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Les Fêtes (laïques) de la jeunesse (laïque)

Posté le 1 août 2020 Par ABA Publié dans Laïcité 1 Commentaire

Patrice Dartevelle

Tout autant que celles des Églises, la vie et l’histoire du mouvement anticlérical, généralement appelé « laïque » en Belgique, ne sont pas un long fleuve tranquille. Bien des changements, subis ou voulus, s’y sont opérés.

La question des Fêtes de la jeunesse laïque, devenues voici très peu d’années Fêtes laïques de la jeunesse, peut donner une bonne illustration des évolutions historiques au sein du mouvement laïque.

Ces fêtes sont une des cérémonies de passage liées à la fin de l’enfance et à l’adolescence à l’instar de ce qui existe dans les religions, comme la communion solennelle chez les catholiques ou la bar mitzvah du côté juif. Elles sont créées par ceux qui ne peuvent plus se reconnaître dans les valeurs et les croyances des Églises traditionnelles.

C’est la Révolution française qui est la première confrontée à la situation. L’opposition entre la France révolutionnaire et l’Église catholique va susciter des tentatives de cérémonies civiles, voulues comme identiques pour tous, inaugurant par là une tension qui subsiste entre différentes conceptions de l’idéal laïque.

Les révolutionnaires organisent en 1794 le culte de l’Être suprême et dans cette logique veulent définir des rites communs, spécialement autour de la naissance et du parrainage. Tout cela disparaîtra même si des baptêmes civils auront lieu tout le XIXe siècle en France.

Des fêtes de la jeunesse seront également organisées. De telles fêtes sont attestées en Belgique en 1796, sans laisser de postérité[1]. Si les Fêtes de la jeunesse laïque ont aujourd’hui généralement lieu en mai ou en juin, elles le doivent sûrement aux dates traditionnelles des communions, mais aussi au fait que les révolutionnaires français avaient décidé de fixer les dates des fêtes de la jeunesse au mois de prairial (entre le 21 mai et le 17 juin).

Si le mouvement laïque belge a organisé des fêtes de naissance et de mariage ainsi que des cérémonies de funérailles, celles-ci ont par nature un caractère individuel et seules les fêtes, appelées jusqu’il y a peu « Fêtes de la jeunesse laïque » ont rencontré un écho collectif et public important.

Ces fêtes sont fortement liées dans leur naissance et leur développement l’histoire du mouvement laïque belge. « Laïque » est le nom donné aujourd’hui[2] au groupe de ceux qui dans un premier temps se sont opposés à l’Église et à son emprise sur la société civile et dans un second temps ont résolu de se fixer des règles de vie personnelle et collective en dehors de toute référence religieuse.

En fonction même de l’histoire du mouvement laïque, celle des Fêtes de la jeunesse laïque se déroule en deux temps.

De la fin du XIXe siècle au Pacte scolaire

C’est à partir du milieu du XIXe siècle que se créent les associations laïques. La première, L’Affranchissement, apparaît à Bruxelles en 1854 en se donnant pour but principal de garantir des funérailles civiles à ses membres.

En fait une opposition catholiques/non-catholiques se cristallise dans l’opinion au long du siècle. Le nombre des opposants à l’Église augmente à un point tel qu’on a pu soutenir qu’au sein de la population masculine vers 1900, les non-catholiques sont les plus nombreux[3], du fait de la grande opposition des milieux ouvriers à l’égard de l’Église. À cette époque, de nombreuses associations de libre pensée sont intégrées au sein du parti socialiste (Parti Ouvrier Belge à ce moment). On peut mesurer effectivement qu’entre 1900 et 1924, dans les communes ouvrières des bassins de Liège et de Charleroi, il y a de 20 à 30 % de non-baptisés, voire 40 % comme à Seraing en 1914, et 45 % de mariages purement civils.

Le groupe non-catholique est très inégalement réparti dans le pays. Il se concentre dans le sillon charbonnier et industriel de Liège au Borinage, à Bruxelles, à Anvers et Gand et dans le Sud-Luxembourg.

Concomitamment le nombre des associations laïques et celui de leurs membres va considérablement s’accroître. Dès 1877, on compte 35 groupes de libre pensée et 2 000 membres, en 1912, 370 groupes et 26 000 membres[4].

C’est dans ce contexte que les associations laïques débattent dans les années 1870 des cérémonies comme le baptême, la « communion laïque » comme diront certains, ou le mariage. Leur éventuelle organisation sur un mode laïque se heurte à une vive opposition interne.

Beaucoup dénoncent une inutile singerie de cérémonies catholiques dont les anticléricaux ont voulu se débarrasser. Plus profondément la philosophie rationaliste ne s’accommode pas aisément de manifestations rituelles qui posent vite des questions comme le statut des symboles ou celui d’un sacré jugé incompatible avec l’idéal scientifique guidé exclusivement par la raison ou encore celui d’une spiritualité non-religieuse souvent controversée[5].S’agissant de baptêmes et de fêtes de la jeunesse, des cérémonies laïques ne concordent pas avec une critique que libres penseurs et rationalistes adressent à l’éducation chrétienne : celle-ci est fondée sur l’inculcation précoce, avant l’âge de raison, de pratiques et de dogmes religieux comme le catéchisme en donne l’illustration.

Plus récemment des psychopédagogues qui ne s’opposent pas au principe d’une fête de passage à l’adolescence constatent que le moment d’une telle fête – douze ans, la dernière année d’enseignement primaire – ne devrait pas être calqué sur celui de la communion et du passage de l’enseignement primaire à l’enseignement secondaire (évidemment peu fréquent au XIXe siècle) et que solenniser le passage à l’adolescence impliquerait un report de deux ans.

En sens inverse, beaucoup de laïques ne manquent pas de relever que le christianisme a plus récupéré et aménagé qu’inventé des rites de passage qui sont une donnée anthropologique largement répandue dans l’espace et le temps. En outre parmi les laïques, on compte de nombreux francs-maçons, très sensibles aux symboles et aux rituels[6]. Les loges ont aussi coutume d’« adopter » des enfants de leurs membres et de les initier progressivement à la vie maçonnique.

L’histoire des Fêtes de la jeunesse laïque reste à faire[7] et on ne peut dater avec certitude leur première apparition.

Il est certain qu’une fête est organisée à Liège en 1888 (sous forte inspiration maçonnique) en 1889 à Charleroi[8] et dans la région du Centre[9], à Anvers en 1890[10] ou 1883[11]. Le succès est d’emblée considérable et il faut rapidement soit utiliser des salles de plus en plus grandes, soit décentraliser la Fête.

Celle-ci va parfois s’étendre sur deux jours (un dimanche et un lundi). Elle comprend une partie académique avec discours sur les principes de la libre pensée et ses revendications en matière de libertés, un repas avec les parents, la remise d’un diplôme et d’un cadeau. Le second jour peut être consacré à un voyage[12].

On sait peu de choses sur ce qu’il advient de ces fêtes dans l’entre-deux-guerres et l’immédiat après-guerre[13]. Plusieurs semblent maintenues. Celle de Bruxelles est attestée en 1927[14]. Beaucoup ont cessé. La cause de ce déclin est claire : elle est dans celui des associations laïques. Ainsi, de 1911 à 1937, la Fédération nationale de la libre pensée perd les deux tiers de ses membres et n’en compte plus que 9 000. Cette évolution peut sans doute être attribuée à la continuation des conflits entre libéraux et socialistes, que ce soit au sein des mêmes associations ou dans des associations différentes, mais il est surtout dû au revirement politique du Parti Ouvrier Belge qui, en 1913 met hors du parti les sociétés de libre pensée qui lui était affiliées[15].

La renaissance des Fêtes de la jeunesse laïque

Une décision essentielle en matière de politique scolaire belge va modifier la donne.

Après de longs conflits, ce qu’on appelle la « guerre scolaire », les trois grands partis politiques belges signent le 20 novembre 1958 le Pacte scolaire, document qui est traduit sous forme de loi le 29 mai 1959.

Cette loi comporte de nombreux aspects importants et prévoit notamment que tous les établissements scolaires primaires et secondaires, organisés par les pouvoirs publics, ce qu’on nomme l’enseignement officiel, devront obligatoirement prévoir des cours des différentes religions reconnues (mais la religion catholique est évidemment nettement majoritaire) et un cours de morale non-confessionnelle, c’est-à-dire ne faisant aucune référence à une religion, une divinité, une transcendance.

En contrepartie d’avantages importants pour l’enseignement catholique, le parti et les autorités catholiques renoncent à leur position traditionnelle selon laquelle il ne pouvait y avoir d’école même publique où l’enseignement de la religion catholique ne soit obligatoire. Auparavant l’enseignement officiel connaissait des situations très diverses allant de l’enseignement obligatoire de la religion catholique à l’absence de fait de tout enseignement religieux ou l’existence d’un cours de morale unique pour tous les élèves en passant par l’enseignement de la seule religion catholique mais avec dispense ou encore le système devenu obligatoire à partir de 1959.

En 2015-2016, dans l’enseignement officiel en Communauté française au niveau primaire, 36,4 % des élèves suivaient le cours de morale non-confessionnelle, 39,3 % le cours de religion catholique et 19,6 % le cours de religion islamique. Au niveau secondaire, ces chiffres deviennent 55% pour la morale, 20,5 % pour la religion catholique et 18,5 % pour la religion islamique (vu l’arrêt de la cour constitutionnelle, il y a déjà un « encadrement pédagogique alternatif » pour 2,5 % des élèves dans le primaire et 3 % dans le secondaire)[16].

Cette situation va exacerber un sentiment déjà présent autrefois. Le strict parallélisme entre les cours de religion et celui de morale va engendrer un malaise, une insatisfaction chez beaucoup d’enfants de dernière année primaire suivant le cours de morale et chez leurs parents : les enfants des cours de religion voient leur parcours comme « couronné » par la communion solennelle tandis que généralement rien n’existe pour ceux du cours de morale.

Dès lors, en 1964, à Bruxelles, des parents emmenés par Janine Lahousse[17] décident de (re)créer une fête de la jeunesse laïque. Cela se fait en connexion plus ou moins grande avec les enseignants de morale non-confessionnelle, sans obligation ni pour les élèves ni pour les enseignants. Les écoles et les pouvoirs qui les organisent ne jouent pas de rôle organique dans l’organisation des fêtes.

La conception de la Fête est confiée à Paul Damblon, journaliste très connu de la Télévision belge, musicien, compositeur et metteur en scène doué d’un grand talent de communication et à son épouse Tamara, spécialiste de littérature pour la jeunesse. Ils créent un scénario qui sera le plus souvent repris par les autres fêtes qui vont s’organiser et vont intervenir eux-mêmes pour dire leurs textes.

La première Fête a lieu à Bruxelles le 21 juin 1964 et rassemble d’emblée 450 enfants.

L’initiative connaît un vif succès et dès 1978 on compte plus de 80 Fêtes pour la Belgique francophone[18]. Des milliers d’enfants participent chaque année à ces Fêtes. En 2014, il y en avait 680 rassemblés à Bruxelles à Forest National[19] et même 240 en Province de Luxembourg.

Les parents des enfants qui participent aux Fêtes ont droit à un jour de congé avec maintien de la rémunération, comme pour la communion. Les grandes chaînes de supermarchés et de nombreux magasins accordent les mêmes avantages aux participants aux Fêtes de la jeunesse laïque qu’à ceux qui font leur communion.

Il est par ailleurs symptomatique que cette renaissance s’accompagne d’une modification de la structure du mouvement laïque. De nombreuses associations nouvelles, généralement, appelées « Amis de la morale laïque de telle ou telle commune », sont créées dès les années 1960 à côté et même souvent à la place de plus anciennes associations. Il y en a plus de 60, fédérées en 1969 par la Fédération des Amis de la Morale Laïque. Ce sont souvent elles qui organisent les Fêtes.

