La Confession tranquille de Jean Meslier

Marco Valdo M.I.

Dans cette Confession tranquille, comme dans les précédentes entrevues fictives [1], un Inquisiteur tente de cerner l’athéisme de l’impétrant ; c’est le métier d’Inquisiteur de faire parler les suspectes et les suspects d’hérésie ou pire – « Parlez, parlez, nous avons les moyens de vous faire parler »[2]. On trouve face à l’enquêteur Juste Pape, le suspect Jean Meslier ou Mellier, né à Mazerny (Ardennes) le 15 juin 1664, prêtre et curé d’Étrépigny. Il est connu comme auteur d’un Mémoire aux relents sulfuriques d’un athéisme intransigeant et testamentaire. Pour constituer son dossier, l’Inquisiteur se réfère à l’œuvre de Jean Meslier – essentiellement, à son Mémoire des pensées et des sentiments.[3]

Bonjour, Monsieur Jean Meslier, comment faut-il dire exactement : mon Père, mon Révérend, Monsieur le Curé, que sais-je ? Je suis Juste Pape, enquêteur de l’Ovraar [4] en mission spéciale. Je voudrais tout d’abord m’assurer que vous êtes bien Jean Meslier, ou Mellier, né à Mazerny (Ardennes) le 15 juin 1664 et curé d’Étrépigny dans l’archidiocèse de Reims, y décédé en 1729.

Je vous salue, Monsieur l’Inquisiteur. Appelez-moi Jean Meslier ; c’est comme ça que je suis connu depuis ma mort ; avant, on m’appelait Monsieur le Curé ou plus intimement pour certains, Jean. Enfin, ça dépendait des moments et des circonstances. Surtout, ne m’appelez ni mon Père, ni Monsieur le Curé. Le mieux serait finalement, Monsieur ou Monsieur Meslier ou Meslier, tout simplement. Cependant, je veux préciser que j’ai été quarante ans curés de deux paroisses – celle d’Étrépigny et celle de Balaives, distantes de trois kilomètres entre lesquelles j’ai usé bien des semelles[5]. Même si dans l’état où je suis, ça n’aurait plus d’effet, je voudrais savoir si vous torturez, si vous garrottez, si vous usez encore du bûcher.

Sachez, dit l’Inquisiteur, que ce sont là des méthodes abandonnées depuis un certain temps en ce qui nous concerne, même si dans le monde contemporain, en certains pays non-chrétiens, on les pratique encore au nom de prophètes inspirés par Allah ou d’autres dieux. On y lapide principalement les femmes, mais aussi, les homosexuels et bien sûr, on y tue les athées et même, des chrétiens. Cela dit, je voudrais m’assurer que c’est bien vous l’auteur de cet ouvrage testamentaire prônant l’irréligion à pleins poumons, ce brûlot qu’on agite depuis des siècles contre notre Église et contre Dieu lui-même.

Pour répondre à votre question, Monsieur l’Inquisiteur, je reconnais volontiers être l’auteur de ce Mémoire actuellement recueilli en plusieurs exemplaires de ma main à la Bibliothèque Nationale de France et dont le titre[6] fort long en indique assez bien le but et le contenu. Vous noterez qu’il commence ainsi : Mémoire des pensées et des sentiments de Jean Meslier… D’abord, vous n’y trouverez aucune prétention universelle, ni aucun messianisme. Cela affirmé, j’insiste et je souligne ces deux mots : pensées et sentiments, qui condensent et expliquent toute ma démarche et donnent sens à ma vie. Ce n’était pas par hasard que je les avais placés là. Ils donnent un portrait assez fidèle de l’être vivant – de l’humain, en particulier et de sa vie. Pensées, sentiments, sensations, émotions, ainsi nous sommes faits, ainsi va la vie.

D’abord, Monsieur Meslier, vous avez fait là un grand ouvrage pour dénoncer Dieu, l’Église, etc, mais vous avez été curé quand même. Expliquez-moi ça, dit l’Inquisiteur.

