«Pas besoin d’un Dieu pour être humain ! » Le Soir – Elodie Blogie Vendredi 4 octobre 2013

Dès aujourd’hui soir et durant tout le week-end, l’Association Belge des Athées organise ses États Généraux de l’Athéisme. Une programmation variée au Théâtre Varia : représentations théâtrales, conférences dans des domaines allant de la Physique à la spiritualité, débats, témoignages…

Alors que les catholiques belges se félicitent de l’arrivée du nouveau Pape (voir notre édition d’hier), ceux-là « blasphèment » tranquillement. Mais c’est surtout publiquement qu’ils aimeraient pouvoir dire haut et fort : «  Dieu n’existe pas  ». C’est la raison pour laquelle l’Association belge des Athées (l’ABA) organise ce week-end des États Généraux de l’Athéisme. Ce groupe qui s’est fédéré il y un peu plus d’un an veut en effet frapper un grand coup pour faire entendre sa voix. Car si, aujourd’hui de plus en plus de gens se disent non croyants, force est de constater qu’ils sont peu nombreux à s’affirmer athées. C’est ce que Johannes Robyn, le président de l’ABA compare avec ironie à «  un végétarien qui mange son steak  ! ». Noël Rixhon, ancien prêtre qui n’a pourtant jamais réellement eu la foi (voir notre témoignage), comprend la difficulté de sauter le pas : «  beaucoup de ces gens qui ne croient à rien ne savent pas qu’ils sont athées… ou ne veulent pas le savoir  ». Pour M. Robyn, «  l’athéisme a eu tellement mauvaise presse au cours des siècles passés qu’on a inventé un autre mot pour ceux qui ne voulaient pas être croyants. Ils se sont fait appeler « agnostiques ». Historiquement, athée, c’est une injure que les croyants envoyaient à la figure des incroyants  ».

Athées contre les clichés

Les Athées n’ont en effet pas toujours eu bonne presse et restent aujourd’hui relativement peu reconnus. Certains stéréotypes leur collent à la peau. Une de ces images peu flatteuses est celle d’un cercle fermé d’intellectuels… «  L’idée de ces états généraux, en les faisant dans un théâtre et non dans une université, c’est justement de faire sortir l’athéisme de ce cercle, de le rendre plus populaire , explique Jean-François Jacobs, secrétaire de l’ABA et metteur en scène. Nous voulons que ce soit accessible à tous, ouvert au plus grand nombre  ».

Un autre reproche régulièrement formulé à l’encontre des athées se situe du côté de la morale. En effet, l’opinion populaire veut que notre morale soit surtout issue de notre culture chrétienne et, de façon générale, de la religion. Noël Rixhon renverse le point de vue : «  les chimpanzés ont déjà une morale, le sens de l’empathie, de la réconciliation. Ils se sont déjà organisés en sociétés. Dès lors, si nous sommes arrivés à une conscience plus développée, nous pouvons de nous-mêmes, nous fixer quelques règles en commun  ». Johannes Robyn va même plus loin : «  s’il fallait un dieu punisseur pour que nous nous comportions correctement nous ne serions pas moraux ! Il n’y a pas besoin de Dieu pour être humain !  » Et Pierre Gillis, physicien membre de l’ABA, d’ajouter : «  Par contre, il faut des humains pour inventer Dieu !  »

« Tout le monde doit pouvoir entendre “Dieu n’existe pas”  »

Mais pourquoi milite-t-on quand on est athée, c’est-à-dire quand, par définition on ne reconnaît aucun Dieu ? Force est de constater que les réels militants sont peu nombreux en Belgique. L’ABA compte 70 affiliés, un millier de membres sur facebook. Comme le reconnaît Jean-françois, «  une fois qu’on est athée, on a répondu à une série de questions métaphysiques et on se concentre sur sa vraie vie : c’est résolu, rangé, classé. Militer pour ça semble bizarre !  » Et pourtant. Si les différents membres du Comité se défendent d’être « contre » les autres religions, ils souhaitent avant tout une société dans laquelle il est autant possible de croire que de ne pas croire. Jean-François s’explique : «  On ne s’attaque pas aux croyants, ce sont les croyances qu’on veut démonter. Nous remarquons que lorsqu’il y a des débats sur la philosophie, la religion, c’est systématique, on invite un catholique, un musulman, un juif et un laïc. Il serait peut-être bon d’y mettre un athée. Car à partir du moment où tout le monde doit être capable d’entendre « si dieu le veut », tout le monde doit aussi pouvoir entendre « ce dieu n’existe pas ». L’un n’est pas plus choquant que l’autre. Il faut qu’un équilibre se fasse… Car aujourd’hui, il n’existe pas !  » Si l’athéisme est censé se distinguer de la laïcité, à partir du moment où cette dernière est avant tout un concept politique de séparation de l’église et de l’état, l’association Belge des Athées s’indigne, elle aussi, : «  Pouvoir et religion sont encore énormément liés aujourd’hui. On aimerait sortir de ce carcan religion-pouvoir. En Belgique, nous avons encore un enseignement catholique subventionné, quand le Pape vient, il est accueilli comme un chef d’état, il va y avoir une délégation politique belge pour les prochaines cérémonies de canonisation, le 21 juillet se fête avec Un Te Deum. Tout cela est d’une hypocrisie crasse ! Il y a toujours un lien entre croyances, traditions et pouvoir, même s’il semble dissolu  ».

