à des termes et des concepts plus importants comme l’intolérance virulente quasi générale du Coran. On rejoint là le cas le plus classique des débats sur l’interprétation du Coran. On y trouve un passage tolérant, contredit par tous les autres. Il s’agit de la sourate 2, 256, « Nulle contrainte en religion ». N. Mawaz renvoie à sa liberté d’interprétation (et dit clairement que les musulmans doivent accepter la critique de leur religion) tout en citant curieusement la doctrine de l’abrogation, qui veut qu’en cas de contradiction, les sourates les plus récentes l’emportent sur les plus anciennes. La question est assez simple. Même si le Coran entremêle les deux, on distingue dans le Coran deux couches de textes, celle de La Mecque, antérieure à 622, et celle de Médine consécutive au départ de La Mecque de Mahomet en 622. La première, à laquelle appartient la sourate 2, 256 est relativement tolérante, au contraire de la seconde. Rien ne peut y faire. S’il faut une solution, la version la plus récente doit prévaloir.

M. Nawaz se lance ensuite pour s’en sortir dans l’interprétation d’un autre texte : « Tuez quiconque renonce à l’islam pour entrer dans une autre religion », selon la traduction habituelle. Le mot traduit par « religion » est din en arabe qui peut être traduit tant par « religion » que « par « confession » selon certains juristes (sic). Din ne pourrait dès lors vouloir dire « religion » en 2, 256. Ce serait un terme politique. « Confession » voulant dire « déclaration de foi d’une Église », je ne vois pas le changement de registre, mais enregistre un épais brouillard. Les contradictions sont légion dans le Coran et, hors abrogation, il n’y pas de solution.

Quant au passage « Le pouvoir n’appartient qu’à Allah », M. Nawaz pense qu’il faut traduire par « jugement » et non pas « pouvoir ». Ainsi Dieu n’aurait qu’un simple pouvoir de juge, d’arbitre et non de souverain. M. Nawaz n’avance là-dessus aucun argument.

Le pire est probablement la question de la charia. Dans la grande majorité des textes qui la constituent, selon M. Nawaz, il n’est pas dit qu’il faut sanctionner les contrevenants. C’est seulement le cas pour quelques infractions – pour lesquelles on peut par exemple couper la main gauche – et tout le reste serait licite. Donc main coupée pour quelques infractions secondaires et rien pour le reste ! C’est la version musulmane du mythe d’une religion des origines, toute de douceur et de fraîcheur, particulièrement impossible pour le Coran, démentie par quinze siècles de pratique et soudainement conforme aux vœux de quelques croyants des XXe et XXIe siècles. Le tout est couronné par l’exhortation à une religion plus « spirituelle ».

Reste alors l’essentiel de cette prétendue méthode : à quoi bon s’obstiner à tenir compte du Coran si on peut lui faire dire ce qu’on veut, jusqu’au contraire de ce qu’il dit ?

Rationalisme ou politique ?

Sam Harris conclut, à propos de la décapitation d’apostats, que « Toutes ces pratiques, y compris cette sinistre méthode de mise à mort, trouvent dans les textes sacrés un soutien explicite ».

Telle est la vérité et tel est le problème. Cette influence est véritable et les crimes sont suffisants pour que l’on s’en préoccupe.

Nul doute que Maajid Nawaz et Rachid Benzine en sont conscients et que leurs tentatives de réinterpréter le Coran sont de bonne foi même si leur quête me semble tragique et vaine.

Les critiquer au risque de leur nuire n’est pas sans risque. Pour moi, on peut être croyant et laïque, mais à condition d’admettre que les textes sacrés sont œuvres humaines, datées et localisées. On peut donc n’en retenir que quelques passages qui correspondent mieux à notre vision actuelle, on peut tordre le sens historique d’autres. Mais il faut être conscient et dire que ce type d’utilisation est une fiction. À l’évidence, il n’en va pas ainsi et dénouer le lien avec le texte sacré ne se fait pas. Mais tout cela n’est pas sans danger. Vivre pour une part de ses pensées parmi les plus chargées de sens dans un défi au bon sens, à la rigueur scientifique sans que cela n’affecte le reste des pensées et actions me paraît illusoire. On me dira que dans le cas de l’islam l’urgence est ailleurs. Sans doute…

Bien entendu, décapitations mise à part et en sachant bien que dans d’autres cas l’élaboration philosophique peut être plus ancienne et plus consistante, toute ressemblance avec les textes d’autres religions est purement fortuite.