Certes, Monsieur l’Inquisiteur, j’ai été curé et ordonné prêtre catholique, par l’archevêque de Reims encore bien, celui-là même qui couronnait les rois de France et je le suis resté jusqu’au bout. Et dans les Ardennes, un pays dur et souvent, fort froid ; mais c’était le mien et l’un dans l’autre, j’y étais bien. Entre nous, quel autre choix m’était accessible ? D’abord, ce n’était pas une vocation, oh non, je n’ai pas vraiment choisi ; c’est mon père qui a choisi et quand j’étais enfant, il m’a collé au séminaire. Oh, je ne lui en veux pas, certes non. Il n’était pas vraiment riche et il y avait trois filles à doter. Alors, pour m’assurer un avenir, c’était être ou militaire ou religieux. Tueur ou menteur ? Et vous-même, Monsieur l’Inquisiteur, qu’auriez-vous choisi ? Dans le fond, curé, ce n’était pas une si mauvaise idée : un travail assuré, un revenu, un logement, un rôle social et civil, une certaine reconnaissance, une place dans un monde.

Soit, Monsieur Meslier, comment avez-vous concilié curé et athée ?

Mal, je dois le dire, Monsieur l’Inquisiteur ; je supportais assez mal le masque, mais qu’y faire ? Cela dit, on peut être curé et athée ou l’inverse. Moi, c’était plutôt l’inverse. Ce n’est qu’une question de situation. On peut être fonctionnaire ou agent de l’État ou commerçant et anarchiste. L’être humain est plein de contradictions, il vit avec elles ; si vous saviez ce que j’ai entendu en confession ! La femme et l’homme vivent en société ; ils s’y adaptent tant bien que mal, selon le cours des choses et leur état. Ils n’héritent pas toujours d’un premier choix.

Dites-moi, Monsieur Meslier, ce fameux Mémoire, qu’en est-il ?

Comprenez ceci, Monsieur l’Inquisiteur, il m’est impossible et en plus, ça me déplaît de dire en quelques mots un travail d’années de réflexion et dont le résumé occupe à lui seul plus de 350 pages. Si vous voulez, vous pouvez le lire ou, à défaut, consulter diverses intéressantes publications qui y sont consacrées.[7] Ainsi, nous éviterons toutes ces références aux Testaments et à certains pesants philosophes qui m’ont bien embêté quand je passais mes soirées à les contredire ; tout cela est dans le Mémoire… , je ne vais pas le répéter. Tout comme je vous épargnerai ces démonstrations de « l’inexistence de l’inexistant », car ainsi, par cette simple expression, tout est dit à propos de Dieu et de toutes ces choses, qui ne sont qu’inventions et menteries. Pourquoi l’ai-je fait ? En grande partie, pour passer le temps ; on m’avait condamné à des nuits solitaires, il fallait bien les occuper. Je ne vous conterai pas non plus l’invraisemblable récit de ma lente déchristianisation, ni celle de mon incroyance maturant lentement, car il n’en a rien été. En réalité, pour ce qui est de la croyance, autant et aussi loin que je me souvienne de mon enfance, je ne lui ai jamais accordé foi.

Justement, Monsieur Meslier, puisque vous parlez de foi et que vous dites que vous ne l’auriez jamais eue. C’est incroyable.

Eh bien, Monsieur l’Inquisiteur, la foi, je vais vous le dire en toute sincérité. Je n’ai toujours pas compris, après des siècles, à quoi d’autre elle peut correspondre qu’à un sentiment imaginaire, un étrange détour d’un songe. La vie est un songe ? Peut-être pour celui qui sommeille la plupart du temps ou qui s’imbibe de substance distrayante ; moi, j’étais vif et clair d’esprit et de corps et question substance distrayante, j’étais sobre ; du coup, je n’ai jamais été atteint par ces divagations. Enfin, toutes ces histoires de religion et de Dieu m’ennuient profondément. Si on parlait d’autre chose ?

Parlez-moi d’amour, dit l’Inquisiteur, c’est une grande vertu théologale.

