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Archives par mot-clé: spiritualité

Euthanasie en France : la spiritualité au secours de la religion

Posté le 8 mars 2023 Par JF Publié dans Religion Laisser un commentaire
Patrice Dartevelle
(photo d’illustration : Paul Ricoeur)

Selon toute apparence, un débat structuré par le Président de la République lui-même va constituer une étape importante vers la légalisation ou non de l’euthanasie (ou du suicide assisté) en France.

Une usine à gaz

Différents organes doivent délibérer en vue de fournir un document comprenant d’éventuelles recommandations aux autorités pour le 19 mars 2023. Vu les oppositions tranchées sur le sujet, le moindre accord relèverait du miracle.

En théorie, on peut difficilement comprendre pourquoi le travail parlementaire ne peut suffire. Des précédents de telles législations existent dans différents pays occidentaux. Elles ont parfois plus de vingt ans d’existence. On peut y puiser la documentation nécessaire.

On sait qu’Emmanuel Macron est réservé sur le fonctionnement de l’Assemblée nationale française, qu’il y soit majoritaire ou non. Il faut dire que depuis la loi de dépénalisation de l’IVG portée par Simone Veil en 1974-1975, le bilan de l’Assemblée est mince en législation concernant des problèmes éthiques, notamment en bioéthique. Il a fallu 2013 pour autoriser le mariage homosexuel. Au vu des manifestations contre cette loi, on peut comprendre les réticences des derniers présidents à l’élargissement des droits éthiques.

Le projet, en tout cas, rencontre une forte opposition politique et religieuse en France. Cependant si l’on rapporte le nombre des manifestants au nombre d’électeurs, le chiffre n’était pas si élevé, d’autant que le mouvement apparaissait comme une manifestation du « Hollande bashing ».

L’idée de base de la procédure en cours est de réunir 170 citoyens « lambda », sous forme d’un groupe de travail. Ils ont été sélectionnés par tirage au sort sur la base de plus de 100.000 appels téléphoniques (il fallait leur accord, ce qui n’est pas neutre, les opposants étant souvent particulièrement motivés et certaines associations comme ATD Quart Monde ont réussi à y infiltrer des sympathisants) de manière à constituer globalement une image en réduction de la population majeure en France. Le choix confié au hasard d’une sélection de Français était justifié par certains par la non-technicité de la question.

Ensemble ils vont former la « Convention citoyenne sur la fin de vie », qui se réunira au cours de neuf week-ends de trois jours. Ses membres recevront une indemnité quotidienne de 94,60 € (ce qui posera des problèmes aux titulaires de profession libérale)[1].

Prudent non sans raison face à ce genre de groupe, le président Macron a demandé à l’écrivain Éric Orsenna de « concevoir un lexique des mots de la fin de vie », qui doit être livré avant la fin de la Convention citoyenne. Livraison que j’aurais plutôt imaginée avant la première réunion… Eric Orsenna a accepté la mission, pour autant qu’on lui adjoigne neuf personnalités pour l’accompagner dans le travail. Ces personnalités sont déjà connues. On y trouve des sociologues, un psychologue, et même un ancien chef de service d’un centre de soins palliatifs. Tant qu’à faire un travail sur la langue, j’aurais mis un ou deux linguistes ou philologues. Il paraît qu’ils vont même s’occuper de l’étymologie des mots, comme si celle-ci pouvait nous éclairer sur le champ sémantique actuel[2].

Deux des membres sont connus comme partisans de l’euthanasie[3]. En fait, dans cette étonnante préoccupation, il y a anguille sous roche. Lors de sa rencontre avec le pape, le Président Macron lui a déclaré qu’il « n’aimait pas le mot euthanasie » et que « la mort était un moment de vie, pas un acte technique ». L’ancien ministre de la Santé – aujourd’hui ministre du Renouveau démocratique –, Olivier Véran estime que le mot euthanasie « n’est pas un joli mot » et que c’était un mot qui était « connoté dans la langue française ». Il sous-entend que cela renvoie à l’euthanasie des handicapés, des incurables par les nazis.

C’est là une parfaite utilisation de la reductio ad Hitlerum. On se souvient que quand la régionalisation a été décidée en Belgique et qu’on a mis à Namur la capitale de la Wallonie, certains opposants ont utilisé l’argument que l’occupant allemand avait déjà utilisé Namur comme « capitale » de la Wallonie. Lamentable…

Irait-on vers une euthanasie avec un autre mot ? Ce n’est pas si simple. Un membre du groupe Orsenna, ancien directeur des Hôpitaux de Paris et conseiller d’État, a répliqué correctement que « le Parlement saurait écrire un texte avec des termes précis » et qu’il ne croyait pas qu’il soit possible de légaliser l’euthanasie en France en utilisant « une espèce de périphrase. La loi doit être claire, c’est même un objectif constitutionnel ».

Spiritualité et transcendance chez Emmanuel Macron

Le « meilleur » reste à venir.

Le journal Le Monde a entrepris de sonder le Président Macron sur sa pensée à propos de l’euthanasie. À la manière dont fonctionne aujourd’hui la presse française, l’article, au titre évocateur (« La pensée insondable de Macron »), qui s’étale sur près de deux pages[4] reprend des déclarations publiques mais aussi des propos de très proches, identifiés ou non, des propos privés de l’intéressé et de sa femme, en off masqué. Il donne une analyse des hésitations et du flou de la pensée d’Emmanuel Macron.

Au retour de Rome, le président français expose son indécision en montrant combien il comprend difficilement la position de ceux qui réclament la libéralisation de l’euthanasie : « Ma mort m’appartient-elle ? C’est une question intimidante. Je ne suis pas sûr d’avoir la réponse ».

Une écrivaine, autrice d’un livre sur les Macron, Gaël Tchakaloff, voit la clé non pas dans des raisons religieuses mais « spirituelles ». On le sait, Emmanuel Macron a été un proche, un familier même du philosophe Paul Ricœur. Ce dernier a écrit sur le sujet et sans argument, en dehors d’interrogations de mauvaise foi, il tranche : « Pour qui la prolongation est-elle insupportable ? » On n’en croit pas ses yeux alors que la réponse est simplissime : pour l’intéressé lui-même ! Et il conclut : « Le choix n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le mal et le pire, même alors le législateur ne saurait donner sa caution ».

L’argumentation est reprise par l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzin. Un député du parti de Macron et ami de celui-ci depuis leurs études déclare pour sa part : « Je pense que sur le sujet de la fin de vie, le rapport d’Emmanuel Macron à la transcendance ne viendra pas déterminer ou surdéterminer les décisions qu’il prendra et qui sont de nature politique ». Le député est optimiste et il aura peut-être raison mais lui aussi désigne la source du problème : le rapport à la transcendance.

Le 12 septembre 2022, Emmanuel Macron s’exprime devant la presse sur les deux modèles qui peuvent servir de référence : le belge et le suisse, avec le suicide assisté. Il trouve des faiblesses aux deux modèles, pourtant aisément compatibles, et revient sur ce qui le chipote : « Est-ce que chacun peut disposer de sa vie ? Il y a une immense difficulté quand l’expression du consentement peut être altérée par des circonstances de souffrance et des troubles psychologiques ». Ne devrait-on pas plutôt dire que l’intéressé pèse le mieux les éléments de sa cause voire que sa situation lui donne une lucidité particulière ? Comment peut-on balayer la question de la souffrance en quelques mots ? Probablement parce que Macron reste dans le dolorisme chrétien.

Ce ne sont là que des excuses pour légitimer des procédures dilatoires que l’état de l’opinion publique ne dicte pas : selon les sondages 94 % des Français sont favorables à l’euthanasie.