Notes

  1. Je cite d’après Pierre Maury, « V.S. Naipaul, de Trinidad au Nobel », Le Soir du 13 août 2018.
  2. Sam Harris & Maajid Nawaz, L’islam et l’avenir de la tolérance, Genève, Éditions Markus Halter, 2018, traduction de l’anglais par Patrick Hersant, 176 p. L’édition originale anglaise a paru en 2015 aux Harvard University Press sous le titre Islam and the Future of Tolerance.
  3. Le rapport est publié sous le titre La fabrique de l’islamisme. Je le cite d’après les articles de Cécile Chambraud et Louise Couvelaire, Le Monde du 11 septembre (!) 2018.
  4. Très longtemps les différentes éditions de Découvrir la laïcité ont fait fond sur ce roman.
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Comment je suis devenu athée*

Posté le 29 décembre 2016 Par ABA Publié dans Athéisme Laisser un commentaire
Mustapha*

L’alarme a sonné au début de l’année 2015, alors que j’avais quinze ans. Je me posais des questions et j’essayais de trouver des réponses par moi-même en cherchant d’abord sur Internet, en demandant ensuite à mon père qui, humaniste non croyant, faisait son possible pour me convaincre, mais en vain. Je me dirigeais alors chez mes professeurs qui me disaient qu’il ne fallait pas poser ces questions, que c’était haram (interdit). Les imams avaient la même réponse.

Yahvé, Dieu ou Allah ? Est-ce la même divinité ? Pourquoi envoyer des prophètes ? Pourquoi Dieu ne s’est-il jamais manifesté ? Pourquoi avons-nous été créés ? Pourquoi nous a-t-il créés s’il connaît notre passé, présent et futur ? Pourquoi un paradis et un enfer ? Qui entre la science et la religion a raison ? Adam et Ève ou la théorie de l’évolution ? Le monde a-t-il été créé en six jours ou bien est-ce l’œuvre du Big Bang ? Le déluge s’est-il réellement passé ? Etc.

Par la suite, je me suis retrouvé en désaccord avec plusieurs préceptes religieux que l’on m’a inculqués :

  • que l’on oblige le port du voile qui opprime la femme ;
  • que la part d’héritage des garçons soit le double de celle des filles ;
  • que le témoignage d’une femme vaille la moitié de celui d’un homme ;
  • qu’un homme puisse épouser quatre femmes (je ne suis d’accord que si la ou les femmes en question donnent leur autorisation) ;
  • que l’on coupe la main du voleur ;
  • que l’homme puisse battre sa femme ;
  • qu’un homme puisse épouser une fille qui n’a pas encore atteint la puberté ;
  • que le mariage se fasse pour le seul « plaisir » de l’homme.

Mais aussi… Pourquoi l’entrée au paradis n’est-elle réservée qu’aux musulmans ? Un scientifique, un philosophe, un médecin qui a été bénéfique à la société n’entrera-t-il jamais au paradis pour l’unique et débile raison qu’il n’est pas musulman ?

Trois évènements successifs ont catégoriquement changé ma vision, ou plutôt l’ont clarifiée et éclaircie dans ces temps de terreur où la religion sévit comme rempart contre tout progrès ; où la religion s’est emparée de la politique en mettant fin à la laïcité dans plusieurs pays du tiers-monde ; où le fanatisme se répand comme une traînée de poudre et tue sur son passage des milliers de personnes innocentes qui suivent peut-être la même religion qu’eux, qui sait ?

Ces trois événements sont mon changement d’école mais, avant cela, le décès de ma grand-mère et celui de mon grand-père. Pourquoi ma grand-mère ? Pourquoi mon grand-père ? Pourquoi ne suis-je pas parti aussi avec eux ? Pourquoi suis-je encore en vie ? Où sont-ils maintenant ? Je me sentais coupable d’être encore en vie…

Les gens me disaient qu’ils étaient au paradis et que je les retrouverais là-bas si je faisais de bonnes actions ici-bas, mais cette réponse ne me suffisait pas. Je leur posais alors d’autres questions.

C’est quoi le paradis ? Comment savez-vous où ils sont maintenant ? Avez-vous parlé à Dieu pour le savoir ? Puis-je le faire aussi ? Pourrais-je les voir maintenant ? Quelles sont ces bonnes actions ? Pourquoi ce Dieu m’a-t-il privé des personnes qui me sont chères ? Est-il sadique ? Est-il cruel, lui qui se décrit dans « ses » livres comme le juste et le bon ?

Lorsqu’ils se trouvaient dans l’incapacité de me donner une explication et une réponse logique à mes interrogations, les réponses étaient renvoyées aux calendes grecques. Ils me disaient que j’étais encore petit pour savoir… Eux qui sont « grands », ont-ils la réponse ? Je n’en avais guère l’impression ! Je suis revenu chez eux l’année suivante et je leur ai dit de me donner, puisque j’avais grandi, une réponse. Alors, ils m’ont sorti l’excuse bidon : « C’est une volonté divine, c’est lui qui l’a voulu ainsi, nous sommes illettrés face à la connaissance de Dieu, lui sait tout ».

Où est ce Dieu ? Comment sait-il tout ? Si Dieu est la cause première, alors qu’elle est la cause première de la cause première ?