Celles-ci, dans leur modèle de 1964, comprennent une partie solennelle qui exalte les valeurs laïques et une partie récréative comportant un spectacle destiné aux enfants. Elles se clôturent par une invitation faite aux enfants à œuvrer en vue d’un monde meilleur et une sorte de proclamation commune.

Le contenu de cette deuxième forme de Fête de la jeunesse laïque revêt une tonalité assez différente de celles du XIXe siècle. Il ne s’agit plus de revendications (qui ont été rencontrées autant que le peuvent les lois et les pouvoirs publics), mais de l’expression de valeurs positives conformes à la philosophie laïque dans une acception large.

Leur formulation tient compte des contraintes propres à l’éducation laïque : ne pas endoctriner, mais libérer.

C’est sur l’autonomie à acquérir qu’est mis l’accent principal. Le rituel déclare : « Vous [les enfants] n’aurez de compte à rendre qu’à vous-mêmes […] quand vous serez adultes, pour tous les actes importants de la vie ». L’homme est vu comme perfectible et doté de la capacité de maîtriser son destin. Il a conscience de la diversité des valeurs dans la société et pratique la tolérance. La participation active de chacun à la réalisation des activités et entreprises du groupe auquel il appartient est essentielle, car l’homme n’est pas seul dans la société. Fondamentalement c’est un programme fondé sur la confiance en l’être humain et la préoccupation de son bonheur qui est proposé[20].

De la Fête de la jeunesse laïque à la Fête laïque de la jeunesse

Dès 2015, plusieurs éléments vont modifier un paysage qui, pour ce qui est des Fêtes, paraissait sans problème. Il en allait différemment du cours de morale et des cours de religion.

Le départ apparent est donné par un arrêt rendu le 12 mars 2015 par la Cour constitutionnelle à la suite d’une plainte de la famille De Pasquale. Celle-ci contestait pour des raisons de principe qu’on puisse assigner une religion ou une non-religion à un enfant et ses parents. Elle obtient gain de cause et ces cours ne peuvent plus être obligatoires.

Le problème posé n’est pas sans fondement mais, en réalité, dans beaucoup de milieux laïques, un autre problème est devenu prégnant.

Certes une forte tendance avait toujours existé au sein du mouvement laïque pour considérer que le cours de morale non-confessionnelle organisé dans l’enseignement officiel n’était qu’un pis-aller par rapport à la suppression de tout enseignement des différentes religions, comme en France, et donc également de tout enseignement d’une morale non-confessionnelle.

Dans beaucoup de milieux et de partis laïques, la thématique du « Vivre ensemble » est devenue centrale. Celui-ci est effectivement en vraie difficulté, tant du fait de la diversification ethnique et religieuse que de la généralisation d’un individualisme marqué. La séparation des élèves, ne serait-ce que deux heures par semaine, semble à ces milieux à l’opposé de l’objectif de la reconstruction d’un « Vivre ensemble ».

En fait l’occasion était belle pour ceux qui pensaient de la sorte, mais il faut constater que l’arrêt de la Cour constitutionnelle ne permettait pas le statu quo.

Même si on ne trouve pas d’expression publique de ce point de vue, il est également possible que la perspective de mettre fin au cours de religion musulmane ait réjoui d’aucuns.

Restait cependant un sérieux obstacle, celui posé par l’article 24 de la Constitution qui dispose en son § 1er que « Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu’à la fin de l’obligation scolaire, le choix entre l’enseignement d’une des religions reconnues et celui de la morale non-confessionnelle ».

Insistons sur le fait que le caractère maintenant non-obligatoire de l’enseignement des religions ne vise pas les écoles confessionnelles, qui, en Belgique francophone, regroupent autant d’élèves que les écoles officielles[21].

Le Parlement de la Communauté française vote successivement deux décrets pour s’adapter à la décision de la Cour constitutionnelle ; le premier le 10 août 2016, relatif à la mise en œuvre d’un cours de philosophie et de citoyenneté dans l’enseignement fondamental, le second le 1er septembre 2017 portant sur le même objet dans l’enseignement secondaire. Dans les deux cas, le nouveau dispositif entre en fonction le 1er octobre qui suit l’adoption du décret.

Le Centre d’Action Laïque est plus que favorable au changement, tout comme la Fédération des Amis de la Morale laïque (FAML), ce qui est plus surprenant.

Le nouveau système crée des cours de philosophie et de citoyenneté ouverts à tous.

Sa base est un cours d’une heure hebdomadaire, les cours philosophiques étant réduits à une heure, Constitution oblige. Une seconde heure de philosophie et citoyenneté peut être donnée, si on renonce à l’heure de cours philosophique. Ce dernier système ne fait cependant guère recette pour l’instant : il n’est demandé en 2018-2019 que par 12,2 % des élèves de l’enseignement primaire officiel et 15,3 % des élèves du secondaire de même type, la part des élèves suivant le cours de morale tombant à 21,7 % en primaire et 43,3 %, en secondaire. Mais si on prend les chiffres de fréquentation de l’ensemble des réseaux, on arrive simplement à ce qu’en 2019, 43 650 élèves (en hausse de 6 000) sur 650 000 n’ont plus de cours de religion ni de morale, soit environ 6,7 %[22].

Dès lors, la filière, si imparfaite soit-elle (bien des enseignants de morale non-confessionnelle refusaient de préparer leurs élèves à la Fête de la jeunesse laïque), qui menait les élèves du cours de morale vers la Fête devenait illogique et presqu’impossible vu l’unique heure de morale au maximum.

Une mutation en Fête laïque de la jeunesse, proposée à tout élève terminant au niveau primaire le cours de philosophie et de citoyenneté est dès lors organisée à l’initiative du Centre d’Action Laïque, en plein accord avec la FAML – qui dans plusieurs cas renomme ses associations locales en « (nom de la commune) laïque » ou « Laïcité (nom de la commune) », au lieu de « Amis de la morale laïque de (nom de la commune) ». À Bruxelles, dès 2014, la régionale de Bruxelles du Centre d’Action Laïque, Bruxelles laïque, avait repris les choses en mains sous le nom d’« Impatiences » et dès 2016, elle passait à la Fête laïque de la jeunesse. Sur le plan local, il y a des protestations et, à croire son site, Laïcité Etterbeek n’accepte pas la nouvelle formule et se réserve d’organiser comme avant une Fête de la jeunesse laïque.

Dans l’état actuel des choses, la transformation est tout sauf un succès. Plusieurs articles de presse à propos de différentes régions sont clairs. Ainsi, en province de liège, à Spa le nombre d’élèves participant à la Fête laïque de la jeunesse a baissé 50 % et à Verviers on passe même de 105 à 5 élèves[23].

Le président des Amis de la morale laïque de Verviers, André Lepas, est désabusé et dit crûment le problème : « Nous n’avons pas de personne-relais » et conclut « Je ne vois pas comment améliorer la situation de manière immédiate. Ce qui se passe pour le moment est assez catastrophique pour la laïcité ». Un haut responsable du Centre d’Action Laïque de la province de Liège est moins défaitiste, mais ses propos sont néanmoins révélateurs : « Moi, je n’ai pas l’impression que ça va disparaître » et envisage pour l’avenir « de nouveau un peu plus d’enfants » et argumente que « Ce n’est pas notre objectif de remplir les salles ». De fait, pour l’ensemble de la province de Liège, il y avait d’habitude environ 1 000 élèves participants à la Fête traditionnelle, chiffre tombé à 350 en 2018 et à 250 en 2019[24].

La situation n’est pas différente en Hainaut. Ainsi à Saint-Ghislain, le 12 mai 2019, il y avait 87 enfants à la Fête contre 150 auparavant. Dans la région de Charleroi, on ne compte plus qu’une trentaine d’enfants à la Fête contre une centaine auparavant. La réduction des heures de morale est désignée comme la cause du problème. Les zones rurales semblent moins touchées cependant[25].

Les raisonnements qui ont poussé à maintenir la Fête tout en la transformant ne sont pas véritablement publics et on ne peut savoir si les dirigeants laïques s’attendaient à l’écroulement qui s’est produit. Le mécanisme et son enchaînement ne sont guère fréquents historiquement : ce sont bien les laïques eux-mêmes qui ont œuvré à la quasi-fin du cours de morale. Mais au lieu d’acter que dès lors la Fête n’avait plus de sens, ils ont tenté un remodelage bien difficile. Les raisons qui ont amené au cours de philosophie et citoyenneté ne sont certes pas minces, mais a-t-on bien pesé et annoncé les risques pris à l’égard d’un cours et de son corollaire, la Fête, qui étaient la meilleure manière de faire voir à ceux qui y participaient – et même à ceux qui n’y participaient pas – les valeurs et la présence du mouvement laïque ? N’est-on pas allé fort loin dans le hara-kiri ?

On ne manquera pas de relever que l’attitude du Centre d’Action Laïque peut avoir sa cohérence. En effet en 2017, il modifie dans ses statuts la définition de la laïcité pour ne donner en son article 4 une définition très générale, de type français, axée sur la séparation des Églises et de l’État, alors que la précédente, de 1997, comportait deux axes, l’un politique, accessible à tous, croyants compris, mais aussi un autre, philosophique, explicitement non-confessionnel.

Les réactions connues quant à la régression de la participation à la Fête semblent relever de l’euphémisation laborieuse d’un échec qui ne semblait pas prévu. L’inconscience est parfois plus apparente. Ainsi la régionale du Brabant wallon du Centre d’Action Laïque a demandé à la fin de décembre 2018 aux directions des écoles officielles de la province de pouvoir informer par leur canal les professeurs de philosophie et de citoyenneté de la nouvelle Fête laïque de jeunesse, comme si rien n’était changé par rapport à la situation ancienne et en donnant l’impression qu’en réalité le nouveau cours n’était que le moyen habile de ramener tout le monde au cours de morale non-confessionnelle. Le tollé dans la presse n’a pas manqué[26].

S’il y a au départ cohérence au prix du sacrifice majeur qu’est la disparition à terme souhaitée du cours de morale non-confessionnelle, pour la malheureuse Fête on ne sait la part d’illusion, d’incohérence ou d’indifférence.

Pour ma part je formulerais à l’encontre du processus une objection qui est utilisée depuis longtemps à l’encontre de religions dominantes.

Certes le cours de philosophie et de citoyenneté se veut ouvert et pluraliste, accessible à tous, quelles que soient leurs convictions – mais que va-t-on dire aux adolescents qui refusent le pluralisme démocratique ? Mais rassembler tout le monde, toutes convictions confondues avant même que chacun ait pu étudier et formaliser ses propres convictions, n’est-ce pas une manière d’aboutir à la formation d’une pensée unique, certes des plus molles ? Il n’y aura pas de catéchisme mais un cadre unique, conçu par des pouvoirs.

La diversité est-elle si néfaste ?

Le « Vivre ensemble » est un bel idéal mais faut-il le payer d’un effacement de soi ? Et, une fois encore, on charge l’enseignement de résoudre un problème qu’il n’a pas créé sans qu’il ait donné de bien grand exemple de réussite de ce système, sauf pour l’ignorance, mais c’est son vrai métier.