Ah, l’amour, vous dites. Toujours l’amour ! Ils n’ont que ça à la bouche : l’amour de Dieu, l’amour du Christ, la mort par amour, mais enfin, tout ça, ce sont des amusettes, des billevesées, des balivernes, des carabistouilles, des fadaises. Certes, l’amour quand ça vous prend, Monsieur l’Inquisiteur, l’amour, ça vous tourneboule les sens et le cœur. L’amour est une grande vertu de la nature. C’est elle qui mène la danse et cet amour a un rôle considérable dans la vie, car il apporte une grande satisfaction et encourage l’existence. Il incite aussi à la reproduction, mais comme curé de campagne, pousser l’amour jusqu’à la paternité, c’était un peu excessif ; alors, on s’arrangeait avec les moyens ancestraux. On ne pouvait pas, comme nos collègues protestants ou anglicans, se marier, avoir des enfants, vivre entourés de sa famille. Strictement interdit ![8] Je vais vous dire, Monsieur l’Inquisiteur, l’amour, je l’ai bien connu et j’en étais satisfait, pleinement. C’était un sentiment, mais fortement planté dans une sensation sensuelle, si vous voyez ce que je veux dire. J’étais bienheureux quand ma cousine ou ma nièce me tenait compagnie. Comme j’avais rué dans les brancards face au seigneur du lieu, le sire de Toully s’en était plaint en haut lieu et on me punit par ce biais en me forçant à vivre en solitaire. On m’avait ainsi fait prisonnier chez moi, mais rassurez-vous, je m’échappais.

Votre nièce, votre cousine, Monsieur Meslier, vous disiez ça, mais l’était-elle vraiment ?

En effet, Monsieur l’Inquisiteur, je disais que c’était ma nièce ou ma cousine ; c’est une façon de parler, une manière de protéger certaine intimité. Dans le fond, c’était peut-être même vrai ; à la campagne, on est tous plus ou moins parents, tous plus ou moins cousins à la mode de Bretagne. Et puis, n’est-on pas tous frères et sœurs ? D’abord, Monsieur l’Inquisiteur, avez-vous l’idée de ce que c’est la solitude du curé de campagne face au temps qui passe ? Quarante ans de solitude à tourner en rond dans son église ? Et puis, il est certaine exigence de la nature qui se contrefiche des interdits divins ou canoniques et qui tient l’homme par certain bout. Le militaire a le bordeau, qui l’accompagne jusqu’en campagne. Bref, je nommais la personne qui me tenait compagnie, qui dans les faits était ma compagne, ma nièce (qui, soit dit en passant, chez certains confrères, pouvait tout autant être un neveu). Pour elle, c’était un bon emploi, plus sûr et plus agréable que fille de ferme ; elle m’avait été présentée par sa mère. Il y avait même de l’amour, alors que dans les étables, je ne vous dis pas. En plus, outre de tenir ma maison, celles qui officiaient chez moi savaient lire, écrire et acquéraient les connaissances nécessaires pour accomplir les tâches profanes de mon ministère.

Oui mais, Monsieur Meslier, on dit que ce n’est pas convenable pour un curé ; il y a l’obligation du célibat.

Le célibat, c’est bien joli, mais officiellement, j’ai toujours été célibataire, je ne me suis jamais marié. Pour le reste, je vous ferais bien une fable à la manière de La Fontaine de l’histoire du curé des villes et du curé des champs. Le curé des villes a toutes les facilités, il est bien aise de trouver chaussure à son pied dans certaines maisons spécialisées, mais il n’en va pas de même pour le curé de campagne. D’abord, tout le monde voit, le surveille et puis, si comme moi, il ne veut pas abuser de certaines de ses ouailles, il lui faut mener une double vie et se bâtir un amour ancillaire. La vie dans les Ardennes est dure ; là-bas, croyez-moi, pour être curé et de deux églises, il faut en avoir, et bien trempé, du courage.

Soit, dit l’Inquisiteur. Cependant, vous auriez pu agir dans la discrétion, aller satisfaire vos penchants en dehors de la cure, en dehors du village, que sais-je ?