Des questions à jamais sans réponses…

Je me demandais toujours, moi qui suis un musulman pratiquant, suis-je aussi un de ces fous de Dieu ? Suis-je une de ces personnes qui se trouvent en Afghanistan, en Syrie, en Irak et qui essaient d’appliquer la charia dans le pays de leurs ancêtres ? Suis-je un terroriste ? Fais-je partie de ces personnes qui rêvent de faire du monde un vaste Califat où règnent le système patriarcal le plus dur, la polygamie, le voile intégral, le Niqab… où l’école est interdite aux petites filles, où la musique, la peinture, la sculpture et les arts en général sont bannis, où les couleurs se confondent et se réduisent à une seule, le noir, et où la bibliothèque idéale ne contiendrait qu’un seul livre, le Coran ? Suis-je un tueur d’hommes, de femmes et d’enfants sans le savoir ?

Ces questions m’ont torturé l’esprit. Malgré un fort sentiment de culpabilité, j’ai arrêté de prier et j’ai rasé ma courte barbe, je ne voulais pas être assimilé à un djihadiste, à un terroriste. Et puis, je lisais de plus en plus le Coran afin de découvrir ses versets de haine que Daesh et Al Qaeda et les autres organisations islamistes appliquent à la lettre. J’étais stupéfait de mes recherches au point de vouloir changer, en plein ramadan, de religion. Un après-midi, alors que je regardais des vidéos sur le christianisme, je suis devenu chrétien… Pas pour longtemps… Trois mois !
Les versets de haine du Coran que je refusais sont :

Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n’interdisent pas ce que Dieu et Son messager ont interdit et qui ne suivent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu’à ce qu’ils versent l’impôt de la capitation et qu’ils se soumettent et s’humilient. (Coran, sourate 9, verset 29).

La récompense de ceux qui font la guerre contre Allah et Son messager et qui s’efforcent de semer le désordre sur la terre, c’est qu’ils soient exécutés, ou crucifiés, ou que leur soit coupée la main et la jambe opposée, ou qu’ils soient expulsés de la terre : voilà pour eux l’ignominie d’ici-bas ; et dans l’au-delà il y a pour eux un énorme châtiment. (Coran, sourate 5, verset 33).

Quant au voleur et à la voleuse, à tous deux coupez la main, en récompense de ce qu’ils se sont acquis, en punition de la part d’Allah. Et Allah est Puissant, Sage. (Coran, sourate 5 verset 38), etc.

Ma recherche de la raison reprit sa route, un voyage avec de nombreuses étapes, de l’athéisme de naissance, à l’islam, jusqu’au judaïsme, en passant par le christianisme. Une longue quête de doutes, de lectures des saintes écritures, de visite des lieux sacrés… Les mosquées que je fréquentais avant, mais aussi des églises, en assistant aux messes du dimanche. À force de débattre avec des personnes de toutes confessions sans trouver de réponses à mes interrogations, je finis par déprimer. Je voulais mettre fin à ma vie, ce que j’ai réellement essayé de faire, en plus de plusieurs problèmes dont je parlerai plus tard…

Quand j’ai changé d’école, un camarade me passa le livre de Marx publié en 1844 où il parle d’« opium du peuple ». Je l’ai lu avec mon père, qui l’avait lui-même lu vingt ans plus tôt. Il m’expliqua l’ouvrage de bout en bout. La phrase qui m’a interpellé était la suivante : « C’est l’homme qui fait la religion, ce n’est pas la religion qui fait l’homme. » J’eus alors un déclic pour l’athéisme et… un penchant pour Marx aussi. Mes recherches reprirent de plus belle en continuant mes lectures pleines d’attraits : Le traité d’athéologie de Michel Onfray, L’esprit de l’athéisme (une spiritualité sans Dieu) d’André Comte-Sponville, Dialogue entre un prêtre et un moribond de Sade et des dizaines d’articles et de documentaires… Les idées développées étaient celles qui me correspondaient le plus !

Dans un royaume où l’incroyance est associée à l’immoralité et où les sceptiques sont mis au ban de la société, comment surgit le doute et comment vit-on avec ? Nous sommes allés à la rencontre des athées du Maroc, jeunes gens qui avaient espéré dans la foulée des printemps arabes que la liberté de conscience aurait enfin droit de cité. Récit d’un combat pour l’émancipation.

Tel était l’en-tête du reportage spécial de la revue mensuelle Philosophie magazine du troisième mois de l’année 2016. Je me l’étais procurée le 3 mars en la trouvant tout près de l’hebdomadaire Telquel que j’étais venu chercher. La nuit, alors que mon père lisait son journal, je dévorais ma nouvelle acquisition. Je m’étais rendu compte que les questions qui ne me laissaient pas dormir, d’autres personnes les avaient posées avant moi… C’était rassurant, et des Marocains en plus ! À la fin de la lecture, j’avais pris ma décision.

Je serai athée ! Je le suis devenu !