Notes

  1. C(laudine) Lefèvre et A(nne).M(arie) Muls, Les Fêtes de l’Enfance, Livret concernant l’exposition réalisée au Musée de la Haute Haine à Carnières du 11 octobre 1998 au 31 août 1999. ↑
  2. Au XIXe siècle, les qualifications et dénominations de « libre pensée » ou « rationaliste » sont plus fréquentes que celles de « laïque ». ↑
  3. Els Witte, « Déchristianisation et sécularisation en Belgique », in (sous la direction scientifique d’Hervé Hasquin), Histoire de la Laïcité, Bruxelles, 1979, pp. 159-175. L’ouvrage a été réédité en 1981 par les Éditions de l’ULB et en 1994 par Espace de Libertés Éditions du Centre d’Action Laïque. ↑
  4. John Bartier, « La franc-maçonnerie et les associations laïques en Belgique », Histoire de la Laïcité, pp. 177-200. ↑
  5. Le volume n° 69 (2008) de La Pensée et les Hommes, Les laïques, les rituels et la spiritualité, donne une bonne idée de cette tendance au sein du mouvement laïque. ↑
  6. Aujourd’hui encore on appelle « rituel » le schéma d’organisation de la Fête de la jeunesse laïque. ↑
  7. Pol Defosse, Dictionnaire historique de la laïcité, Bruxelles, 2005, s.v. Cérémonies laïques. ↑
  8. Ibid. ↑
  9. John Bartier, op. cit. ↑
  10. Pol Defosse, op. cit. ↑
  11. 1789-1989, 200 ans de libre pensée en Belgique, Catalogue de l’exposition tenue à Charleroi en 1989, Analyse des documents (IV, La libre pensée en action, document 17). ↑
  12. Lefèvre et Muls, op. cit. ↑
  13. Jeffrey Tyssens, « Les associations de libre pensée pendant l’entre-deux-guerres une période de crise », in 1789-1989 […], op. cit., pp. 43-47 écrit : « La littérature historique sur la libre pensée dans l’entre-deux-guerres est pratiquement inexistante ». La situation ne s’est guère améliorée depuis, malgré les efforts de Jeffrey Tyssens. ↑
  14. Pol Defosse, op. cit. ↑
  15. Jeffrey Tyssens, op. cit. ↑
  16. D’après Caroline Sägesser, « La fréquentation des cours de religion et de morale après l’introduction de l’enseignement de la philosophie et de la citoyenneté », ORELA, Observatoire des Religions et de la Laïcité, 8 avril 2019. ↑
  17. Juliette Bosse, La Fête de la Jeunesse Laïque, un rite de passage autour de la notion de libre-examen, Éduquer, N° 107 (juin 2014), pp. 38-40. ↑
  18. Robert Hamaide, L’affirmation de la laïcité en Belgique, in Histoire de la Laïcité, pp.257-273. ↑
  19. Le Soir du 16 mai 2014. Le chiffre est moins élevé qu’il y a quelques décennies, période où la Fête a rassemblé plus de 2 000 enfants, mais il faut voir qu’au même moment à Bruxelles 43 % des élèves de l’enseignement primaire officiel suivent le cours de religion islamique. ↑
  20. La meilleure description des valeurs laïques pour l’enfance et l’adolescence est donnée par Marcel Voisin, Vivre la laïcité, Éditions de l’Université de Bruxelles, Laïcité, Série « Recherche », 2, 1983 (2e édition). ↑
  21. Éric Burgraff, Le Soir du 2 mai 2019. ↑
  22. Didier Swysen, La Capitale du 9 septembre 2019. ↑
  23. Sudinfo.be, le 5 février 2019 (sous le titre explicite « Les associations laïques attirent moins d’ados à cause du cours de citoyenneté, en région verviétoise ») et La Meuse (édition de Verviers) le 5 février 2019. ↑
  24. Barbara Schaal, rtbf.be, le 14 mai 2019. ↑
  25. Rtbf.be, le 12 mai 2019, « Les fêtes de la jeunesse laïque attirent de moins en moins de monde ». ↑
  26. La Libre Belgique du 14 décembre 2018 et Le Soir du 19 décembre 2018. ↑
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L’anticoncile de Naples (9-18 décembre 1869) vu de Belgique

Posté le 1 août 2020 Par ABA Publié dans Anticléricalisme Laisser un commentaire

Cornélie Mathys

Concile et anticoncile

Depuis 1861, le processus d’unification de l’Italie est en marche, au détriment du pouvoir pluriséculaire de l’Église catholique. Reste Rome comme dernier bastion des États pontificaux, protégée par les troupes impériales de Napoléon III. C’est dans ce contexte de tensions entre le nouveau royaume d’Italie et la papauté que Pie IX annonce l’ouverture du premier concile œcuménique du Vatican. Au programme notamment, la défense de la foi contre les erreurs de la modernité.

Le pape Pie IX avait déjà commis en 1864 une encyclique condamnant les erreurs modernes, Quanta cura, accompagnée d’un syllabus contenant une liste de quatre-vingts propositions de condamnations, parmi lesquelles on retrouve pêle-mêle : panthéisme, idéalisme, fatalisme, scepticisme, cynisme, naturalisme, libéralisme, rationalisme, mais aussi la condamnation du socialisme et des sociétés secrètes.

Dans ce contexte, l’annonce en 1867-1868 de l’ouverture prochaine d’un concile œcuménique fait réagir les milieux libres-penseurs et francs-maçons, qui voient dans le projet de Pie IX une volonté de rasseoir son pouvoir temporel et une radicalisation des dogmes catholiques. Le concile s’ouvrira le 8 décembre 1869, fête de l’Immaculée Conception, et sera interrompu le 20 septembre 1870 lors de l’entrée des troupes du royaume d’Italie dans Rome par la Porta Pia. C’est durant ce concile que sera proclamé le dogme de l’infaillibilité pontificale[1].

Giuseppe Ricciardi (1808-1882), notable napolitain et député à la Chambre, connu à l’époque pour ses discours anticléricaux et son engagement militant pour l’unification italienne, décide dès janvier 1869, de convoquer un anticoncile afin d’opposer aux forces cléricales raison, liberté et progrès. Les invitations officielles sont envoyées aux libres-penseurs et à de nombreux journaux du monde entier dès le 15 mars 1869  ; il est prévu que l’événement se déroule à Naples et débute le même jour que le concile[2].

L’anticoncile aura une courte durée de vie et se verra arrêté par les forces de l’ordre italiennes durant sa deuxième séance officielle, sous prétexte qu’un membre de l’assemblée aurait crié « Mort à l’empereur des Français ». Les discussions se poursuivront néanmoins de façon informelle jusqu’au 18 décembre, avec plusieurs changements au programme initial.

On peut s’étonner qu’un tel événement, avec des adhésions et des soutiens aussi nombreux, ayant réussi à regrouper à Naples entre cinq-cents et sept-cents personnes, dont une centaine d’étrangers, pour s’opposer aux visées temporelles de la papauté, n’ait eu une issue plus favorable. Les sociétés de libres-penseurs du monde entier envoyèrent des représentants, dont quatre sociétés belges en la personne de Victor Arnould, jeune avocat, libre-penseur et franc-maçon.

Le tournant que fut l’année 1870 en Italie et en Europe relégua l’anticoncile aux oubliettes  ; retenu comme un échec, on le retrouve mentionné dans quelques ouvrages spécialisés dans l’histoire de la libre pensée, de la franc-maçonnerie ou dans des ouvrages plus généraux concernant l’histoire de l’Italie moderne. Ricciardi publie pourtant en 1870 tous les documents utiles à la compréhension de ce congrès  ; on y retrouve de très nombreuses lettres d’adhésion, certains discours, la liste des sociétés de libres-penseurs et des loges maçonniques adhérant à l’anticoncile[3].

Dans ce bref exposé, nous tenterons de présenter l’anticoncile au travers des différentes adhésions et désapprobations qu’il reçut des milieux libres-penseurs et francs-maçons. Nous aborderons également son déroulement effectif au travers de sa narration dans la presse belge, ainsi que dans le rapport rédigé par Arnould à son retour en Belgique.

Adhésions à l’anticoncile

D’après la documentation existante, nous pouvons affirmer qu’environ deux cents sociétés de libre pensée ont adhéré à l’anticoncile, et qu’une centaine de représentants étrangers étaient présents. Un délégué d’une société de libre pensée hongroise serait ainsi arrivé en présentant les signatures de quatre-vingt mille libres-penseurs[4]. Les listes publiées par Ricciardi démontrent en effet de l’adhésion de sociétés de libre pensée, de nombreuses loges maçonniques italiennes, d’adhésions individuelles de nombreux hommes, mais aussi de femmes. Parmi les adhésions de personnalités publiques nous citerons, à titre d’exemple, Giuseppe Garibaldi, Victor Hugo, Edgar Quinet, Émile Littré et Jules Michelet.

L’adhérent le plus notable à l’anticoncile est certainement Garibaldi, qui entretient à ce sujet une correspondance soutenue avec Ricciardi durant l’année 1869. Son soutien à l’anticoncile est visible tant dans la presse italienne qu’étrangère. Franc-maçon, il adresse à ses frères une lettre les appelant à soutenir le contre-concile napolitain[5], mais la franc-maçonnerie adopte néanmoins une attitude de retrait envers l’événement.

La franc-maçonnerie française réagit en convoquant un couvent maçonnique à l’été 1869, dont il en sortira un volume d’environ quatre-cents pages invitant à ce que les francs-maçons décident individuellement de leur adhésion à l’anticoncile[6]. Il n’empêche qu’Albert Regnard, militant socialiste français, libre-penseur et franc-maçon, s’y rend en tant que représentant officiel de six loges parisiennes[7].

La franc-maçonnerie italienne, par la voix de Lodovico Frapolli, alors grand maître du Grand Orient d’Italie, estime qu’il vaut mieux laisser les évêques du concile « cuire dans leur propre jus », et invite les francs-maçons italiens à se rendre à l’anticoncile afin d’éviter que celui-ci ne dégénère en « œuvre maléfique de mystification ». Pour Frapolli, il n’y a aucune raison à ce que la franc-maçonnerie italienne donne son concours officiel à l’anticoncile de Ricciardi, estimant que ce serait un échec de la franc-maçonnerie que de se préoccuper de la façon dont le pape, « un chef de secte », dispose de ses fidèles. Le grand maître indique que la franc-maçonnerie a les capacités de se réunir « chez elle » et qu’elle invitera prochainement ses membres à participer à une « action positive et sérieuse »[8]. L’information est répercutée dans la presse belge, qui qualifie la réaction de Frapolli de « plus que froide  ; […] presque hostile », avant de conclure : « En résumé, on sent que le grand-maître de la francmaçonnerie aurait voulu diriger ce mouvement. »[9].

Hormis le rapport rédigé par Arnould à son retour de Naples, qui fut communiqué à tous les membres de la Libre Pensée et que l’on retrouve dans les archives du Grand Orient de Belgique, la franc-maçonnerie belge semble muette au sujet de l’anticoncile. Arnould assiste à l’anticoncile en tant que représentant des Sociétés de Libre Pensée de Bruxelles, d’Anvers et de Liège et de l’Affranchissement de Bruxelles. On peut s’étonner du choix d’envoyer Arnould, avocat de profession, initié à la franc-maçonnerie en 1863, qui avait à peine trente ans en 1869[10]. L’unique mention que nous avons de la présence d’Arnould à l’anticoncile, outre dans le corpus publié par Ricciardi en 1870, est celle d’un correspondant envoyé par L’Indépendance belge qui dit du discours du Belge qu’il « […] affirme que tous les libres penseurs de la Belgique sont républicains. »[11].

Mis à part Arnould et le journaliste de L’Indépendance belge, il ne semble pas y avoir eu d’autres Belges présents à l’anticoncile. Nous notons cependant les adhésions de plusieurs autres Belges ; Ferdinand Eenens, libre-penseur bruxellois, qui envoie une lettre de soutien à Ricciardi en octobre, et lui communique par la même occasion trois exemplaires de sa dernière publication, Le Dieu personnel (1869) ; Nicolas Goffin, alors président de la Libre Pensée de Bruxelles ; Louis Goethals ; et Emanuele Peralta, dont Ricciardi nous dit qu’il est originaire d’Amérique latine, mais établi à Bruxelles où il dirige une feuille espagnole intitulée America latina[12].