On le voit, spiritualité et transcendance aboutissent à la même attitude que les convictions proprement religieuses : ma spiritualité m’amène à faire ceci et donc je l’impose à tout le monde, d’autant qu’elle se fonde sur une transcendance.

Quitte à ne pas me renouveler, je ne puis que rappeler que lors de ma première intervention publique pour l’Association Belge des Athées en 2013, je disais que ce qui pose aujourd’hui le principal problème aux athées européens, c’est, avec l’islam, l’incitation à la spiritualité. C’est la position du second groupe le plus significatif dans les sondages, celui dit des « sans religion » – athées non compris – qui représente 32,6 % des opinions. Lors de différentes conférences, j’ai plus d’une fois expliqué qu’il s’agissait d’un groupe « en recherche », le plus irrationaliste de tous, dont on ne peut savoir ce qu’il va trouver[5].

On voit bien par l’exemple de Macron les dangers que recèle la spiritualité, simplement pour l’acceptation de la diversité éthique dans la population. Chassez le naturel…

La convention citoyenne ne se laisse pas faire

Tout ceci laisse mal augurer de la décision finale. Mais on connaît dès maintenant les résultats des premiers votes intervenus à la convention citoyenne[6]. 84 % de ses membres ont estimé que la législation en vigueur n’était pas « adaptée aux différentes situations rencontrées » et qu’il fallait changer la loi » et 75 % ont voté pour une « aide active à mourir ». Autre point qui semble positif, le Président Macron devait recevoir à diner les représentants des différents cultes – tous hostiles à l’euthanasie, bouddhisme compris – et quelques personnes favorables à l’euthanasie. Le diner a été prestement annulé.

Sur l’intime conviction du Président, j’ai dit ce qu’il fallait dire mais peut-être de là à affronter pareilles majorités… Espérons…


[1] Béatrice Jérôme, « Fin de vie : l’enjeu de la convention citoyenne » in Le Monde du 10 décembre 2022.

[2] Avec une parfaite clarté, la linguiste Véronica Thiéry-Riboulot, interrogée sur son livre Laïcité, histoire d’un mot, répond à la question : « L’histoire du mot “laïcité” aide-t-elle à lui donner un sens aujourd’hui ? » par un très net « Non. Ce que montre l’histoire des mots, c’est que chaque période historique et sociale est marquée par leur utilisation en fonction du contexte particulier qui est le leur » in Le Monde du 28 décembre 2022.

[3] Béatrice Jérôme, « Un groupe d’experts pour mettre des mots sur la fin de vie » in Le Monde des 24-25 et 26 décembre 2022.

[4] Claire Gatinois et Béatrice Jérôme, « Fin de vie : la pensée insondable de Macron » in Le Monde du 9 décembre 2022.

[5] Une fois encore je renvoie au texte de mon intervention « Le retour de la spiritualité, nouveau masque de la religion ? » in La Pensée et les Hommes, N°99, Franc-Parler 2015, pp.59-70 et reproduit dans L’Athée n°9 (2022), pp. 63-79. Il a été mis en ligne le 29 novembre 2021 sur athees.net.

[6] Béatrice Jérôme, « La convention citoyenne favorable à une « aide active à mourir », Le Monde du 21 février 2023.

Tags : Éric Orsenna euthanasie France Macron Paul Ricoeur spiritualité

La méditation en pleine conscience : une religion qui ne dit pas son nom

Posté le 8 mars 2023 Par JF Publié dans Religion Laisser un commentaire
 Anne Morelli

Les magazines et revues ne cessent de vous le marteler : il faut « prendre du temps pour soi », « se recentrer sur soi » et méditer.

Mais la méditation à la mode n’est plus la ruminatio à partir de L’Imitation de Jésus-Christ ou d’un autre texte de la piété chrétienne.

Pour méditer « actuel », il faut, comme le coureur cycliste Remco Evenepoel, comme les vedettes du show business ou les malades de l’Hôpital Sainte Thérèse de Charleroi, pratiquer la mindfulness ou méditation de pleine conscience (Le Soir du 6 octobre 2022).

Une religieuse de la paroisse Sainte Suzanne à Schaerbeek assure[1] que cette pratique méditative s’inspire de la prière chrétienne. De son côté, une « coach » conseille d’utiliser la pleine conscience pour éduquer les enfants de 7 à 12 ans[2]. Cette technique, diffusée aussi dans les milieux financiers, serait une réponse aux douleurs chroniques telles que la fibromyalgie et éviterait les rechutes dépressives[3].

Les pratiques de pleine conscience connaissent un tel succès que l’ULB elle-même accueille l’association « Emergences » qui les diffuse[4] après avoir touché les autres niveaux d’enseignement et les entreprises. Son Hôpital Erasme a cédé à la mode en mettant en place un programme de mindfullness.

De nombreuses multinationales organisent des sessions régulières dans leurs bureaux, qui déboucheraient le plus souvent sur une implication plus grande des employés et contribueraient à prévenir leur stress.

A l’image de ce qui se passe chez Google, où plus d’un millier de travailleurs sont passés par ces sessions d’entraînement, de nombreuses sociétés auraient vu l’enthousiasme de leurs employés et leur rythme de travail s’améliorer suite à ces méditations qu’il est possible de suivre en présence ou sur une application, toujours contre paiement évidemment.

Bref, cette panacée universelle est maintenant connue – et admise – du public le plus large et se prétend « totalement laïque et dénuée de toute considération religieuse ou philosophique »[5].

Avant de laisser cette pratique méditative envahir les écoles, les hôpitaux et les milieux professionnels, il est bon de s’informer sur les origines et le développement de cette « pleine conscience ».

Le livre d’Elisabeth Martens[6] nous en donne l’occasion.

L’auteure est une biologiste issue de l’ULB, passionnée de bouddhisme.  Elle a passé trois ans en Chine pour y étudier la médecine traditionnelle et elle pratique quotidiennement la méditation.

Ce qu’elle remet en question dans son ouvrage n’est pas le bénéfice que la méditation peut apporter à des souffrances psychosomatiques mais le mouvement de la pleine conscience dans ses aspects notamment politiques, religieux et de business, soutenus par ses leaders.

La Mindfulness a été introduite aux États-Unis par Jon Kabat-Zinn, beau-fils du célèbre Howard Zinn auteur de l’Histoire populaire des États-Unis (que j’ai fait lire à des générations d’étudiants !).

Jon est biologiste et hippie. C’est à cette époque qu’il se tourne vers un maître bouddhiste, venu en Occident enseigner la méditation.

Pour l’auteure, le bouddhisme a trouvé avec la mindfulness une occasion magnifique de pénétrer les instances économiques mais aussi politiques (plusieurs parlements) des pays industrialisés.

Car, malgré l’auto-proclamation de laïcité, c’est bien du bouddhisme qu’il s’agit.

Le bouddhisme est bien une religion 

Les pratiques de pleine conscience sont en effet des pratiques méditatives Vipassana issues des traditions bouddhistes, enseignées par toutes les écoles bouddhistes, quelles que soient leurs divergences.

De nombreux adeptes de la pleine conscience ne sont pas informés de l’origine bouddhiste de leur pratique, que ne mentionnent d’ailleurs pas de nombreux livres ou sites.

Qui a voyagé en Orient a pu constater le caractère absolument religieux du bouddhisme avec ses prêtres, ses temples, ses offrandes, ses dogmes (le nirvana, le karma, la « réalité ultime » …), ses prétentions de salut, ses Bouddhas déifiés et ses fanatiques déchaînés (comme en Birmanie) contre les tenants d’autres religions.