Vaste programme donc pour un week-end sous le signe de l’athéisme. Dès ce soir, la pièce de Théâtre « Jean meslier : athée. Profession : Curé » sera jouée à 20 heures au Théâtre Varia. Ce sera également le cas demain soir. Les journées de samedi et de dimanche tourneront autour de conférences, de débats et de témoignages. Enfin, dimanche matin, dans un monologue écrit par Jean-François Jacobs, le curé de campagne Jean Meslier adressera au public le prêche athée qu’il devait sans doute rêver de partager avec ses fidèles en plein 18e siècle !

Informations : www.varia.be et www.athee.info

 

Chemin de croix d’un prêtre athée

Elodie Blogie

Un prêtre athée ! L’histoire du personnage historique Jean Meslier, curé de campagne profondément athée du 18e siècle, qui vous sera contée ce week-end au Théâtre Varia, dans le cadre des États Généraux de l’Athéisme, c’est un peu celle de Noël Rixhon, l’un des administrateurs de l’ABA. L’histoire d’une brebis égarée en quelque sorte… égarée dans le troupeau catholique dans lequel elle est née !

J e suis né dans une famille très catholique, pratiquante, dans un petit village en Ardennes  », raconte Noël. Il s’est fait que, brusquement, sans que je puisse encore l’expliquer aujourd’hui, vers l’âge de 11 ans, je me suis murmuré en moi-même : et s’il n’y avait pas de Dieu  ? Et si tout ce qu’on m’en a dit était faux ?  » C’est le point de départ d’un long questionnement, qui prendra d’ailleurs des chemins que l’on peut trouver surprenants, au premier abord en tout cas. Car la piste que Noël choisira en tout premier lieu pour répondre à cette question, sera de rentrer… dans les ordres ! «  J’ai voulu faire les choses à fond, animé par ce souci de trouver Dieu , explique-t-il. Puisqu’il était si évident pour mes proches, pourquoi ne le serait-il pas pour moi ? Pourquoi ferais-je exception ? Moi-même je pensais être dans l’erreur  » Et le jeune homme d’entrer au séminaire, de le poursuivre non sans heurts, non sans crises, mais de finalement être déclaré « apte » et devenir prêtre. Même sans avoir rencontré Dieu entre-temps. «  Il faut dire aussi que mon intention était de me mettre au service d’autrui de la manière la meilleure possible , raconte Noël. Et je ne voyais pas d’autre façon de le faire. Mon oncle était missionnaire à l’étranger et était la gloire de la famille. Depuis petit, on m’avait inculqué le don de soi, auquel j’y avais rajouté, devenu jeune homme, le rêve de l’aventure  ».

Sorti du séminaire, Noël n’entend donc pas devenir curé de paroisse. Il est affecté à la Communauté de la poudrière, une communauté pluraliste rassemblant des couples, des familles vivant ensemble selon certains idéaux. «  Ça me convenait très bien et j’y ai vécu pendant 10 ans  ». À cette époque, Noël rencontre des infirmières et décide alors de suivre une formation médicale. «  Je suis devenu prêtre infirmier… mais j’étais plus infirmier que prêtre !  » plaisante celui qui est, depuis, devenu un athée convaincu. C’est un petit épisode en apparence insignifiant qui provoque le déclic. Comme infirmier, il assiste au décès d’un patient. Quand il contacte l’épouse du défunt pour lui annoncer la mauvaise nouvelle, celle-ci lui demande si le prêtre est déjà passé pour poser les gestes rituels… Et Noël réalise que ça ne lui a même pas traversé l’esprit ! «  J’ai dû me rendre à l’évidence et me dire : m’enfin, tu n’y crois pas à tout ça, tu n’y as jamais cru !  » C’est alors qu’enfin, il se déclare athée, ce qu’il a en somme toujours été mais «  sans le savoir… et même sans vouloir le savoir  » admet-il : «  Ce manque de foi, je le vivais comme un manque. J’ai finalement découvert que c’était un faux vide  ». Quand il signale la fin de ses fonctions, mais aussi de sa foi, aux autorités religieuses, Noël ne reçoit qu’une seule lettre, envoyée de Rome. Et la réponse fait encore rire et/ou tiquer ses actuels comparses athées : c’est qu’on lui a demandé de se soumettre… à une expertise psychiatrique !