L’anticoncile dans la presse belge

Déjà en juillet 1869, Ricciardi se plaignait dans une lettre publiée par le journal Il Popolo d’Italia du manque d’intérêt des journaux italiens envers le futur anticoncile[13]. C’est également l’avis d’Arnould qui dira dans son rapport que la plupart des journaux « […] affectèrent une indifférence qui pour être réelle aurait dû se montrer sous des dehors moins hostiles. ». Arnould impute l’échec de l’anticoncile à la « mollesse » des libres-penseurs dans l’organisation du concile, mais surtout aux journaux – et plus précisément aux journaux italiens – et à l’indifférence de la ville de Naples à l’égard de l’accueil d’un congrès international[14]. Nous nous contenterons d’exposer succinctement le ton adopté pour décrire l’événement dans la presse libérale et catholique de Belgique.

Presse libérale

Dans la presse libérale, on trouve surtout des articles informatifs, par exemple dans L’Avenir des Flandres de Bruges, L’Écho du parlement de Bruxelles ou encore dans La Meuse de Liège. Le journal libéral bruxellois L’Indépendance belge, qui se vend dans une librairie napolitaine[15], envoie pour l’occasion un correspondant à Naples qui nous narre l’anticoncile et ses enjeux en trois articles, sur un ton non dénué d’humour, de culture générale et d’analyses personnelles. Pour le journaliste, sceptique à l’égard de l’anticoncile, « Naples a besoin d’écoles, et surtout elle a besoin d’améliorer son personnel enseignant primaire  ; dotez-la de vingt bourses annuelles pour son école normale et vous aurez plus fait que tous vos discours ne feront jamais pour la destruction des superstitions. »[16].

Il est clair, à la lecture du récit de ce correspondant, que l’organisation de l’événement est bancale et sujette à des changements en cours de route. Par exemple, c’est lors de la deuxième séance seulement qu’il est décidé que les orateurs disposeront d’un quart d’heure chacun pour exposer leurs idées. Par moment il s’étonne aussi des exagérations de certains orateurs, par exemple l’avocat italien Carlo Gambuzzi qui prétend qu’il y a encore des esclaves en Suisse, pays où le correspondant aurait vécu trente ans. Ce même Gambuzzi dont le correspondant dit qu’il « […] a été le premier à se servir de cette appellation : citoyens  ! Il a même dit : citoyennes et citoyens  ! Jusqu’à lui on avait dit : mesdames et messieurs. »[17]. Les articles de ce journaliste sont ainsi ponctués d’observations semblant à première vue anodines, mais qui permettent de rendre un tableau précis du déroulement des séances de l’anticoncile.

Presse catholique

Les critiques de l’anticoncile dans la presse catholique sont partout assez semblables : moqueries du fait que l’événement ait lieu dans un théâtre, comparaison du comportement des libres-penseurs à des comportements religieux, mais parfois aussi de simples insultes[18]. La courte vie de l’anticoncile est du pain béni pour la presse catholique  ; on lit dans le Journal de Bruxelles qu’« À peine réuni, le voilà dissous, et dissous par la (sic) gouvernement dont Garibaldi, son plus illustre patron, a doté l’Italie. Quelle déconvenue  ! quelle ironie  ! et comme la main de Dieu est bien là pour qui sait voir  ! »[19].

On retrouve aussi dans le Journal de Bruxelles un amusant récit de voyage qui contient un passage s’intitulant « Voyage à la recherche d’un lazzarone et de l’Anticoncile »[20]. Le journaliste belge revient d’Égypte par la mer et fait escale à Naples, qu’il arpente accompagné d’un rédacteur du Siècle parisien. Voici in extenso le bref récit de la recherche du lieu de l’anticoncile par les deux compères :

— Signor, dit-il à un facchino, pourriez-vous me dire où siège le contreconcile  ?

Le facchino le regarda en ouvrant de grands yeux et une grande bouche, et ne répondit pas :

— C’est un imbécile, un ignorantin, fit le rédacteur du Siècle. Je vais m’adresser ailleurs.

Il posa successivement la même question, sans plus de succès, à un limonadier, à un cicerone et à un cocher de fiacre. Enfin, à un marchand de macaroni en plein vent, après avoir laborieusement réfléchi et consulté son voisin, poussa le cri d’Archimède en se frappant le front, et se mit à marcher devant nous à grands pas.

— Suivez-moi, signori, je vais vous y conduire  ; c’est tout près d’ici.

— Ah  ! fit le rédacteur du Siècle tout radieux, je savais bien que je finirais par le trouver.

Cependant, le marchand de macaroni, au bout d’une vingtaine de pas, avait pris une petite ruelle, puis une autre, puis une autre encore, et il finit par s’arrêter devant une maison borgne, décorée de lampions et de pancartes, en nous disant d’un air aimable :

— Vous y voilà, signori.

C’était un théâtre de Polichinelle. L’affiche annonçait en grosses lettres rouges : Il Contraconcilio, farce en deux actes avec danses et pétards.

Le rédacteur du Siècle ne jugea pas à propos d’entrer. Évidemment, Polichinelle était affilié aux jésuites.

Outre cet article, où nous voyons que l’anticoncile intéresse peu finalement, la presse catholique se contente surtout de communiquer des articles parus dans les journaux français ou italiens. La presse catholique, seule en Belgique à encore mentionner l’anticoncile début 1870, moque les « efforts impuissants » des libres-penseurs, qui n’ont « fait que mettre en relief la grandeur et la majesté du Concile. »[21].

Organisation et déroulement de l’anticoncile

Dans Le Bien Public du 20 novembre 1869, deux semaines à peine avant l’ouverture de l’anticoncile, est publiée une brève moqueuse annonçant que Ricciardi a essuyé un refus du ministre de l’instruction publique pour disposer d’une salle de l’université. L’événement se tiendra finalement dans le théâtre San Ferdinando, et le journal de commenter : « L’anticoncile établira donc sa tribune dans un théâtre. Il faut convenir que le lieu ne saurait être mieux choisi. »[22].

L’organisation de l’anticoncile ne fut pas chose aisée et la plupart des commentateurs de l’époque, mais aussi les quelques historiens qui l’étudièrent, reviennent tous sur le même point : comment une ville comme Naples, avec ses nombreux palais, ses salles universitaires, ses salles publiques grandioses – et ses églises – eut-elle autant de difficultés à offrir un lieu digne de ce nom à cette réunion internationale  ? Le correspondant de L’Indépendance belge commente le choix du théâtre San Ferdinando en ces termes :

un local excentrique, mais il paraît que c’est le seul dont les promoteurs aient pu disposer dans notre ville, où, vu la nature du régime déchu, il n’y avait guère d’assemblée possible que dans les églises ou les salles de spectacles. Des églises, il n’en fallait naturellement pas parler pour une réunion de cette nature, et quant aux salles de spectacle, la saison théâtrale étant commencée, il a bien fallu se contenter de celle qu’on a pu trouver. Une salle, très-convenable d’ailleurs, mais si malheureusement située, en dehors du rayon de la circulation napolitaine […][23].

L’anticoncile débute le 9 décembre, le lendemain de l’ouverture du concile Vatican à Rome. Le correspondant de L’Indépendance belge s’en étonne, l’annonce de l’événement prévoyant le 8 décembre :

C’est hier que les pères spirituels de la catholicité ont inauguré le concile de Rome. C’est aussi hier que l’anticoncile devait s’ouvrir à Naples  ; la solennité a été remise à aujourd’hui, faute d’un local disponible  ; ce qui, par parenthèse, est assez curieux, puisque l’assemblée était convoquée à jour fixe depuis tantôt neuf mois.[24].

Le Journal de Bruxelles commente aussi ce changement de date :

C’était par un raffinement d’impiété, le choix de ce jour ayant pour but d’insulter à la fois à la Vierge, Mère du Christ, et à l’Église assemblée dans ses assises solennelles. Mais on avait compté sans le directeur du théâtre Saint-Ferdinand, de Naples. Le 8 décembre étant jour férié, ce directeur refusa de livrer sa salle, ne voulant pas sans doute mécontenter le public en le privant du spectacle ordinaire. Force fut donc de renvoyer au lendemain.[25].

Du déroulement en lui-même de l’anticoncile, il y a peu de choses à dire : lecture des adhésions, des lettres de soutien et des discours. La première séance se passa sans heurts, et la seconde débuta le 11 décembre, toujours au théâtre San Ferdinando. Entre cinq-cents et sept-cents personnes sont présentes à ces deux séances. La composition de l’assemblée est variée, on y retrouve bien-sûr des libres-penseurs et des francs-maçons italiens et étrangers, mais aussi des curieux dont, par exemple, le consul des États-Unis[26].

Nous notons aussi la présence de femmes, « de ces dames qui prônent l’émancipation féminine et qu’on rencontre en amazone dans les camps garibaldiens lorsque les chemises rouges entrent en campagne. »[27]. Le correspondant de L’Indépendance belge nous indique qu’elles sont environ une trentaine, et consacre un long passage narrant l’exclusion des femmes lors de l’appel nominal du 9 décembre par Ricciardi, qui s’en excuse le 11 en invoquant « la modestie du sexe aimable »[28].

Lors de la séance du 11 décembre, une communication d’une loge maçonnique française demande « qu’une partie de la salle soit ouverte à un certain nombre d’ouvriers présentant des garanties debonne [sic] conduite. » La proposition est acceptée et le choix des ouvriers réservé au comité organisateur[29].

Peu après cette communication, le français Regnard monte à la tribune pour prononcer son discours dans lequel il invite les hommes du monde entier à se dégager de la servitude catholique, dont le représentant « se fait garder à Rome par les armes de la France, malgré le peuple français. ». C’est ce discours-là, semble-t-il, et les acclamations de la foule qui s’en suivirent, qui mena à ce qu’une personne dans la salle cria « Vive la France républicaine ». Il n’en fallut pas plus pour que le commissaire, présent dans la salle – certainement accompagné de policiers en habits de bourgeois – dissolve la réunion. Le journaliste de L’Indépendance belge nous informe qu’avant l’ouverture de cette deuxième séance, un important détachement d’agents de police avait été posté à proximité du théâtre. Ce dernier ne se retire qu’une fois la foule dissipée, et commente la fin de l’anticoncile en ces termes :

Je ne suis pas pressé de me retirer, je laisse écouler tranquillement l’assistance et j’écoute les propos.

— Un gendarme : Quel dommage  ! ces braves messieurs qui avaient commencé si tranquillement et qui parlent si bien.

— Un patriote : Un arbitraire pareil  ! Pour nous, ce n’est rien, mais en présence d’étrangers et de Français surtout  !

— Un membre du comité : C’est égal, l’effet est produit.

— Quel effet  ? Je ne comprends pas, je ne saisis pas le sens de cet accent de satisfaction. Je m’en tiens à l’appréciation du patriote, et, faut-il vous le dire  ? un peu aussi à celle du gendarme. [30].

Dans son troisième et dernier article relatant l’anticoncile, il nous assure « […] que les foules n’étaient point remuées, encore moins ameutées par ces réunions. L’ordre public n’était troublé en rien, et ne menaçait point de l’être. »[31]. Par la suite, dans la presse relatant les raisons de la fin de l’anticoncile, on lit presque partout que ce serait le cri de « Mort à l’empereur des Français » qui aurait provoqué l’intervention des forces de l’ordre. Pour preuve la dépêche datée du 11 décembre que nous retrouvons dans la presse tant catholique que libérale entre les 12 et 13 décembre, et qui lit : « L’anticoncile a été dissous par les autorités à cause des discours de divers orateurs, disant : « Mort à l’Empereur des Français  ! Vive la France républicaine  !! ». »[32]. Pour le journaliste de L’Indépendance belge, il n’en est rien :

Je vous affirme la parfaite exactitude de mon précédent récit : il n’a pas été poussé d’autre cri, et celui-ci par une seule personne, que : Vive la France républicaine  ! ce qui n’implique pas nécessairement, vous en conviendrez, une invocation à l’assassinat de l’Empereur. Simple avis à vos lecteurs pour qu’ils aient à se mettre en garde contre la véracité des télégrammes.[33].