Mais, dans la version occidentalisée, le bouddhisme séduit des intellectuels auxquels il se présente comme une « spiritualité athée ». L’au-delà y est pourtant présenté comme une délivrance par rapport à la vie sur terre et le fidèle se dissout dans la « conscience universelle ». Il s’agit d’échapper à la Roue des existences sans fin…

Le bouddhisme, pas plus qu’une autre religion, ne repose sur des observations vérifiables et il implique donc la foi.

Le « Mind and Life Institute » de Jon Kabat-Zinn a pour président d’honneur le dalaï-lama et vise le monde scientifique et médical occidental pour propager en Europe (avec le financement notamment de la Commission européenne), la pleine conscience.

Le mouvement de la pleine conscience, concrètement impliqué dans le bouddhisme, est devenu le soft power du néo-bouddhisme occidental qui progresse à vive allure, sans grandes résistances.

Il a su s’adapter à la demande et « oublier » ses gourous, ses démons, ses miracles, la naissance miraculeuse de Bouddha, ses pouvoirs surnaturels …

La plasticité du bouddhisme a permis son implantation progressive en Occident depuis le siècle des Lumières.  Au XIXe siècle, les intellectuels anticléricaux en retiennent le mythe tibétain diffusé par la « Société théosophique » d’Helena Blavatsky, un mythe repris dans le cadre de la guerre froide.

Le dalaï-lama joue dans le cadre de la guerre contre la Chine un rôle essentiel, qui lui permet en outre d’assurer son expansion à l’Ouest et de multiplier ses fans.

L’auteure rappelle la proximité de ce mythe tibétain avec les théories du national-socialisme et les méthodes du « Tibetan Youth Congress », béni par le dalaï-lama préconisant la violence, le sexisme et le racialisme. Chez les lamas, comme dans bien d’autres clergés, les scandales financiers et sexuels sont nombreux, sans entraîner de réaction du dalaï-lama.

La pleine conscience promet certes d’apporter bien-être, empathie, amour, paix et bonheur. 

Mais une chose est certaine cette industrie enregistre des chiffres d’affaires considérables. Ses revenus se comptent en millions de dollars. Sans burn-out et maladies psychosomatiques, ce commerce – fait d’instituts, centres de relaxation ou écoles de méditation – s’effondrerait.

Libre à chacun de ne prendre que la part «philosophique» du bouddhisme et de pratiquer la méditation Vipassana. Mais il faut savoir que le bouddha athée est une interprétation très particulière du bouddhisme.

Comme le conclut Elisabeth Martens : « Ignorer ses aspects cultuels et ses dérives historiques, c’est rester sciemment aveugle aux conséquences possibles de la mainmise du bouddhisme sur notre vie et notre société. Le bouddhisme est autant à interroger que n’importe quelle autre religion, il n’a échappé à aucune des dérives propres aux institutions religieuses, ni en Asie ni chez nous »[7].


[1] RTBF, 23 décembre 2022.

[2] Femmes d’Aujourd’hui, 22 décembre 2022. Présentation de son livre-carnet pour enfants.

[3] Le Soir, 8 octobre 2022, article de Pauline Martial « La mindfulness, bénéfique pour le corps et l’esprit ».

[4] Le centre de formation continue « Santé et sciences de la vie » de l’ULB propose une formation à la pleine conscience, certifiée par l’Université.

[5] Le Soir, idem.

[6] La méditation de pleine conscience – L’envers du décor, Investig’Action, 2021, 279 p.

[7] Op. cit. p. 86.

Tags : bouddhisme dalaï-lama Élisabeth Martens Helena Blavatsky méditation en pleine conscience Mindfullness spiritualité

Des effets pervers de l’effondrement des religions traditionnelles en Europe

Posté le 22 décembre 2021 Par ABA Publié dans Modernité/Postmodernité Laisser un commentaire

Patrice Dartevelle

Les incroyants se sont réjouis ces derniers mois de la publication pour le grand public des chiffres relatifs aux pratiques religieuses et aux croyances en Europe. Il s’agit principalement de la version 2018 de l’enquête sur les valeurs European Values Survey (EVS), réalisée tous les dix ans environ. Sa crédibilité est la plus certaine (pour la France, 1780 sondés, plus un échantillon de 721 jeunes âgés de 18 à 29 ans). Malheureusement, pour des raisons que j’ignore, la Belgique n’a pas été traitée en 2018. On dispose en revanche des chiffres pour la France, dont la situation ne peut être très différente de celle de la Belgique, mais bien sûr pas forcément identique. On dispose en plus, dans ce cas, d’un ouvrage de synthèse, rédigé par deux des plus éminents sociologues français des religions, Philippe Portier et Jean-Paul Willaime, qui se sont succédé de 2002 à 2018 comme directeur d’études à l’École Pratique des des Hautes Études[1].

La décatholicisation

Des chiffres publiés, on a surtout retenu, non sans raison, qu’en 2018, la France compte 21 % d’athées et 37 % de sans religion, soit une majorité (58%) de non-croyants. En 2008, on était dans une situation d’équilibre (50/50) et en une décennie, athées et sans religion ont accru leurs chiffres de 4%.

Le phénomène n’est donc pas intrinsèquement nouveau, même si le passage à une majorité de non-croyants a effectivement une valeur symbolique. C’est la comparaison avec 1981, à une époque où on ne compte que 27% de non-croyants, qui est spectaculaire. De plus, si on prend les chiffres des 18-29 ans, on obtient 28 % d’athées et 39 % de sans religion et donc un maximum de 33% de croyants. Comme il faut compter 13 % de musulmans, les catholiques, protestants, juifs, bouddhistes, etc. ne peuvent plus se partager que 20 % de la population jeune.

Trois conclusions semblent s’imposer : la France est décatholicisée, la non-croyance (athées et sans religion) est devenue dominante et l’islam est occupé à prendre une place importante, rivalisant avec le catholicisme chez les jeunes.

Désillusions

Pour l’athée que je suis, tout ou presque semble positif. Je crains pourtant qu’un tel bilan ne soit qu’une illusion. Tous les chiffres que je viens de citer reposent sur une déclaration d’appartenance à une catégorie, ce qui est beaucoup trop simple.

Examinons plus finement les croyances précises pour comprendre ce qu’il en est.

La croyance en une vie après la mort, qui était stable depuis plusieurs décennies autour du tiers des sondés, passe maintenant à 41 %. Celle en l’existence du paradis passe de 26 % en 1981 à 35% et celle en l’existence de l’enfer (pourtant mise sous le boisseau par l’Église depuis plusieurs décennies) de 15 à 26 %. Quant à la réincarnation, qui ne doit rien au christianisme, ses partisans passent de 22 à 26%.

Et ici aussi, le virage pris par les jeunes va dans le même sens et est encore plus marqué. Pour les 18-29 ans, la croyance en une vie après la mort passe de 30 à 47 %, la croyance au paradis de 18 à 38 %, celle à l’enfer de 11 à 32% et celle en la réincarnation de 19 à 33%. Dans ce groupe d’âge, il faut évidemment tenir compte d’une plus forte proportion de musulmans mais celle-ci ne peut tout expliquer.

Pour un rationaliste, la situation actuelle est au moins ambiguë et celle qui s’annonce nous promet un recul vers le monde d’autrefois, d’il y a bien longtemps, celui de la superstition et de la crétinerie. Laissons le questionnement sur le rôle et le fonctionnement actuels de l’enseignement, spécialement secondaire.