Évidemment, j’aurais pu trouver une solution, disons ecclésiastique, et recourir aux services de nos bonnes sœurs. Il y avait bien un couvent dans les environs, auquel je reversais la dîme, mais c’étaient des moines. Et la tendresse ? Vous imaginez : mon enfance au séminaire. Mon père et ma mère m’avaient choisi ce destin. Mais l’affection, la tendresse, la chaleur aimable de la famille, ce n’était pas le père supérieur, ni aucun autre, qui a pu – car je n’ai pas voulu – me câliner. Après ça, quarante ans de curé de village. Je ne pouvais pas, je ne voulais pas user de mes paroissiennes ; alors, j’aurais dû sombrer dans l’ennui sensuel et sentimental ? Pas du tout ! C’était une question de salubrité mentale. Alors, tant que j’ai pu, j’ai partagé ma vie avec une jeune servante. Après il fut trop tard, en rapport à ma santé. La prostate, ça vous achève un homme. Cependant, il faut considérer cette présence féminine sous un autre angle.

Ah, Monsieur Meslier, je voudrais bien savoir ce que vous entendez là.

Eh bien, Monsieur l’Inquisiteur, je vous suggère de voir cette relation du point de vue de la nièce. Pourquoi a-t-elle choisi d’être la compagne du curé ? Pour une personne un peu douée et sensible, c’est le moyen d’échapper à la dure et fruste vie des fermes, de sortir de l’isolement, de trouver un statut social, d’échapper à la misère, d’ avoir une vie relativement confortable, de trouver un milieu un peu instruit et, pourquoi pas, l’amour. Face à la vision lubrique de l’Église, j’opposerais la réalité de ces « femmes de curé » qui complètent utilement le rôle du prêtre. Chez moi, ma nièce était à la fois sage-femme, infirmière, consolatrice, conseillère familiale et féminine, vulgarisatrice, acopleûse[9], aide aux vieillards, impotents et aux mourants (y compris pour leur donner un passage en douceur, telle l’accabadora en Sardaigne[10]). En fait, ces précieuses collaboratrices apportent à la communauté rurale toutes les qualités des sorcières[11] si injustement décriées et persécutées.

À présent, restons-en là. Monsieur Meslier, on vous dit athée. Que faut-il comprendre ?

Monsieur l’Inquisiteur, en vérité, je le suis, athée. Je précise aussi qu’à mon estime, athée est un mot boiteux, qui fonctionne à l’envers de la réalité. Ce mot athée n’est rien d’autre que la définition de l’homme tel qu’en lui-même, de l’homme nu tel qu’il se trouve dans la nature. On naît tous athées. Tout être vivant est athée pour la simple raison que s’il veut un jour croire, il lui faudra inventer un ou plusieurs objets de croyance. Pour croire en des dieux ou un seul Dieu, il lui faut les inventer. Moi, par exemple, je suis né, j’ai vécu, je suis mort sans jamais cesser d’être rien de plus que moi, celui qui était venu ainsi au jour.

Alors, dit l’Inquisiteur, quel est le sens de la vie ?

À dire vrai, la vie n’a pas de sens ; son sens, elle le trace, elle le définit en avançant. On ne connaît la vie de nos ancêtres (humains ou biologiques) que par les traces qu’ils ont laissées. Pourquoi on vit ? Il n’y a pas vraiment de raison ; le seul but de la vie est sa continuation, même pas son agrément ; pour ce qui nous concerne en tant qu’espèce vivante, elle débouche sur cette obstination à se répliquer. En somme, la vie, c’est un bégaiement, un perpétuel recommencement jusqu’à l’arrêt définitif. Il n’y a pas d’échappatoire.

Ah, vous voyez les choses ainsi, dit l’Inquisiteur ; je n’y avais jamais pensé de cette façon. Comment en êtes-vous arrivé là ?

Moi, je suis né Jean Meslier et je le suis resté. Je parle ici comme à moi-même, comme dans un de ces soliloques dialogués où on se fait les questions et les réponses, car on est le seul interlocuteur possible. Avec ou sans la chandelle, les nuits sont parfois longues ; ici, dans les Ardennes, certaines heures sont fort vides ; alors, on les comble de pensée. Mais la pensée est très vagabonde et en plus, souvent, elle cherche à avoir raison, à trouver la raison ultime et elle trouve n’importe quoi. Le piège, c’est d’y croire sans y repenser.