Le Journal de Bruxelles, d’après un article de l’Unità cattolica, explique que la police avait reçu de Florence, alors capitale du royaume d’Italie, « […] l’ordre de tout permettre à l’anticoncile contre Dieu, l’Église, le Pape, les évêques, mais de ne rien tolérer contre Napoléon III. »[34]. Le Courrier de l’Escaut, journal catholique tournaisien, s’en amuse : « Les niais  ! que ne criaient-ils : Mort au Pape  ! On les aurait laissé faire et il y aurait eu bon nombre de journaux pour les applaudir. »[35].

Les jours suivants, les réunions reprendront dans un contexte très différent. On apprend, dans le rapport rédigé par Arnould, ainsi que dans les documents exposés par Ricciardi et le récit du correspondant de L’Indépendance belge, que les réunions se poursuivirent jusqu’au 18 décembre. Le 12 et le 14 ont lieu deux réunions privées dans le salon de Ricciardi, auxquelles assiste Arnould. L’ordre du jour est de rédiger une protestation commune à faire paraître dans la presse. Le 17 à l’hôtel New York, et le 18 dans un autre hôtel, une soixantaine de personnes se réunit pour rédiger une protestation et une déclaration de principes communes. Arnould quitte Naples le 16 et publie dans son rapport la protestation parue à l’issue des deux dernières réunions. À noter que le journaliste de L’Indépendance belge est présent à ces dernières séances publiques, qu’il relate dans son dernier article concernant l’anticoncile[36].

Conclusion

Il semble que l’échec de l’anticoncile soit à imputer à plusieurs facteurs. Tout d’abord, notons des divergences dans la façon d’aborder le concile œcuménique : les buts présentés à l’annonce de l’anticoncile n’étaient pas bien définis, Arnould parle de « l’absence d’une organisation préalable ». Le choix de la ville de Naples est également pointé du doigt, le symbole étant pourtant fort que d’opposer à la papauté un concile en Italie, « siège du mal », pour reprendre les termes d’Arnould[37].

L’attitude adoptée par la franc-maçonnerie italienne dénigrant ouvertement l’anticoncile de Ricciardi est aussi à noter  ; on en sait d’ailleurs peu sur l’appartenance de Ricciardi à la franc-maçonnerie. Pour le Journal de Bruxelles c’est aussi la figure de Ricciardi qui est en cause, commentée en ces termes à l’annonce de la publication de son corpus sur l’anticoncile :

L’histoire de l’Anticoncile devra donc commencer par l’histoire de l’excentricité de son président, et si Ricciardi veut donner sur ce point une histoire complète, j’estime qu’elle ne sera pas aussi courte qu’il l’annonce. Rien qu’en fouillant les actes officiels du Parlement italien, il trouvera sous son nom une provision de bouffonneries et d’excentricités suffisante pour composer un gros volume.[38].

Ricciardi, qui était plutôt connu comme un personnage original faisant rire les députés de la droite de la Chambre, y avait dit à plusieurs reprises qu’« on ne peut aller à Rome que par le schisme », ce que Le Bien Public commente en mai 1869 de façon presque prémonitoire :

Se figurer qu’en prenant Rome, qu’en tenant le Pape captif, qu’en créant un anti-pape, qu’en essayant de faire un schisme à l’aide de quelques apostats, on parviendra à mettre sous le joug cette immense société religieuse répandue sur toute la terre, est, au seul point de vue humain, une vraie folie.[39]

Au vu des événements qui secouèrent l’Italie en 1870, on peut pourtant se demander si l’anticoncile avorté eut un impact sur la société italienne. On peut supposer que l’anticoncile, « étranglé au berceau, dès ses premiers vagissements »[40], affecta les milieux libres-penseurs de l’époque  ; il serait en effet difficile de croire que les milliers de signataires représentés par les différents délégués italiens et étrangers n’aient pas discuté de l’issue de l’anticoncile dans leurs groupuscules respectifs.

L’anticoncile semble désormais oublié, et pourtant, vers 1970, nous voyons plusieurs publications sur le sujet à l’occasion du centenaire de la prise de Rome, et en 2019, des francs-maçons italiens commémorèrent les cent cinquante ans de l’anticoncile lors d’un colloque sur « La maçonnerie de l’anticoncile au futur »[41].

L’anticoncile fut un congrès assez humble, comme le sont ceux de la libre pensée encore aujourd’hui. Une table servant de tribune au-devant d’une scène, une organisation parfois hasardeuse et des difficultés à s’accorder sur des idées communes au niveau international, tant les réalités sont différentes de part et d’autre. Il n’empêche qu’il s’agit d’un exemple de mobilisation importante de libres-penseurs, et que l’issue de l’anticoncile est assez représentative des dissensions présentes dans la société européenne de l’époque.


Notes

  1. L’infaillibilité pontificale est le dogme proclamant la primauté papale en matière de foi et de morale. Voir la constitution dogmatique Pastor Æternus (1870). ↑
  2. Aristide Rici, Giuseppe Ricciardi e l’Anticoncilio di Napoli del 1869, Napoli, Regina, 1975. ↑
  3. Giuseppe Ricciardi, L’Anticoncilio di Napoli del 1869, Naples, Stab. tip. S. Pietro a Majella, 31, 1870, 320 p. ↑
  4. Concernant le nombre d’adhésions et de participants à l’anticoncile voir le chapitre intitulé « L’Anticoncilio di Napoli » dans Cosimo Ceccuti,, Il Concilio Vaticano I nella stampa italiana (1868-1870), Rome, Éd. Cinque Lune, 1970, pp. 152 et 166. Voir aussi Victor Arnould, L’anti-concile – Rapport présenté par M. V. Arnould aux Sociétés la Libre Pensée de Bruxelles, d’Anvers et de Liège et l’Affranchissement de Bruxelles, dont il a été délégué à Naples, Bruxelles, 1870, p. 8. ↑
  5. Voir la lettre de Garibaldi à la Maçonnerie italienne du 12 octobre 1869. Ricciardi, op. cit., pp. 34-36. ↑
  6. Enquête maçonnique sur la proposition d’un Couvent extraordinaire au 8 décembre 1869. Réponse des Ateliers, Paris, 1869 ; Ceccuti, op. cit., pp. 127-183. ↑
  7. Ricciardi, op. cit., p. 265. ↑
  8. Voir les deux circulaires adressées à la Maçonnerie italienne par le député et Grand Maître Frapolli les 22 septembre et 17 octobre 1869. Ricciardi, op. cit., pp. 34-36 ; Friz, Luigi Polo, La massoneria italiana nel decennio post unitario: Lodovico Frapolli, Milan, Angeli, 1998. ↑
  9. « Nouvelles de l’Étranger », La Meuse, 26 octobre 1869, p. 1. ↑
  10. Pol Defosse, « Arnould Victor (1839-1893) », dans Pol Defosse, et al., Dictionnaire historique de la laïcité en Belgique, Bruxelles, Fondation rationaliste, Éditions Luc Pire, 2005, p. 25 , Gustave Vanzype, « Arnould (Victor) », dans Biographie nationale, t. 30, suppl. t. 2, fasc. 1, 1959, col. 83-84. ↑
  11. « Nouvelles d’Italie. (Correspond. particulière de l’Indépendance). Naples, 9 décembre. L’anticoncile », L’Indépendance belge, 16 décembre 1869, p. 3. ↑
  12. 12 Pol Defosse, « Eenens Ferdinand (1811-1882), dans Defosse, op. cit., p. 109. À propos des autres Belges, nous n’avons malheureusement pas plus d’information. Ricciardi, pp. 193194. ↑
  13. En Belgique, la lettre de Ricciardi au Popolo d’Italia, datée du 30 juin 1869, est publiée en partie dans trois journaux catholiques, Le Bien Public de Gand et le Journal de Bruxelles le 13 juillet 1869, et dans Le Courrier de l’Escaut le 14 juillet 1869. Il Popolo d’Italia (1860-1873) est un journal italien fondé par Giuseppe Mazzini  ; à ne pas confondre avec son homonyme fondé en 1914 par Benito Mussolini. ↑
  14. Arnould, op. cit., pp. 5-6. ↑
  15. L’Indépendance belge est un journal libéral bruxellois qui paraît de 1831 à 1933. À Naples, on le retrouve chez le libraire germano-napolitain Detken, connu pour se procurer des ouvrages et journaux étrangers. ↑
  16. L’Indépendance belge, op. cit., 16 décembre 1869, p. 3. ↑
  17. « Nouvelles d’Italie. (Correspond. particulière de l’Indépendance). Naples, 11 décembre. L’anticoncile », L’Indépendance belge, 18 décembre 1869, p. 2. ↑
  18. Le Journal de Bruxelles qualifie les libres-penseurs de l’anticoncile de « braillards » (12 décembre), le discours de Ricciardi d’« homélie » (19 décembre), et les diverses interventions de « déclamations bouffonnes » (21 décembre). ↑
  19. « Italie », Journal de Bruxelles, 19 décembre 1869, p. 2. ↑
  20. V.F., « Lettres égyptiennes », Journal de Bruxelles, 17 décembre 1869, pp. 1-2. ↑
  21. « État-Pontifical. Correspondance particulière. Rome, 30 décembre. », Journal de Bruxelles, 4 janvier 1870, pp. 2-3. ↑
  22. Le Bien Public, 20 novembre 1869, p. 3. ↑
  23. L’Indépendance belge, op. cit., 16 décembre 1869, p. 3. ↑
  24. Ibid. ↑
  25. « Italie », Journal de Bruxelles, 19 décembre 1869, p. 2. ↑
  26. L’Indépendance belge, op. cit., 16 décembre 1869, p. 3. ↑
  27. « Italie, L’anti-concile », Le Bien Public, 20 décembre 1869, p. 3. ↑
  28. L’Indépendance belge, op. cit., 16 et 18 décembre 1869. ↑
  29. L’Indépendance belge, op. cit., 18 décembre 1869, p. 2. ↑
  30. Ibid. ↑
  31. « Nouvelles d’Italie. (Correspond. particulière de l’Indépendance). Naples, 18 décembre. L’anticoncile », L’Indépendance belge, 24 décembre 1869, pp. 2-3. ↑
  32. L’Étoile belge, 12 décembre 1869  ; Le Bien Public, 12 décembre 1869  ; Journal de Bruxelles, 12 décembre 1869  ; Le Courrier de l’Escaut, 13 décembre 1869  ; Journal de Charleroi, 13 décembre 1869  ; La Meuse, 13 décembre 1869. ↑
  33. L’Indépendance belge, op. cit., 24 décembre 1869, pp. 2-3. ↑
  34. « Italie », Journal de Bruxelles, 20 décembre 1869, p. 3. ↑
  35. « Intérieur. Tournay, 17 déc. 1869. », Courrier de l’Escaut, 18 décembre 1869, p. 1. ↑
  36. Arnould, op. cit., pp. 10-15  ; L’Indépendance belge, op. cit., 24 décembre 1869, pp. 2-3. ↑
  37. Arnould, ibid., p. 7 et 12. ↑
  38. Journal de Bruxelles, op. cit., 4 janvier 1870, pp. 2-3. ↑
  39. Le Bien Public, 23 mai 1869, p. 3. ↑
  40. L’Indépendance belge, op. cit., 24 décembre 1869, pp. 2-3. ↑
  41. « La Massoneria dall’Anticoncilio al futuro: tra contrasti antichi e odierne convergenze », colloque tenu à Naples le 27 avril 2019, organisé par le Cercle Darwin. Notons ici l’intervention de Pierfrancesco del Mercato, intitulée « La massoneria nel XIX secolo e l’Anticoncilio Massonico ». ↑
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Turan Dursun, l’imam turc devenu athée

Posté le 17 décembre 2019 Par ABA Publié dans Athéisme Laisser un commentaire

Bahar Kimyongür

« Pour pouvoir créer un monde plus libre, nous devons briser les tabous, tous les tabous. À commencer par les tabous qui prennent leurs sources dans les religions et la spiritualité. Toute chaîne entravant les libertés doit être brisée ». (Turan Dursun, Préface de Din Bu, Vol. 1)

Au pays d’Atatürk, la laïcité toute relative et fragile du pays a donné naissance à plusieurs générations de citoyens critiques de la religion et ce, malgré le fait que l’islam sunnite y soit érigé en religion d’État et y soit régi par un ministère appelé Diyanet depuis 1924 et malgré aussi le retour en force du religieux dans l’espace public sous l’impulsion du président islamiste Recep Tayyip Erdogan.