Lors des États Généraux de l’athéisme en octobre 2013, j’avais exposé mes raisons de créer une association d’athée[2]. Il ne s’agissait pas, selon moi, de craindre une remontée du catholicisme mais bien de considérer que le groupe des « sans appartenance religieuse » (32,6% des Belges selon le sondage EVS de 2009) créait plus qu’une incertitude. Il laissait poindre un risque de dérives irrationnelles dont j’avais fait de Frédéric Lenoir le porte-drapeau le plus significatif, le plus dangereux et le plus répandu. On peut voir maintenant que je n’étais nullement pessimiste. Le risque s’est concrétisé et est devenu majeur. L’Ouest européen lui-même, qui semblait jusqu’il y a quelques décennies la partie du monde la plus immunisée contre l’irrationnel, a pratiquement cédé et se prépare à une incroyable régression dont bien évidemment les musulmans ne nous aideront pas à nous sauver (mais ils ne sont pas la source du problème).

Un paysage religieux modifié

On peut aussi éclairer le problème d’une autre manière ou l’aborder sous un autre angle, ce qu’envisagent Ph. Portier et J.-P. Willaime, que je rejoins facilement sur ce point. On peut effectivement voir deux blocs, mais différemment, de l’opposition classique.

Dans le premier, on peut mettre ceux qui ont des convictions affirmées, chacune classiques de leur côté mais dont l’ancienne opposition semble bien moins farouche que par le passé ; et dans l’autre, le groupe dangereux des sans religion, au sein duquel se recrute largement les tenants des thèses irrationnelles.

Dans le premier, on met les athées convaincus et les catholiques, qu’ils soient rationalistes ou théologiquement traditionnels, ce qui fait 63 %, contre 82 % en 1981 et donc 37 % du groupe incertain des sans religion. Reste le cas des catholiques non pratiquants, qui ne sont sans doute pas si éloignés des sans religion. Si on les agglomère avec les sans religion, on aboutit à un bloc de 56%, qui peut être une majorité. Il n’est pas impossible de voir ainsi une forme de proximité entre les deux groupes historiquement les plus antagonistes, que sont les athées et les croyants traditionnels.

Étrangement, ce clivage nouveau correspond à celui qu’établit Frédéric Lenoir, qui range en deux camps opposés ses amis et ses ennemis. Ces derniers sont à ses yeux les croyants comme autrefois et les athées, qu’il appelle toujours dogmatiques, c’est-à-dire les athées convaincus de Portier et Willaime (sans doute repris de l’étude EVS). Les deux sociologues français en imaginent une possibilité de voir les athées reconsidérer la présence des religions dans l’espace public. Cela me semble par contre une illusion : les croyants traditionnels sont un groupe qui se réduit comme une peau de chagrin. Ce sont bien les athées qui vont se retrouver seuls pour mener la lutte contre un irrationnel primaire comme jamais.

Les « nones »

La question des sans religion est donc cruciale. On peut l’examiner plus avant sur la base d’un ouvrage plus récent encore que celui de Portier et Willaime, celui de Guillaume Cuchet, un historien de l’Université de Paris-Est Créteil[3].

Celui-ci consacre un chapitre à la question sous le titre explicite « Spirituels mais pas religieux. La montée des sans religion (“nones”) » (pp. 79-96). G. Cuchet, attitude particulièrement rare en France, se présente comme un catholique traditionnel, sans lien avec les fondamentalistes.

Il est intéressant de constater que la révolution qu’est le phénomène des « nones » – terme américain, choisi pour écarter l’appellation de « non-affilié » qui connotait l’idée d’une séparation d’une norme préalable – lui « paraît à terme un phénomène plus important que l’islam », islam dont il regrette qu’en France, 40 % des thèses en cours en histoire et sciences sociales des religions lui soient consacrées, aux dépens de l’explosion des « nones ». Selon les cas, G. Cuchet étudie ceux-ci en y incluant ou non les athées, la pratique américaine étant de les globaliser.

Il remarque tout d’abord que le phénomène n’est pas si récent, sans même parler de l’histoire des anticléricaux et des libres penseurs. Mais il est vrai que je pense qu’il a raison quand il dit que « les “nones” n’ont qu’un rapport de filiation assez lointain avec les libres penseurs du XIXe siècle (sic) », du moins si on en écarte les athées convaincus. Pour les autres, en effet, je doute que la lecture des Lumières ait pu les influencer, d’autant plus qu’ils n’ont pas procédé à pareilles lectures.

En fait, G. Cuchet veut tenir compte de ce que les 4/5e des jeunes « nones « n’ont pas reçu d’éducation religieuse. Ce ne sont donc pas des « décrocheurs » mais des « décrochés » de deuxième génération ou plus. Sans doute, mais il resterait alors à expliquer la rapide croissance de leur nombre. La conséquence de cette situation, c’est que toute perspective de retour à la religion d’origine doit être écartée. Tout à l’inverse, les « nones » sont, pour cette raison, particulièrement disponibles pour d’autres parcours.

Selon les pays, la situation peut varier. L’éloignement d’avec la religion est plus ancré chez les « nones » européens qu’aux États-Unis. Dans ce pays, 30% des « nones » enregistrés une année ne le sont plus l’année suivante. Dans un pays habitué à un « marché » du religieux, renoncer à toute affiliation religieuse peut donc vouloir dire qu’on est en train de chercher une religion à son goût. C’est moins vrai en Europe mais, sur notre continent aussi, une partie des sans religion est en recherche sinon d’une religion, du moins d’une spiritualité plus ou moins bricolée. Mais une autre catégorie des sans religion pourrait comprendre des indifférents complets, vis-à-vis de la religion comme de son contraire.

G. Cuchet voit bien que nous sommes en présence d’une demande de « spiritualité », qui est manifeste. J’ai déjà traité du cas de Frédéric Lenoir[4]. Mais il faut y ajouter, comme le fait G. Cuchet, l’attrait pour les religions orientales, attitude dont Matthieu Ricard est le plus connu et lu en milieu francophone, où il peut compter sur des centaines de milliers de lecteurs.

Dans un autre chapitre consacré à la mode du bouddhisme, intitulé « Le Bouddha a plus la cote que Jésus », G. Cuchet ne ménage pas ses critiques à l’encontre de cette « spiritualité ». Il cite notamment Marcuse dans L’homme unidimensionnel dès 1964, qui analyse que « Les nouvelles « spiritualités font partie du “régime de santé” de la « société unidimensionnelle »[5].

S’emparant d’un cas, dont il reconnaît qu’il est « un peu extrême mais pas marginal », G. Cuchet se moque :

Les Européens qui partent dans des cahutes amazoniennes mâchonner des racines hallucinogènes sous la direction de chamans locaux ou importés pour tirer de leur inconscient quelque fantôme susceptible d’expliquer leur mal-être ou de leur tenir lieu de religion me paraissent les plus déshérités des hommes et des femmes. J’y vois moins l’annonce d’une nouvelle renaissance qu’un signe de prolétarisation métaphysique[6].

G. Cuchet rejoint Nietzsche quand celui-ci expliquait que l’Occident finirait dans un mélange de christianisme dédramatisé et de néo-bouddhisme psychothérapeutique.

Sa conclusion, explicitée dans une interview, dit bien le retournement de la situation : « Autrefois il y avait des spiritualités… dans la religion. Désormais, c’est l’inverse : les religions sont perçues comme des modalités particulières, locales et au fond un peu arbitraire de ce phénomène plus large et plus originel qu’est la spiritualité. »[7] Certes, il y a là une part de la nostalgie d’un catholique traditionnel mais la formule reste juste.

Ultramodernité ?

Reste maintenant à analyser la situation religieuse contemporaine dans un cadre plus global. L’évolution générale remonte à plusieurs décennies et de toute manière, l’évolution économique et sociale des Trente Glorieuses ne peut qu’y être pour beaucoup. Remarquons d’ailleurs que l’état général de satisfaction de l’époque contraste avec le mécontentement généralisé d’aujourd’hui en Europe.