Ce petit a privatif devant l’immense théos (dieu) : être athée, c’est être sans Dieu soit parce qu’on se contente de ne croire en aucun, soit parce qu’on affirme l’inexistence de tous, tel est la définition de l’athéisme d’André Comte-Sponville dans son livre : Présentations de la philosophie. Ce cher André aurait dû écrire, il me semble, « réfute l’existence de tous » plutôt que « affirme l’inexistence de tous » puisque sans l’affirmation d’un dieu, il ne peut y avoir une affirmation de sa non-existence… C’est parce que des croyants affirment que Dieu existe que l’on peut, nous les athées, le réfuter.

Je suis sans Dieu !

Un sentiment de vertige m’accompagnait après mon apostasie, une difficulté à déconstruire tout ce que j’avais construit de ma naissance à maintenant, une volonté de ne plus vouloir vivre, ni travailler, et encore moins d’écrire… Je me rendais au lycée, juste pour revivre avec mes amis qui me redonnaient cette envie d’aller de l’avant. En leur présence, une question se cachait, mais dès que je les quittais, elle revenait ! Je devais obligatoirement y répondre, pour mon bien-être :

Maintenant que je ne suis plus croyant et musulman pratiquant et que rien ne se trouve après la mort jusqu’à preuve du contraire, ni paradis ni enfer ; alors, pourquoi rester en vie si je vais, dans tous les cas, mourir ?

J’ai trouvé la réponse à cette question sur un site consacré à l’athéisme. La voici :

Prendre conscience de sa non-croyance est comme une nouvelle naissance. C’est comme une immense bouffée de liberté. Cependant rien n’est réglé, tout reste à construire.

Si la question « pourquoi rester en vie ? » n’est pas la plus importante, les questions fondamentales sont : Pourquoi vivre ? Et dans quel but ? Comment vivre ? Comment affronter les épreuves de l’existence, les malheurs et la mort ?

« L’athéisme n’est pas une conclusion, c’est un point de départ ! » disait Mathieu Delarue.

J’en ai parlé à mes parents. Mon père m’a soutenu, affirmant son humanisme et qu’il ne croyait en aucune divinité transcendante, uniquement en l’humain et ce depuis très longtemps ; qu’il ne m’en avait jamais parlé avant pour ne pas m’influencer, afin d’y arriver par moi-même. Lui, il jeûnait pour participer à cette ambiance de ramadan dans une société musulmane dans laquelle il vivait. Pour lui, la religion est un refuge dans les mauvais moments alors que la non-croyance se nourrit du vide de son objet et qu’un sentiment de malaise persiste toujours en elle. Tout cela pour me dire qu’il faut bien réfléchir à son choix.

Ma mère l’a mal pris. Elle a arrêté de me parler pendant un mois. Ensuite, sans ressortir ce sujet, elle m’a interpellé un samedi de bon matin en me disant : « Tu as encore dit Bismilah (au nom de Dieu) à la vie et tu nies l’existence de Dieu ? »

Je lui ai répondu : « Oui ! »

Et elle a rétorqué : « Continue d’être athée, un jour, tu deviendras homosexuel ! »

Très sympa de la part d’une mère, mais cette réponse m’a tellement fait rire que je n’ai pas voulu surenchérir à cette provocation maternelle. Je vais, dorénavant, en subir bien d’autres dans la vie de tous les jours.

Nous écrirons jusqu’à détruire ces histoires à dormir debout… !


Notes

  • * Après « Je suis orphelin de Dieu (histoire d’une abjuration) », paru dans la Newsletter n° 14, nous sommes heureux de publier ce nouvel article que nous fait parvenir Mustapha, ce jeune maghrébin mineur.
Tags : athéisme coran islam sens de la vie

Je suis orphelin de Dieu (histoire d’une abjuration)

Posté le 9 novembre 2016 Par ABA Publié dans Athéisme Laisser un commentaire
Mustapha*

« Nous écrirons jusqu’à détruire ces histoires à dormir debout dans vos têtes, qui rendent nos vies invivables et détruisent nos pays. […] Nous écrirons jusqu’à ce que nous puissions tous vivre en paix, dans l’amour et en liberté. » écrivait Omar Batawil, jeune yéménite de 18 ans assassiné à Aden, deux balles dans la tête, pour avoir critiqué le fondamentalisme religieux sur Facebook, il était athée. Ce texte est dédié à sa mémoire… et à la mémoire de tous ceux qui ont perdu leur vie pour cet honorable combat.

Chaque Marocain est de facto considéré comme musulman, qu’il le soit ou pas : l’article 3 de la Constitution marocaine révisée en 2011 refuse aux personnes que l’État considère comme musulmanes le droit de se déclarer non-musulmanes. Par ailleurs, dans mon pays, le Maroc, mon incroyance (mon athéisme) est mise entre parenthèses, elle reste voilée aux regards indiscrets afin d’éviter à ma petite personne tous problèmes avec les autorités.