Parmi les héritiers, disons philosophiques plutôt que spirituels du fondateur de la République laïque, il est un personnage atypique et méconnu du public européen qui pourtant a marqué de manière durable la société turque.

Son nom est Turan Dursun, un « Salman Rushdie » turc qui, en 1990, s’est sacrifié pour ses idées, quelque deux ans après la sortie des Versets Sataniques (1988).

Turan Dursun est né en 1934 dans une famille chiite duodécimaine (jaafarite) au village de Gümüştepe à Şarkışla en province Sivas, au Centre-est du pays. Lorsqu’il a cinq ans, son père Abdullah installe la famille au village de Tutak en province d’Ararat (« Agri » en turc) où son grand-père possédait des terres. Son père, qui était imam, voulait faire du petit Turan un illustre docteur en islam après des études dans les séminaires chiites de Bassorah ou de Kouffa en Irak.

Turan Dursun écuma les internats religieux et les couvents des confréries dans le sillage de maîtres illustres arabophones. À l’âge de huit ans, il est confié aux mollahs kurdes du village de Kargalik. Les années suivantes, il apprend le circassien grâce à des imams issus de cette minorité originaires du Caucase. Dans un pays où le turc est une langue obligatoire et imposée à tous, le jeune Turan Dursun ne le parle pas et ce, alors que son propre père est ethniquement turc. Il n’apprendra à lire et écrire la langue d’Atatürk que durant son service militaire entre 1955 et 1957.

Quant à sa carrière religieuse, ni l’école publique trop laïque, ni le réseau éducatif lié au ministère des affaires religieuses appelé Diyanet et exclusivement sunnite, ne lui permettaient de parcourir le cursus chiite comme il le désirait. Turan Dursun finit tout de même par suivre des cours de « religions monothéistes » et passa un examen pour devenir mufti, un grade élevé dans la « hiérarchie » sunnite. Il remporta l’examen mais ne put cependant exercer son métier, car il n’avait pas le diplôme de l’école primaire. Étrange parcours que celui de Turan Dursun, un homme studieux, curieux et brillant ayant acquis un niveau universitaire sans jamais avoir été à l’école primaire ni secondaire ! Grâce à des cours par correspondance, il obtint son diplôme de primaire à l’école Mahmut Pacha à Istanbul, ce qui lui permit de devenir mufti et, dans la foulée, de suivre des cours de collège et de lycée.

C’est en tant qu’imam de village à Baltali, en province de Tarse (Sud), que sa carrière théologique débuta réellement. À son retour de l’armée, il devint maître d’école dans des madrasas à Ismailaga et Üçbas en province d’Istanbul. Des théologiens de haut rang suivirent ses cours d’arabe et de science islamique.

Le jeune imam n’était pas uniquement un érudit, un autodidacte et un maître, c’était aussi un humaniste qui, très jeune, se mit au service des plus humbles, sans toujours obtenir leur soutien d’ailleurs, eux qui étaient souvent écrasés sous le poids des traditions sociales et religieuses.

Dans un entretien biographique, il raconte l’histoire du combat qu’il mena pour l’accès à l’eau potable des habitants du village de Hanzar à Sivas :

Un jour, cette source s’épuisa. En installant un système de captage, tout le monde aurait pu profiter de cette eau.

Pour convaincre le préfet, j’ai pris la source en photo, décidé de me rendre auprès de lui. Les villageois n’ont pas osé m’accompagner. Leur inquiétude se résumait à cette réaction : « Qu’en dirait le seigneur ? ».

Le seigneur lui, s’y est bien sûr opposé. Il répondit : « Vous voulez quoi ? Introduire de nouvelles coutumes dans un vieux village? ».

Plus tard, quand j’intégrerai la TRT [la Radio-Télévision de Turquie], « Nouvelle coutumes dans un vieux village » deviendra le nom de ma première émission[1].

En dépit de son titre religieux, Turan Dursun subit à l’époque une véritable chasse aux sorcières. Dans une Turquie fraîchement alignée sur Washington et désormais considérée comme l’avant-poste face au camp soviétique, le maccarthysme fit des ravages dans toutes les strates de la société.

On commença à répandre la rumeur selon laquelle j’étais un communiste. Il est vrai que j’étais un mufti atypique, reconnaît-il.

J’ai été l’un des membres fondateurs des Foyers de la Révolution [une association fondée en 1952 dans le but de promouvoir les valeurs laïques d’Atatürk, NDT] dont Tarık Zafer Tunaya fut le président.

On m’accusa d’avoir reçu 20 000 livres turques de la part de l’Union soviétique. Un inspecteur du ministère des affaires religieuses dénommé Abdullah Güvenç mena l’enquête. Nous n’avions même pas de verre pour lui servir de l’eau. Nous avons dû verser l’eau au moyen d’une aiguière pour lui permettre de boire. C’était gênant[2].

Comme une prophétie autoréalisatrice, à force d’être taxé de communiste, il finit par s’intéresser à la philosophie de Marx.

Lors de mon exil forcé à Türkili en province de Sinop, je louai une cabane en ruines en dehors de la ville. Un enseignant dénommé Ali Şarapçı ainsi que son épouse vinrent à mon aide. Le mari était taxé de « communiste ». Je me disais « Cet homme est tellement bon. Dommage qu’il soit communiste ».

J’ai alors décidé d’étudier le communisme à la source, en lisant. Je demandai à Ali Şarapçı « Ramène-moi quelques-uns de tes livres ». Je lui posais des questions. Je lisais. Comme à l’école. Ma foi n’en fut nullement ébranlée. Je compris surtout qu’il n’y avait rien à craindre [de telles idées]. J’ai davantage appréhendé le communisme comme une science que comme une idéologie à portée sociale »[3].

En 1958, il devint adjoint du mufti de Tekirdağ en province de Thrace. Son salaire étant misérable, il devait en même temps travailler à la billetterie du hamam pour subvenir à ses besoins. Les années suivantes, Turan Dursun fut nommé mufti dans la région d’Ankara et à Sivas, en Anatolie centrale.

Son fils Abit raconte que dans cette dernière province, Turan Dursun ordonna à tous les imams de planter cinquante arbres chacun. Il mit également fin à une vendetta malgré les menaces qu’il encourait[4].

Sa rupture avec l’islam survint en 1965, année charnière dans l’histoire de la Turquie où les idées de gauche se popularisaient dans la classe ouvrière, la paysannerie et parmi la jeunesse notamment. La même année, un parti socialiste au programme radical, le Parti ouvrier de Turquie (Türkiye Isçi Partisi) fait son entrée au Parlement.

Voici comment Turan Dursun explique son évolution vers l’athéisme :

Je me suis tourné vers la science. J’ai fréquenté de grandes bibliothèques. Un jour, j’ai découvert les légendes sumériennes. Le Déluge tel que raconté par les Sumériens figurait dans la Torah et le Coran. « Comment une histoire mythologique pouvait-elle se retrouver dans la Torah et le Coran ? », me suis-je dit. […] J’ai découvert des passages dans la Torah et le Coran qui étaient identiques à certains articles du Code d’Hammourabi. Ces découvertes m’ont littéralement bouleversé[5].

Malgré son apostasie, la télévision publique TRT l’embaucha l’année suivante pour animer des programmes religieux. Une décennie plus tard, Turan Dursun se mit à produire pour la même et unique chaîne du pays des programmes scientifiques comme « L’humanité depuis ses origines ».

En 1977, l’éditeur de gauche Ilhan Erdost publia sa traduction du premier volume des Prolégomènes de l’historien arabe médiéval Ibn Khaldoun. Mais Ilhan Erdost mourut le 7 novembre 1980 sous la torture à la prison de Mamak, à la suite du coup d’État perpétré le 12 septembre 1980 par le général Kenan Evren. Le deuxième tome des Prolégomènes parut finalement en 1989, l’année du départ à la retraite de Turan Dursun.

C’est l’époque où il décida de publier ses études critiques de l’islam.

Il rejoignit alors la rédaction de 2000’e Dogru (« Vers 2000 »), une revue scientifique de qualité mais dirigée par Dogu Perinçek, un leader politique controversé, autrefois délateur de militants de gauche via son quotidien Aydinlik (« Clarté ») aux positions pourtant pro-Pékin et aujourd’hui allié d’Erdogan. Connu en Europe pour son négationnisme concernant le génocide arménien, Perinçek s’efforçait de sauver sa réputation en diffusant les travaux d’auteurs scientifiques reconnus notamment via Kaynak (Ressources), sa maison d’édition.

En réalité, Turan Dursun choisit les éditions Kaynak faute de mieux, car de son propre aveu, la plupart des éditeurs craignaient pour leur vie s’ils venaient à égratigner le dogme islamique.

Pour publier mes écrits, confie-t-il, j’ai dû galérer. J’ai fait du porte-à-porte. Mes efforts ont duré des mois, des années. J’ai sans cesse essuyé des fins de non-recevoir. Même les milieux « progressistes », « éclairés » ont eu peur. Même pour mes articles les plus pondérés, on me répondait : « si on vous publie, on va nous lapider ». Que dis-je ? Certains ont même craint d’avoir leurs locaux détruits à l’explosif. J’ai eu droit aux vieilles rengaines « tacticiennes » auxquelles les politiciens nous ont habitués du genre : « Nous, nous sommes respectueux de la religion. Nous ne voulons pas heurter les sentiments religieux des gens ». Chaque fois que mes écrits ont été refusés, je me suis dit : « Si nous n’envisageons de blesser les sentiments, comment arriverons-nous à combattre les ténèbres ? Peut-on progresser vers la civilisation sans blesser les sentiments ? Comment peut-on atteindre les changements permettant au monde d’être plus beau, plus civilisé, plus humain ? Quelles sont les innovations que l’on a adoptées sans heurter les consciences »[6].

En juin 1990, il annonce dans la préface du premier tome de Din Bu (Voilà la religion), son œuvre maîtresse, la sortie prochaine de Sources des livres sacrés en cinq volumes et une Encyclopédie de l’islam en quatorze volumes.

Dans le premier tome intitulé Dieu et le Coran, il expose les opinions contradictoires prêtées au dieu des musulmans, l’appétit sexuel du « prophète », ses rapports avec ses nombreuses femmes notamment Khadija, Hafsa, Aïcha, Sawda Bint Zam’a et Umm Salama.

En comparant les hadiths dits authentiques avec les passages du Coran « taillés sur mesure », Turan Dursun constate et dénonce notamment la supercherie de l’intervention soudaine et miraculeuse de l’archange Gabriel qui « envoya » à Mohammed le verset 51 de la Sourate appelée « Les Coalisés » (Al Ahzab) pour qu’il puisse coucher avec qui il veut, sans devoir s’en tenir à l’équité entre ses nombreuses femmes et ses esclaves sexuelles. Ce verset du Coran dit ceci :

Tu fais attendre qui tu veux d’entre elles et tu prends vers toi qui tu veux. Et il n’y a dorénavant point de péché pour toi pour que tu reprennes vers toi celles que tu avais laissées.