Différentes interprétations ont déjà été proposées. Philippe Portier et Jean-Paul Willaime proposent la leur. Si Z. Bauman attribue les changements à la post-modernité, les deux sociologues français mettent l’accent sur l’ultramodernité.

Ph. Portier et J.-P. Willaime estiment que « la situation religieuse ne nous confronte nullement à un retour du religieux prenant sa revanche sur un séculier qui serait en perte de vitesse[8].

Il veut dire en fait que dans la société moderne – qui n’est plus la nôtre – l’esprit de sécularisation était « mythologisé » et comme absolutisé. L’ultramodernité, c’est la modernité mais désenchantée, auto-relativisée. Elle est dominée par l’éclatement et l’individualisation des croyances. La sécularisation a finalement atteint le séculier lui-même. II est maintenant sécularisé, il est devenu un objet comme un autre.

Jusque-là, je peux suivre le raisonnement. Portier et Willaime en déduisent que cette révolution pourrait à terme être favorable à plus de religion, à plus de religion dans l’espace public. Cela me semble pure illusion de croyants impénitents. La religion du passé meurt sans qu’en Europe, on repère le moindre signe contraire. Mais il faut l’admettre : le religieux et la spiritualité vont par contre bien nous donner du fil à retordre.

À cela il faudra ajouter la progression de l’islam et des musulmans, un groupe en progression démographique et à la pratique religieuse en croissance parmi ses jeunes.

De toute évidence, nous n’en avons pas fini avec un univers qui s’éloigne à grands pas de la raison et qui, dès lors, a besoin des athées, un groupe qui manifestement se porte plutôt bien en nombre et en cohérence.


Notes

  1. Philippe Portier et Jean-Paul Willaime, La religion dans la France contemporaine. Entre sécularisation et recomposition, Paris, Armand Colin, 2021, 316 p. ↑
  2. Patrice Dartevelle, « Le retour de la spiritualité : nouveau masque des religions ? », La Pensée et les Hommes, Francs-Parlers, 2015, vol. 99, pp. 59-70. On peut retrouver le texte en version électronique sur le site athees.net, Newsletter n°34 (1er déc. 2021). Il sera imprimé à nouveau dans L’Athée n°9 (2022) fin 2022). ↑
  3. Guillaume Cuchet, Le catholicisme a-t-il encore de l’avenir en France ? Paris, Éditions du Seuil, 2021, 249 p. ↑
  4. Voir note 2. ↑
  5. Il cite l’ouvrage dans la traduction de Monique Wittig (2015), pp. 38-39. ↑
  6. G. Cuchet, op. cit., pp. 116-117. ↑
  7. Interview de l’auteur par Marie-Lucile Kubacki, site lavie, le 6 septembre 2021. ↑
  8. Ph. Portier et J.-P. Willaime, op. cit., p. 19. ↑
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Le retour de la spiritualité : nouveau masque des religions ?

Posté le 29 novembre 2021 Par ABA Publié dans Athéisme Laisser un commentaire

Patrice Dartevelle[1]

Quand on observe le tableau actuel de l’état des croyances en Belgique – comme dans plusieurs autres pays voisins –, on peut mesurer aisément la révolution qui s’est opérée dans les mentalités depuis quelques décennies, même si le tableau simple que l’on donnait autrefois était sans doute un peu forcé, en partie parce que les sondeurs étaient guidés par des vues dogmatiques venant de la société officielle et publique, en partie aussi parce que les individus sondés se laissent couler dans les moules préétablis.

Si l’on consulte les résultats de la dernière enquête européenne sur les valeurs effectuée en 2009[2], on dénombre en Belgique 50 pour cent de catholiques, 9,2 pour cent d’athées, 8,2 pour cent de croyants de différentes religions (dont 5 pour cent de musulmans) et 32,6 pour cent de « sans appartenance religieuse ».

Les différences régionales entre la Flandre et la Wallonie sont insignifiantes. Par contre, Bruxelles ne compte qu’un tiers de catholiques mais un cinquième d’athées et plus de musulmans que dans la moyenne nationale.

Les chiffres montrent une régression très sensible du nombre de catholiques (72 pour cent en 1981).

Certes ces étiquettes doivent être développées pour bien comprendre la chose.

Se dire « catholique », n’implique pas forcément une parfaite, ni même une très grande adéquation avec les dogmes : 37 pour cent des Belges croient en une vie après la mort (mais c’est le chiffre le plus stable de décennie en décennie). De la même manière, 21 pour cent des Belges déclarent ne pas croire en Dieu, soit le double de ceux qui se déclarent athées. Il y a loin de la réalité mentale de la population aux encycliques et traités de philosophie.

Les « sans religions »

La grande énigme est, me semble-t-il, celle des « sans appartenance religieuse », aussi appelée dans d’autres sondages de même type les « sans religion ». Ce phénomène, en Belgique comme ailleurs, même aux États-Unis, a pris un tour massif.

Par contre, même si la question n’est pas explicitement posée, on trouve difficilement la trace du nombre de fondamentalistes ou d’intégristes. Les évangéliques, par exemple, doivent se retrouver dans les 2,5 pour cent d’« autres chrétiens ». Les charismatiques peuvent plus facilement se dissimuler parmi les catholiques, mais il n’y a pas plus de 11 pour cent de Belges à assister régulièrement à la messe hebdomadaire. La question des « sans religion » devrait requérir des études plus approfondies en ce compris le biais par lequel on les approche.

Les auteurs de l’étude que j’ai citée, tous professeurs à la Kul ou à l’Ucl, les agglomèrent plutôt aux athées en considérant sans doute qu’il s’agit là de personnes issues de milieux catholiques, qui ont perdu la foi, mais qui hésitent à afficher leurs positions. Mais d’autres sont prompts à voir en eux l’émergence d’un groupe dont ils se font le porte-parole, celui de ceux qui refusent l’idée de religion et surtout d’Église, mais participent réellement à une foi nouvelle, pas nécessairement chrétienne, et souvent syncrétique.

Il n’est, sans doute, nullement exagéré de dire qu’il y a là un enjeu pour récupérer – au sens de rediriger – ces brebis sans pasteur. Le recul continu du catholicisme officiel (les jeunes nés après 1984 ne sont plus que 31 pour cent à se dire catholiques) laisse penser que ce groupe va s’accroître dans les prochaines années.

Le cas belge est partiellement spécifique dans la mesure où à la différence de la France – où les athées déclarés sont 25 pour cent –, le pilier catholique (écoles, syndicat, mutuelle, hôpitaux et même encore un peu les partis politiques) maintient même de manière light en termes de contenu, l’existence d’une référence catholique.

Qui peut influencer ce groupe des sans religions ?

Je ne crois pas vraisemblable le point de vue habituel de Caroline Fourest et de trop de laïques militants qui paraissent redouter l’intégrisme catholique[3]. Les manifestations contre le mariage pour tous ont un peu plus redoré son blason, mais même Marine Le Pen s’est bien gardée de s’associer aux manifestations. Le phénomène contient une part d’énigme mais son explication réside pour une part dans l’opposition au nouveau Président de la République.

L’étendue de la cristallisation populaire autour de thèmes religieux fondamentalistes n’a guère d’autres références en Europe.

Les autres événements où l’on voit des intégristes revendiquer, en public, la contestation des spectacles de théâtre ou d’expositions d’arts plastiques sont minoritaires et la majorité de l’épiscopat a fini par mettre bon ordre à tout cela, notamment parce qu’il est effrayé par la méconnaissance consternante de certains des siens par rapport à l’art contemporain. Serrano, l’auteur du Piss Christ, récemment détruit à Avignon, est un artiste chrétien.

En revanche, les athées (hélas pas assez à mon gré) et les « spirituels » divers sont à l’affut.