Je suis issu d’une famille « mi-croyante », ma mère est musulmane, mais non pratiquante, mon père est un humaniste laïque.

Et moi ?

Je suis athée de naissance tout comme chaque être humain, mais après l’accouchement et comme la tradition musulmane l’exige, la mère ou le père prononce quelques mots, à l’oreille droite du nouveau-né, au petit être sorti tout droit du ventre maternel après les cris déchirants de la mère qui aident à ouvrir le passage à la vie. Est-ce l’équivalent de la formule tant connue : « Sésame ouvres-toi ! » ? Et quand, à son avènement au monde, l’enfant crie suivant le rythme de sa génitrice, est-ce afin que la porte de la vie se referme ? De toutes les façons, c’est par cet acte qu’on m’a plongé dans le chaudron de la religion musulmane. Cela a un nom : l’endoctrinement.

Ma mère m’avait chuchoté et avait prononcé, sans mon consentement, l’appel à la prière. Un appel à la prière (« Al Adhan ») que lance le muezzin du haut de son minaret et qui se répand dans les alentours. Les muezzins des mosquées lancent ce même appel en même temps, avec des voix différentes, des intonations différentes, et décalées. Cela génère un effet de cacophonie, car si vous ne le savez pas, au Maroc, dans le même quartier on peut trouver plus de trois mosquées.

L’Al Adhan est très bref : « Allah est le plus grand. J’atteste qu’il n’y a de Dieu hormis Allah. J’atteste que Mohamed est son messager. Venez à la prière. Venez à la félicité. Allah est le plus grand. Il n’y a de vraie divinité hormis Allah. » Par ce fait, je suis devenu musulman. Pas pour longtemps…

Dans les quelques heures qui suivent son décès, lorsqu’un musulman quitte le royaume terrestre et rejoint le royaume des morts, son corps est emporté à la mosquée, après avoir été lavé et purifié de toutes ses impuretés, et peut-être bien de ses péchés, qui sait ? Il se voit ensuite enroulé dans un linceul, un tissu blanc, une couleur qui représente la pureté dans les trois religions monothéistes. Avec les louanges à Dieu et au prophète, le défunt est ensuite porté par la famille, les amis, jusqu’à la mosquée la plus proche, la plus grande. On y procède à une prière funèbre. On essaie de faire coïncider cette prière avec le moment où le nombre de fidèles bat son plein afin que le maximum de personnes possible prient pour le défunt. Par la suite, on enterre le corps et il disparaît à jamais sous terre pour réapparaître dans sa demeure éternelle qu’est le Paradis. Cette prière aura-t-elle servi à quelque chose ? Si ce n’est qu’à rassembler des personnes…

La vie d’un croyant commence par l’appel à la prière et se termine par la prière. Notre vie se résume-t-elle à une prière ? Que représente-elle ? Et à qui est-elle destinée ? À Dieu sûrement.

Sept jours après ma venue au monde a lieu « l’arbitraire du nom ». Un mouton fut sacrifié pour sanctifier mon nom et Mustapha fut le prénom qu’on m’a « offert ». Pourquoi sacrifier un mouton pour m’octroyer un prénom ? Nous venons à la vie et lui la quitte pour sanctifier un prénom, mon prénom, pourquoi ? Prendre « l’âme » d’un animal pour s’acquitter d’un devoir religieux n’est-il pas injuste ?

Lors de l’abatage religieux, les animaux sont égorgés, pleinement conscients, sans étourdissement, or l’étourdissement est nécessaire pour limiter la souffrance des animaux. Cette dérogation a été accordée aux abattages rituels musulman et israélite. C’est inacceptable parce que cruel. Certes, la liberté religieuse doit être respectée, mais le bien-être animal aussi.

La Sunna (les dits et faits du prophète) dit que pour un garçon il faut égorger deux moutons et pour une fille un seul suffit. L’inégalité entre les deux sexes commence à la naissance et elle devient de plus en plus présente dans la vie de la femme au fur et à mesure qu’elle grandit :

  • Le prophète avait dit dans un hadith (dits du prophète) très connu que « Les femmes ont moins de raison et de foi que les hommes».
  • Une femme qui a ses règles est considérée comme impure et ne peut ni pratiquer le jeûne, ni faire ses prières, ni tourner autour de la kaâba, ni lire le Coran ou le toucher.
  • Un mari peut battre sa femme en se référant à la parole de Dieu dans le Coran, Sourate Les Femmes, Verset 34 : « Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leur lit et frappez-les. [..] ».
  • Le témoignage d’un homme vaut deux témoignages de femmes.
  • L’inégalité en matière d’héritage, la fille ne reçoit que la moitié de la part du fils.
  • La femme est considérée comme un objet sexuel et non comme un être à part entière. Les soixante-douze vierges qu’attendent les musulmans au Paradis en est la preuve symbolique.
  • Les autorités publiques ne doivent pas être confiées à une femme, l’imamat en fait partie comme l’a dit le prophète : « Un peuple qui met à la direction de ses affaires une femme ne connaîtra point la réussite ».