Pour ses concubines, il était donc inutile d’« attendre son tour ». Le « patron » choisissait de manière aléatoire, selon ses envies du moment.

« Il me semble que ton Seigneur se hâte de satisfaire tes désirs »[7] aurait remarqué Aïcha avec qui le vieux Mohammed eut des rapports sexuels alors qu’elle n’avait que neuf ans.

Le 4 septembre 1990, peu avant la parution du second tome de Din Bu, Turan Dursun est abattu de sept balles devant son domicile par un groupe islamiste.

Grâce à l’éducation laïque portée par les institutions kémalistes, aux courants progressistes hétérodoxes comme l’alévisme et l’alaouisme établis aux plus lointaines frontières de l’islam, aux innombrables partis, syndicats et mouvements sociaux dont fait également partie le mouvement national kurde, mais aussi, et peut-être surtout, grâce à l’œuvre de Turan Dursun, la Turquie est le pays du monde arabo-musulman qui compte le plus grand nombre d’athées et de libres penseurs.

Un Turan Dursun est mort. Des millions de Turan Dursun ont pris la relève.


Notes

  1. Şule Perinçek, Turan Dursun Hayatını Anlatıyor, Kaynak Yayınları, Istanbul 1992, pp. 33-34 (ainsi que pour toutes les autres citations, il s’agit de ma traduction). ↑
  2. Ibid. ↑
  3. Ibid. ↑
  4. Abit Dursun, Babam Turan Dursun, Kaynak Yayınları, Istanbul, 1995, p. 18. ↑
  5. Turan Dursun 29 Yıl Önce Katledildi, dans BirGün, 4 septembre 2019. ↑
  6. Turan Dursun, Din Bu, Vol. 1, Kaynak Yayınları, Istanbul 1990, p. 4. ↑
  7. Sahih Mouslim, hadith 2658, http://www.hadithdujour.com/coran/sahih-mouslim.pdf, p. 153. ↑
Tags : athéisme humanisme Imam islam laïcité libre-pensée Turquie

Isaac Asimov : un humain, humaniste et athée face au futur de l’humanité

Posté le 16 juillet 2017 Par ABA Publié dans Humanisme Laisser un commentaire
Marco Valdo M.I.

Isaac Asimov est un des fondateurs de la SF – la science-fiction, cette littérature qui a introduit le paramètre de la logique scientifique dans l’élaboration d’histoires. La SF s’est autonomisée à partir de la fin des années ‘30 du siècle dernier.

Formé à l’école scientifique (Asimov est docteur en biochimie), il va en transporter la « culture » dans cette littérature et à partir de là, développer une vision totalisante. Ce sera le monde des Fondations, où l’humaine nation et le monde des robots vers l’infini, sont deux mondes coextensifs, qui s’étendent à la galaxie (avant d’aller au-delà) et sur une période de 30 000 ans, dimension qu’on devine purement arbitraire. Une chose est certaine : Asimov voyait grand.

Une telle conception du monde, présupposant des mondes et le substrat évolutionniste des sciences, met à mal toute tentative de fonder une religion quelle qu’elle soit.

Comme dans de précédentes entrevues fictives, un inquisiteur tente de cerner l’athéisme de l’impétrant. On trouvera face à face l’enquêteur Juste Pape et le suspect Isaac Asimov. Les réponses attribuées à Isaac Azimov dans ce texte sont des paraphrases assez fidèles de ce qu’il écrit dans son autobiographie Moi, Azimov (I Azimov – 1994).

Je m’appelle Juste Pape. Je suis l’enquêteur de l’OVRAAR[1] , Œuvre Vaticane de Recherche des Athées et des Anarchistes, en mission spéciale aux États-Unis. Asinovus, c’est bien votre nom ?

Asinovus ? Non, pas vraiment ; moi, c’est Asimov, Isaac Asimov. Je n’ai jamais changé de nom.

Soit, votre nom est Isaac Asimov. Un nom étrange pour un citoyen des États-Unis. Au fait, que dit votre certificat de naissance ? Je n’y comprends rien ; ce sont des caractères… russes, peut-être ?

Moi, c’est Isaac Asimov[2], citoyen des États-Unis depuis l’année 1928. Alors, qu’est-ce que ça peut faire que je sois né à Petrovichi dans l’oblast de Smolensk en Russie en octobre 1919 ou en janvier 1920. Ma date de naissance est incertaine à cause du calendrier russe. Et, qu’est-ce que ça peut faire que le nom acté à ma naissance fut Izaak Ozimov ? Ce qui compte aujourd’hui, c’est mon passeport américain et le nom qui y figure est Isaac Asimov. Point final. Isaac Asimov, le même nom que celui qu’on trouve sur plus de 500 livres et des centaines de nouvelles et d’articles que j’ai écrits et qui ont été publiés dans des dizaines de langues, dans le monde entier[3].

D’accord. Mais dites-moi un peu, n’était-ce pas le pays des Soviets d’où vous êtes venus, vous et vos parents ? J’aimerais savoir pourquoi.

De fait, je suis né en Russie, mais je n’ai aucun souvenir de là-bas ; je ne parle même pas le russe. Ce que je sais, c’est ce que m’ont raconté mes parents. La situation n’était pas bonne au village, c’était le chaos économique et mes parents ne voyaient pas d’issue sur place. C’est mon oncle Berman, le demi-frère de ma mère, qui était arrivé ici à New York auparavant, qui nous a fait venir. Pour ce qui est de notre départ de Russie, nous sommes partis dans de bonnes conditions, on n’a pas fui des persécutions ou des choses du genre. Arrivés ici, on a pu entrer sans problème ; tout était en règle. Au début, mon père a fait toutes sortes de « jobs ». Au bout de trois ans, il a pu rassembler assez d’argent et mes parents ont ouvert à Brooklyn, une sorte de bazar où on vendait des bonbons, des cigarettes, des journaux et des revues. La famille a vécu de ça.

Mais vous, vous étiez, paraît-il, un enfant surdoué.

Je vais vous répondre ce que je réponds à chaque fois : « Mais oui et je le suis toujours. »[4]

Alors, dites-moi un peu : vous êtes professeur ?

Si vous voulez, je suis Docteur en chimie, en biochimie et en effet, j’ai enseigné à l’Université, mais il y a longtemps que je ne le fais plus.

Ah oui, je vois, vous avez quitté l’Université ! Pourquoi ?

J’ai quitté l’université, car si j’avais le tempérament de l’enseignant, je n’avais pas du tout celui du chercheur et on me demandait d’abandonner mes cours pour me consacrer uniquement à la recherche. Et puis, je voulais quitter Boston et revenir à New York. Je ne me sens bien qu’ici à Manhattan.

Alors, je reviens à ma question. De quoi vous vivez, si vous ne travaillez plus à l’Université et que vous restez chez vous ?

J’écris des livres, des nouvelles, des articles et je les vends. Je gagne plus comme écrivain que comme professeur. Notez qu’il m’a fallu bien des années pour en arriver là. L’écriture est un travail de titan et de moine copiste.

Avez-vous eu une éducation religieuse ?

J’ai grandi sans religion et comme vous le voyez, je m’en porte fort bien et ça ne m’a pas empêché de réussir ma vie.

Et quelle langue vous parliez avec vos parents ?

Eh bien, le yiddish, naturellement, car mes parents ne maîtrisaient pas trop bien l’anglais, mais j’écris en anglo-américain, qui est ma langue d’adoption et de communication.

Vous avez admis publiquement que vous êtes incroyant, athée, humaniste ou d’autres convictions du genre. N’avez-vous jamais été interpellé à ce sujet ?

Oh si ! Et souvent même ! J’ai été interpellé à cause de mon « absence de sentiment religieux » ; ça intriguait certains, ça indisposait d’autres. J’ai reçu des lettres de gens qui m’assuraient qu’ils priaient pour moi. Je ne trouvais rien à y redire et je les trouvais fort aimables ; qu’ils en soient remerciés. En revanche, je suis fâché quand je reçois des feuillets vantant les mérites d’une secte qui espère me faire « voir la lumière ». Ces gens-là ne pensent pas un instant que je pourrais avoir des convictions personnelles peu susceptibles d’être ébranlées par ce genre de propagande. J’ai écrit à un de ces fanatiques : « Je suis certainement destiné à aller directement en enfer et à y souffrir éternellement des mille supplices que votre déité ingénieusement sadique peut imaginer. Mais est-il nécessaire que vous m’insultiez ? »

Je vois ici que vous avez contribué à écrire des manuels de biologie pour les enfants en âge scolaire en rassemblant des textes sur l’origine des espèces. Est-ce exact ?

Certainement. Je dois vous dire qu’ils ont été interdits dans divers États et que les troglodytes du Texas qui tenaient à enseigner les sciences exclusivement à la sauce biblique refusèrent de les utiliser. Qu’ai-je fait face à ces conseils d’écoles serviles, face à ces ignares fanatiques qui interdisaient mon livre et qui brimaient ainsi la liberté de la population ? J’ai écrit des articles pour dénoncer le « créationnisme » avec sa foi en un Adam, une Ève, un serpent qui parle et un Déluge planétaire, le tout dans le cadre d’un univers de 6 000 à 10 000 ans, assorti d’une croyance en une origine surnaturelle des espèces vivantes qui postule qu’elles étaient toutes distinctes dès le départ. Comment peut-on postuler un univers d’au maximum 6 000 à 10 000 ans alors qu’on vient encore de découvrir des traces de vie humaine ici en Amérique remontant à des dizaines de milliers d’années ?

Vous connaissez la Bible et les principales conceptions religieuses. Vous avez écrit, me dit-on, des livres à ce sujet.

Je vous confirme, Monsieur Pape, que je connais assez bien les Testaments – l’ancien et le nouveau – qui sont les textes de référence des judaïsmes et des christianismes, ainsi que naturellement des islamismes. Toutes ces croyances s’en sont nourries. J’ai en effet écrit plusieurs livres à leur propos, dont je rappelle les titres :
Le Vocabulaire de la Genèse (1962) et le
Vocabulaire de l’Exode (1963) et un Asimov’s Guide to the Bible (Le Guide Asimov de la Bible) en deux volumes (1967-1969 ; republiés en un volume de 1 300 pages en 1981). C’est vous dire si je connais le sujet. En gros, il s’agissait d’étudier des récits fantasmatiques de populations moyen-orientales d’il y a plus de deux mille ans et je ne pense pas que la science et la raison puissent conforter ces fadaises prophétiques et évangéliques. Je précise que je n’ai jamais cru un instant de ma vie que les textes de la Bible, comme tous les autres textes sacrés, aient pu être dictés par un Dieu, pour la raison que ce dernier n’existe tout simplement pas.

Que pensez-vous de l’enfer et du paradis ?

Ces deux lieux – l’enfer et le paradis – ont été conçus par des gens, croyant en un Dieu, unique et exclusif. Ces gens sont désireux d’être récompensés personnellement et de voir leurs ennemis recevoir un châtiment mémorable. Pour leurs ennemis et les non-croyants, ils ont donc imaginé un séjour post mortem. Cet enfer est un lieu de supplices éternels, un délire de sadique bavant de cruauté. Ils ont aussi imaginé un paradis ; plus exactement, plusieurs enfers et plusieurs paradis, correspondant à leurs multiples Dieux uniques. À l’instar de leur Dieu, ces postulants ont chacun leur paradis de sorte que vous avez le choix. Le paradis est très inconfortable ou en contradiction avec la morale divine et toutes les règles que le croyant est censé respecter. Vous avez le paradis de l’islam avec ses « houris » toujours prêtes à satisfaire les penchants pervers des impétrants, ainsi, ce paradis vu par le prophète est-il un bordel éternel ; les Ases nordiques n’arrêtent pas de banqueter et de se battre : leur Walhalla est un champ clos dans un restaurant perpétuel ; quant aux chrétiens, leur paradis est un pays où les gens ont des ailes et chantent des hymnes sans fin à la gloire de leur Dieu, un monastère peuplé de volatiles beuglants. Je vous retourne la question : « Quel être doté d’une intelligence moyenne supporterait longtemps de tels lieux ? »

Ici, c’est nous qui posons les questions. Je ne vous répondrai donc pas. Finalement, que croyez-vous ?