Les « spirituels »

Les visionnaires d’une spiritualité nouvelle, délivrée des dogmes et des Églises, sont assez nombreux, leur vision influence largement l’opinion publique et fait tout pour ringardiser l’athéisme avec la religion officielle.

J’aborderai uniquement le cas du plus visible d’entre eux en France et par conséquent en Belgique francophone, Frédéric Lenoir.

Spécialiste d’histoire des religions, auteur de nombreux livres, il est aussi depuis la fin de 2004 le directeur et l’éditorialiste du Monde des Religions. Il a mis fin à ses fonctions avec le numéro de novembre-décembre 2013.

La revue est le nouvel avatar de l’ancien périodique catholique Actualité des religions. Celui-ci a été relooké par le groupe La vie – Le Monde dans une perspective laïque, c’est-à-dire qui ne veut plus être le relais d’une seule Église, et lancé avec de grands moyens. On se souvient de la hauteur des piles de la revue dans les librairies et chez les vendeurs de journaux et magazines.

La diffusion du bimestriel atteint quarante-deux mille exemplaires en 2004, cinquante-sept mille en 2005 et soixante-six mille en 2006 (troisième plus forte progression de la presse française).

Le cas de Régis Debray mériterait un traitement particulier. Son axe est le caractère incontournable du sacré même si celui-ci peut varier.

D’autres leaders influents comparables auraient pu être également analysés, par exemple Matthieu Ricard et l’engouement pour les religions orientales, mais l’optique est moins généraliste que celle de Frédéric Lenoir. En outre, la trentaine d’ouvrages écrits par Lenoir s’est vendue à plus de quatre millions d’exemplaires, preuve de l’engouement qu’il provoque.

Pour analyser la pensée de Frédéric Lenoir, j’ai principalement utilisé Dieu, entretien avec Marie Drucker, publié en 2011[4] et les éditoriaux qu’il signe régulièrement dans le Monde des Religions dont la concision peut être utile.

Frédéric Lenoir

Dans Dieu[5], il raconte sa vie spirituelle. Bien qu’issu d’une famille catholique pratiquante, jeune, la religion ne l’a pas attiré et la messe l’a « ennuyé ». Dès quatorze ans, il lit Platon, Nietzsche et d’autres. Puis il a l’illumination de l’Orient sous sa forme hindoue. Il veut découvrir l’hindouisme et lit tout à la fois la Kabbale, des textes taoïstes, confucianistes, néoplatoniciens, mais il referme la Bible et le Coran « qui ne parlaient pas à son âme ». Il se rend compte que c’est un peu curieux et passe quelques jours à l’abbaye de Boquen (à dix-neuf ans). Mais l’idée d’un Dieu personnel révélé lui reste étrangère.

Il lit enfin le Nouveau testament, en particulier l’Évangile de Jean, le plus « spirituel » des quatre, et : « Après quelques minutes, j’ai ressenti une présence brûlante d’amour. Ce Jésus dont l’Évangile parlait, je le sentais présent au plus intime de moi ».

Il était bouleversé. Depuis cette « expérience mystique », la foi dans le Christ ne l’a jamais quitté. Il se revendique comme chrétien et adhère même à l’idée d’une vie après la mort, celle-ci n’étant qu’un passage. Il donne deux raisons : « Une expérience personnelle du Christ vivant et un émerveillement constant devant la force des Évangiles,… ».

Frédéric Lenoir est aujourd’hui chercheur associé à l’École des Hautes Études en Science sociales (EHESS).

Si la profession de foi chrétienne est assez traditionnelle d’apparence, ses limites le sont moins et son originalité masquée, si l’on en reste là.

Les distances avec l’Église et le dogme

Frédéric Lenoir tient beaucoup à une idée peu traditionnelle, à savoir qu’il y a des vérités dans toutes les religions. Il l’affirme, dès son premier éditorial[6].

Il hait les combats cléricaux/anticléricaux des XIXe et XXe siècles. Mais aujourd’hui, « les athées sont plus tolérants et la plupart des scientifiques ne considèrent plus la religion comme une superstition appelée à disparaître avec les progrès de la science. »

Tous les sondages concordent pour dire que le refus de poser en seule vérité sa propre croyance est généralisé dans le monde occidental (92 pour cent pour la France).

Dès la première page de Dieu, il proclame que la question n’est pas d’affirmer l’existence ou la non-existence de Dieu.

Dieu, dit-il, « est incertain »[7]. Il souscrit au postulat selon lequel « l’intelligence humaine est dans l’incapacité d’atteindre des certitudes métaphysiques définitives ». On est loin du Vatican et des positions pontificales. Mieux, selon lui, les quêtes spirituelles « ne peuvent plus être vécues, comme par le passé, au sein d’une tradition immuable ou d’un dispositif institutionnel normatif »[8], désignation euphémistique ou hexagonale d’une Église.

La religion, la foi, – il dit le chemin spirituel – « est le fruit d’une démarche individuelle »[9]

Tout est affaire d’intériorité, les disciples de Jésus « attendent un royaume terrestre, Jésus leur propose un royaume céleste, c’est-à-dire intérieur »[10]. Remarquons que l’inférence « céleste, donc intérieur » n’est pas évidente. Le royaume de Dieu pourrait très bien être au ciel, c’est même ce qu’on a dit le plus souvent pendant vingt siècles.

L’élaboration théologique structurée n’est pas son problème. Ainsi du dogme de la Trinité, pourtant rapidement si essentiel dans les premiers siècles du christianisme, « il me semble difficile d’affirmer que la foi des disciples contemporains de Jésus est imparfaite parce qu’elle n’est pas trinitaire »[11]. Frédéric Lenoir juge sévèrement les siècles de civilisation chrétienne en Europe : « Ce dont je suis convaincu, c’est que cette société qui portait le nom de « chrétienne »… n’était pas véritablement fidèle au message de Jésus »[12].

Si la plupart des commentateurs chrétiens ont dû renoncer à une lecture littérale de la Bible, tant les difficultés étaient grandes, Frédéric Lenoir fait de même, plutôt pour faciliter sa propre lecture des textes sacrés. Ainsi : « La Bible regorge de trésors littéraires…, mais il est aujourd’hui rationnellement impossible d’en faire une lecture purement littérale ». Et l’historien des religions d’évoquer de « nombreuses contradictions (au sein de la Bible) qui rendent sa lecture littérale absurde, ainsi que des versets particulièrement violents qui, pris au premier degré, font de Jésus un être d’une cruauté exceptionnelle[13].

Sa conception de la foi écarte pratiquement la raison. Pour lui « c’est d’abord dans leur cœur que les croyants rencontrent Dieu et leur foi n’est pas tant le fruit d’un raisonnement intellectuel que le sentiment d’un don reçu, d’une proximité affective avec celui qu’ils perçoivent comme le créateur »[14].

Son Dieu n’intervient pas dans les affaires humaines : « on ne peut plus croire à la conception d’un certain dieu biblique qui ne cesse d’intervenir dans les affaires des hommes »[15].

Il se réclame de Simone Weil ou Dietrich Bonhoeffer, c’est-à-dire d’un Dieu effacé, non-puissant, caché et ineffable que les dérives de l’Église au fil des siècles ont fait oublier »[16]. C’est la position de Gabriel Ringlet. Elle est assez paradoxale. On dit aux athées qu’il faut un tout-Puissant pour qu’il y ait quelque chose plutôt que rien et à la première difficulté, la présence du mal par exemple, on dit que le tout-Puissant ne peut rien.