Finalement ce verset coranique résume toute les inégalités : « Les hommes ont autorité sur les femmes du fait que Dieu a préféré certains d’entre vous à certains autres ».

Ensuite, j’ai subi une autre épreuve, une intervention chirurgicale à l’âge de trois ans, qui consiste en l’ablation du prépuce, opération plus connue sous le nom de circoncision, sans évidemment avoir donné un consentement libre et éclairé. Ne s’agit-il pas d’une mutilation ? Pourtant, l’article 41 du Code de déontologie médicale n’indique-t-il pas : « Aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux et, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l’intéressé et sans son consentement ».

Ali Shariati avait dit : « Mon père a choisi mon prénom et mon nom a été choisi par mes ancêtres. Ça suffit, je choisirai mon chemin ». J’ajouterai que dans la société où j’ai grandi, il était naturel d’opter d’office la religion musulmane.

Je choisirai mon destin ! Je choisirai mon destin ! On me parlait de ces prophètes dont l’un aurait d’un coup de bâton fendu la mer en deux ; qu’un autre aurait été avalé par un animal marin géant et qu’il fut relâché après de longues incantations à la grâce du Seigneur ; qu’un autre encore aurait sauvé l’humanité, sa faune et sa flore, d’un déluge en prenant un mâle et une femelle de chaque espèce en les mettant à l’abri dans une arche construite selon les recommandations de Dieu ; qu’un autre prophète savait parler aux animaux, et qu’un autre enfin aurait marché sur l’eau, transformé l’eau en vin et ressuscité les morts… Miracles ! Miracles ! Miracles ! Jour après jour, mois après mois, année après année, les mythologies anciennes issues du désert d’Arabie m’étaient contées par les instituteurs, par ma mère, par la famille de ma mère dont mon oncle, sa femme et son fils sont fondamentalistes, et bien sûr par les imams des mosquées dans les prêches du vendredi, et quotidiennement durant le mois de ramadan : le mois où les musulmans doivent jeûner afin de se rapprocher de Dieu, et s’abstenir de boire, de manger, et d’entretenir des relations sexuelles, du lever au coucher du soleil. Les portes du Paradis s’ouvrent, celles de l’Enfer se ferment et les démons avec à leur tête Satan sont mis au cachot : un mois pendant lequel les anges entourent les demeures où le Coran est récité ; un mois où la récompense des bonnes actions est multipliée et les péchés sont pardonnés.

Mais si les démons et Satan se retrouvent enchaînés, alors comment les pires atrocités peuvent-elles se produire lors de ce mois sacré ? N’y a-t-il pas eu d’attentats à Ankara ? Les tueries de l’organisation de l’État Islamique ont-ils cessé ? Encouragés par Satan ou pas, les êtres humains continueront à commettre les pires atrocités. Cela démontre qu’il n’y a pas plus grands démons que les humains… Ce que je trouve cocasse pendant ce mois est que les mosquées deviennent archicombles et qu’à la fin du mois « les maisons de Dieu » se retrouvent de nouveau avec une assistance clairsemée. Ce n’est qu’à ce moment de l’année que les mosquées se remplissent. Les musulmans non-pratiquants deviennent pratiquants le temps d’un mois. Mais le plus insolite dans tout cela est qu’après le ftour, le repas qui rompt le jeune, les musulmans retrouvent leur activité favorite, le harcèlement des femmes dans la rue. Les fumeurs et les amateurs d’alcool font une pause pendant ce mois pour reprendre de plus belle à la fin du mois de ramadan. Quelle hypocrisie ! Dire que le ramadan est le mois qui freine la libido pendant la journée mais la stimule bien plus après le ftour, serait une lapalissade.

Dans les pays musulmans comme le mien, ne pas jeûner peut coûter six mois de prison et pourrait conduire au lynchage des non-jeûneurs. Lynchés comme ce jeune couple marocain qui avait eu « l’audace » de déjeuner sur la terrasse d’un fast-food connu de tous : McDonald’s. Et ce, en plein ramadan. La vidéo a rapidement circulé sur les réseaux sociaux. Une avalanche d’insultes s’ensuivit. Vingt minutes plus tard, l’enregistrement vidéo s’est retrouvé sur tous les électroniques d’information.

Qui a provoqué une cette avalanche de réactions ? Une personne qui serait, comme on dit au pays qui est le mien, mramden, et qui les a surpris dans le feu de l’action ! Pour information, mramden» est l’état nerveux d’une personne qui jeûne, supportant avec grand peine les privations ramadanesques et cherchant querelle à tous les malheureux qui croisent son chemin.