On dirait, Monsieur Meslier, qu’à considérer votre vie sur terre, vous ressentez une certaine amertume.

Non, Monsieur l’Inquisiteur, je n’étais pas triste, ni mélancolique, ni amer pour un sou, n’allez pas confondre colère et aigritude[12]. Face à ce monde de mensonges et d’hypocrisie, j’étais en colère, très en colère. Pour tout vous avouer, face au monde actuel, je le suis encore, car les choses n’ont pas vraiment changé : il y a toujours des riches et des puissants qui imposent leur domination aux pauvres et aux faibles afin d’en tirer richesses et avantages. Toujours cette même morgue, toujours cette même arrogance. Sans compter les ersatz de riches et de puissants qui tentent de les imiter et qui se gonflent le cou comme des dindons. Mais voyez-vous, ma colère, car il s’agit bien d’elle, ne m’a pas empêché de vivre.

La colère, oui, Monsieur Meslier, la colère, on la perçoit très bien, mais le bonheur ?

Oui, Monsieur l’Inquisiteur, certainement, j’ai vécu avec un sentiment de bonheur d’être, d’être là présent au monde, à respirer et penser entre les arbres et les gens et j’aurais volontiers fredonné :

Regardez toujours du côté lumineux de la vie !
Regardez toujours du bon côté de la vie !
(Je veux dire : qu’avez-vous à perdre ?)
(Vous savez, vous venez du néant et vous retournez au néant.)
Qu’est-ce que vous avez perdu ? Néant !)
Regardez toujours du bon côté de la vie ![13].

En clair, on n’a qu’une seule vie, moi, elle me suffisait et je pensais comme Léo Ferré :

On vit, on mange, et puis on meurt,
Vous ne trouvez pas que c’est charmant
Et que ça suffit à notre bonheur
Et à tous nos emmerdements.[14]

Au fait, il me souvient qu’en Italie, Anton Virgilio Savona avait fait une chanson intitulée Il Testamento del parocco Meslier.[15]

On ne dirait pas, Monsieur Meslier, à lire ces écrits qui ont occupé vos dernières années, que vous les ayez passées dans le bonheur.

Là, vous errez, Monsieur l’Inquisiteur ; bien au contraire, j’ai eu la chance, la chance insigne et le bonheur, oui, le bonheur de l’écriture. Entre elle et moi, ce fut une longue aventure amoureuse, ma dernière. C’était comme un beau voyage au goût de moi-même. J’y suis allé, comme on va retrouver une tendre maîtresse jusqu’au dernier soir, le sourire aux lèvres. J’apprivoisais la nuit en la meublant de pensée, de joie et de jouissance. Du reste, si je me souviens bien, j’avais écrit ceci qui me semble conclure heureusement notre entretien de la manière la plus athée qui soit :

Il n’y a plus aucun bien à espérer, ni aucun mal à craindre après la mort ; profitez donc sagement du temps en vivant bien, et en jouissant sobrement, paisiblement et joyeusement, si vous pouvez, des biens de la vie et des fruits de vos travaux car c’est le meilleur parti que vous puissiez prendre, puisque la mort mettant fin à la vie, met également fin à toute connaissance et à tout sentiment de bien et de mal.[16]

Ainsi, Monsieur Meslier, je ne peux que prendre acte de votre athéisme impénitent comme de votre irréductible tranquillité et vous dire À Dieu.