Le mysticisme

Frédéric Lenoir établit une nette distinction entre la religion et la spiritualité. La religion relie les hommes dans « une croyance collective dans un invisible qui les dépasse. La spiritualité… délie, elle libère l’individu de tout ce qui l’attache et l’enferme dans des vues erronées…, mais aussi du groupe »[17].

En fait Frédéric Lenoir se réclame d’un mysticisme – ce qui bien des chrétiens ont fait avant lui –, mais ce qui est contemporain, c’est l’affirmation d’un mysticisme inter-religions.

Il y a une source divine à laquelle s’abreuvent les mystiques de toutes les religions… et puis, loin derrière, à une distance suffisante pour être sûrs de ne pas être aspergés par l’eau, il y a les théologiens, les gardiens du temple et des docteurs de ces mêmes religions qui se disputent indéfiniment pour savoir si l’eau de cette source est gazeuse ou plate, calcaire ou non, minérale ou non…[18].

Frédéric Lenoir conclut sur sa vision mystique :

En fait les mystiques juifs, chrétiens et musulmans peuvent avoir une conception de Dieu qui s’approche de celle que nous avons évoquée à propos de l’Inde. Le démon est à la fois perçu comme personnel et impersonnel, comme transcendant ou immanent[19].

Une des obsessions du Pape Ratzinger était la question du lien entre la foi et la raison. Elle a occupé la quasi-totalité du champ idéologique pendant de nombreux siècles. Frédéric Lenoir jette tout par-dessus bord et les croyants n’ont pas manqué de le lui reprocher.

Frédéric Lenoir fait l’impasse sur Augustin, Thomas d’Aquin et d’autres qui ont tout fait pour ne plus séparer raison et foi[20].

La part inquiétante de ce mysticisme conduit même Frédéric Lenoir à applaudir Benoît XVI quand celui-ci autorise de nouveau la messe en latin. Certes, il utilise comme argument les assemblées très diverses linguistiquement comme à Taizé, mais il s’empresse de s’extasier devant des Français, préférant les rites tibétains en tibétain. Il y aurait là plus de sacré[21]. On est en face d’une attitude redoutable valorisant l’incompréhension, un sentiment d’immersion où l’autonomie du croyant tant vantée pour se séparer de l’Église me semble se perdre dangereusement.

Une fois, Frédéric Lenoir pourrait paraître faire preuve de prudence. Après s’être réjoui de ce que

Depuis une trentaine d’années, le retour de l’astrologie et de l’ésotérisme, les succès planétaires d’œuvre de fiction comme Le Seigneur des anneaux, l’Alchimiste, Harry Potter ou Le monde de Narmia sont les signes d’un besoin de « réenchantement du monde », il exige un effort minimum de connaissance et de discernement rationnel pour éviter un totalitarisme de l’imaginaire pouvant conduire à un délire interprétatif des signes[22].

La place de la science

Le terme « minimum » est significatif des périls de la voie mystique, un maximum de foi, de symboles et un minimum de raison.

C’est une veine qui a de l’écoute aujourd’hui, notamment grâce à une critique de la science et du progrès.

Celui-ci est la bête noire de Frédéric Lenoir pour qui « Auschwitz, le goulag et Hiroshima ont mis à mal cette idéologie du progrès et la foi aveugle en la science qui la portait. Et on a vu de grandes idéologies athées (dans lesquelles il range le nazisme qui ne me semble pas athée) commettre des crimes encore plus épouvantables que ceux commis au cours des millénaires précédents au nom de Dieu »[23]. Prudent, il s’empresse d’ajouter que cela « n’enlève rien à la critique philosophique de Dieu ». L’argument vaut dans une certaine mesure dans les limites où il vrai que les progrès de la science accroissent les effets de leur mésusage, dans le cas d’Hiroshima par exemple, et que développement de la connaissance et celui de la morale ne vont pas de pair. Mais il fait l’impasse sur le fait que le scientisme et le positivisme ont connu leur heure de gloire avant 1914-1918 (qui a eu le même effet sur la conscience que les massacres de la guerre suivante) et qu’il s’en prend à une idéologie qui n’a plus de défenseur depuis longtemps.

Les risques de l’irrationalisme

Les risques de pareil irrationalisme sont connus. Quand on s’éloigne de la science aussi radicalement, on finit par se hasarder dans des sentiers impraticables.

Ainsi par exemple, Frédéric Lenoir croit à la réminiscence. Il croit vraiment qu’il existe des enfants qui racontent des événements survenus dans une autre vie. « On ne peut pas nier la réalité de certains témoignages » mais il reste prudent sur l’explication de la vie antérieure. Avec Jung, il parlerait plutôt de l’inconscient collectif, c’est-à-dire d’une connaissance, d’une mémoire de toute notre lignée[24].

Même problème avec les miracles. Il admet que plusieurs de ceux que les Évangiles prêtent à Jésus ont été inventés par les évangélistes, mais « tous, dit-il, je ne crois pas, car il y a en beaucoup et surtout si on enlève tous ces gestes, on ampute les Évangile d’un bon tiers[25]. Aveu bien naïf et Frédéric Lenoir de se contorsionner en disant que l’on connaît mal le lien entre la matière et l’esprit, que beaucoup de maladies ont des causes physiques etc. Le dernier numéro de la revue publié sous sa direction est consacré aux miracles. Tous les textes sont d’une crédulité confondante sauf la chronique de Comte-Sponville …et son éditorial. Frédéric Lenoir s’y réfère à Spinoza : « je ne connais nul texte aussi profond et éclairant ». Il se rallie sans le dire à l’idée que la croyance aux miracles est contraire à la foi véritable et que nul ne peut déroger aux lois générales de l’univers.[26]

D’une manière plus globale, malgré ses déclarations d’une impossibilité de la lecture littérale de la Bible et une vision normale d’exégèse contemporaine du Nouveau Testament, Frédéric Lenoir ne peut s’empêcher de prendre facilement pour argent comptant le texte des Évangiles.

Un ouvrage antérieur, Le Christ philosophe[27], davantage centré sur Jésus, est particulièrement révélateur de ce que, malgré des connaissances de base correctes, Frédéric Lenoir se laisse emporter par une lecture à la fois littérale et relevant du délire interprétatif.

Le chapitre II du livre, La philosophie du Christ, est particulièrement révélateur. Tous le Nouveau Testament est mis à contribution et tous les versets sont attribués à Jésus. Bien entendu, les miracles ne sont pas critiqués.

Ainsi Jésus aurait fondé une éthique « que nous considérons comme universelle et laïque ». On lui devrait l’égalité entre les hommes, la fraternité, la liberté de choix, la promotion de la femme, la justice sociale, la non-violence, la séparation des pouvoirs spirituels et temporels[28]. Une vision irréelle et infondée est à l’œuvre. À ce degré, il est vain d’argumenter.

Bien qu’il ait un certain respect pour l’athée (ou certains d’entre eux), il fait commencer l’athéisme à Meslier, en proclamant qu’il n’y a pas de philosophe athée dans l’Antiquité[29], pas davantage à la Renaissance[30], contre toute vérité. On l’excusera ici puisque l’athée Michel Onfray fait de même dans son Traité d’athéologie.

Autre passage peu scientifique, cette fois dans Dieu, au moins par le biais d’une étrange sélection. Évoquant un certain nombre de révolutionnaires majeurs du sentiment religieux autour de l’an 500 avant Jésus-Christ, il parle des présocratiques, mais pas vraiment des atomistes et des agnostiques. Socrate et Platon sont absents[31].

Le masque des religions ?

Cette spiritualité est-elle donc bien le masque des religions ? Tout dépend de ce qu’on appelle « religion ». Si par là, on veut désigner l’équivalent du catholicisme traditionnel, il faut répondre non.