L’Islam parle d’un Dieu invisible qu’on nomme Allah et ayant quatre-vingt-dix-neuf noms, il vit au-dessus de nous, sa demeure est au ciel, la kaâba et les mosquées que les fidèles ont construites pour l’adorer. Il a créé deux demeures, la première est le Paradis que tout le monde désire et la seconde est l’Enfer que tout le monde craint. Il a choisi parmi les humains, des élus, ses porte-paroles, des prophètes afin de nous guider vers le « droit chemin ». Ceux-ci pointent les erreurs et les fautes, ils constituent un lien entre les créatures terrestres et le royaume céleste, celui d’un Dieu qui aurait révélé ou inspiré trois livres : la Torah, l’Ancien et le Nouveau Testament et le Coran.

Le Coran est le livre des livres. »… Pour ce que j’en compris, son écriture a duré vingt ans, de l’année 612 à l’année 632, et la langue d’écriture choisie est l’arabe. Dieu a envoyé son archange Gabriel, Jibril pour les musulmans, dans le royaume terrestre avec en sa possession quelques lignes, plus communément appelés versets, et les a fait connaître au prophète Mahomet afin que ce dernier les communique à ses fidèles. C’est un recueil de cent-quatorze sourates arrêté dans sa version définitive par le calife Othman. Plusieurs versions existaient avant cette initiative, mais elles furent détruites sur ordre de ce calife.

Certaines sourates furent révélées au prophète dans la ville bénie par la lumière de Dieu, la ville illuminée, Médine, et furent nommées sourates médinoises alors que d’autres furent révélées dans la ville sainte où se trouve la kaâba, la Mecque, et furent appelés sourates mecquoises.

Je doute… Qui a écrit ce livre ? Est-ce Dieu ? On n’en a pas la certitude, son existence tout comme son inexistence restent un mystère ! Et y a-t-il une preuve de l’existence de l’archange Gabriel ? Est-ce le prophète ou les califes qui ont parlé ? Ou bien des auteurs inconnus ?

Et les propos recueillis par le prophète Mahomet sont-ils les mêmes depuis la révélation, sachant que l’assemblage des sourates s’est fait quatre ans après la mort de prophète ? Des versets n’ont-ils pas été omis ? D’autres n’ont-ils pas été rajoutés ? Des erreurs n’ont-elles pas été commises lors de la retranscription des versets venant tout droit de la bouche des personnes ayant appris ces versets du prophète lui-même ? Les mêmes questions devraient se poser pour les hadiths dont la véracité est encore plus douteuse…

Je n’arrivais pas ensuite à comprendre certaines choses dans les « saintes » écritures. Je vais essayer de les énumérer ici.

Dans certains versets du Coran, Dieu ordonne aux musulmans de prier, de jeûner, de faire l’aumône, le pèlerinage si possible, et puis dans d’autres versets, Dieu nous dit qu’il est riche de nos actions. Quel est le but de ces pratiques alors ? Être admis au Paradis ? Le Paradis est le but ultime des musulmans, dont les places limitées leur sont réservées.

Ma vie n’est pas un test dont le résultat décidera de ma demeure après la mort, le Paradis ou l’Enfer. Je ne suis pas prêt à sacrifier ma vie pour une vie dans l’au-delà dont on a aucune preuve. Des pratiques comme le jeûne, la prière, etc. ne sont pas pour moi une manière de juger la vie. Je suis convaincu que la bonté du cœur et de l’esprit et la participation au développement positif de l’humanité sont les seuls critères pour juger une vie. Mais nul n’a le droit de juger ma vie et ce que j’en ai fait.