Notes

  1. Carlo Levi, Raoul Vaneigem, Clovis Trouille, Isaac Asimov, Jean-Sébastien Bach, Bernardino Telesio, Mark Twain, Satan, Savinien Cyrano de Bergerac, Michel Bakounine, Dario Fo, Hypatie, Cami, Dieu le Père, Émilie du Châtelet, Percy Byssche Shelley, James Morrow, Denis Diderot, Louise Michel.
  2. Francis Blanche, in Babette s’en va-t-en guerre (1959).
  3. Jean Meslier, Œuvres complètes. Mémoire des pensées et des sentiments de Jean Meslier. Préfaces et notes par Jean Deprun, Roland Desné et Albert Soboul, éd. Anthropos, 1970, XXXII. Cependant, le titre complet, choisi par l’auteur, est « Mémoire des pensées et sentiments de Jean Meslier, prêtre-curé d’Etrépigny et de Balaives, sur une partie des erreurs et des abus de la conduite et du gouvernement des hommes, où l’on voit des démonstrations claires et évidentes de la vanité et de la fausseté de toutes les religions du monde, pour être adressé à ses paroissiens après sa mort et pour leur servir de témoignage de vérité à eux et à tous leurs semblables. ». On lira avec profit la notice que lui consacre Wikipedia : Jean Meslier.
  4. OVRAAR : voir note dans Carlo Levi
  5. Yvon Ancelin, Serge Deruette, Marc Genin, Jean Meslier, curé d’Etrépigny, athée et révolutionnaire, Les Cahiers d’Études Ardennaises N° 19 – Société d’Études Ardennaises 2016 – Réédition de l’ouvrage de 2011,280 pages, photos NB.
  6. cf. supra 3.
  7. Serge Deruette, Lire Jean Meslier, curé et athée révolutionnaire. Introduction au mesliérisme et extraits de son œuvre, Coll. « Opium du peuple », Éditions Aden, Bruxelles, 2008, 415 p. ; Thierry Guilabert, Les aventures véridiques de Jean Meslier (1664-1729) ; curé, athée et révolutionnaire, Éditions libertaires, Saint-Georges d’Oléron, 2010, 244 p. ; Jean-François Jacobs, La bonne parole du curé Meslier, Adaptation du Mémoire de Jean Meslier en un monologue théâtral, Éditions Aden, Bruxelles, 73 p.
  8. Le célibat des prêtres est une décision qui remonterait au Concile d’Elvire qui s’était tenu en l’an 306 a.z. (à partir de zéro).
  9. Acopleûse : en wallon de Liège ou de Hesbaye, désigne l’entremetteuse, la marieuse… L’acopleûse était le titre de l’adaptation en wallon par Marcel Hicter de La Célestine – La Celestina, o Tragicomedia de Calisto y Melibea de Fernando de Rojas (1499) – jouée la première fois en 1964, avec Jenny d’Inverno dans le rôle de Célestine. Voir notamment, Marcel Hicter, Cahiers Jeb, 1/83, Bruxelles, 1983, p. 411.
  10. Accabadora : en Sardaigne, le mot désigne une femme chargée (clandestinement) d’aider à la fin de vie ; littéralement, l’accabadora est « la finisseuse ». Voir à ce sujet le roman de Michela Murgia, L’accabadora, traduction Nathalie Bauer, Le Seuil, Paris, 2011, 216 p.
  11. Sur le rôle bénéfique de la sorcière, voir Carlo Levi, Le Christ s’est arrêté à Éboli, édition italienne originale 1945, traduction Jeanne Modigliani, Gallimard, 1977, Folio, 148 p.
  12. Aigritude : le mot existait dans le français médical sous la forme « égritude » ; ici, il s’agit de décrire un « état », caractérisé par une ambiance aigre, une amertume. On aurait pu utiliser tout aussi bien son quasi-synonyme « amaritude ».
  13. Eric Idle, Paroles et musique : Eric Idle, version française – Regardez toujours du côté lumineux de la vie ! – Marco Valdo M.I. – 2012 d’une chanson anglaise – Always Look On The Bright Side Of Life, in The Life of Brian – Monty Python – 1979
  14. Léo Ferré, Y en a marre, 1967.
  15. Lucien Lane, L’Athéisme dans la Chanson italienne, NL 9, Aba, Bruxelles, 2015 et L’Athée, n°3, ABA éditions, Bruxelles, 2016, p. 177.
  16. Jean Meslier, cf. supra 3, Avant-propos, p. 41.