Mais les choses peuvent prendre une autre tournure. L’habileté de quelqu’un comme Frédéric Lenoir peut être magistrale. Parfois de manière surprenante par rapport à ses convictions, il modernise et contemporanéise astucieusement la religion. Il faut se centrer sur le bonheur terrestre. Plus de paradis ni d’enfer. Il faut ressentir « le bonheur de se sentir sauvé dès à présent parce qu’on a rencontré Jésus dans une communion émotionnelle »[32] et l’éditorial le plus récent s’intitule Jésus et le bonheur…

D’autres formes de religions peuvent voir le jour. Par son insistance sur la foi individuelle, Frédéric Lenoir s’en défend. Mais Régis Debray, dont il accueille les propos dans Le Monde des religions, lui rappelle qu’une société n’est pas qu’une juxtaposition de personnes. S’il y a sortie de religion, il devrait y avoir arrivée d’une autre, pour lui le veau d’or et les conciles de Davos[33].

De fait, la spiritualité de Lenoir nous prépare-t-elle aux problèmes d’aujourd’hui ? J’ajouterais qu’elle peut être une manière de faciliter la domination de l’argent, comme la Tv…, de faciliter la vie schizophrénique devenue de règle : en privé on vit comme des post-soixante-huitards, devenus parfois mystiques, dans le travail comme des êtres rationnels et boulimiques d’efficacité et de management.

Dans sa conclusion de Dieu, Frédéric Lenoir range en deux camps ses amis et ses ennemis. Les mauvais sont dogmatiques, c’est-à-dire les croyants comme autrefois et les athées dogmatiques, c’est-à-dire ceux qui érigent leur croyance en savoir. Les autres ne connaissent pas le savoir en ces matières. C’est une parfaite illustration du postmodernisme contemporain. Mais traduit-il autre chose qu’un désarroi ! Est-il si positif ? Contrairement à ce que soutient Lenoir, il est plus utile et davantage source de progrès d’argumenter face à quelqu’un dont on ne partage pas l’avis.

Le modèle de l’athée non-dogmatique pour Frédéric Lenoir, c’est André Comte-Sponville. Pourtant celui-ci ne l’épargne pas forcément dans les colonnes récentes du Monde des religions. La sérénité lui importe de moins en moins : « Les quelques gourous qu’on a bien voulu me présenter me semblent bien fades et bien ennuyeux »[34]. Il préfère les gens les plus lucides… « dans le milieu spirituel, lorsqu’ils m’incitent à débattre avec eux, trop de sourires, trop de douceur, trop de sucre et d’encens[35]. »

Plus fondamentalement, Comte-Sponville s’en prend à la « mode du tout spirituel qui veut régler des problèmes de notre société en changent les individus : c’est une illusion »[36].

Toutes ces méfiances de ma part montrent que si le risque, non nul, venait à se réaliser par la prévalence d’une forme de religiosité, la situation ne serait pas forcément rose, mais forcément régressive en matière de progrès scientifique. Est-ce le bouddhisme qui a tiré la Chine de son marasme d’autrefois ? Méfions-nous et écoutons quelqu’un qui fut fort mystique, Charles Péguy : « Tout commence en mystique et finit en politique[37] ».

La spiritualité laïque ou athée

Je sais bien qu’il existe même chez les athées un courant qui promeut une spiritualité laïque ou athée. Le choix du mot « spiritualité » me semble une étrangeté.

En 1999, le Centre d’Action Laïque produit une brochure Spiritualité et laïcité. Un universitaire canadien, Duffy Hutcheon, y plaide pour une vue laïque de la spiritualité[38]. Je n’y vois rien à redire quant au fond, mais d’entrée de jeu Duffy Hutcheon déclare qu’il ne peut s’agir de croyance en un esprit haut ou d’une sorte de force spirituelle extérieure, qu’il n’est pas question que la Bible soit l’œuvre d’une entité spirituelle. Mais à quoi bon alors aller rechercher le mot connoté de « spiritualité » ? L’un des principaux aspects de sa quête spirituelle est la recherche de la vérité. Qu’y peut le mysticisme qu’il faut bien appeler religieux ?


Notes

  1. Texte d’une communication présentée le 5 octobre 2013 aux États généraux de l’athéisme organisés à Bruxelles par l’Association Belge des Athées. Il a été publié dans La Pensée et les Hommes, N°99, série Francs-Parlers, 2015, pp. 59-70. ↑
  2. Liliane Voyé, Karel Dobbelaere et Koen Abts, Autres temps, autres mœurs. Travail, famille, éthique, religion et politique : la vision des Belges, Éditions Racine Campus, 2012, 296 p. Plus spécialement la contribution de Liliane Voyé, Karel Dobbelaere et Jaak Billiet, « Une église marginalisée » synthétisée dans Le Soir du 18-19 février 2012. ↑
  3. Par exemple récemment dans Charlie Hebdo, Hors-Série, « La laïcité c’est par où ? », pp. 9 à 11, propos recueillis par Gérard Biard, titré par la publication « Aujourd’hui, le danger vient de l’intégrisme majoritaire, c’est-à-dire catholique ». ↑
  4. Frédéric Lenoir, Dieu. Entretien avec Marie Drücker, Éditions Robert Laffont, 2011. J’ai utilisé la publication dans la série Laffont Pocket, 2013, n° 15221,263 p. Les citations sont faites sur le format de « Dieu, p. x. ». ↑
  5. Dieu, pp.250-257. ↑
  6. Le Monde des Religions, n° 8, novembre-décembre 2002.
    La revue sera citée plus loin sous la forme « MdR, n° x ». ↑
  7. MdR, n°8, novembre-décembre 2002. ↑
  8. MdR, n° 55, septembre-octobre 2013. ↑
  9. MdR, n° 57, janvier-février 2013. ↑
  10. Dieu, p. 61. ↑
  11. Dieu, p. 75. ↑
  12. MdR, n° 28, mars-avril 2008. ↑
  13. Dieu, pp. 42-43. ↑
  14. Dieu, p. 221. ↑
  15. Dieu, pp. 68-69. ↑
  16. Dieu, p. 69. ↑
  17. Dieu, p. 83. ↑
  18. Dieu, p. 227. ↑
  19. Dieu, p. 230. ↑
  20. Par exemple, Henri Tincq, dans le compte rendu de Le Christ philosophe », dans Le Monde du 21 décembre 2007. ↑
  21. MdR, n° 25, septembre-octobre 2007. ↑
  22. MdR, n°24, juillet-août 2007. ↑
  23. Dieu, p. 183. ↑
  24. Dieu, pp.113-114. ↑
  25. Dieu, pp. 63-64. ↑
  26. MdR, n° 62, novembre-décembre 2013. ↑
  27. Frédéric Lenoir, Le Christ philosophe, Éditions Plon, 2007, 306 p. ↑
  28. Frédéric Lenoir, Le Christ philosophe, Éditions Plon, 2007, p.71. ↑
  29. Dieu, p. 150. ↑
  30. Dieu, p. 154. ↑
  31. Dieu, p. 91. ↑
  32. MdR, n° 11, mai-juin 2005. ↑
  33. MdR, n° 28, mars-avril 2008, p. 21. ↑
  34. MdR, n° 57, janvier-février 2013. ↑
  35. MdR, n° 57, janvier-février 2013. ↑
  36. Dans le Figaro du 3 octobre 2013. ↑
  37. MdR, n° 38, novembre-décembre 2009. ↑
  38. Spiritualité et laïcité, Bruxelles, Centre d’Action laïque, Cahier de réflexion, n° 2, novembre 1999. L’article de Duffy Hutcheon (pp.23-29) est la traduction par Jean Dierickx d’une publication originale faite dans Humanist in Canada, n° 108, 1994. ↑
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