  • Pourquoi un scientifique, un philosophe, un médecin… qui a été bénéfique à la société n’entrera jamais au Paradis pour l’unique raison qu’il est pas musulman ?
  • La confrontation entre les versets de paix et ceux qui appellent à la guerre… L’Islam est-il pour la paix ou bien plutôt pour la guerre ? Les versets médinois abrogent-ils les versets mecquois ? Les versets mecquois abrogent-ils les versets médinois ? Les versets mecquois parlent de spiritualité et d’imposition de dogme et ceux révélés à Médine datent du moment où le prophète devint chef de guerre. Et puis, les versets mecquois précèdent les versets médinois.
  • La position divine systématique de vouloir favoriser et de rechercher le confort de l’homme aux dépends la femme.
  • La promesse de se délecter de rivières de vin et d’avoir les faveurs de dizaines de vierges dans l’au-delà si le musulman s’abstient de boire de l’alcool ou d’avoir des relations extraconjugales ici-bas. C’est ce qui est dénoncé dans ce quatrain du grand poète persan Omar Khayyam : « Vous dites que des rivières de vin coulent au Paradis, Le Paradis est-il une taverne pour vous ? Vous dites que deux vierges y attendent chaque croyant, Le Paradis est-il un bordel pour vous ? »
  • Pourquoi les fidèles des deux prophètes Moïse et Jésus se retrouveront-ils en Enfer, alors qu’ils prient le même Dieu ?
  • Si nous descendons tous d’Adam et Ève et de leur progéniture, cela signifie-t-il que les enfants du premier couple ont commis l’inceste ? Les récits coraniques disent que le premier couple aurait mis au monde lors de chaque accouchement un garçon et une fille… Les mariages entre garçons et filles, issus d’accouchements différents, n’étaient pas considérés comme de l’inceste. Ce serait quoi alors l’inceste ?
  • Le Coran et les saintes écritures nous disent que nous avons été faits à l’image de Dieu. Sommes-nous donc tout-puissants et parfaits ? Alors pourquoi devrait-on nous blâmer pour nos erreurs ?
  • Tantôt on nous incite à la tolérance vis-à-vis des non-musulmans, tantôt ces derniers sont nommés mécréants et sont rabaissés au rang d’animaux (porcs, vaches, singes…), on leur dénie donc leur humanité : « Les pires bêtes, auprès de Dieu, sont ceux qui ont été infidèles et qui ne croient donc point. » (Sourate 8, Verset 55). « Et ceux qui mécroient jouissent et mangent comme mangent les bestiaux ; et le Feu sera leur lieu de séjour. » (Sourate Mohammed, Verset 12) « Quant à ceux qui n’ont pas cru, ils auront un breuvage d’eau bouillante et un châtiment douloureux à cause de leur mécréance. » (Sourate Yunus, Verset 4) « À ceux qui ne croient pas, on taillera des vêtements de feu, tandis que sur leurs têtes on versera de l’eau bouillante […]. Toutes les fois qu’ils voudront en sortir à la détresse, on les y remettra et on leur dira : Goûtez au châtiment de la Fournaise. » (Sourate Al Hajj, Verset 19 et 22) « Les mécréants ressemblent à du bétail auquel on crie et qui entend seulement appel et voix confus. Sourds, muets, aveugles, ils ne raisonnent point. » (Sourate La Vache, Verset 171)
  • Quant à l’attitude du Coran et des « hadiths » vis-à-vis des juifs : « Vous avez certainement connu ceux des vôtres qui transgressèrent le Sabbat. Et bien Nous leur dîmes : « Soyez des singes abjects ! » (Sourate 2, Verset 65) « Les Juifs disent : “Uzayr est fils d’Allah” et les Chrétiens disent : “Le Christ est fils d’Allah”. Telle est leur parole provenant de leurs bouches. Ils imitent le dire des mécréants avant eux. Qu’Allah les anéantisse ! » (Sourate Tawba, Verset 30) Le prophète a dit : « Aucun musulman ne mourra sans qu’Allah n’admette à sa place un juif ou un chrétien dans le feu de l’Enfer. » Rapporté par Muslim Le prophète a dit aussi : « L’heure du jugement n’arrivera pas tant que vous n’aurez pas combattu les juifs et à tel point que la pierre, derrière laquelle s’abritera un juif, dira : musulman ! voilà un juif derrière moi, tue-le ! » Rapporté par Muslim
  • La charia qui est la loi islamique, condamne l’homosexualité et prescrit pour eux la peine de mort. Dans le Coran, il est indiqué que les membres du peuple de Loth, prophète et neveu d’Abraham, étaient les premiers à avoir commis l’homosexualité, leur sort était le suivant : « Et pour toute réponse, son peuple ne fit que dire : « Expulsez-les de votre cité. Ce sont des gens qui veulent se garder purs ! ». Or, Nous l’avons sauvé, lui et sa famille, sauf sa femme qui fut parmi les exterminés. Et Nous avons fait pleuvoir sur eux une pluie. Regarde donc ce que fut la fin des criminels ! » (Sourate al-A’raf, Versets 83 et 84)

Si Dieu est bien Celui qui a révélé le Coran, alors ces versets de haine en général et de haine des juifs, des chrétiens et des non-croyants, de misogynie, de phallocratie, de guerre, d’homophobie sont bien les siens, alors pour moi, il a perdu sa vertu de bonté. C’est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles j’ai perdu la foi, qui m’a accompagné durant quinze années de ma vie, et je ne crois plus en Dieu.

Comment peuvent-ils enseigner à l’école tout ce fatras comme des vérités absolues alors que l’enfant n’a pas encore les capacités nécessaires pour décortiquer ce qu’il reçoit avec un esprit critique ? Comment peuvent-ils inculquer ces versets de haine et de racisme à des enfants ? Ils exploitent leur innocence en les terrorisant avec des idées trompeuses, sans preuves du Paradis… ni de l’Enfer ! À quand le réveil ? À quand la prise de conscience ?


* Ce texte est le témoignage d’un jeune maghrébin mineur. Il nous raconte son parcours qui l’a conduit au-delà des frontières de la croyance, un chemin qui mène de l’islam à l’athéisme. Mustapha, le prénom donné, pour des raisons évidentes, est un pseudonyme.

Tags : athéisme coran islam sens de la vie

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