Ce que je crois, moi, Isaac Asimov ? En fait, je suis athée, je ne crois ni à Dieu, ni à Diable et je pars du principe qu’à ma mort, je retrouverai le néant. Avant ma naissance, l’univers existait déjà et depuis longtemps ; disons quelque quatorze milliards d’années, un monde où il y eut quelque chose qui devint, après des milliards de combinaisons d’errances que soit la nature de ce « je »). Il serait plus simple de se rallier à la légende d’Adam et Ève, mais vous reconnaîtrez évidemment le peu de moralité et l’absurdité de cet inceste perpétuel. Moi, je suis né du néant et même, j’y retournerai, comme vous d’ailleurs.

Dites, vous ne trouvez pas ça désespérant d’être sous ce spectre du néant ?

Vraiment, non ! D’abord, mettons-nous d’accord sur le mot spectre. S’agit-il d’un spectre au sens scientifique ou d’un ectoplasme ?

Dans le cas d’un spectre au sens scientifique, disons un spectre de couleurs, il ne peut exister dans le néant. Quant aux autres spectres, j’attends toujours d’en rencontrer. Vous savez, l’éternité tranquille n’a rien d’effrayant et c’est toujours mieux que de rôtir dans un enfer, de s’ennuyer dans un paradis ou de s’épuiser dans un harem rempli d’érotomanes.

Mais si vous arriviez quand même au ciel ?

Comme auteur de science-fiction, je suis un peu un spécialiste des élucubrations impossibles. Je vais vous révéler deux choses. La première est que j’y suis déjà allé, moi, Asimov, au Paradis. J’y ai croisé un ange à l’entrée. Il m’a dit : « Bonjour, Monsieur Asimov. Je vous attendais. Votre chambre est réservée ». Je lui ai répondu : « Ce n’est pas possible, je suis athée ». « Et alors ? », m’a-t-il dit. « On a nos dossiers sur tout le monde, ici. La chose ne nous avait pas échappée, mais vous pouvez entrer. On a même prévu une machine à écrire, un de ces nouveaux ordinateurs portables – rien à voir avec
Multivac ; vous m’en direz des nouvelles. Dans sa mémoire, qui est gigantesque, il y a tout ce que vous avez écrit. La seule chose qu’on vous demande, c’est d’écrire la suite de Fondation, car ici, on finit par manquer d’idées, surtout après la fin de l’éternité. »

Je sais bien que vous êtes athée, mais juste une supposition, celle que vous soyez un croyant monothéiste ?

Si je prends comme base votre hypothèse : je crois en un Dieu unique, etc., je ne suis donc pas (provisoirement, j’insiste) athée. Il me paraît que je ne pourrais croire qu’en un Dieu intelligent, honnête, juste, qui sachant qu’il m’aurait créé et façonné ma vie, n’aurait pas l’inintelligence de me sanctionner pour ses propres erreurs. Comme il tiendrait ses dossiers à la perfection, on reviendrait à l’histoire avec l’ange. Il me dirait : « Pour vous, c’est OK ; je n’ai plus le temps de penser, ni de créer l’histoire de l’avenir. En tant que Dieu créateur, je m’étais arrêté à la fin de l’éternité. Mais au-delà ? Que faire ? Asimov, mon ami, mon fils, je compte sur vous pour régler ça. »

« À propos », avait-il ajouté, « je m’en fous que vous soyez athée ; je préfère de loin un athée intelligent, correct et sympathique à un croyant pisse-vinaigre et même pas foutu d’admettre que Newton et Darwin avaient raison. Vous me voyez en train de bricoler des milliards de milliards de milliards d’étoiles, de planètes et des milliards de milliards de milliards d’insectes ou de corpuscules sur la seule Terre ? Vous me voyez passer mon temps à espionner les humains jusque dans leur lit ou dans celui des autres. Il me faudrait explorer leurs pensées les plus intimes ; rien que d’y songer, j’en ai la nausée. Croyez-moi, vous en avez de la chance vous, Asimov, de ne pas croire… Moi, je suis obligé de croire en moi, sinon qui le ferait ? Quand même, quelle situation que d’être Dieu ; c’est pas une vie, croyez-moi.

Alors, Monsieur Asimov, après ça, qu’avez-vous conclu ?

Mon pauvre monsieur Pape, de cette confrontation théorique, je n’ai rien pu tirer du tout. Je suis et je reste athée et pour moi, la mort n’est définitivement suivie que d’un éternel sommeil, sans rêve et sans machine à écrire.

Oui, peut-être. Cependant, que pensez-vous de la réincarnation et du Nirvana ?

La réincarnation ? La réincarnation fait partie du grand panthéon des croyances. Elle suppose l’éternel retour ou la polygénésie. La question est de savoir comment on a commencé. En bactérie ? En ion ? En quoi exactement ?

Justement, qui étiez-vous avant ? Ou à l’opposé, qui souhaitez-vous être après la réincarnation ?

En matière de réincarnation, beaucoup s’imaginent avoir été, dans une vie précédente, Jules César, Napoléon ou Don Juan, Shakespeare ou Florio, Colomb ou Cartier, Horn ou Vasco ou Robespierre, Lénine, Mao ou Mahomet ou Hitler, peut-être ? Je n’en sais rien. Cela pour un homme, car pour une femme, on trouverait plus volontiers Cléopâtre, Mata Hari, Mae West, la papesse Jeanne, Mère Teresa ou l’impératrice de Chine, qui connut personnellement le Juge Ti. Toutes ces histoires de réincarnation sont des fumisteries. Si je devais être réincarné, moi, vous, on serait la réincarnation d’un quidam quelconque dont la vie aurait été quelconque, dramatique et pauvre. C’est purement statistique. Il suffit de considérer qu’auparavant, l’écrasante majorité des gens ont connu des vies plus misérables que les nôtres. On aurait pu être une réincarnation de Dolcino ou de Bruno ou d’un gars proche de mes aïeux, un juif biélorusse brûlé vif dans un pogrom. Pour le futur, la réincarnation est aussi problématique. Je n’ai pas de penchant à la transmigration et vous n’ambitionnez pas de vous réveiller en lézard ou en rat d’égout. Considérez d’abord la vie que j’ai eue et qui me paraît réussie et satisfaisante. Comme il faut croire que si cette vie-ci a été bonne, la suivante sera meilleure, je bénéficierai d’une vie meilleure encore. Mais si je me réincarne en une vie meilleure, quelle réincarnation pourrait être meilleure que de me réincarner en Isaac Asimov ? Et la vie suivante ? Ainsi de suite, jusqu’au Nirvana, moment essentiel pour éviter d’être réincarné à nouveau et de devoir vivre dans l’Éternité, dont j’ai d’ailleurs décrit la fin[5]
. L’éternel recommencement ? Très peu pour moi !

Finalement, comment vous définiriez-vous ?

Voyez-vous, Monsieur, depuis toujours, je me définis allègrement comme : « moi, Asimov » ou « moi, Isaac » ou tout simplement, « moi ». Malgré d’intenses efforts pour me penser différemment, je suis persuadé que c’est la seule réponse possible.

Oui, mais Dieu dans tout ça ? Comment vous définiriez-vous par rapport à Dieu ?

Vous me demandez de me définir par rapport à Dieu. Il faut être sérieux et poser la question dans le bon sens. Autrement dit : « Comment définir Dieu par rapport à moi ? ». Et là, j’ai une réponse : Dieu est un épiphénomène inventé par d’autres et qui pour moi, est carrément inexistant.

Mais auriez-vous une définition positive à proposer dans ce cas ?

Je précise que je suis citoyen des États-Unis et que je me réfère à ce qui se fait ou ce qui se dit aux États-Unis. J’insiste, car je sais que c’est quelquefois différent en Europe où les mots humanisme et humaniste font l’objet de détournements assez pervers. Un jour, j’ai appris l’existence d’un mouvement appelé « humanisme ». Ce nom venait de ses fondateurs, qui se considéraient comme humanistes du fait qu’à leurs yeux, la vie des humains appartient aux humains et qu’il appartient aux humains de mener leur vie dans la nature, sans se référer à une quelconque « surnature » ou à une entité « surnaturelle ». J’ai lu le manifeste humaniste, il correspondait à ce que je pensais ; je l’ai signé. Je vous propose donc cette définition positive de la vie de l’homme, à savoir que rien d’extra-humain ne peut contraindre l’homme à renier sa nature et la nature.

Donc vous vous définissez comme « humaniste » ?

Je suis humaniste et athée. Au fil du temps, je suis devenu le président de l’Association Humaniste Américaine, en abrégé AHA.

Quand êtes-vous devenu président de cette association et que représente-t-elle ?

C’était en 1984, l’année George Orwell. Nous les humanistes, nous sommes peu nombreux, du moins ceux qui se reconnaissent officiellement dans cette appellation. Par ailleurs, dans les sociétés contemporaines, beaucoup de gens vivent en humanistes ou aimeraient le faire, mais le conditionnement et la pression sociale les obligent à s’incliner devant la religion. Parmi les membres de l’association, il y a : Linus Pauling (Prix Nobel de chimie, prix Nobel de la paix), Julian Huxley (biologiste, théoricien du transhumanisme), Erich Fromm (psychanalyste humaniste), Benjamin Spock (pédiatre humaniste), Burrhus Frederic Skinner (psychologue, théoricien du comportementalisme), Jonas Edward Salk (médecin, biologiste, inventeur du vaccin contre la poliomyélite), Andreï Sakharov (physicien nucléaire russe, prix Nobel de la Paix), Carl Sagan (astronome, astrophysicien, astrobiologiste). Comme vous voyez, je suis en bonne compagnie.

Pour conclure cet agréable entretien, je vous invite à noter qu’un astéroïde porte mon nom, il s’appelle Asimov 5020 et qu’il existe également un cratère sur la planète Mars[6], qui m’est personnellement dédié. Comme vous pouvez le constater, je me serai donc bien réincarné plusieurs fois.


Notes

  1. OVRAAR : organisme secret à vocation de police politique, dont le nom est un sigle dont le nom de baptême est calqué pour partie sur celui de l’Ovra, dont l’historien Luigi Salvatorelli indique qu’il pourrait signifier : « Opera Volontaria di Repressione Antifascista, appellation ayant la vertu d’en souligner le caractère volontaire et son fonctionnement par la délation, et donc propre à bien faire comprendre aux opposants qu’ils risquaient de buter à tout moment sur quelque agent fasciste volontaire vêtu en bourgeois », et pour la fin sur celui de l’UAAR (Unione degli Atei e Agnostici razionalisti – Union des Athées et Agnostiques rationalistes italiens), gens qu’il s’agit de surveiller et éventuellement, de réprimer. ↑
  2. Isaac Asimov, fils de Judah Asimov et de Anna Rachel Berman. ↑
  3. Seiler Edward, Hatcher, Richard (2014), Just how many books did Asimov write ? (Combien au juste Asimov a-t-il écrit de livres ?) ↑
  4. Isaac Asimov, Moi, Asimov, Denoël, Folio, 2004 (1996), p.16. ↑
  5. Asimov Isaac, La Fin de l’Éternité, Denoël, Folio, 2016 (1967). ↑
  6. USGS Gazeetteer of Planetary Nomenclature, Mars, Asimov, 4 sept. 2012. ↑
Tags : athéisme libre-pensée littérature Science-fiction Sciences

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